Dictionnaire de Trévoux/1re édition, 1704/Tome 1-1

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Jésuites de Trévoux
Trévoux (1-1p. _-23).
DICTIONNAIRE
UNIVERSEL
FRANÇOIS ET LATIN,
CONTENANT
LA SIGNIFICATION ET LA DEFINITION
Tant des mots de l'une & de l’autre langue , avec leurs differens usages,
Que les termes propres de chaque Estat & de chaque Profession :
LA DESCRIPTION
De toutes les Choses Naturelles & Artificielles ; leurs figures, leurs especes,
leurs usages, & leurs proprietez :
L'EXPLICATION
De tout ce que renferment les Sciences & les Arts, soit Liberaux ou Mechaniques.
AVEC DES REMARQUES D'ERUDITION ET DE CRITIQUE
Le tout tiré des plus excellents Auteurs, des meilleurs Lexicographes, Etymologistes & Glossaires, qui ont paru jusqu'icy en différentes langues.
Imprimé par ordre de S. A. S. Monseigneur
PRINCE SOUVERAIN DE DOMBES.
TOME PREMIER.
A TREVOUX,
Chez ESTIENNE GANEAU Libraire de Paris,
& Directeur de l'Imprimerie de S. A. S.
__________


M. DCCIV.
AVEC APPROBATIONS, ET PRIVILEGE DV PRINCE.


MONSEIGNEUR


PRINCE SOUVERAIN


DE DOMBES.



ONSEIGNEUR,




Le Livre que j'ay l'honneur de presenter à Vostre Altesse Serenissime, luy appartient par tant de titres qu'elle peut en quelque sorte le regarder comme son Ouvrage. C'est elle qui en a conçû le dessein, c'est par ses ordres qu'il a esté entrepris, c'est sur le plan qu'elle a bien voulu en tracer elle-même, qu'on s'est réglé dans l'execution ; & l'on s'est fait une loy d'autant plus inviolable de s'y assujettir & de le suivre, qu'on a crû que c'estoit le plus sûr moyen de conduire l'Ouvrage à sa perfection.

Ce seroit, Monseigneur, luy dérober une partie de son prix, que de laisser ignorer au Public la part que vous avez bien voulu y prendre. On ne pourra s'empêcher d'en concevoir une idée avantageuse, quand on sçaura qu'il a esté fait, non-seulement sous les auspices, mais même si je l'ose dire, sous la direction d'un Prince si judicieux & si habile : & d'ailleurs il y va de la gloire des belles Lettres, que tout le monde sçache que vous ne vous contentez de vous interesser à leur avancement, & à leur progrès, par la protection & l'appuy que vous leur donnez, mais que vous daignez encore y contribuer de vos soins & de vos lumieres.

C'est cette circonstance, Monseigneur, qui donne un nouveau lustre à la faveur dont vous honorez les beaux Arts. Elle fait voir que si vous les protegez, ce n'est point simplement, parce qu'il est beau & glorieux à un grand Prince de les prendre sous sa protection ; mais bien plus encore, parce que vous en connoissez toutes les beautez, & que vous en estes véritablement touché. Cette affection leur fait d'autant plus d'honneur, qu'elle est plus éclairée, & il y a lieu de juger qu'elle sera d'autant plus constante, qu'elle n'est point dans Votre Altesse Serenissime l'effet de la prévention ou du caprice ; mais le fruit d'un discernement délicat, & de ce goût exquis que vous avez reçû de la nature pour toutes choses, & en particulier pour les belles Lettres.

Il n'est pas surprenant, Monseigneur, après les soins que vous vous estes donné dés vos plus tendres années pour le cultiver, que vous l'ayez porté à ce point de perfection où nous le voyons, & qui vous met en état de donner des regles pour la conduite des Ouvrages les plus vastes & les plus difficiles. On diroit qu'à mesure qu'il s'est perfectionné, il n'a fait que fortifier & qu'augmenter dans Vostre Altesse Serenissime cette inclination heureuse qu'elle a toûjours êuë pour les Sciences, sans que le tumulte de la Guerre & les Emplois éclatans que vous y avez exercez durant plusieurs années, ayent pû la rallentir. Il semble même, Monseigneur, que vous l’ayez communiquée à l’illustre Princesse que le Ciel vous a donnée pour Epouse, & qui a comme vous un goût infini pour les Ouvrages d’esprit. Non seulement elle sçait porter un jugement sûr de ceux qui luy tombent entre les mains, mais elle en fait elle-même qui peuvent servir de modele. Personne ne pense d’une maniere plus juste ni plus fine ; personne ne donne un air plus nouveau, ni un tour plus heureux à ses pensées ; personne ne s’exprime avec plus de vivacité ni plus de noblesse : enfin, Monseigneur, on sent dans ces petites Pieces qui luy échappent quelquefois, & qui luy coûtent si peu, un caractere aisé, libre & naturel où l'Art ne peut gueres atteindre, & où le genie seul semble avoir part. On ne peut douter, Monseigneur, qu'une si grande conformité d’inclination entre cette illustre Princesse & Vostre Altesse Serenissime, ne donne un nouvel agrément aux liens qui vous attachent l’un l’autre, & ne contribuë beaucoup a cette union charmante, qui en faisant vostre bonheur reciproque, donne tant de consolation au grand Roy qui vous a unis ensemble.

Que manquoit-il, Monseigneur, pour vostre entiere satisfaction dans l’amour que vous avez pour les belles Lettres, que d’avoir auprés de vous des Personnes capables de seconder une si heureuse inclination ? Elle estoit trop forte, pour ne point s’étendre jusques sur ceux qui se distinguoient en ce genre par leurs talens & la beauté de leur genie. Aussi est-ce sans doute, Monseigneur, ce qui a engagé Vostre Altesse Serenissime à rassembler au tour de sa Personne tant de sçavans hommes, en les y attachant par des emplois honorables qu’ils ne doivent ni à la brigue ni à la faveur, mais uniquement à l’attention singuliere que vous avez à découvrir le merite, & au plaisir que vous vous faites de l’illustrer par vos bienfaits. Vous avez trouvé par-là, Monseigneur, le secret de former dans l’enceinte de vostre Palais une espece d'Academie domestique toute composée de personnes d'élite, & parmy lesquelles l'Academie Françoise, l'Academie Royale des Sciences, & l'Academie des Inscriptions & des Medailles comptent des plus distinguez de leurs sujets. C'est par leur moyen, Monseigneur, que vous entrez, autant que vostre Dignité le peut souffrir, dans une espece de societé & de commerce avec ces differentes Compagnies dont ils sont membres. Ils se font un plaisir autant qu'un devoir, de rendre compte à Vostre Altesse Serenissime de ce qui s'y passe, & ils se croyent bien récompensez de leurs soins par les connoissances & les lumieres que vous leur communiquez : ils trouvent sans sortir d'auprés de vous, tous les secours necessaires pour se perfectionner chacun dans le genre d'estude vers lequel il se sent plus d'inclination ; une Biblioteque fournie de Livres rares & curieux, toutes sortes d'instrumens pour les experiences de Physique, & les observations de l'Astronomie, un riche Cabinet de Medailles antiques pour l'éclaircissement de l'Histoire ; vous estes l'ame & le Chef de tout ce qu'ils sont, & de tout ce qu'ils entreprennent, & ils sont sûrs de l'approbation des Connoisseurs, lorsqu'ils ont merité la vostre.

Qui croiroit Monseigneur, qu'un Prince si appliqué à remplir tous les devoirs des Charges importantes que l'Etat luy a confiées, trouvât encore du loisir pour des occupations qu'on ne regarde d'ordinaire que comme un amusement de gens oisifs & débarrassez de toutes affaires ? Mais quand on a l'étenduë d'esprit que vous avez, Monseigneur, on trouve l'art de suffire à tout, & d'allier ensemble les occupations qui paroissent les plus disproportionnées. A considerer le bel ordre qui regne à present dans l'Arcenal, & la maniere dont l'Artillerie est entretenuë & servie ; à voir en quel estat est aujourd'huy l'Infanterie Suisse, en qui l'honneur d'avoir à sa teste un Prince si digne de la commander semble redoubler ce courage, cette fidelité & cette affection avec laquelle cette Nation belliqueuse a de tout temps si bien servi la France ; on dîroit que ces grands emplois emportent toute vostre attention & tous vos soins. Cependant, Monseigneur, sans rien leur dérober de ceux que vous leur devez, vous trouvez encore des momens pour vaquer aux Sciences. Vostre Altesse Serenissime sçait se partager entre son devoir & son inclination, si pourtant il est permis de separer ces deux choses dans un Prince dont la plus forte inclination a toujours esté pour son devoir. Ce n'est qu'aprés avoir satisfait à vos obligations essentielles, que vous vous pressez, pour ainsi dire, à l'estude ; elle est pour vous un délassement agréable qui vous tient lieu de ces plaisirs vains & dangereux, dont vous avez toujours êu un entier éloignement.

Une conduite si sage & si reguliere ne pouvoit manquer de plaire infiniment au grand Prince à qui vous avez toujours eu tant de cœur de plaire en toutes choses : il y reconnoist avec un sensible plaisir les fruits heureux de l'éducation qu'il a pris soin de vous donner luy-même ; & le contentement qu'il en reçoit, augmente de jour en jour cette tendresse extreme qu'il a toujours êuë pour vous. Quelle consolation, Monseigneur, pour un Roy qui donne de si grands exemples de pieté & de vertu à tout son Royaume, & qui fait avec tant de gloire éclater dans toute l'Europe son zele pour la Religion, de voir que les Personnes qui luy sont aussi cheres que Vostre Altesse Serenissime, s'attachent à l'imiter comme vous faites, dans les vertus qui sont le plus selon son cœur !

C'est à son exemple, Monseigneur, que non content d'édifier le monde chrestien par la regularité de vostre conduite, vous portez encore vostre zele jusques dans le monde idolâtre ; & que par les liberalitez que vous y répandez, vous contribuez, de la maniere que vostre état & vostre rang vous le permettent, a l'établissement de la Religion chez les Infideles.

Des vûës si pleines de Christianisme ne surprennent point dans un Prince qui se fait, comme vous, une estude de sa Religion, & qui employe un temps considerahle à la lecture des saints Peres. Tout cela,Monseigneur, ne donne-t-il pas lieu de présumer qu'il entre beaucoup de religion dans l'ardeur que vous témoignez à faire fleurir les belles Lettres ; & n'est-on pas bien fondé à croire, que si vous vous y interessez avec tant de zele, c'est principalement dans la persuasion où vous estes, que rien n'est d'un plus grand secours pour le maintien & l'augmentation de la Foy ?

Ce doit estre pour moy, Monseigneur, un nouveau motif de redoubler mon application & mes soins à seconder vos intentions de ce costé-là autant que j'en suis capable ; & je crois ne pouvoir mieux répondre à l'honneur que m'a fait à l'honneur que m'a fait à l'honneur que m'a fait Vostre Altesse Serenissime, lorsqu'elle m'a chargé de la direction de son Imprimerie, qu'en m'efforçant de la rendre plus utile au Public qu'il se pourra faire, par des Ouvrages sçavans & dignes de la curiosité de ceux qui ont quelque gout pour les belles Lettres. C'est dans cette idée, Monseigneur, que j'ay d'abord entrepris sous vos auspices les Memoires pour l'Histoire des Sciences & des beaux Arts ; & ils ont esté jusqu'à present si-bien reçûs en France & dans les Pays étrangers, que Vostre Altesse Serenissime a paru en avoir beaucoup de satisfaction. J'ose esperer, Monseigneur, que le nouvel Ouvrage que je porens la liberté de vous presenter,, n'aura pas un sort moins favorable : du moins n'a-t-on rien épargné pourle rendre le plus parfait en son genre qu'il estoit possible, & pour le mettre en état de paroistre dignempent sous le nom & sous l'autorité de Vostre Altesse Serenissime. Pour moy, Monseigneur, je me tiendray trop récompensé de mon travail, s'il a le bonheur de vous agréer, & si vous voulez bien le regarder comme une marque du zele que j'ay à remplir tous mes devoirs dans l'employ dont il vous a plû m'honorer, & du profond respect avec lequel je seray toute ma vie,


MONSEIGNEUR,
DE VOSTRE ALTESSE SERENISSIME,
Le très-humble & très-obéissant serviteur
Estienne Ganeau


PRÉFACE.


Oomme il n’y a point d’Ouvrage qui soit d’une utilité plus étenduë & plus universelle qu’un Dictionnaire, on ne doit point être surpris qu’après ceux qui ont paru jusqu’ici, on en donne encore un nouveau. C’est un bien & un avantage pour le Public, qu’on s’attache à perfectionner de plus en plus cette partie de la Litterature qui en fait comme le fondement, & qu’on lui fournisse toujours de nouveaux secours pour écrire avec toute l’exactitude & toute la pureté que demande un siecle aussi poli & aussi délicat que le nôtre, sur tout en matiere de Langue, où aujourd’huy on ne pardonne rien.

Quelque habile qu’on puisse être de ce côté-là, & quelque usage que l’on ait, il est difficile qu’on ne soit quelquefois en doute sur un terme, sur une maniere de parler, sur la veritable signification d’un mot, sur les divers sens qu’il peut avoir, sur la maniere de le placer : il y a sur cela tant de varieté, & si on l’ose dire, tant de bisarrerie dans notre Langue, aussi bien que dans toutes les autres, qu’on s’y trouve surpris tous les jours, & qu’on n’ose décider soy-même, sans se mettre en danger de se tromper. C’est pour cela qu’il n’y a point de Livre si correctement écrit, où l’on ne trouve toûjours quelque chose à reprendre. On voit des Auteurs qui ne craignent point de hazarder, sur leur réputation, des expressions de génie, dont le brillant & le tour hardi impose quelquefois, mais qui n’étant point encore reçûës ni autorisées, ne doivent point servir de modèle. D’autres, à force de s’être rendu familieres certaines façons de parler, se sont imaginé qu’elles étoient en usage, parce qu’ils s’y sont habituez, & qu’ils s’en sont fait un usage eux-mêmes. La connoissance des Langues sçavantes ou étrangeres est encore un écueil pour plusieurs, qui, confondant ces idées différentes, transportent souvent dans leur Langue naturelle des tours & des manieres de s’exprimer, qui ne sont propres que dans les Langues qu’ils ont apprises, & parlent souvent Latin, ou Italien en François. Enfin, ceux mêmes qui se sont le plus attachés à écrire puremement, & qui en font en quelque sorte leur capital, ne sauroient être si exacts, qu’ils ne donnent prise quelquefois à la critique, & cela faute d’avoir une règle sûre qu’ils puissent consulter, & sur laquelle il y ait lieu de faire fond. On a beau dire que c’est l’usage qui doit servir de regle dans les Langues vivantes, & qu’il vaut mieux que tous les Dictionnaires du monde ; cela est vrai, mais l’embarras est de connoître cet usage, & de sçavoir discerner le bon du mauvais. Dans toutes les contestations qui arrivent en cette matiere, chacun croit avoir l’usage de son côté, chacun le cite pour soi avec la même assurance. Ainsi l’autorité de l’usage, quelque décisive qu’elle soit en fait de Langue, ne décidera jamais rien, tant que cet usage demeurera vague & indéterminé. Le point est donc de le fixer, & c’est ce que fait un Dictionnaire, & ce qui en montre la nécessité.

