Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Diane

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 131-133).

LXIV[1]

DIANE[2]


Ô vierge de la chasse, ô quel que soit ton nom,
Salut, reine des nuits, blanche sœur d’Apollon,
Salut, Trivie, Hécate, ou Cynthie, ou Lucine,
Lune, Phœbé, Diane, Artémis ou Dyctyne,
Qui gouvernes les bois, les îles, les étangs,
Et les ports, et les monts et leurs noirs habitants !

Callim. Span[3].


Viens, soit que, retenant ton écharpe mobile,
Tu presses d’un taureau le flanc large et docile,
Soit qu’en longue tunique, une torche à la main,
D’un cerf aux cornes d’or tu diriges le frein.

Je verrai, descendus dans les bruyants vallons,
Diane et son cortège errer au pied des monts ;
La dépouille des lynx est leur riche parure ;
Leur sein jeune et brillant fuit hors de leur ceinture ;


Les plis de leurs habits ne gênent point leurs pas
Et laissent découverts leurs genoux délicats ;
Là s’arrêtent en foule auprès d’une fontaine,
Anticlée et Procris, Aréthuse et Cyrène,
Vierges comme Diane et qui vont dans les bois[4]
Sur les loups dévorants épuiser leurs carquois.
Je les verrai, déesse, avec leurs doigts faciles,
Dételer de ton char tes cerfs aux flancs agiles,
Détacher le frein d’or trempé de leurs sueurs,
Caresser leur poitrine et les nourrir de fleurs.
Mais si le doux ruisseau roulant des ondes claires
Vous invite à quitter vos tuniques légères,
Déesse, je fuirai ; car ton chaste courroux
Est terrible et mortel. Je fuirai loin de vous,
De peur qu’à te venger ta meute toute prête
Ne voie un bois rameux s’élever sur ma tête.


Callim. in Dian., εἰς Ἄρτεμιν, hymne iii.
Analecta de Brunck, t. I, p. 431.


Quand d’Alphée avec elle ou du frais Érymanthe,
Des nymphes de sa suite une troupe brillante,
D’un jeune chœur dansant vient égayer les bois,
Son épaule divine agite son carquois ;
La plus belle du chœur, quoique toutes soient belles,
Elle marche, et son front s’élève au-dessus d’elles.

Latone la contemple. À cet aspect divin,
Un orgueil maternel vient chatouiller son sein.


De Callimaque in D.


Tel, lorsque, n’ayant plus de traits dans son carquois,
Diane se repose et dort au sein d’un bois,
Haletant sur ses pas, son jeune chien fidèle,
L’œil sur elle attaché, vient s’asseoir auprès d’elle ;
Muet, l’oreille droite, il attend son réveil ;
Et si la chaste reine, au milieu du sommeil,
Laisse vers lui tomber une main nonchalante,
Il y va promener sa langue caressante.

  1. Éd. G. de Chénier.
  2. C’est un titre que nous ajoutons pour relier ces fragments.
  3. C’est-à-dire Spanheim, notes sur Callimaque.
  4. Le manuscrit porte cette variante, qui était la première pensée de l’auteur :

    D’autres vierges encor qui viennent dans les bois.
    (G. de Chénier.)