Or l’autorité de ces sortes d’Ouvrages, qu’on peut appeller Classiques, peut être fondée ou sur l’habileté de ceux qui les composent, ou sur la réputation & le mérite des Auteurs qui y sont cites, & qu’on y prend en quelque maniere pour regle : ce qui fait comme deux espèces différentes de Dictionnaires. Celui de l’Académie Françoise est de la premiere espèce, & ceux de Richelet, de Furetiere, &c. sont de la seconde ; tous sont excellens en leur genre ; cependant les Auteurs des Dictionnaires de cette seconde espèce n’étant que de simples particuliers, n’avoient point, quelque éclairez qu’ils pussent être, assez d’autorité pour décider de leur chef. Ils se sont donc vûs obligés par là d’emprunter des Ouvrages d’autruy une autorité qu’ils ne pouvoient se donner d’eux-mêmes, & d’appeller en témoignage nos plus savans Ecrivains, sur les choses qu’il leur falloit décider. L’Academie au contraire faisant un Corps de personnes qu’on a crû les mieux versées dans la Langue, & se trouvant chargée en particulier de la composition d’un Dictionnaire, ne pouvoit avec honneur en user autrement qu’elle a fait. Ce qu’on demandoit d’elle dans cet Ouvrage, n’estoit point de rapporter les sentimens des autres sur les difficultez de la Langue & sur l’usage, mais de déclarer les siens. En effet, s’il n’eust esté question que de citer les Auteurs qui ont écrit avec succés & dont l’autorité pouvoit estre de quelque poids, il n’eust pas esté necessaire d’assembler tant d’habiles gens & de les occuper durant tant d’années à un Ouvrage, qu’un simple particulier avec quelque érudition & quelque usage de la Langue eust pû achever en beaucoup moins de temps, ainsi que l’experience l’a fait assez voir. D’ailleurs, comme une partie de nos meilleurs Ecrivains estoient membres de l’Academie, ils auraient souvent esté obligez de se citer eux-mêmes, ce qui n’eust pas esté dans la bienseance, & ce qu’ils n’auroient pû faire sans blesser cette modestie qui convient si bien aux Auteurs. Il n’estoit pas même, ce semble, de l’honneur de l’Academie d’en citer qui ne fussent pas de son Corps, puisque c’eust esté en quelque sorte soûmettre son autorité à une autorité étrangere qu’elle estoit en droit de regarder comme inferieure à la sienne. C’a donc esté pour elle une nécessité de ne citer jamais, comme c’en a esté une pour les autres de citer toûjours. On doit regarder en cela l’Academie comme une Cour souveraine qui a droit de donner des Arrêts sans estre obligée d’en rendre compte ; au lieu que les autres ne peuvent estre considerez que comme des Avocats qu’on consulte & qui ne font foy qu’autant qu’ils sont fondez sur de bonnes raisons ou sur des témoignages certains. De dire maintenant laquelle de ces deux forces d’autoritez doit l’emporter, c’est ce qui n’est pas aisé. Ceux qui sont pour le Dictionnaire de l’Academie pretendent qu’il y a plus de sûreté à suivre ses décisions, en ce qu’ayant esté faites aprés de mûres & de longues deliberations durant plusieurs années, & aprés une discussion exacte de toutes les difficultez qui pouvoient se rencontrer, il n’est point probable que des personnes si habiles, en si grand nombre, de caractere & de profession si differente, se soient trompez dans une matiere où ils apportoient toutes les precautions imaginables pour ne se point tromper ; au lieu que les divers Auteurs qu’on cite dans les autres Dictionnaires, n’ayant bien souvent employé un terme dans leurs écrits, que parce qu’il se presentoit & qu’il leur paroissoit bon sans autre examen, il est à présumer qu’ils ont pû aisément s’y méprendre. D’un autre côté, ceux qui sont pour les Dictionnaires appuyez sur l’autorité de ces derniers, soûtiennent que les témoignages qu’on tire de leurs Livres sont d’autant moins suspects, que les Auteurs s’accordent ensemble sans s’estre communiqué leurs sentimens, & qu’ayant écrit chacun à part, ils n’ont pas laissé de convenir dans la maniere de s’exprimer. C’est cette conformité qui paroît plus considerable à bien des gens, que la décision de tout un Corps quelque illustre & quelque éclairé qu·il soit, en ce qu’il arrive souvent dans ces sortes de deliberations que l’autorité d’un seul entraîne les suffrages de tous les autres.

Quoy qu’il en foit, il semble que le Public penche un peu plus du costé de ceux qui citent, que du costé de ceux qui ne citent pas, moins peut estre par raison que par une certaine malignité, & par un effet de cet orgueil si naturel à l’esprit humain, qui n’aime pas à estre maitrisé, & qui souffre impatiemment qu’on veuille prendre empire sur luy, & agir souverainement à son égard, en luy imposant des loix absoluës sans luy en faire connoistre les motifs & les raisons. Cette espece de soumission aveugle qu’il croit qu’on exige de luy a quelque chose qui le choque & qui le revolte ; & il est au contraire flatté agreablement par la déference & le ménagement que font paroistre pour ses lumieres ceux qui n’avancent rien sans l’appuyer de preuves solides & de bons témoignages. Il aime à estre instruit, mais il n’aime pas qu’on luy fasse des leçons, & il presume qu’on luy en veut faire, lorsque sans citer, on semble luy prescrire d’autorité qu’il faut parler de telle ou telle maniere, ou qu’on ne doit pas se servir de telle ou telle expression ; au lieu que ceux qui citent semblent moins luy prescrire comment il faut parler, que luy apprendre comment ont parlé les plus celebres Auteurs. Il se figure que les premiers veulent luy imposer une espece d’obligation & de necessité de se rendre à leurs décisions ; & c’est ce qui ne luy plaist pas. Il s’imagine au contraire que les seconds ne font que luy exposer les sentimens & l’usage des meilleurs Ecrivains, en luy laissant la liberté de s’y conformer, s’il le juge à propos ; & c’est ce qui flatte sa vanité. Enfin, il regarde les uns comme des Juges superieurs qui donnent des Arrêts, & qui veulent qu’on s’y soumette sans autre discussion ; au lieu qu’il considere les autres comme des amis éclairez, qui déliberent avec luy, si l’on peut user de telle expression, sur la foy & sur l’autorité de tels & tels Auteurs qui en ont usé ; ce n’est point une loi qu’on luy fait ; c’est un avis qu’on luy propose ; c’est un conseil qu’on luy donne, & auquel il se rend d’autant plus volontiers, qu’il semble le faire avec moins de contrainte.

On ne prétend point se faire icy un mérite auprès du Public, d’avoir suivi cette derniere méthode dans le nouveau Dictionnaire qu’on luy présente, puisque, comme je l’ai remarqué, on n’a pû se dispenser de la suivre ; mais si l’on a lieu de se promettre quelque faveur auprès de luy, c’est uniquement sur le soin & l’application qu’on a apporté à rendre cet Ouvrage plus complet, plus étendu & plus correct qu’aucun de ceux qui ont paru jusqu’icy en ce genre. Ce qu’on en dit, au reste, n’est point pour diminuer en rien la gloire de ceux qui ont travaillé aux autres Dictionnaires ; ils sont tous très-louables dans ce qu’ils ont fait, & très-excusables dans ce qui leur a échapé. Il n’est presque pas possible de finir absolument ces sortes d’Ouvrages. Si nous avons esté plus loin que les autres, nous ne nous flattons pas pour cela que personne ne puisse aller plus loin que nous ; mais je ne crois pas qu’on trouve à redire que nous croyions estre approchez de plus près que les autres, de ce point de perfection que tous se proposent, & où il est difficile de parvenir. Ceux qui viennent les derniers, ont un grand avantage sur ceux qui les ont precedé, en ce qu’ils peuvent profiter de leurs lumieres, quelque différence qu’il y ait dans la méthode qu’on suit, & dans la maniere d’exposer les choses. Car, quoy-qu’on travaille sur le même fond, on ne suit pas toujours la même route, & l’on ne se tient pas toujours dans les mêmes bornes ; & si l’on convient pour le principal, on ne convient pas quelquefois pour le détail, & pour le tour & l’explication. C’est ce qui fait que cette multiplicité de Dictionnaires, loin d’estre onéreuse au Public, luy est au contraire d’un grand avantage & d’un grand secours, en ce qu’elle luy fournit de nouvelles autoritez, & qu’en confrontant ensemble ces Livres différens, on n’a point de peine à se rendre sur les point dont ils conviennent. Que s’il s’en trouve sur lesquels ils ne soient pas d’accord, on peut peser leurs raisons & leurs autoritez, & l’on se voit en état d’en juger par soy-même, & de prendre le parti qu’on juge le meilleur, tout bien considéré.

Ce qu’on peut dire en général de ce nouveau Dictionnaire, c’est qu’il n’y en a peut-estre point qui porte avec plus de justice le titre de Dictionnaire Universel. Car quoy-qu’on se soit attaché à exposer de la maniere la plus précise & la plus courte qu’on a pû, tout ce qui est renfermé sous ce titre, cependant il est certain qu’il embrasse universellement tout ce qui a quelque rapport à la Langue, & qu’il n’exclut que les faits purement historiques. Ainsi, quoy-qu’on n’ait point fait une longue énumeration de toutes les Sciences & de tous les Arts, dont ce Dictionnaire explique les notions & les termes, on conçoit aisément qu’ils sont tous compris sous ce titre général de tout ce que renferment les Sciences & les Arts, soit liberaux, soit mecaniques.

On y trouvera en effet tout ce qui regarde la Philosophie & chacune de ses parties, comme la Logique, la Métaphysique, la Physique, & tout ce qui peut servir à l’explication des experiences, par le moyen desquelles on a si fort perfectionné cette derniere science dans le siecle passé. J’en dis de même de la Théologie, des Mathematiques, de la Médecine, de la Jurisprudence, & de tous les Arts, sans m’étendre plus au long sur chacun en particulier, & sur tout ce qui les regarde, dont le détail ne serviroit qu’à charger inutilement une Preface, sans que le Lecteur s’en trouvast plus instruit. D’ailleurs, comme les autres Dictionnaires, qui se donnent pour Universels, promettent à peu près la même chose, & que celuy-cy ne peut avoir d’autre avantage sur eux de ce costé-là, que celuy de les surpasser en effet par une plus grande exactitude, j’aime mieux me retrancher à ce qu’il y a de particulier, & à ce qui le distingue essentiellement des autres, & pour la matiere & pour la forme.

Je dirai donc d’abord que ce qui fait proprement son caractère distinctif, & ce qu’il n’a de commun avec aucun autre Dictionnaire Universel, c’est qu’il est François & Latin ; voilà ce qui fait en partie son mérite particulier, & ce qui le rendoit en quelque sorte necessaire. Je sçai qu’on pourra dire, que n’étant question principalement que d’un Dictionnaire de la Langue Françoise, & le Latin ne s’y trouvant, pour ainsi parler, que comme accessoire, on ne voit pas qu’il y eust grande raison de le joindre au François ; mais, outre qu’il est d’un grand agrément & d’un grand secours, de trouver en même temps, & d’un même coup d’œil, le mot Latin & le mot François qui se répondent, on ne peut disconvenir que le mot Latin ne serve beaucoup à l’intelligence parfaite du mot François, non-seulement pour les Etrangers, mais encore pour les Naturels mêmes ; de sorte qu’à bien prendre les choses, ce n’est point sortir des termes d’un Dictionnaire de la Langue Françoise, que d’y joindre les secours d’une autre Langue, qui, toute étrangere qu’elle y paroisse, y a tant de rapport pour les mots & pour les tours, & est si propre à faire prendre une idée claire & juste du François même. Ce sont comme deux images différentes, qui loin de se nuire ou de se détruire, s’entraident au contraire l’une l’autre, & concourent en quelque sorte, à former dans l’esprit une notion distincte des objets qu’elles représentent. Il est vrai que cela est tout-à-fait inutile pour ceux qui n’entendent point le Latin ; mais ceux-là en seront quittes pour s’en tenir précisément au François, qu’ils trouveront aussi clairement expliqué, & aussi nettement développé que si on ne s’estoit rien proposé de plus. A l’égard de ceux qui ont l’usage de la Langue Latine, ils ne seront point fachez de voir le rapport & la liaison qu’il y a entre ces deux Langues, & de reconnoistre les mots François qui tirent leur origine du Latin. Pour ce qui est des Etrangers, il est évident que rien ne sauroit estre d’une plus grande utilité pour eux dans l’étude qu’ils font de notre Langue, & que rien n’est plus propre à leur faire pénétrer la force & le vrai sens des mots François. Car en premier lieu, si l’explication d’un mot n’est qu’en François, ceux qui ne sçavent point encore notre Langue, & qui l’apprennent, n’entendront pas mieux l’explication du terme qu’ils cherchent, que ce terme même, & souvent pour un mot seul qui les arrêtoit, en trouvant, dans l’exposition qu’en fait le Dictionnaire, deux ou trois mots qu’ils ignorent, leur recherche ne fait qu’augmenter leur embarras. De plus, quelque peine qu’on puisse prendre à leur bien déterminer la véritable signification, & les usages différens d’un terme de notre Langue, le mot Latin qu’ils y trouveront joint immédiatement, servira plus à leur en donner une idée bien nette, que toutes les leçons & toutes les explications du monde. En effet, ayant, comme on peut le supposer de la plupart de ceux qui manient les Dictionnaires, assez de connoissance de la Langue Latine, ils concevront tout d’abord la force & l’énergie d’un mot François, quand ils verront qu’il signifie précisément la même chose que le terme Latin qui le suit, & dont ils pénètrent le sens : au lieu que sans cela, il n’y aura qu’un long usage qui puisse les aguerrir, pour ainsi dire, en cette matiere. Parlez à un Etranger, par exemple, d’une avance de deniers pour un payement, ou une entreprise, il ne comprendra jamais mieux ce qu’on entend par-là, que quand il lira dans son Dictionnaire, que ce n’est autre chose que ce qu’on appelle en Latin, Repræsentatio pecuniæ. J’en dis autant des différens usages d’un mot. Car, pour ne point m’écarter de celuy que je viens de rapporter, on ne fera jamais mieux concevoir à un Etranger, en combien de manieres se peut prendre le terme d’avancer, qu’en luy marquant qu’il signifie, tantôt ce qu’on entend en Latin par procedere, tantôt ce qu’on entend par extare, prominere, ou par crescere, maturescere, &c. C’est pour cela qu’on ne s’est pas contenté de mettre le mot principal en Latin, mais qu’on y a joint encore tous ceux qui en dépendent, comme en étant les principales parties ou les proprietez. Ainsi, sur le mot de Cheval, on ne s’en est pas tenu au mot Latin Equus ; on y a encore ajouté en Latin comme en François, les différentes especes de chevaux, soit pour la couleur, soit pour la taille, comme on peut aisément le vérifier, & sur ce mot en particulier, dont il n’est pas besoin de faire un plus long extrait, & sur tous les autres en général. C’est aussi dans la vûë de l’utilité qu’on peut tirer de ces deux Langues ainsi rapprochées & comparées l’une avec l’autre, que Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc du Maine, a souhaitté qu’à l’instar du Dictionnaire de la Crusca, on fîst aussi un Dictionnaire Latin & François pour répondre à celuy-cy qui est François & Latin, & qui par-là est d’autant plus utile qu’on y trouve en quelque sorte deux dictionnaires en un seul, & qu’il peut également servir à composer en Latin et en François.

Une seconde chose particuliere à ce Dictionnaire, & qui en relève infiniment le prix au jugement de plusieurs Savans Hommes qui en avoient vû des morceaux avant qu’il fust entièrement imprimé ; c’est qu’on y trouve ce qui n’est non seulement dans aucun autre Dictionnaire, mais même dans aucun autre Livre, je veux dire, une explication très-curieuse & très-nette de toutes les sectes différentes en fait de Religion. Comme ces mots transférez d’une Langue étrangere dans la nostre, en font maintenant une partie, on n’a pû s’empêcher de les mettre en leur place ; & il eust esté inutile de les y mettre, si l’on n’eust donné en même temps une explication assez ample pour faire connoistre toute la force & l’étendue de leur signification. En effet, si l’on se fust contenté, pour tout commentaire au mot de Caraïte, de dire que c’est un nom de Sectaires parmi les Juifs, le Lecteur n’en seroit guère plus avancé, & ne sauroit point en quoy ils différeroient des autres Sectaires de cette Religion, tels que les Sadducéens, les Samaritains, &c. Il a donc fallu luy apprendre en même temps ce que cette secte avoit de particulier, & ce qui la distinguoit des autres. C’est pour cela qu’on en a marqué l’origine, en montrant, sur l’autorité d’un fameux Rabbin, qu’elle vient du mot de Caraï, mot dérivé de Kara ou Cara, qui signifie en Hebreu Lyre, & d’où se forme Micrah, qui veut dire le pur texte de la Bible, & Karaï ou Caraï, celuy qui s’attache uniquement à ce texte, nom que l’on a donné à ces Sectaires, parce qu’ils rejettoient toutes les interprétations, paraphrases, & constitutions des Rabbins, qu’ils regardoient comme des rêveries, voulant qu’on s’en tînt précisément au texte & à la lettre. On fait remarquer que cette secte subsiste encore aujourd’hui, & qu’il y a des Caraïtes en Pologne, à Constantinople, au Caire & en d’autres endroits du Levant ; qu’ils ont des synagogues, des cérémonies, des coutumes particulieres, & qu’ils se regardent comme les seuls vrais observateurs de la Loi de Moïse. On parle de l’opposition extrême qui est entre eux & les autres Juifs, qu’on nomme Rabanistes : on releve en passant les erreurs où quelques Ecrivains sont tombez à l’égard de ces Sectaires, en leur attribuant des opinions qu’on montre qu’ils n’avoient pas, comme de dire, qu’ils n’admettoient que le Pentateuque, ne reconnoissant point pour canoniques les autres Livres de l’ancien Testament ; qu’ils rejettoient absolument toutes sortes de Traditions, & qu’ils estoient Sadducéens. Enfin, on apporte quelques exemples qui font voir de quelle maniere ils s’y prenoient pour réfuter les constitutions du Talmud, s’appuyant principalement sur ce principe, qu’il falloit rejetter toutes celles qui n’estoient point conformes à l’Ecriture, ou qui n’en estoient point tirées par des conséquences manifestes & necessaires. Je me suis un peu étendu sur cet article que j’ay pris au hazard & sans choix, c’est afin qu’on pust juger de tous les autres par celuy-là. Car si l’on veut se donner la peine de les examiner, on trouvera qu’ils sont tous traitez avec le même soin & la même exactitude.

Au reste, si l’on a eu tant d’exactitude à expliquer les différentes sectes des Religions étrangeres, on en a encore plus apporté sur ce qui regarde les sectes particulieres qui partagent la Religion Chrétienne, & les heresies diverses qui en sont sorties ; mais on a pris soin de n’y faire paroistre aucune partialité. On s’est contenté d’exposer les opinions sur lesquelles elles sont fondées, & cela d’une maniere simple, & qui ne sortît point des bornes d’un Dictionnaire, où l’on ne doit toucher ces matieres, qu’autant qu’elles sont du ressort de la Grammaire, & que les termes qui leur sont particuliers font partie de la Langue. C’est aux Théologiens à réfuter les erreurs, & à établir les véritez sur lesquelles est appuyée la véritable Religion ; il suffit au Grammairien d’expliquer nettement les termes dont on est obligé d’user, en traitant ces sortes de questions, & de donner des notions claires de ces partis différens, qui se sont élevez contre l’Eglise. C’est tout ce qu’on peut exiger de luy, & il sortiroit de son caractère, s’il poussoit l’érudition plus loin. On n’attend point de luy qu’il s’érige en Controversiste, mais qu’il mette les Controversistes en état de se rendre intelligibles les uns aux autres, dans les démeslez de Religion qu’ils ont ensemble. En un mot, sa jurisdiction est resserrée precisément dans les mots & dans les termes de la Langue, & elle ne s’étend point jusqu’aux choses, dont il ne luy est permis de parler qu’autant que cela est necessaire, pour l’intelligence des mots mêmes, qui font proprement l’objet qu’il doit se proposer, & la matiere où doit se renfermer son érudition & sa critique. Il a le champ libre de ce costé-là, & il ne peut même se dispenser de discuter exactement les difficultez de Grammaire qu’il rencontre quelquefois en son chemin. C’est à quoy on a tâché de satisfaire dans ce Dictionnaire, où, quand on est tombé sur des termes dont tout le monde ne convient pas, par rapport à la force & à l’étenduë de leur signification, & qui ont donné lieu à des contestations entre des Auteurs célèbres, jusqu’à rendre la chose problématique, on a crû devoir quelque explication sur ces points là, afin de mettre le Lecteur à portée de prendre son party. On en trouvera un exemple sur le mot de Commerce, qu’un sçavant Critique avoit trouvé mauvais qu’on eust employé en bonne part dans la traduction du nouveau Testament, qui a paru depuis quelques années. L’Auteur qui, de l’aveu public, estoit un des hommes du monde qui entendoit le mieux nostre Langue, & celuy, peut-estre, qui l’avoit étudiée le plus à fond, s’estoit servi du mot de commerce, pour traduire ces paroles de l’Ecriture, au sujet de Joseph & de Marie, antequam convenissent ([1]), en les rendant ainsi, sans qu’auparavant ils eussent eu commerce ensemble. Il avoit esté relevé sur cela ; & c’est ce qui a donné lieu de s’étendre un peu en tombant sur ce mot, où l’on vérifie par plusieurs exemples, qu’il est de soy indifférent au bien & au mal, & qu’il n’y a que le terme qu’on y joint, ou la matiere dont il s’agit, qui le détermine à un bon ou à un mauvais sens. On en a usé de la même maniere à l’égard des mots qui souffroient de semblables difficultez. Il y auroit encore beaucoup d’autres choses à dire à l’avantage de ce Dictionnaire, mais ausquelles on ne s’arreste pas, pour ne point faire cette Preface trop longue. Ce qu’on y a exposé suffit pour faire concevoir l’utilité du Livre, & pour convaincre qu’on n’y a rien omis de ce qui estoit necessaire pour le rendre tres-instructif.

A l’égard de l’orthographe, on a suivi une methode particuliere, qu’on espere qui ne sera pas desapprouvée. Ce point n’estoit pas un des moins embarrassans à cause de la diversité des sentimens qu’il y a en cette matière entre plusieurs bons Auteurs, sur tout pour ce qui regarde les lettres qui ne se prononcent pas. Car c’est une chose étrange qu’avec tous les soins qu’on se donne depuis si long-temps pour perfectionner, & pour fixer nostre Langue, on n’ait pû encore établir une uniformité parfaite sur cet article. Les uns pretendent qu’il faut écrire comme on parle, & supprimer sur le papier les lettres qu’on supprime dans la prononciation. Les raisons qu’ils en apportent sont, premierement qu’elles sont inutiles, puisqu’elles ne font point de son, & qu’elles ne se prononcent pas ; secondement, qu’elles sont un écueil pour les Etrangers qui étudient notre Langue, & qui n’ayant point de regle sûre & generale pour discerner les lettres muettes de celles qu’il faut prononcer, s’y trouvent souvent pris, & prononcent Mestre de Camp comme Maistre d’Ecole, ou Maistre d’Ecole comme Mestre de Camp, supprimant ou faisant sonner la lettre s également dans ces deux mots. Les autres conviennent bien de l’embarras qu’il y a pour les Etrangers, si l’on veut conserver ces lettres, mais non pas de leur inutilité. Car servant à marquer l’origine des mots françois & le rapport qu’ils ont aux Langues etrangeres dont ils sont dérivez, ils soûtiennent qu’elles leur sont essentielles. Ils disent que, comme chaque Langue a ses usages & ses difficultez, la nostre a aussi les siennes, ausquelles ceux qui veulent l’apprendre doivent s’assujettir, & que ce n’est pas à nous à accommoder notre Langue au goust des Etrangers, mais que c’est aux Etrangers à s’accommoder au goust de notre Langue. Comme ces raisons sont bonnes de part & d’autre, & qu’il y a toûjours de l’inconvénient, soit à mettre ces lettres muettes, soit à les supprimer, on a pris un milieu où il paroist que tout le monde trouvera son compte. Car d’un costé, pour contenter ceux qui veulent qu’on les retienne, on les a conservées ; de l’autre, pour donner moyen aux Etrangers de les discerner de celles qu’on doit prononcer en parlant, on les a mises en caractère different & plus petit. Ainsi l’on a écrit EsPE’E, COMpTE, pour marquer que la lettre s dans le premier, & la lettre p dans le second, ne se prononcent pas. Le Lecteur jugera par ce trait particulier du soin qu’on a eu d’applanir toutes les difficultez, & d’aller au devant de tout ce qui pouvoit arrêter les Lecteurs les moins versez dans notre Langue.

Je finiray sur cela aprés avoir demandé quelque indulgence pour les fautes d’impression qui sont presque inévitables dans le cours d’un Ouvrage aussi vaste que celuy-cy, & dont l’impression s’est faite dans un pays éloigné. Nous souhaittons seulement n’avoir point d’autre reproche à essuyer, & nous serons parfaitement contens si le public paroist l’estre de nos travaux.

APPROBATIONS.

Approbation de Maistres François-Pierre Gillet & François Pinson,
anciens Avocats au Parlement de Paris.


NOus avons lû par ordre de Son Altesse Serenissime Monseigneur le Prince Souverain de Dombes, un Ouvrage intitulé, Dictionnaire Universel François & Latin, dans lequel nous n’avons rien trouvé qui doive empêcher d’en permettre l’Impression. Fait à Paris le vingt-cinquiéme Septembre 1702.

F. P. Gillet.

F. Pinson.
Approbation de Monsieur Blondeau.


J’Ay lû par ordre de Son Altesse Serenissime Monfeigneur Prince Souverain de Dombes, un Livre intitulé, Dictionnaire Universel François & Latin, dans lequel je n’ay rien trouvé qui doive en empêcher l’Impression. Fait à Paris le premier Decembre 1702.

Blondeau.


MADRIGAL

DE MONSIEUR MOREAU DE MAUTOUR,
CONSEILLER DU ROY,
AUDITEUR ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DES COMPTES,
l’un des 40. de l’Academie Royalle des Medailles & Inscriptions,
SUR LE PORTRAIT
DE SON ALTESSE SERENISSIME.


SCavans, & vous Guerriers qui recherchez l’appuy
Du Prince dont on voit l’image
A la teste de cet Ouvrage,
Son esprit & son cœur vous répondent de luy.
Jugez si vostre espoir est juste,
Au grand nom de Louis il joint celuy d’Auguste,
La vertu, la valeur, l’amour pour les beaux Arts,
Par tout font reverer Du Maine ;
L’Antiquité docte & payêne,
L’auroit pris pour le fils d’Apollon ou de Mars.

Moreau de Mautour.

A SON ALTESSE SERENISSIME

MONSEIGNEUR
LOUIS-AUGUSTE
PRINCE SOUVERAIN DE DOMBES,
SUR
SON IMPRIMERIE DE TREVOUX.



PRINCE, qui de nos jours en faveur des beaux Arts
Allez renouveller la grandeur des Cesars,
L’on ne nous dira plus que le siecle d’Auguste,
Fut du sort des Sçavans l’arbitre le plus juste ;
Que des Lettres alors connoissant mieux le prix,
On sçut mieux distinguer les plus rares esprits ;
Que l’Art de bien parler luy dut son origine ;
Que toutes les beautez de la Langue Latine,
Donnerent tant d’éclat à d’éloquens discours,
Qu’elle égala la Greque & n’eut pas moins de cours.
On vit en ce temps-là d’excellens Personnages.
Enrichir le Public de leurs doctes Ouvrages,
Et Rome l’emporter sur de fameux Auteurs,
Dont tant de sages Grecs estoient Admirateurs.
Gallus, Properce, Horace, & Tibulle & Virgile,
En ce siecle poli fleurirent entre mille.
Auguste devenu Maistre de l’Univers,
Se vid jusques au Ciel élevé par leurs Vers ;
Et plus loin des Romains étendant le Domaine,
Se vid encor plus grand par les soins de Mecene,
Qui fidele Ministre, en suivant ses projets
Fit de tous les Sçavans ses plus dignes sujets.
Ce sont ces heureux temps que nous voyons renaistre,
Depuis que nous avons Louis le Grand pour Maistre.
Ce Prince magnifique autant que genereux,
Des Auteurs de son temps a rempli tous les vœux ;
Des plus rares esprits a réveillé l’étude,
Depuis que nostre Langue est hors de servitude.
Son Regne glorieux a produit mille Auteurs :
Sçavans Physiciens, éloquents Orateurs ;
Graves Historiens, ingenieux Poëtes :
Des Oracles des Loix celebres Interpretes,
Architectes, Sculpteurs, habiles Artisans,
Graveurs, Peintres en foule & sages Courtisans,
Ont fourni des sujets à nos Academies :
Cent Villes d’Apollon & des Muses amies

Celebrent à l'envy le grand nom de Louis ;

Et font sonner par tout ses exploits inouïs.

Combien de Monumens élevez à sa gloire,

Des siecles à venir enrichiront l’Histoire,

Et rendront témoignage à des faits immortels ;

Que la Greee eust jugé dignes de ses Autels ?

Prince issu de son Sang, c'est sur de tels exemples,

Qu’aux Muses de nos jours vous érigez des Temples ;

Et par les ornemens que vous leur dessinez,

Tout retentit déja des soins que vous prenez.

On void dans vos Etats fleurir l’Imprimerie,

Sans qui l’eau d’Hippocrene auroit esté tarie,

Et sans un tel secours on auroit vû perir

Des Auteurs que son Art empêche de mourir.

Par là vous nous ouvrez les sources les plus claires,

Des beautez de la Langue on apprend les mysteres,

Et vous nous découvrez les plus riches tresors,

De ses termes choisis rassemblez en un corps.

A tous nos Ecrivains ces recherches fideles,

Vont mettre sous les yeux les plus parfaits modeles,

Afin qu'à l'avenir ils puissent sûrement

Donner à leurs écrits un solide ornement :

Leurs vers & leurs discours deviendront plus fluides,

Plus purs, plus éloquens, en suivant de tels guides.

Tout y sera poli, rien indigne du jour

N’ira plus fatiguer la delicate Cour :

Tout y pourra briller, tout y sera plus juste ;

Le siecle de Louis & le siecle d' Auguste ;

Dont vous avez uni les noms en votre nom,

Vont faire de ce siecle un siecle d'Apollon.

Du plus grand de nos Rois si vous portez la foudre,

Pour marcher sur ses pas, pour tout reduire en poudre,

Quand vous le secondez à forcer des remparts,

On vous void comme luy cultiver les beaux arts.

Ainsi jadis Cadmus, qui du sein de la terre

Fit sortir des Soldats pour le suivre à la guerre ;

Des Lettres fut depuis le premier inventeur,

Et de tous les beaux arts reconnu protecteur.

Que d’ouvrages sçavans seroient dans la poussiere ;

Ou dans des coins obscurs privez de la lumiere,

Si par des Ecrivains qui sont de votre choix

Ils ne voyoient le jour au bout de chaque mois.

Le public par vos soins en apprend des nouvelles ;

Et pour aller par tout vous leur donnez des aisles.

Déja les bons Autheurs par vous favorisez,

Tous les jours dans Trevoux sont immortalisez

Que de tous vos canons les bouches enflammées

Répandent la terreur dans le sein des armées,

Et rendent votre nom funeste aux ennemis,

Tous les siecles fçavans vont vous estre soumis.

Si d’un art tout divin les nobles caracteres,
Font moins d’impression sur des ames vulgaires,
Qui n’ont pour ascendant que la stupidité,
Sans oser aspirer à l’immortalité ;
Mille rares esprits dont l’excellent genie
Sçait gouster des neuf Sœurs la charmante harmonie,
Aux siecles à venir joindront toutes leurs voix
Pour chanter vos vertus, & le plus grand des Rois,
Leur Muse de respect & d’amour animée,
Ira d’un Pôle à l’autre avec la Renommée
Annoncer votre nom & vos faits éclatans,
Pour faire l’entretien des oracles des temps.
Vous élevez deux Fils, qui sont vos esperances,
Et qui seront l’honneur des arts & des Sciences ;
Puisqu’inspirez par vous à les favoriser,
Leur nom seul suffira pour les autoriser.
L’un commence à gouster leurs fruits dés son enfence,
Et de leurs élemens s’il prend l’intelligence,
C’est pour mieux se former à cultiver les arts,
Avant que de passer aux campagnes de Mars.
Fomentez cette ardeur & faites-luy comprendre
Qu’ainsi fut élevé le fameux Alexandre ;
Qu’on luy fit d’Apollon cultiver les lauriers
Avant que d’en cueillir dans les travaux guerriers.
Les présages heureux que donne en sa jeunesse
Un Prince qui s’instruit avec tant de sagesse,
Assurent par avance en la fleur de ses ans,
L’abondance des fruits qui suivra ce Printemps.
De ces commencemens que ne doit-on attendre ?
Il fait déja sentir en un âge si tendre,
Qu’il n’est rien de si grand où ne puisse aspirer
Un naturel heureux qui fait tout esperer.
Que ne verra-t-on pas dans les saisons prochaines,
Quand le Sang des Bourbons, qui coule dans ses veines,
Allumant son courage, échauffant sa valeur,
Fera voir son merite aussi grand que le leur ?
C’est ainsi des Heros que les ames bien nées
N’attendent pas toujours le nombre des années.
Les fonds que le Soleil regarde de plus prés,
A produire des fruits sont toûjours les plus prests ;
Ce sont ces premiers fruits que sa Mere cultive,
A cet unique soin sagement attentive
De luy faire imiter ses augustes Ayeux,
En luy mettant souvent leurs noms devant les yeux.
Que ne devra-t-il point à cette illustre Mere,
Fille de ces Heros que la France revere,
Et plus illustre encor par ses rares vertus,
Que par les droits du Sang que d’eux elle a reçûs ?
Si ces fameux Bourbons, si ces foudres de guerre,
Qui du bruit de leurs faits ont estonné la terre,

’’Ne furent pas moins grands dans l’empire des mers ;’’
’’C’est-là que leur Neveu fait briller ses éclairs,’’
’’Et va de ces Heros pour suivre la fortune,’’
’’Tenir le gouvernail de l’Estat de Neptune.’’
’’C’est pour mieux établir sur ces deux élémens’’
’’D’un solide pouvoir les fermes fondemens,’’
’’Que vos Fils appliquez pour le bien de la France,’’
’’A de nobles emplois dignes de leur Naissance,’’
’’Soûtiendront tout l’éclat & la gloire d’un rang’’
’’Que leur donne l’honneur d’estre de votre Sang.’’
’’Formez de votre main sur de si grands modeles,’’
’’Vous les verrez bientost vos images fideles,’’
’’Quand leurs premiers exploits répondans a vos soins,’’
’’Auront de l’Univers tous les yeux pour témoins.’’
’’Croissez, Princes, croissez, sous ces heureux augures,’’
’’Pour porter vostre nom jusqu’aux races futures ;’’
’’De ceux de votre Sang remplissez les desirs,’’
’’Comme dés-à-present vous faites leurs plaisirs.’’
’’Tandis que l’on s’occupe à polir un langage,’’
’’Qui de tant de Heros doit rendre témoignage,’’
’’Et les faire connoistre à la posterité’’
’’Aveque tout l’éclat qu’ils auront merité.’’
’’Cultivez ce bel art dont ce parfait modele’’
’’Peut rendre de vos noms la memoire immortelle,’’
’’Art qui peint la parole, & de tout l’Univers’’
’’Expose les beautez par ses termes divers,’’
’’Et de l’ame & du cœur pour estre l interprete,’’
’’N’emprunte que la voix d’une Langue muette,’’
’’Qui sçait parler aux yeux, & leur fait concevoir’’
’’Ce que sans son secours ils auroient peine à voir : ’’
’’Un Art qui de la Langue enseignant les usages,’’
’’Propose du bon sens les regles les plus sages,’’
’’Et ne presentant rien qui ne soit mesuré,’’
’’En l’art de bien écrire est un guide assuré,’’
’’Ainsi nos Ecrivains apprendront de ce Livre’’
’’Ce qu’il faut éviter & ce que l’on peut suivre,’’
’’Quand pour écrire juste ils voudront étaler’’
’’Les termes les plus purs de l’art de bien parler.’’
’’Sous le Roy votre Ayeul si grand, si magnifique’’
’’Rien ne doit voir le jour qui ne soit heroïque,’’
’’Tous les arts par ses soins devenus plus polis,’’
’’Doivent porter par tout la gloire de nos Lys.’’
’’Heureux qui de ces mots débrouillant les mysteres,’’
’’En sçaura discerner les justes caracteres,’’
’’Et sans jamais confondre aucune diction,’’
’’Sçaura les ajuster à sa profession ;’’
’’Puisque de tous les arts les termes energiques’’
’’S’y trouvent appuyez de témoins authentiques,’’
’’Tant pour les prononcer selon leurs vrais accens,’’
’’Que pour en découvrir le regime & le sens ;’’

Enfin rien n’a paru ni d’une telle étude,
Ni pour la sûreté de plus d’exactitude,
Que ce Livre formé sur cent graves Auteurs,
Pour servir de modele à tous nos Orateurs.
Rien de trop suranné, de bas ni de barbare,
Ne ravale le prix d’un Ouvrage si rare,
Où tout est si reglé qu’il peut également,
En éclairant l’esprit former le jugement,
Et par le tour aisé des phrases bien placées,
Donner plus d’ornement & de force aux pensées.
Ainsi les Etrangers qui sont admirateurs
Des succés de la France & de ses bons Auteurs,
De ce Vocabulaire en voyant la justesse,
Enfin de notre Langue apprendront la noblesse,
Et parcourant ce Livre imprimé dans Trevoux,
Pourront quand ils voudront écrire comme nous.

Claude-François Menestrier,
de la Compagnie de Jesus.
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MERCURII STATUA

SUB HERMÆ NOMINE

OLIM IN TRIVIIS POSITA,

INDEX VIATORIBUS, QUA FORET EUNDUM,

Tùm juncta Minervæ, sub Hermathenæ nomine in Bibliothecis Typographiæ Dumbensis institutæ à Serenissimpo Dumbensis Tractus supremo Principe Ludovico-Augusto.

SYMBOLA EMBLBMATlCA.
APODOSIS PŒTICA.

AREA quæ tripàlici septa est regione viarum,
A Trivio nomen grandius inde ferens ;
Mercurü quondam tutelâ Numinis Index
Certa viæ Hospitibus præsidiumque fuit.
Huic ingens lapidum circùm crescebat acervus,
Cùm sibi poscebat molle viator iter.
Præteriens namque, hoc Numen, dum turba salutat,
Immisit lapides vota futura viæ.
O Tu Dumbarum Trivium felicius illis
Quanto majori Numine majus eris !
Grandior hinc laudis, famæque accrescet acervus,
Majora ingeniis quo tua præla parant.
Hinc decus accedit Musis, & grata voluptas
Numinibus Clariis hos habitare lares.

Sicut qui mittit lapidem in acervum Mercurii. Proverb. 16. 8.

Hic inter salebras, & tædia longa viarum
Grammaticæ, certâ sufficis arte Duces.
Quippe per ambages scopulosque & cæca locorum,
Qui pateant aditus ad juga sacra doces.
Dum rudibus leges statuis, quibus ardua possint
Currere inoffenso devia cuncta pede.
Scilicet infantum linguas facis esse disertas
Scribendique vias rectiùs ire doces.
Hic & Mnemosynes doctorum scripta Virorum
Mansuris soliis mandat arnica manus.
Hic & fama suas dum commodat impigra linguas
Aëre diffusos colligit ore fonos.
Auribus excipiens centum per compita quidquid.
Dignum præla parant officiosa refert.
O quantùm Trivium tali sub Numine cresees ?
Docta tibi quantas turba parabit opes ?
Crescet in immensum tua gloria viribus istis,
Et locus hic tanto Principe dignus erit.
Nec jam tu minimas inter numeraberis urbes,
Quando sub Augusto Principe talis eris.
Novit Roma tuum, novit Germania nomen,
Solis & occidui noscet utrumque latus.
O tu igitur felix Dumbarum incognita quondam
Terra sub exiguo penè sepulta fitu !
Tanti cst auspiciis præclari Principis intra
Mœnia, Pierias ritè locasse Deas !
Non Hecates Triviæ fumes de lumine nomen,
Sed tibi de Triplici Pallade nomen erit.
Quam dum Linguarum celebrabis triplice forma,
Te centum linguis publica fama canet.
Scilicet Augusto sub Principe qualis ad astra
Extulit ante alias Roma superba caput.
Augusto pariter sub Numine, nomine major
Illius auspiciis crescis & ille tuis.

Idem. C. F. M.
HERMATHENÆ DUMBENSIS
VOCABULARIO NUPER EDITO UTENTIBUS
ADMONITIO.
Stylo Epistolari Q. Horatii Flacci.


QUÆ tibi verborum datur istis copia libris,
Attenta docilis, Tu, Lector, suscipe mente.
Volve diu noctuque tuæ compendia linguæ,
Securus, quibus eloquii veneresque decusque,.
Seu dicas, scribasve, queant accedere verbis,
Utque scias quæ sint in honore vocabula apud nos.

Quamvis hæc Trivii nuper tibi præla pararint,
Ne tamen è Triviis credas vnlgi ore petita.
Principis hæc jussu, justo libramine plures
Rectè dicendi scribendique ex arte Magistri,
Acriùs expendêre priùs, solidoque probatunt
Judicio : teque hoc monitum vult Gallica Siren,
Quæ tibi mansuris aptavit commoda formis,
Intellecturis oculis hæc, subjicit ultro,
Ut nihil invitâ dicas scribasve Minervâ.
Hinc Mœcenati grates cum laude repende,
Augusti[2]qui jussa sui dum publica curat,
Intentusque horis gravioribus, otia parvis
Commodat assiduus ; liceat si parva vocare
Quæ rudibus parat ingeniis discrimina linguæ,
Ne finat indociles errare per invia gressus,
Scriptave digna cedro vili fordere lacemâ.
Verborum. His igitur sapiens & provide Lector,
Utere cum fructu : cavesis & olere veternum,
Si tua non sapiant austero fusa palato
Verba, vel ingratis feriant tinnitibus aures.


Aspice quos oculis vitro fallente trigono,
Sub triplici facie variet lux una colores.
Iris nulla magis fole irradiante refulget.


Sic tibi splendorem Trivium tua præla pararunt,
Principis auspiciis Musarum in triplice lingua,
Ut merito niteas triplicis sub lumine vùltus ;
Seu mavis Trivium[3]sis olim nobile Musis
Ausoniis, Graiisque diu, sub limite Gallo.

Idem. C. F. M.

SYMBOLUM.

TYPI TYPOGRAPHICI.
LEMMA.
QUODCUNQUE JUBEBIS.


MARTE potens Princeps, cui formidata Sicambri

Arma Jovis famulantur, adest tibi pacis arnica
Natio, sponte sequi impatiens Quodcunque jubebis.
Non fumus è sæva furiarum gente, cruentam
Odimus importare viris, ut fulmina, mortem ;
Quin adeo, quod tempus edax, quod iniqua vetustas
Et cæca immeritæ damnant oblivia nocti,
Eripimus tenebris, & apertâ luce potiri
Atque redire damus vitæ melioris in usum,
Jusseris Aonidum populis arcana patêre
Nec mora, muta cohors primùm, mox pressa superno
Pondere, dum rediens prælum gemit, ecce sub auras

Emicat, uda, recens, succoque imbuta tenaci
Cartha refert jussas, bibulâ compage, figuras
Et gemino facunda facit commercia mundo.
Francigenæ libeat gazas expromere linguæ ?
An Romam, veteres-ne velis revisitere Athenas ?
Obsequimur, Regis-ne extollere nomen ad astra ?
Hæc est præcipui pars non postrema laboris.
Hoc unum, quod non jubeas, tua dicere facta
Annue, & æternis nomen transmittere fastis.

Renatus d’Orival, S. J.

ALIUD SYMBOLUM.

SYLVA LAUREA SUB SOLE ORIENTE.
LEMMA.
NON ALIBI FELICIUS.

O Nemus, ô dulces illæsis frondibus umbræ,
Vos Martis, Phœbique sacrum inspiratis amorem.
Huc Oratores, huc accelerate Poëtæ,
Phœbo neglectos Heliconis linquite saltus,
Purior hic aër, mollique Favonius aurâ
Instillat placidi vitales ætheris haustus,
Infunditque novos ad Carmina vatibus ignes.
Unde venit sed tantus honos & gratia Sylvæ ?
An sibi furtivos insueto tramite calles
Atque novum Permessus iter tellure sub ima
Quæfierit, plantasque salubribus irrigat undis ?
Hâc ego crediderim terrâ latuisse sepultos
Aut Vaugelafi cineres, cineresve Malherbæ.
Fallor, inest nemori numen, non Sylva virescat
Laurea, nascentis radius nisi Solis inauret,
Nec spatium breve veris habet, non fluxa caducas
Illacrimabit opes, nec hyems invisa, nec Eurus
Decutiet longos intactæ frondis honores.
Non alibi crescat lauri felicius umbra.
Docta renaccentes trahit unde Trivortia gazas ?
Unanimes hic certa fovent commercia Musæ,
Doctorum hic aureis sculpuntur nomina chartis,
Hic emendatæ surgit nova gratia linguæ.

Renatus d’Orival, S. J.


IN IDEM ARGUMENTUM•

DICTIONARIUM • NE AN ENCYCLOPÆDIA,
TU VIDERIS, ERUDITE LECTOR.
HIC VOCUM DELECTUS, ET RERUM COPIA.
HIC FŒCUNDATI GRÆCORUM GALLIA, LATINORUMQUE MAJESTATI CERTAT.
HIC SCAPULA, ET CALEPINUS ULTRO FASCES SUBMITTUNT.
QUIDQUID EMENDATUM GRAMMATICA, RECONDITUM ERUDITIO, ACUTUM CENSURA VALET.
LEXICON HOC SUPPEDITAT.
EA SORS ERAT AUREI GALLIÆ SECULI.
UT QUEM REGNI AMPLITUDO, EUMDEM LINGUA LAUDIS APICEM OBTINERET.
HUC DILIGENTIÆ PERDUCTA HUMANITATIS STUDIA,
QUID NISI AUTHORIBUS IMMORTALE DECUS,
POSTERIS EXEMPLAR ELOQUENTIÆ ABSOLUTUM RELINQUANT ?
QUISQUIS HÆC LEGIS, ET STUPES,
MAGIS MIRARE DUCEM OPERIS PRINCIPEM,
CUJUS NOMINE SUSCEPTA RES EST, NUMINE PERFECTA.
ILLE PLUS INGENII VIRTUTISQUE. NACTUS IN SANGUINE LUDOVIC ! MAGNI,
QUAM IN CEREBRO JOVIS MINERVA,
MERCURII CADUCÈUM ÆQUE UT HERCULIS CLAVUM TRACTAT.
PACISNE LUMEN DICAM, AN FULMEN BELLI ?
CHARITUMNE PARENTEM, AN MARTIS FILIUM ?
DOCTRINÆ TYPUM AN GLORIÆ ?
HIC VIR HIC EST,
CUJUS AUSPICIIS INTER BELLONÆ FREMITUM TRIOMPHANT DISCIPLINÆ.
CUJUS IMPERIIS ÆTNA PARNASSUSQUE PARENT.
REGI TELA MINISTRAT HEROS AD GIGANTUM CÆDEM :
DOCTIS SUPELLECTILEM AD REGIAS LAUDES EXQUISITAM.
HINC TORMENTIS TONAT, INDE MICAT LIBRIS.
NUNC HORRORE CASTRA, NUNC LYCÆUM OPIBUS COMPLET.
CUM ARCES DIRUIT tNIMICAS BELLATOR,
ERIGIT ARTES, ARTIBUSQUE SEDEM.
IN AGRO DOMBENSI UNA CUM DOMINO PRINCIPATUM TENET SAPIENTlA :
CUI NIMIRUM VECTIGALES FAMULANTUR SCRIPTORES ORBiS UNIVERSI :
SCRIPTORUM JUDICES SAGACIORES SCALIGERIS ;
TYPOGRAPHI STEPHANIS PARES.
IMMO DUCIS IN PALATIO DOMICILIUM HABENT MUSÆ :
IN CONCLAVI TEMPLUM.
TALI AUSPICE, I LIBER, AB OCCIDUO SOLE AD EOUM.
NOMINIS GALLICI CELEBRITATEM LATE DISSEMINA ;
ET JAM DOMITIS GENTIBUS ADDE LINGUÆ JUGUM :
CÆTERIS ÆMULATIONEM.
VIS, LECTOR, DIGNUM EX HOC LIBRO FRUCTUM PERCIPERE ?
FRUCTUUM PRIMITIAS OFFER DOMINIS RERUM BORBONIIS.
VIS IPSE TIBI EDERE PERENNIUS ÆRE MONUMENTUM ?
DISCE LITERARUM MONUMENTIS CONSECRARE
PRINCIPEM LITERATORUM MECÆNATEM.
Petrus Pestel, Rhetoricæ Professor in Academia Parisiensi.
A SON ALTESSE SERENISSIME
LOUIS-AUGUSTE,
PRINCE SOUVERAIN DE DOMBES•
LE LIVRE PARLE.


MOY qui sous un ciel étranger
Naquis infortuné postume,
Aujourd’huy de mon sort oubliant l’amertume,
Par un Prince François je me vois protéger.
Le commerce malsain d’une terre sauvage
Avoit alteré mon langage.
De nouveaux soins l’ont embelli.
Mais tout dans mon discours seroit net, seroit juste,
Qu’ayant à contenter le bon goust d’un Auguste,
Je ne me croirois pas encore assez poli.

De la Monnoye.


TABLE
DES AUTEURS ET DES LIVRES

Dont on s’est servi pour la composition de ce Dictionnaire.
A

ABadie, divers Ouvrages.

Abeille, Chirurgien d’Armée.

d’Ablancourt, de l’Académie, divers Ouvrages.

Abrégé de Vitruve.

Academie Françoise, Rec. de Pieces & Harang.

Académie des Jeux Floraux, Recueil de Pieces.

Académie Royale des Sciences, Hist. & Mémoires.

Académie Royale des Inscriptions, Histoire du Roy.

l’Affilard, Music. Principes de Musique.

d’Ahuron, Taille des Arbres.

d’Aisy, Genie de la Langue Françoise.

Alais, Grammaire Méthodique.

Alleaume, Jesuite, Souffrances de Jesus.

Alliot, Médec. Tr. du Cancer.

Ambassade des Hollandois à la Chine, au Japon.

Amelot de la Houssaye, div. Ouvr.

Amelotte, Pr. de l’Orat, div. Ouvr.

Amyot, Plutarque.

Traité de l’Amitié.

Ancillon, Mélanges Critiques.

Andry, Eccles. div. Ouvrages.

Andry, Médec. div. Ouvrages.

Anselme, Abbé, diverses Oraisons Funèbres & Panégyriques.

Antiquité de Nismes.

Aristote, Jardinier, Jardins Potagers.

Arnaud d’Andilly, div. Ouvrages.

Arnaud, Doct. div. Ouvrages.

Asse, Tr. des Aides.

l’Art de nager.

l’Art de prescher.

Aubin, Dict. de Marine.

d’Aucourt, de l’Acad. div. Ouvr.

d’Audiffret, Géographie.

d’Avril, Jes. Voyages.

B

BAchet, V. de Meziriac.

Bachaumont, Voyage.

Bacon, Morale.

Bacquet, Œuvres.

Bail, div. Ouvr.

Baillet, div. Ouvr.

Balzac, de l’Acad. div. Ouvr.

Barbier, V. d’Aucourt.

Baron, Comedies.

Barreme, div. Ouvr.

Barry, div. Ouvr.

Bartholin, Anatomie.

Basnage, Ouvr. des Savans.

Baudelot, div. Ouvr.

Bauhin, Gasp. & Jean, Histoire des Plantes.

Bayle, div. Ouvr.

de Bellegarde, Abbé, div. Ouvr.

Belloste, Chirurgien d’Hospital.

Belon, Hist. des Oiseaux.

Benoist, div. Ouvr.

de Benserade, de l’Acad. div. Ouvr.

Berenger, Tr. des Descentes.

Bernard, Nouv. de la Rep. des Lettres.

Bernard, Mad. div. Pieces.

Bernier, Medec. div. Ouvr.

Berroyer, Avoc. div. Ouvr.

Bion, Globes & Astrolabe.*


de la Bizardiere, div. Ouvr.

Bizot, Abbé, Histoire Metallique.

le Blanc, Histoire des Monnoyes.

Blanchart, Avoc. Table des Ordonnances.

de Blegny, Medec. div. Ouvr.

Blondel, Mathem. div. Ouvr.

Bocquillot, Liturgies.

Boiceau, Jardinages.

Boileau, de l’Acad. Epictete, &c.

Boileau Despreaux, div. Ouvr.

du Bois, Abbé, div. Traductions.

Boisrobert, de l’Acad. div. Ouvr.

Boissard, Dictionnaire de Musique.

Boizard, Tr. des Monnoyes.

Bordelon, Abbé, div. Ouvr.

Bornier, Confer. sur les Nouv. Ordonnances.

Bosquillon, Abbé, div. Ouvr.

Bosse, div. Ouvr.

le Bossu, Chan. Reg. Tr. du Poëme Epique.

Bossuet, Ev. de Meaux, div. Ouvr.

Bouhours, Jes. div. Ouvr.

Boulanger, Tr. de la Sphere.

Bourdaloue, Jes. Sermons.

Bourdon, Anatomie.

Boursaut, Pere & Fils, div. Ouvr.

Bouterouë, Rech. des Monnoyes.

Bouthillier, Abbé de la Trappe, div. Ouvr.

Bouvet, Jes. Portrait du R. de la Chine.

Borel, Recherche de la France.

Boyer, de l’Acad. div. Ouvr.

Boyer de Ruvieres, div. Ouvr.

Brebeuf, Pharsale.

Brecourt, div. Pieces.

Bretonneau, Jes. Sermons.

du Breuil, Jes. Perspective.

de Brianville, Abbé, Jeux de Cartes.

Briot, Empire Ottoman.

le Brun, Pr. de l’Orat. div. Ouvr.

Bruneau, Avoc. Tr. des Criées.

de la Bruyere, de l’Acad. Caract. de Théophraste.

Bruys, div. Ouvr.

Budée, Dictionnaire.

Buffier, Jes. div. Ouvr.

Bullet, Architecte, div. Ouvr.

de Bussy-Rabutin, Comte, div. Ouvr.

C

CAdenet, Paraphr. des Pseaumes.

de Cailleres, de l’Acad. div. Ouvr.

du Cange, div. Ouvr.

de Cantenac, Poësies.

Capistron, div. Pieces.

Caron, Tr. des Bois.

Carré, Mesure des Surfaces.

de Caseneuve, Origines Françoises.

Cassagne, Saluste.

Cassandre, Rhetorique d’Aristote.

Cassini, div. Ouvr.

Castel, Avoc. div. Ouvr.

Catolicon d’Espagne ou Satyre Ménippée.

de la Chambre, Médec. div. Ouvr.

de la Chambre, Abbé, div. Or. Funebres.

Chammelé, div. Pieces. Chanut, Abbé, div. Ouvr.

Chapelain, de l’Acad. div. Ouvr.

la Chapelle, div. Ouvr.

Charas, Pharmacopée.

Charpentier, de l’Acad. div. Ouvr.

de la Charriere, Chirurg. div. Ouvr.

Cheminais, Jes. Sermons.

la Chetardie, Instr. pour un Prince.

Chevreau, div. Ouvr.

Chifflet, Jes. Gram. Françoise.

de Choisy, Abbé, div. Ouvr.

de Citry, div. Ouvr.

Claude, Minist. div. Ouvr.

le Clerc, Minist. div. Ouvr.

le Clerc, Medec. Hist. de la Médecine.

La Princesse de Cleves.

la Colombiere, div. Ouvr.

Colomier, div. Ouvr.

Commire, Jes. div. Pieces.

le Comte, Jes. Mem. de la Chine.

le Comte, Cabinet d’Architecture.

Conrat, de l’Acad. Lettres.

Constitutions de Port-Royal.

Corbinelli, div. Ouvr.

de Cordemoy, Pere & Fils, div. Ouvr.

Corneille, Pier. & Thom. div. Ouvr.

Costar, div. Ouvr.

de Coulanges, Recueil de Chansons.

Courtin, div. Ouvr.

Cousin, Presid. div. Ouvr.

de la Croix, Emp. Ottoman, &c.

D

DAcier, M. de l’Acad., div. Ouvr.

Dalechamp, Hist. des Plantes.

Dancourt, div. Pieces.

Danet, Abbé, Dictionnaire.

de Dangeau, Abbé, Dialogues.

Daniel, Jes. div. Ouvr.

Danty, Avoc. div. Ouvr.

Daviler, Architecture.

Daumat, Loix civilrs.

Degori, Medec. Dict. de Médecine.

Denys, Hist. de l’Amérique.

Demosthènes, Harang. & Philippiques.

Descartes, div. Ouvr.

Des-houlières, Mad. Poësies.

Desmarais, de l’Acad. div. Ouvr.

Desportes, Œuvres.

Despreaux, V. Boileau.

Desroches, Dict. de Marine.

Discours d’Eloquence.

Diversitez curieuses.

Dodart, Medec. div. Ouvr.

Doujat, de l’Acad. Vell. Paterculus.

Dubé, Médec. Médecin des Pauvres.

Duryer, de l’Acad. div. Ouvr.

E

ECole des Arpenteurs.

Errard, Avocat, Playdoyers.

Esprit, Abbé, div. Ouvr.

de l’Estang, Tr. de la Traduction.

les Estiennes, div. Ouvr.

Eveillon, Tr. des Excommunications.

F

le FAucheurd, Action de l’Orateur.

de la Fayette, Mad. div. Ouvr.

Felibien, div. Ouvr.

Felibien des Avaux, div. Ouvr.


Fenelon, Arch. de Cambray, div. Ouvr.

de Ferriere, Avoc. div. Ouvr.

Feuillet, Maistre de Danse, Chorographie.

le Fevre, Tanaq. div. Ouvr.

le Fevre, Mad. Dacier, div. Ouvr.

Fevret, Tr. de l’Abus.

Flechier, Ev. de Nîmes, div. Ouvr.

Fleury, Abbé, div. Ouvr.

la Fontaine, de l’Acad. div. Ouvr.

Fontenelle, de l’Acad. div. Ouvr.

de la Force, Mad. div. Ouvr.

Fouger, Tr. des Hygrometres.

Fournier, Jes. Hydrographie.

Frezier, Voyages.

de Fromentiere, Ev. d’Aire, div. Ouvr.

Furetiere, Abbé, div. Ouvr.

G

GAillard, Jes’, div. Ouvr.

le Gendre, Abbé, div. Ouvr.

Genest, Abbé, div. Pieces.

Gillet, Avocat, Plaidoyers, &c.

Giroust, Jes. Sermons.

Giry, de l’Acad. div. Ouvr.

Godeau, Ev. de Vence, div. Ouvr.

Gombeaud, de l’Acad. div. Ouvr.

Gomberville, de l’Acad. div. Ouvr.

Grammaire générale & raisonnée.

Grammaire Methodique.

Grotius, Droit de la Paix & de la Guerre.

de Guillet de la Guilletiere, Dict. des Arts de l’homme d’Epée.

H

HAbert, de l’Acad., Temple de la Mort.

Hartzsoeker, Dioptr. & Physique.

de Hauteroche, div. Pieces.

Heiss, Hist. d’Allemagne.

Henriette Sylvie de Moliere.

d’Her, Chevalier, div. Ouvr.

d’Herbelot, Biblioth. Orientale.

l’Heritier, Mad. div. Ouvr.

Hermant, Chanoine, div. Ouvr.

de la Hire, div. Ouvr.

Histoire des Conclaves.

Histoire naturelle d’Irlande.

Histoire Critique du V. & du N. Testament.

Histoire de la Laponie.

de l’Hospital, Marquis, Les infinimens petits.

Houdry, Jes. Sermons.

des-Houlieres, V. Des-houlieres.

Huet, Ev. d’Avranches, div. Ouvr.

Huygens, de Zwilickem, div. Ouvr.

J

JAquelot, div. Ouvr.

du Jarry, Abbé, div. Ouvr.

Jaugeon, Jeu du Monde.

le Jay, Jes. div. Ouvr.

Inquisition de Goa.

Jolly, Ev. d’Agen, div. Ouvr.

Joubert, Jes. Science des Medailles.

Journal des Savans.

Jousse, Tr. de la Charpenterie.

Jurieu, div. Ouvr.

L

LAllemant, Chan. Reg. div. Ouvr.

Lallemant, Jes. div. Ouvr.

Lamy, Bened. div. Ouvr.

Lamy, Pr. de l’Orat. div. Ouvr.

Lancelot, div. Ouvr.

Langlois, Jes. div. Ouvr. de Laval, Duc de Luynes, div. Ouvr.

de Launay, Traité des Descentes.

de Lauriere, Avocat, Biblioth. des Cour. & Gloss. de Droit.

Lemery, Medec. div. Ouvr.

Lettres d’Abailard.

Lettres d’Héloyse à Abailard.

Lettres Portugaises.

Liancourt, Maître d’Armes.

Liger, div. Ouvr.

Lignere, Poesies.

Logique de Port-Royal.

du Londel, Jes. Fastes.

de Longepierre, div. Ouvr.

Loiseau, Œuvres.

Loret, Lettres.

M


Mabillon, Bened. Etudes Monastiques.

Maimbourg, Jésuite, div. Ouvr.

Mainard, Poësies.

Mainard, Lettres.

le Maistre, Plaidoyers.

Malebranche, Pr. de l’Oratoire, div. Ouvr.

de Malezieux, div. Ouvr.

Malherbe, Œuvres.

Mallet Manesson, div. Ouvr.

Mareschal, Droits honorifiques.

Mariotte, div. Ouvr.

de Marolles, Abbé, div. Ouvr.

Marot, Œuvres.

Marsolier, div. Ouvr.

Martignac, div. Ouvr.

Mascaron, Ev. d’Agen, div. Discours.

de Maucroix, div. Ouvr.

Mauriceau, Accouchemens.

du Maurier, Mémoires d’Hollande.

Mémoires de Trévoux.

Menage, Abbé, div. Ouvr.

Menestrier, Jes. div. Ouvr. Histoire Consul. de Lion.

de Meré, Chevalier, div. Ouvr.

Merlet, Tr. des bons Fruits.

le Merre, des Mariages des enfans.

Mersene, Minime, Harmonie.

Mery, Chirurgien, div. Ouvr.

de Meuve, Dict. Pharmaceutique.

Mezeray, Histoire de France.

de Méziriac, div. Ouvr.

Moliere, Œuvres.

Mollet, Jardinages.

Monet, Jes., Dictionnaire.

Monsambano, État de l’Empire Trad.

Montagne, Essais.

de Montfleury, diverses Pièces.

de Montgault, Abbé, div. Traductions.

Montmorel, Abbé, Homélies.

Montreuil, Œuvres.

Morillon, Bened. div. Poësies.

Morin, Culture des Fleurs.

Morland, Chevalier, Elévation des Eaux.

la Mothe le Vayer, div. Ouvr.

du Moulin, Cout. de Paris.

du Moulinet, Chan. Reg. Curiosités & Habits.

de Mourgues, Jes. div. Ouvr.

Muret, Abbé, des Festins.

N


Naude’, div. Ouvr.

Duc de Neucastle, Méthode de dresser les Chevaux.

de la Neuville, V. le Quien.

Neveu, Jes. div. Ouvr.

Niceron, Minime, Perspective.

Nicod, Dictionnaire.

Nicole, Président, div. Ouvr.


Nicole, Eccles. div. Ouvr.

Nivers, Organiste, div. Ouvr.

le Noble, div. Ouvr.

Nodot, div. Ouvr.

Nostradamus, ses Quatrains.

Noüet, Jes. div. Ouvr.

O


Oexmelin, Hist. des Flibustiers.

Olearius, Voyages.

Oliers, div. Ouvr.

les Opéra.

les Ordonnances de Louis XIV.

d’Orléans, Jes. div. Ouvr.

d’Ossat, Card. Lettres.

Ovide, Epistres.

Ozanam, div. Ouvr.

P


PAlaprat, diverses Pièces.

fra Paolo, Traité des Bénéfices.

Pardies, Jes., div. Ouvr.

Parent, Méchaniques.

de Paris, Martyrologe, &c.

Parodies Bachiques.

Pascal, div. Ouvr.

Pascal, Médecin, div. Ouvr.

Pasquier, Recherches & Lettres.

Patin, Lettres.

Patru, Plaidoyers.

Pavillon, Ev. d’Alet, Rituel d’Alet.

le Pays, div. Ouvr.

Pélisson, div. Ouvr.

Pellegrin, Abbé, Cantiques.

Pelletier, Expéditionnaire, div. Ouvr.

Pelletier, Abbé, div. Ouvr.

Penicher, Tr. des Embaumemens.

Perrault, Charles & Claude, div. Ouvr.

Peu, Accouchemens.

Pezron, Bernard. div. Ouvr.

Pibrac, Quatrains.

Pièces Galantes.

Pic, Abbé, div. Ouvr.

de Pile, div. Ouvr.

Pilpay, Fables.

du Pin, Abbé, div. Ouvr.

Pinson, Avocat, div. Ouvr.

des Places, Ephémerides.

de la Placette, div. Ouvr.

Plumier, Minime, div. Ouvr.

Pluvinel, Ecuyer François.

Poëme de Saint Prosper.

Poësies Gaillardes.

Poisson, div. Pièces.

Polinier, Chan. Reg. div. Ouvr.

Pomet, Histoire des Drogues.

de Pontis, Mémoires.

Port-Royal, div. Ouvr.

de Prade, div. Ouvr.

Pradon, div. Pièces.

Prestet, Elém. de Mathématique.

Princesse de Cleves.

de Pringy, Mad. diverses Pièces.

Q


Quesnel, Pr. de l’Orat. div. Ouvr.

D. Quichotte.

le Quien de la Neuville, Histoire de Portugal.

le Quin, Tr. des Hernies.

Quinaut, div. Ouvr.

de la Quintinie, Jardinages.

R


Rabelais, Œuvres. Racan, div. Ouvr.

Racine, de l'Académie, div. Ouvr.

le Ragois, Instruction sur l'Histoire.

Ragueau, Indice.

Raguenet, Abbé, div. Ouvr.

Rainsant, Medec., Tableaux de Versailles.

Ranchin, Pseaumes en Vers.

Rapin, Jes. div. Ouvr.

Recueil de Poësies.

Nouveau Recueil de bons mots.

Recueil de Traitez de Paix.

Recueil de Voyages.

Reflexions sur la Langue Françoise.

Regis, Philosophie.

Regnier, Abbé, div. Ouvr.

Regnier, Satyres.

Relation des Campagnes de Rocroy, &c.

Remond du Cours, div. Ouvr.

Renaudot, Abbé, div. Ouvr.

Renusson, Avoc., div. Ouvr.

Ricard, Avoc., div. Ouvr.

Richard, Abbé, div. Ouvr.

Richelet, div. Ouvr.

Richer, Gnomonique.

de Richelieu, Cardinal, div. Ouvr.

Robbe, div. Ouvr.

de la Roche, Prêtre de l'Oratoire, Orais. Funèbres.

de Rochefort, Dictionnaire curieux.

de la Rochefoucault, div. Ouvrages.

des Roches, Dictionnaire de Marine.

de Rohan, Abbesse, div. Ouvr.

Rohault, Physique, &c.

Rondelet, Histoire des Poissons.

Ronel, Mercure Indien.

Ronsart, Oeuvres.

Roolle, divers Ouvrages.

de la Roque, Abbé, Tr. de la Noblesse.

Rousseau, Musique & Viole.

Rouviere, Eaux de Forges.

de la Ruë, Jes., Orais. Funebr.

de Ruffi, Histoire de Marseille.

Ruzes Innocentes.

du Ryer, de l'Académie, div. Ouvr.

S

de
Sable', Marquise, div. Ouvr.

de la Sabliere, Poësies.

de Sacy le Maître, div. Ouvr.

de Sacy, de l'Acad., Lettres de Pline.

de Saintonge, Mad. divers Ouvrages.

de Saint-Amant, Oeuvr. Poëtiques.

de S. Cyran, Abbé, div. Ouvr.

de S. Didier, Hist. de Venise.

de S. Evremont, div. Ouvr.

de S. Gelais, div. Ouvr.

de S. Germain, Examen des États.

de S. Hilaire, Medec., div. Ouvr.

de S. Real, Abbé, div. Ouvr.

de Sainte-Beuve, Abbé, Cas de Conscience.

de Sainte-Garde, Histoire des Hérésies.

de Sainte-Marthe, div. Ouvr.

Salnove, Vénerie Royale.

de Salo, Journal des Savans.

Salvaing, Traité des Fiefs.

Sanson, État présent de la Perse.

Sarrasin, Oeuvres.

Savary, Parfait Négociant, &c.

Savaron, Recherches de Clairmont.

Saviart, Obs. Chirurgicales.

Savot, div. Ouvr.

Scaron, div. Ouvr.

Scudery, Mad. div. Ouvr.

Segrais, de l'Acad. div. Ouvr.

Senault, Pr. de l'Orat. div. Ouvr.


de Senne, Traité du Toisé.

de Sévigny, Mad. Lettres.

Simon, Rich. div. Ouvr.

Simon, Prêtre, Dict. de la Bible.

Simon, Assesseur, div. Ouvr. de Droit.

de Soleysel, Parfait Mareschal, &c.

Spanheim, div. Ouvr.

Spon, Médecin, div. Ouvr.

de la Suze, Mad. Poësies.

de Sylvecane, Presid., Juvénal & Perse.

T


Tachard, Jesuite, div. Ouvr.

Tallemant, Abbés, leurs div. Ouvr.

Tardif, Traité de la Fauconnerie.

Tarteron, Jesuite, div. Ouvr.

Tavernier, Voyages.

Tauvry, Médecin, divers Ouvrages.

le Tellier, Jésuite, div. Ouvr.

Terlon, Chevalier, Mémoires.

du Tertre, Dom. Histoire des Antilles.

Testu, Abbé, Stances Chrétiennes.

Théatre Italien.

Théophile, Oeuvr. Poëtiques.

Thévenin, Chirurgie.

Thevenot, Recueil de Voyages.

Thiers, Abbé, div. Ouvr.

Thomassin, Pr. de l'Orat. div. Ouvr.

Thuilier, Médec. div. Ouvr.

la Thuilerie, diverses Pièces.

de Tillemont, Abbé, Mém. pour l'Histoire.

du Tillet, Mémoires.

Toinard, Remarques.

du Torar, Leçons Géométriques.

Toubeau, Jurisdiction Consulaire.

Toureil, div. Ouvr.

de Tournefort, Médecin, div. Ouvr.

le Tourneux, div. Ouvr.

du Tremblay, Traité des Langues.

Tristan, Comm. Historiques.

V

de la
Valincourt, de l'Acad. div. Ouvr.

de Vallemont, Abbé, div. Ouvr.

de la Valterie, Homere.

Van Helmont, Médecin, Oeuvres.

de Varennes, Jésuite, le Roy d'Armes.

Varet, Lettres, &c.

Varignon, Abbé, div. Ouvr.

de Varillas, div. Ouvr.

de Vauban, Mar. de Fr. Fortifications.

de Vaugelas, de l'Acad. div. Ouvr.

de Vaumoriere, Harangues & Lettres.

Vauthier, Arbres Fruitiers.

Verduc, J. B. div. Ouvr.

Verjus, Jesuite, div. Ouvr.

de Vernage, Abbé, div. Ouvr.

du Verney, Médecin, div. Ouvr.

de Vertot, Abbé, div. Ouvr.

de Vertron, div. Ouvr.

de Vigneul-Marville, Mélanges Historiques.

de Villars, Abbé, div. Ouvr.

de Ville, Chev. Fortifications.

de la Ville, Avocat, Dictionnaire des Arrêts.

de Ville-Dieu, Mad. Oeuvres.

de Villiers, Abbé, div. Ouvr.

de Visé, Histoire du Roy & Mercure Galant.

Vitruve, Architecture.

de Voisin, Missel, &c.

Voiture, de l'Acad. Oeuvres.

de la Volpiliere, Abbé, div. Ouvr.

Wicquefort,|l'Ambassadeur.

DICTIONNAIRE
UNIVERSEL,
CONTENANT TOUS LES MOTS
DE LA
LANGUE FRANÇOISE ;
DES SCIENCES ET DES ARTS,
Avec les Termes Latins qui y peuvent convenir.

A. A.

A est la première Lettre de l'Alphabet François. Elle répond entièrement à la Lettre A des Latins, qui est, comme Jules Scaliger l'a remarqué, le premier son articulé que la nature pousse, le premier cri des enfans, & qui n'a point besoin d'autre mouvement que de celui d'ouvrir la bouche.

C'est inutilement que la plûpart des Grammairiens comparent la Lettre a des Latins & des François, avec l' aleph des Hébreux & l' eliph des Arabes ; parceque ces deux Lettres n'ont aucun rapport avec notre a, si ce n'est qu'elles sont les premières dans l'Alphabet Hébreu & dans celui des Arabes ; mais elles ne sont pas des voyelles comme dans la Langue Françoise. La lettre aleph n'est ni une consonne, ni une voyelle ; mais elle répond à ce que les Grammairiens appellent esprit. Et c'est ce qui a fait dire à Vossius que chez les Hébreux l' aleph, le he, le heth, le hain, ne sont point proprement des Lettres, mais des esprits ; en sorte que l' aleph est ce qu'on nomme communément spiritus lenis, un esprit doux. Pour parler donc exactement, ce sont des Lettres qui servent d'aspiration, pneumatica littera, comme la Lettre H en notre Langue & dans la Latine. Aussi est-ce de cette maniere que S. Jérôme s'explique en parlant de ces quatre lettres, lorsqu'il est exact ; ce qu'il avoit sans doute appris des Juifs de Tiberiade, qui avoient une connoissance parfaite de la Langue Hébraique. Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numérale qui signifioit 500. comme on le voit dans Valerius Probus. Voyez sur ces prétendues lettres numérales ce qu'on en a remarqué sur la lettre e. Il y a des vers anciens rapportés par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est :

Possidet A numeros quingentos ordine recto.

Quand on mettoit un titre ou une ligne droite au-dessus de l'A, il signifioit cinq mille. Les Ro-


mains l'appelloient lettre salutaire, parce qu'on s'en servoit pour déclarer innocent celui qui étoit accusé. A vouloit dire absolvo, je l'absous.

Cette lettre a diverses significations. Cependant il en faut éviter la rencontre trop fréquente dans une même période. Quelquefois cette répétition rend le discours rude & moins agréable.

C'est quelquefois un substantif masculin. Cet A est mal formé. On dit par une façon de parler proverbiale : il n'a pas fait une panse d'a, pour dire, il n'a pas formé une seule lettre, & figurément, il n'a fait quoi que ce soit. On dit aussi dans la conversation familière : Il ne sait ni A ni B, pour exprimer un ignorant.

Ci-dessous gît Mr l'Abbé,

Qui ne savoit ni A ni B. Menag.

C'est aussi la troisième personne du verbe auxiliaire avoir. Il a fait de l'éclat mal-à-propos. L'imagination du Poëte n'a pu vous peindre si belle que vous êtes. Voit. La vérité, qui a des bornes, a dit pour vous tout ce que le mensonge, qui n'en connoît point, a inventé pour les autres. S. Evr. Dans cette signification l'on n'y met point d'accent, ni quand il est précédé de la particule y ; car alors il a la force du verbe substantif être. Il y a un Dieu. Par tout ailleurs on le marque d'un accent grave.

Cette lettre exprime presque tous les mouvemens de l'ame ; & pour rendre l'expression plus forte, on y ajoûte un h après, comme dans l'admiration : Ah le beau tableau ! Dans la joie : Ah quel plaisir ! Dans l'indignation : Ah le scélérat ! Dans la douleur : Ah la tête ! Quand on se sent affoiblir : Ah je me meurs ! Dans la contestation : Ah ! Monsieur, pour ce vers je vous demande grace. Boil. Dans l'étonnement : Ah perfide !

A sert souvent à decliner les noms propres & en marque le datif. Ce Livre est à Pierre ; cet évantail est à Agnès. Presque tous ceux qui ont composé des Grammaires Françoises ont mis la lettre A au nombre des articles, quand elle est employée devant les noms propres pour en marquer le datif. Mais ces Grammairiens ne parlent pas exactement. Car on ne met point d'articles


devant les noms propres. Quand donc la lettre A jointe à un nom est la marque du datif, c'est une simple particule ou préposition ; & lorsqu'on y ajoûte le ou la, ou la simple lettre l' avec une contraction, c'est alors un article joint à cette particule, & qui est la même chose que ille & illa des Latins. Il en est de même de au & de aux ou comme l'on écrivoit autrefois aulx. Notre Langue a changé la lettre l en u.

On doit raisonner de la même manière sur la particule de, qu'on appelle mal à propos l' article du génitif, car c'est une simple particule, & quand on y joint l'article on dit du, qui est le del des Italiens. L'Auteur judicieux de la Grammaire raisonnée a fait cette distinction de simple particule & d'article, lorsqu'il dit, p. 48. On se sert d'une particule dans toutes les Langues vulgaires pour exprimer le génitif, comme est de dans la nôtre. Il ajoûte p. 49. en parlant du datif : les Langues vulgaires marquent ce cas par une particule, comme est a en la nôtre. Au chap. 7. de la même Grammaire il a très-bien remarqué, que presque dans toutes les Langues on a inventé de certaines particules nommées articles, qui déterminent la signification des noms. Il dit de plus parlant de l'article le, que le génitif & le datif se fait toujours au pluriel & souvent au singulier par une contraction des particules de & à, qui sont les marques de ces deux cas, avec le plurier les, & avec le singulier le ; au plurier on dit toûjours au génitif des par contraction, pour de les ; des Rois, pour de les Rois ; au datif aux pour à les ; aux Rois, pour à les Rois. On se sert de la même contraction & du même changement d' l en u au génitif & au datif singulier, aux noms masculins qui commencent par une consonne. Car on dit du, pour de le ; du Roi, pour de le Roi ; au, pour à le ; au Roi, pour à le Roi. Dans tous les autres masculins qui commencent par une voyelle, & tous les féminins generalement, on laisse l'article comme il étoit au nominatif, & on ne fait qu'ajoûter de pour le génitif, & à pour le datif ; l'état, de l'état, a l'etat : la vertu, de la vertu, a la vertu, Gram. rais. pag. 53.

A sert à marquer 1. La situation : A droit, à gauche, être bien à cheval. 2°, La posture & le geste : à genoux, à bras ouverts. 3. La distance : à vingt lieues de là. 4. La qualité : de l’or à tant de carats. 5. Le prix : à dix écus. 6. La quantité : l’eau est à la hauteur d’une toise. 7. La manière : il est habillé à l’Espagnole. Il faut dire à coups de trait, à coups de canon ; & non pas à coups de traits, & à coups de canons. Menage. 8. La fin : les fraudes à bonnes intentions ne manquent point d’approbateurs parmi les dévots. Port-R. 9°, Il se met après les noms qui signifient nécessité, utilité, difficulté, possibilité. Dans le Traité de l’Examen, votre but à été de prouver que l’examen de la Religion, tel que vos freres le veulent prendre sur eux, & tel qu’il seroit nécessaire par leurs principes, est impossible aux uns, difficile aux autres, inutile à tous, s’ils n’établissent une infaillibilité avec laquelle il ne sera plus besoin d’examen. Peliss.

A signifie, successivement : Pas à pas. Il se sent mourir peu à peu. Il signifie, avec : Je l’abandonne à regret. Les douleurs à grand bruit sont d’ordinaire suspectes d’affectation. M. Scud. Ce poste a été emporté à la pointe de l’épée. Peindre à l’huile.

A est plus élégant que par dans certaines phrases. Il ne faut point se laisser prendre a l’apparence, ni à l’éclat trompeur des grandeurs humaines. Flech. Ne vous laissez pas conduire à vos passions. A signifie, selon : A mon avis.

A, cette lettre s’emploie aussi fort souvent pour marquer ce que l’on possède. C’est un homme à carrosse, à équipage.

A, préposition, se met aussi devant l’infinitif des verbes ; en quoi la Langue Françoise diffère de la Latine, & ressemble à la Grecque, & aux Langues Orientales, ainsi que nous le montrerons au mot préposition.

A se met quelquefois absolument devant l’infinitif de quelques verbes, sans être précédé d’aucun nom qui soit ou exprimé, ou sousentendu, & alors il se peut résoudre par le gérondif. A voir ses airs dédaigneux ; A dire le vrai, cependant, l’opinion de Calvin ainsi adoucie, ne renferme pas moins une contradiction formelle. Peliss. A tout prendre l’assemblage de ses traits, qui sont beaux en détail, ne fait point une belle personne. Fonten. C’est comme si l’on disoit, en prenant tous ses traits ensemble. Passer tranquillement la nuit à bien dormir, & le jour à rien faire. Boil. Il y a aussi des occasions où il se peut résoudre par quand, ou lorsque. A ne prévoir rien on est surpris, & à prévoir trop on est misérable. S. Evr. A raconter ses maux souvent on les soulage. Corn. Il se met aussi devant l’infinitif de quelques verbes sans être précédé d’aucun nom exprimé ; il y est seulement sous-entendu : & en ce cas il se peut résoudre par le terme de quoi. Donnez-moi à manger. Servez-nous à dîner. A se met encore devant l’infinitif au lieu de pour. Je suis homme à ne contraindre personne. Mol. Il est d’humeur à se moquer de tout. A bien prendre la chose. A ne point mentir. Il a aussi la même signification de pour devant quelques substantifs, comme, Prendre Dieu à témoin, Prendre quelqu’un à partie.

A se met encore devant l’Infinitif des Verbes, avec un nom substantif, & signifie quelquefois ce que l’on doit observer. C’est une chose a taire : & quelquefois il désigne à quoi une chose est propre, ou à quoi elle est destinée : Bois à brûler : Cela est bon à manger.

A se met devant les noms, comme préposition, & signifie vers, ou du côté de. Je me tournai à trois ou quatre Chevaux-Legers. Bussy.

A est quelquefois préposition, mais rarement. Il est à la ville, aux champs. Cela est à la mode.

On dit aller à Rome, quand on fait le voyage de Rome. Mais quand on est à Rome, il faut dire aller dans Rome. Les Ambassadeurs vont dans Rome avec un grand équipage. Bouh. Quand il s’agit d’une simple demeure ou fixe, ou passagere, on dit à Paris : mais s’il s’agit d’autre chose, il vaut mieux dire dans Paris. Il s’est fait un meurtre dans Londres. On dit, aller à la Chine, aller au Japon, au Péloponèse, au Pérou, au Brésil, au Mexique, à la Caroline, & ainsi de la plupart des contrées de l’Amérique, contre la règle commune, qui veut qu’aux verbes de mouvement on mette en devant les noms de Province, ou de Royaume, qui sont le terme de mouvement, & à devant les noms de villes ou de petit lieu. Bouh.

A est le plus souvent adverbe, non seulement de temps & de lieu, comme, il vint à une heure imprévûe aborder à terre ; mais encore il se joint à presque toutes les phrases adverbiales. Malheur à nous si nous consacrons ces victimes purifiées à la hâte, & sur le point de recevoir le coup mortel. Flech. Être à couvert, Vivre à discrétion, &c. Car si on y prend garde de près, la plupart des exemples qu’on donne de son usage pour marquer la préposition, se réduisent à l’article du datif.

A est souvent une particule indéclinable, qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminue, ou change leur signification. Quand elle s’y joint, quelques Ecrivains redoublent la consonne ; comme Addonner, Affaire, Attrouper : d’autres retranchent cette seconde consonne comme étant inutile & superfluë.


Il seroit difficile de déterminer tous les différens usages de la préposition ou de la particule à. On les remarquera dans la suite : il s’en présentera des exemples presqu’à toutes les pages.

A A A Les Chymistes se servent de ce signe pour signifier, Amalgamer, Amalgamation, & Amalgame. Voy. Amalgamer.

AB

AB, Cinquième mois des Hébreux, qui répond à notre mois de Juillet.

AB, en Langue Syriaque, le dernier mois de l’Eté.

ABA, ou Anba, Pere, titre que les Églises Syriaques, Cophtes & Éthiopiennes donnent à leurs Évêques.

ABACO, subst. masc. Abacus. Ce mot se trouve dans Roüillard pour signifier l’Arithmétique. Les Italiens disent aussi abaco pour exprimer la même chose. C’étoit une petite table polie, sur laquelle les Anciens traçoient des figures, ou des nombres. Elle servoit à apprendre les principes de l’Arithmétique. Ils l’appelloient Table de Pythagore.

ABADA, s. m. Animal farouche du païs de Benguela, dans la basse Ethiopie. Il ressemble à un cheval par la tête & par le crin. Il est un peu moins grand. Sa queue est pareille à celle d’un bœuf, excepté qu’elle est moins longue. Ses pieds sont fendus comme ceux du cerf, & plus gros. Il a deux cornes, l’une sur le front, & l’autre sur la nuque. Les Nègres tuent ces animaux à coups de flèche, pour en prendre la corne, dont ils font un remede.

ABADIR. Terme de Mythologie. C’est le nom d’une pierre que Saturne dévora. Car soit parce que son frere Titanus ne lui avoit cédé l’empire du monde, qu’à condition qu’il n’éleveroit point d’enfant mâle ; soit parce que les destinées portoient qu’il seroit un jour détrôné par un de ses enfans, il les faisoit tous périr. Enfin Cybele, ou Ops sa femme le trompa, & lui fit avaler cette pierre, au lieu de l’enfant dont elle étoit accouchée. Priscien rapporte que c’étoit aussi le nom d’un Dieu.

ABAJOUR, s. m. Terme d’Architecture, Spiraculum, espèce de fenêtre en forme de grand soupirail, dont l’embrasement de l’appui est en talus, pour recevoir le jour d’en haut. Il sert à éclairer les offices & les étages souterrains. Les Marchands ont d’ordinaire un abajour dans leurs magazins ; la lumière sombre qui entre par là efface moins le lustre de leurs étoffes. On appelle aussi abajour la fermeture en glacis d’un vitrail d’Eglise ou de dôme, qui se fait pour en raccorder ou réunir la décoration intérieure & extérieure.

ABAISSE, s. m. terme de Pâtissier. C’est la pâte qui fait le dessous d’une pièce de pâtisserie.

ABAISSEMENT. s. m. Diminution, retranchement de hauteur. Depressio. L’abaissement de ce mur, qui ôtoit la vûe à cette maison, l’a bien égayée.

Abaissement, se dit figurément en choses morales, pour humiliation, diminution de crédit & de grandeur ; diminution de mérite, ou de réputation ; état d’avilissement & de misère. Demissio, submissio. L’abaissement devant Dieu est le plus nécessaire des devoirs du Chrétien. Cette pieuse princesse travailloit à humilier sa grandeur par des abaissemens volontaires. Flech. On approuve tout ce que disent les Grands par un abaissement extérieur de l’esprit, qui plie sous le faix de leur grandeur. Port-R. Les ambitieux veulent exciter des mouvemens de terreur, de respect & d’abaissement sous leur grandeur. Port-R. Le mariage des cadets apporte d’ordinaire de l’abaissement dans les grandes Maisons. P. de Cl.. L’abaissement de courage est mal-seant à un Philosopbe. On s’en sert quelquefois pour exprimer une : diminution ou de merite, ou de réputation. Il déchiroit la réputation de ces grands hommes, comme si leur abaissement contribuoit à sa gloire. Ablanc. Jesus —Christ a paru sur la terre dans un profond abaissement. Ce triste abaissement convient à ma fortune. Racin. Les loix ont voulu que les enfans naturels, qui ont été jettez dans le monde clandestinement, vivent dans la honte, & dans l’abaissement.

ABAISSER. verb. actif. Faire descendre en bas. ou diminuer de la hauteur. Deprimere. Abaissezr les voiles, Abaisser les fumées du vin. Abaisser ce mur. Abaisser ce luth d’un ton, d’un demi-ton. Abaisser la voix. Nicod.


Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix. Minuere. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du blé ; c’est-à-dire, qu’il est diminué. Ce mot en ce sens n’est pas du bel usage ; il faut dire rabaisser. Voyez Rabaisser.

On s’en sert figurément dans le même sens. L’envie abaisse par ses discours les vertus qu’elle ne peut imiter. S. Evr. Abaisser la majesté du Prince. L’usage, comme la fortune, chacun dans leur jurisdiction, éleve ou abaisse qui bon lui semble. Vaug. Les grands noms abaissent, au lieu d’élever ceux qui ne savent pas les soutenir. Rochef.

Abaisser, signifie aussi en morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un, le mortifier. Abjicere, reprimere, contundere. Les Romains se vantoient d’abaisser les superbes, & de pardonner aux humbles. S. Evr. Abaisser l’orgueil de Carthage. Vaug. Il faut abaisser les esprits hautains. S. Evr. La crainte trouble & abaisse l’esprit. M. Scud. c’est-à-dire, qu’elle le relache & l’avilit.

En termes de fauconnerie on dit, Abaisser l’oiseau, lors qu’ayant trop d’embonpoint, on lui ôte quelque chose de son pât ordinaire, pour le mettre en état de bien voler.

Abaisser, en termes de Jardinage, signifie Couper une branche près du tronc.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors s’humilier, se soumettre, se ravaler. Abjicere se. Il faut s’abaisser devant la Majesté divine. S’abaisser à des choses indignes. S’abaisser jusqu’aux plus lâches complaisances. L’humilité n’est souvent qu’un artifice de l’orgueil, qui ne s’abaisse que pour s’élever. Rochef. On le dit encore par respect d’une personne éminente en dignité, lorsqu’elle semble rabattre de sa grandeur, en descendant jusqu’à des personnes fort inférieures. Le Prince s’est abaissé jusqu’à moi, en prenant soin de ma fortune. P. de Cl. Il signifie aussi la complaisance, ou l’adresse par laquelle on se conforme, & on se proportionne à la compréhension foible & bornée de ceux à qui on parle. Un Prédicateur habile sait s’abaisser à la portée de ses auditeurs. C’est quelquefois un artifice de l’orgueil de s’abaisser avec excès, pour s’attirer des louanges. M. Scud. Pline dit en parlant de la bonté de Trajan, qu’il se familiarisoit avec ceux qui l’approchoient : Celui qui tient la première place n’a qu’une voie pour s’élever, c’est de s’abaisser lui-même ; parce que les Grands n’ont rien moins à craindre que de se ravaler en s’abaissant de la sorte. Bouh.

Abaisser, avec le pronom personnel, veut dire quelquefois s’affaisser Subsidere. La terre s’est affaissée : ou décroître. La riviére s’abaisse ; le vent s’est abaissé.

Abaisse’, e’e, participe passif. & adjectif. Depressus.

Abaisse’, en termes de Blason, se dit du vol des aigles, & du vol en général des oiseaux, dont la représentation ordinaire est d’être ouvert & étendu, en sorte que le bout de leurs ailes tende vers les angles ou le chef de l’Ecu : mais lorsque ce bout est en bas, & vers la pointe de l’Ecu, ou que les ailes sont pliées, on l’appelle Vol abaissé.

On dit aussi, un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l’Ecu, ou au dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi qu’une pièce est abaissée, lors qu’elle est au-dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs Armoiries, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

ABAISSEUR. adj. m. est un épithète que les Médecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas.

ABALOURDIR. Vieux mot, & hors d’usage, qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide. Hebetem reddere. Il se trouve dans plusieurs Coutumes.

ABANDON, s. m. Mépris, délaissement de quelque chose. Derelictio, destitutio. Neglectus rei alicujus. Il n’est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliere, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quitte :

Dans un tel abandon leur sombre inquiétude.
Ne voit d’autre recours que le métier de Prude.

Il n’est supportable en ce sens qu’en termes de pratique. Le débiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses créanciers. Abandonnement vaut mieux.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnégation ou renoncement de soi-même Fenel.

Abandon, se dit d’ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. Direptioni permittere, dare. On a dégarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier : mais il n’est pas assez noble pour le style élevé. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re de relicta ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, & la laisser à quiconque voudra s’en emparer.

ABANDONNEMENT, s. m. Délaissement, cession de biens, de terres, &c. Desertio. L’héritier bénéficiaire est déchargé envers les créanciers par l’abandonnement des biens de la succession. G. G. Il signifie encore l’état d’une personne dont le monde s’éloigne. Dans la désertion, & l’abandonnement général de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux réflexions de la solitude. S. Evr.

Il signifie, Débauche, prostitution, quand il est mis sans régime. Le pécheur est dans un grand abandonnement, lors qu’il ne sent plus de remords.

ABANDONNER, verb. act. Laisser à l’abandon. Derelinquere, deserere. Dieu n’abandonne jamais les siens au besoin. On a abandonné cette ville au pillage. Il a abandonné le soin de son honneur. Dans les plaisirs on abandonne son cœur & son esprit, on se découvre tout entier. P. de Cl. c’est-à-dire, qu’on s’y montre avec moins de précaution, & c’est là qu’on connoît les mœurs & les inclinations des gens. Le mérite ne sert de rien quand il est abandonné de la fortune. B. Rab.

Il signifie encore livrer en proie. La ville fut abandonnée à la fureur du Soldat. Elle n’ose abandonner son cœur à l’amour. M. Scud.

Abandonner au bras séculier, c’est Renvoyer un Ecclésiastique devant des Juges laiques, pour donner une Sentence de condamnation à peine afflictive sur un cas privilégié.

On le dit aussi de l’Inquisition. Lorsqu’elle a prononcé sur le crime d’hérésie, elle livre les coupables au bras séculier, parce que l’Eglise n’ayant point la puissance temporelle pour infliger la peine de mort, elle implore le secours du Juge temporel, qui ne manque point d’exécuter les Arrêts du saint Office. C’est ce qu’on appelle abandonner au bras séculier.

On l’employe avec le pronom personnel pour exprimer un homme qui est entraîné par ses passions, qui en est devenu l’esclave, qui s’y prostitue absolument. Tradere se, committere se. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptés, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu’elle rencontre. S. Evr. Il s’abandonna à la tristesse & à son désespoir. Il s’est abandonné à la colère & à ses désirs. On dit aussi s’abandonner à la Providence, s’abandonner à la fortune, pour dire se confier à la Providence, à la fortune, & attendre tout de Dieu, ou du hazard & du bonheur. S’abandonner à la joie ; c’est-à-dire, en goûter tout le contentement, & en ressentir tous les plaisirs. S’abandonner à l’oisiveté ; c’est-à-dire, s’éloigner absolument de toutes les affaires, sans vouloir s’occuper d’aucun des exercices honnêtes de la vie. Il faut s’abandonner à son feu, & ne rien refuser de ce que l’imagination présente. Bouh. Il se trouvoit malheureux d’être abandonné à lui-même, & à ses propres pensées, sans avoir quelqu’un qui pût le plaindre, & lui donner de la force. P. de Cl. Il est plus sûr de s’arrêter à l’autorité de l’Église, que de s’abandonner aux foibles efforts de notre misérable raison. Nicol.

Abandonner, signifie encore, Quitter, jetter là. Abjicere. Il abandonna ses armes.

Abandonner, signifie encore, Quitter un


lieu, en sortir. Deserere. Il a abandonné le Pays. On lui fit abandonner la Ville.

Abandonner, signifie encore, Laisser, donner. Dans une Traduction en Prose, où l’on abandonne tous les termes de la Langue au Traducteur, il demeure souvent au-dessous de l’Original. S. Evr. Je vous abandonne cette affaire, je vous en laisse le maître. Je vous abandonne à vous même & à votre propre conduite.

Abandonner, signifie encore, Exposer, commettre à. Abandonner quelqu’un à la haine publique. S’abandonner au danger de perdre la vie pour la Religion.

Abandonner, signifie aussi simplement, Quitter, laisser, renoncer à quelque profession ou à quelque personne. Abandonner une entreprise. Son crédit & sa réputation l’ont abandonné. Les plus sages ne sont pas toujours maîtres d’eux-mêmes, & il y a des momens où leur discrétion les abandonne, c’est-à-dire, qu’elle les quitte, ensorte qu’ils se laissent aller à l’impatience de parler. Ce Marchand a abandonné le commerce. Ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre dans la retraite. Les personnes vaines abandonnent aux ames communes le mérite d’une vie suivie & commune. La Bruy.

Mainte veuve souvent fait la déchevelée,
Qui n’abandonne pas le soin du demeurant. La Font.

On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner l’oiseau ; pour dire, le mettre libre en campagne, ou le congédier tout-à fait, & s’en défaire entierement.

On dit proverbialement, N’abandonnez pas les étriez ; pour dire, servez-vous bien des avantages que vous avez, ne les quittez point.

Abandonne’, e’e. part. pass. & adject. Derelictus, destitutus, permissus. Biens abandonnez. L’amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. M. Esp. Il faut que vous soyez les plus abandonnez calomniateurs qui furent jamais. Pasc. En ce sens, il signifie, des gens déterminés, & qui ne gardent aucunes mesures pour noircir la réputation d’autrui.

On dit absolument au subst. C’est un abandonné  ; pour dire, un homme perdu & débauché, qui ne donne point d’espérance de conversion. Corruptus, depravatus. On dit aussi une abandonnée ; pour dire une fille prostituée. Je ne veux point brûler pour une fille abandonnée. Mol.

On dit aussi Abandonné des Médecins ; pour dire, que la guérison de quelqu’un est désespérée. Un homme abandonné, signifie un homme sans appui & sans secours. Abandonné à son sens réprouvé. C’est une expression de l’Ecriture, pour désigner un homme qu’on laisse à ses égaremens, & à la perversité de son cœur. On ne doit pas attendre des lumières bien pures, de ceux que Dieu a abandonnés aux ténèbres inséparables des grands crimes. Nicol. On dit aussi, qu’une cause est abandonnée, pour dire, qu’elle est déplorable & insoutenable.

ABAQUE s. m. Abacus. Terme d’Architecture. C’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Il est quarré au Toscan, au Dorique, & à l’Ionique antique, & échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Il sert comme de couvercle à la corbeille ou panier de fleurs qu’elle représente. On l’appelle autrement tailloir, parce qu’étant quarré, il ressemble aux assiettes de bois, qu’on nomme Tailloirs. Il se met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec ἄϐαξ, qui signifie buffet, crédence ou table.

ABASSI, ou ABASSIS. subst. m. C’est une monnoye d’argent qui est ronde, & qui a cours en Perse & en Orient, qui vaut environ dix-huit sous six deniers.

ABASSIE, ABASSINIE, ABASSINS. Voyez Abissinie.

ABAsTER, nom d’un des trois chevaux qui tirent le char de Pluton, selon Bocace : il signifie noir. Le second s’appelle METHEUS, obscur, & le troisième NONIUS, tiède.

ABATAGE. s. m. Cæsura, cæsuræ sumptus, impensæ, signifie entre les Marchands de bois, la peine & les frais pour abattre les bois qui sont sur pied. C’est à l’acheteur à payer l’abatage.

ABATANT. s. m. Terme de Marchand de draps : espèce de dessus de table qu’on éleve au fond d’une boutique & à chaque bout des magasins, & qui s’éleve ou s’abat, selon le jour


que l’on veut donner au lieu où l’on vend la marchandise.

ABATARDIR, v. a. Depravare, corrumpere. Corrompre, gâter, altérer la nature de quelque chose, la faire déchoir de son premier état, la faire dégénérer. Il ne se dit qu’au figuré. La misère & l’esclavage ont abâtardi le courage des Grecs. La trop grande avidité des richesses a abâtardi les mœurs.

Il ne se dit guère qu’avec le pronom personnel, & il signifie, Dégénérer, s’avilir, se corrompre. Degenerare, depravari. Toutes les bonnes choses s’abâtardissent avec le temps. Les plantes d’Orient qu’on apporte en Europe s’abâtardissent, & perdent beaucoup de leur bonté. Cette maison s’est abâtardie dans l’oisiveté ; elle ne produit plus de grands hommes. La vertu Romaine s’abâtardit si fort, qu’elle ne put résister à la force des Barbares.

Abatardi, ie. part. pass. & adj. Corruptus, vitiatus.

ABATARDISSEMENT. s. m. diminution de valeur, de mérite, de bonnes qualités. Corruptio, depravatio. Les délices d’un pays causent l’abâtardissement du courage des peuples. Ils sont tombés dans un honteux abâtardissement. Nic.

ABATE’E. En termes de Marine se dit du mouvement d’un Vaisseau en pane, qui arrive de lui-même jusqu’à un certain point, après quoi il revient au vent.

ABATEIS. Vieux mot qui signifioit autrefois Forêt. Il est hors d’usage.

ABATEMENT. s. m. Foiblesse, manque de force. Defectio virium. Ce malade est dans un grand abatement ; les forces lui manquent. Il n’est guère en usage au propre.

Abatement, se dit figurément en Morale. Infractio animi. Cet homme est dans un grand abatement d’esprit depuis le renversement de sa fortune.

ABATEUR. s. m. Qui abat, qui fait tomber. Eversor. Ce Bucheron est un grand abateur de bois. Acad. Fr. Ce qui se dit encore dans le figuré & populairement de celui qui vante ses prouesses, ou qui se glorifie de faire beaucoup de choses au-dessus de ses forces. Cet homme est un grand abateur de bois, ou de quilles.

ABATIS. s. m. Démolition, renversement, ruine. Eversio, demolitio. Il y a eu un grand abatis de maisons par le tremblement de terre. Il y a plusieurs abatis de pierres dans cette carrière. Les carriers appellent ainsi la pierre qu’ils ont détachée, soit celle qui est bonne pour bâtir, soit celle de rebut. Il fut fait un grand abatis de bois en cette forêt par la tempête. Dejectus arborum.

Abatis, signifie, en termes de Vénerie, le chemin que se font les jeunes loups, lorsqu’en allant souvent au lieu où ils ont été nourris, ils abattent l’herbe.

Abatis, se dit aussi d’une grande tuerie de bêtes. Cædes pecorum.. Ce Chasseur a fait un grand abattis de gibier. Ce Boucher fait un grand abattis de bestiaux tous les ans. On dit aussi en cuisine, faire des potages d’abattis d’agneau, d’abattis de poulets d’Inde, &c. pour dire qu’on les fait avec des bouts d’ailes, foies, & autres menues parties & issues de ces volailles. Les Bouchers appellent abattis, les cuirs, graisses, tripes, & autres menues choses des bêtes qu’ils ont tuées.

ABATRE. v. act. Renverser, démolir, faire tomber, coucher par terre. Diruere, evertere. J’abats, tu abats, il abat, &c. Abatre une maison pour la rebâtir. Ce Lutteur a abatu son homme sous lui. Ce Chasseur abat bien du gibier. On abat les noix avec la gaule. On dit qu’il abatit avec sa baguette la tête des pavots. Ablan. Les Moissonneurs ont abatu trois arpens de blé aujourd’hui. Les Bouchers disent abatre le cuir d’un bœuf, pour l’écorcher. Les ennemis en se retirant ont abatu le Château & les fortifications de la Place. Il lui abatit l’épaule d’un coup de hache. Ablanc. Saint Pierre abatit l’oreille de Malchus. Un habile Oculiste a abatu la cataracte qui me couvroit l’œil. Il signifie quelquefois, affoiblir, débiliter. Son corps est atténué & abatu par la vieillesse. S. Evrem. On dit aussi que le café abat les fumées du vin, les vapeurs, pour dire, les rabaisse, les dissipe. On dit aussi que la chaleur, le vent, la poussière s’abatent, pour dire, cessent, tombent, diminuent. On dit qu’un cheval est sujet à s’abatre, pour dire, à broncher, à tomber. On dit au jeu du Trictrac, Abatre du bois, pour dire, abatre des Dames afin de caser. Nicod dérive ce mot de à bas, adverbe local compose de à & de bas.

Abatre, en termes de Marine, signifie Déchoir, Dériver, s’écarter de la vraye route. Declinare, deerrare., ce qui se fait par la force des courans ou des marées, ou par les erreurs du pointage, ou par le mauvais gouvernement du timonier. On dit aussi qu’un Pilote abat son vaisseau d’un quart de Rumb ou d’un autre aire de vent, quand il vire ou change sa course, & gouverne sur un autre Rumb que celui de sa route. On dit, abatre un navire ; pour dire, le faire obéïr au vent, lors qu’il est sur les voiles, ou qu’il présente trop l’avant au lieu d’où vient le vent. On dit, le navire abat, lorsque l’ancre a quitté le fond, & que le vaisseau obéït au vent pour arriver. Aller à la dérive, s’appelle aussi abatre : c’est quand on va de côté au gré du vent & de la marée, au lieu d’aller en droiture. On dit aussi, Abatre un vaisseau sur le côté, lors qu’on veut travailler à la carene, ou en quelque endroit des œuvres vives.

En termes de Fauconnerie on dit, Abatre l’oiseau ; pour dire, le tenir & serrer entre les mains pour le garnir de gers, le poivrer, ou lui donner quelque medicament par force. On dit encore, que l’oiseau de proye s’abat, lorsqu’il s’abaisse vers terre.

Abatre, se dit figurément en Morale, pour vaincre, dompter, renverser. Comprimere, Reprimere.. Abattre l’orgueil de quelqu’un. Quand la mort abat la plus florissante jeunesse, alors on reconnoît la vanité des attraits du monde. Il signifie aussi accabler, & se dit des troubles & des afflictions de l’ame & du corps. Debilitare, Frangere.. Ce changement de fortune lui a abatu l’esprit & le courage. Il s’est laisse vaincre & abatre à la douleur. Quand il se met avec le pronom personnel, il signifie perdre courage. Dimittere & contrahere animum. Contrahi ac dimitti animo. Il ne s’abat point dans l’adversité. Ablanc. Se laisser abatre dans la moindre affliction. Ablanc.

On dit dans la conversation, Abatre le caquet, pour dire, reprimer la fierté & la presomption de quelqu’un, le faire taire. Loquacitatem, linguam comprimere

On dit proverbialement, Petite pluie abat grand vent, pour exprimer que quelques paroles flatteuses apaisent un grand emportement. On dit d’un homme qui fait bien de la besogne, & d’un Juge qui expédie beaucoup de procés, qu’ils abatent bien du bois.

Abatu, üe. part. pass. & adj. Dirutus, Eversus. Maison abatue. Bois abatus.

Figurément il signifie, Accablé, vaincu, terrassé. Debilitatus, fractus, victus. Jupiter ne pouvoit rien voir de plus beau que Caton, se soutenant dans un parti abatu, & demeurant ferme parmi les ruines de la République. Bouh. L’esprit abatu par les soins rongeans de la pauvreté, n’est guere capable de mouvemens nobles & élevez. S. Evr. On voit l’orgueil à ses pieds abatu. Gomb. Il signifie encore, Être languissant & sans courage. Je me sens tout abatu.

ABATURES. s. f. plur. Terme de Venerie. Foulures, menu bois, broussailles, fougére, que le cerf abat du bas de son ventre en passant. Depressa Cervi alvo virgultorum cacumina. On connoît le cerf par ses abatures.

ABAVENT. s. m. est la charpente qui se met dans les ouvertures des clochers, qui est ordinairement couverte d’ardoise, qui sert à abatre le vent, & qui n’empêche pas que le son de la cloche n’agite l’air de dehors, & ne se fasse entendre au loin : au contraire, il renvoye en bas le son de la cloche, qui autrement se dissiperoit en l’air. Tous ces mots viennent du Grec βαθὐς, qui signifie profond, bas.

ABAZÉE. Voyez Sabazie.

ABB.

AbBATIAL, ale. adj. Qui appartient à l’Abbé. Logis abbatial. Dignité abbatiale. Mense abbatiale. Messes Abbatiales  : ce sont celles que les Abbez doivent celebrer. Abbatialis.

AbBAYE. se prend quelquefois pour un composé des Religieux & de l’Abbé. Voilà une Abbaye bien reglée, où l’Abbé vit comme un simple Moine.


Abbaye, s. f. Abbatia. Monastère érigé en Prélature, ou Maison de Religieux ou de Religieuses, régie par un Abbé ou par une Abbesse. Les Abbayes sont d’ancienne fondation, comme les Abbayes de Cluny, de St. Denis, de Ste. Geneviève, &c. Il y a des Abbayes en Commande ; d’autres Abbayes Régulières ou en Régle ; d’autres qui sont secularisées, possedées par des Chanoines seculiers. Les Abbayes sont des Bénéfices consistoriaux ; il n’y a que le Roi qui y nomme.

Abbaye, se prend quelquefois simplement pour la maison & le Couvent. C’est par rapport à l’Architecture, un logement joint à un Couvent, & habité par un Abbé. Dans une Abbaye de fondation Royale, il s’appelle le Palais Abbatial. Vign. Voilà une Abbaye bien bâtie, une Abbaye qui tombe en ruïnes.

Abbaye, se prend aussi pour un Bénéfice, & pour le revenu dont joüissent les Abbez. Il a obtenu pour son fils une Abbaye de dix mille livres de rente.

Quoiqu’il y ait eu autrefois des laïques qui ont joüi du revenu des Abbayes, on ne doit pas pour cela leur donner le nom d’Abbé ; car ç’a été dans des tems de désordre & de necessité, que les Princes donnerent ces Abbayes à des Seigneurs de leur Cour, pour soutenir les dépenses de la guerre. Charles Martel est le premier qui l’ait fait.

Toutes les Abbayes de France, à la réserve de celles qui sont Chefs d’Ordre, comme Cluny, Cisteaux, &c. sont à la nomination du Roy. On doit joindre à celles-là les quatre filles de Cisteaux, qui sont saint Edme de Pontigni, la Ferté, Clairmont & Morimont. Elles ont aussi conservé le droit d’élection. Il y a outre cela cinq Abbayes qu’on nomme de Chezal Benoist, qui sont à l’élection de l’Ordre de saint Benoît, tous les trois ans, par une longue possession. Ces Abbayes sont Chezal Benostt en Berry, saint Sulpice de Bourges, saint Alire de Clermont, saint Vincent du Mans, & saint Martin de Sez. On a souvent agité la question, si cette possession exclut le Roi de son droit de nomination à ces Abbayes, & cette question n’est pas encore aujourd’hui vuidée. Les Moines Bénédictins qui ont eu de puissans Patrons dans le Conseil du Roy, joüissent encore aujourd’hui paisiblement de leur droit d’élection.

Comme le Roi n’a son droit de nomination qu’en vertu du Concordat fait entre Léon X. & François I. il y a eu quelques difficultés sur les Abbayes de filles, parce qu’elles ne sont point comprises dans le Concordat. Il y a même un Article de l’Ordonnance d’Orleans, qui porte que les Abbesses seront éluës par les Religieuses des Monasteres, & même qu’elles ne seront que triennales. Mais cette Ordonnance n’a point été exécutée. Le Roy nomme également aux Abbayes de Filles & à celles d’Hommes. Il y a cependant toujours eu des disputes sur les Abbayes de l’Ordre de sainte Claire, qu’on prétend être à l’élection triennale des Religieuses.

On dit proverbialement, Pour un Moine l’Abbaye ne faut pas ; pour dire, que faute d’une personne qui ne se trouve pas dans une assemblée, on ne laisse pas de se réjouïr, ou d’exécuter ce qui a été résolu.

AbBÉ. Ce nom, dans sa première origine, qui est Hébraïque, signifie Pere. Car les Hébreux appellent Pere en leur langue, Ab ; d’où les Caldéens & les Syriens ont fait Abba, & de Abba, les Grecs ont formé ἀββας, que les Latins ont conservé ; & c’est enfin de là qu’est venu le nom d’Abbé en nôtre langue. Saint Marc & saint Paul ont gardé le mot Syriaque ou Chaldaïque Abba, pour dire Pere, parce qu’il étoit alors commun dans les synagogues & dans les premieres assemblées des Chrétiens ; mais ils l’ont interprété en ajoutant le mot Pere. C’est pourquoi Abba Pater, au chap. 14. de S. Marc, v. 36. ne signifie pas mon Pere, mon Pere, comme il y a dans la version de Mons, & dans celle des Jesuites de Paris. Il est mieux de traduire avec le Pere Amelotte, Abba, mon Pere ; ou plûtôt avec M. Simon, Abba ; c’est-à-dire, mon Pere. Quoique ces deux mots Abba, Pere, soient la même chose, tant dans S. Marc que dans S. Paul au chap.’. de l’Epître aux Galat. V. 6. il n’y a cependant point de pleonasme dans cette expression. Les Evangelistes & les Apôtres ont conservé dans leurs écrits plusieurs mots Syriaques qui étoient


en usage, & comme ils écrivoient en grec, ils ont en même tems ajouté l’interpretation de ces mots en langue Grecque. C’est sur ce pied-là qu’au Chap. 13. des Actes des Apôtres, V. 8, où il y a dans notre Vulgate, conformément à l’original Grec, Elymas magus, Mess. de P. R. & le P. Amelotte ont fort bien traduit, Elymas, c’est-à-dire, le Magicien. Ces autres paroles qui suivent immédiatement après, car c’est ce que signifie Elymas, confirment ce qu’on vient de dire, touchant la signification de Abba Pater ; ce qui a été remarqué par saint Jérôme dans son Commentaire, sur le Chap. 4. de l’Epître aux Galates, où il explique fort bien ces mots Abba Pater. Le nom de Abba, qui dans les commencemens étoit un mot de tendresse & d’amour dans la langue Hébraïque ou Caldaïque, devint en suite un nom de dignité & un titre d’honneur, les Docteurs Juifs affecterent ce titre, & un de leurs plus anciens livres, qui contient diverses sentences ou Apophthegmes de leurs Peres est intitulé Pirke Abbot, c’est-à-dire, Chapitre des Peres. C’est par rapport à cette affectation, que Jesus-Christ dans S. Mathieu, Chap. 23. V. 9, dit à ses Disciples : n’appellez personne sur la terre vôtre Pere : car vous n’avez qu’un Pere qui est dans le Ciel. S. Jérôme se sert de ces paroles de J.C. contre les Superieurs des Monasteres de son temps, qui prenoient le titre de Peres ou Abbés. Il dit, expliquant ces paroles de S. Paul, Abba Pater, dans son Commentaire sur l’Epître aux Galates, Chap. 4. Je ne sçai par quelle licence le titre de Pere ou Abbé a été introduit dans les Monasteres, Jesus-Christ ayant défendu expressément que qui que ce soit prît ce nom, parce qu’il n’y a que Dieu seul qui soit notre Pere. Mais comme Jesus-Christ a plutôt condamné la vaine gloire des Juifs, qui prenoient la qualité de Peres, que le nom de Pere, il n’est pas surprenant que les Chefs ou Supérieurs des Monastères l’aient pris dès les premiers établissemens des Moines.

Le nom d’Abbé est donc aussi ancien que l’institution des Moines. Ceux qui les gouvernerent, prirent le nom d’Abbés & d’Archimandrites. Ce nom s’est toûjours conservé depuis dans l’Église : & comme ils étoient eux-mêmes Moines, ils étoient distinguez du Clergé, avec lequel cependant on les mêloit quelquefois, parce qu’ils tenoient un rang au-dessus des laïques. S. Jérôme écrivant à Héliodore, nie absolument que les Moines soient du Clergé : alia, dit-il, Monachorum est causa, alia Clericorum. Il reconnoît néanmoins que les Moines n’étoient pas exclus par leur profession des emplois Ecclesiastiques. Vivez, dit-il dans sa Lettre au Moine Rusticus, d’une maniere que vous puissiez meriter d’être Clerc ; & si le peuple ou vôtre Evêque jette pour cela les yeux sur vous, faites ce qui est du devoir d’un Clerc.

Les Abbés ou Archimandrites, dans ces premiers temps étoient soumis aux Évêques & aux Pasteurs ordinaires ; & comme les Moines vivoient alors dans des solitudes éloignées des villes, ils n’avoient aucune part aux affaires Ecclesiastiques. Ils alloient à la Paroisse avec le reste du peuple ; & quand ils en étoient trop éloignez, on leur accordoit de faire venir chez eux un Prêtre pour leur administrer les Sacremens. Enfin, ils eurent la liberté d’avoir des Prêtres qui fussent de leur Corps. Souvent l’Abbé ou l’Archimandrite étoit Prêtre ; mais ces Prêtres ne servoient qu’aux besoins spirituels de leurs Monastères. Quelque pouvoir que les Abbez eussent sur leurs Moines, ils étoient soumis aux Evêques, qui avoient beaucoup de consideration pour eux, sur tout après les services qu’ils rendirent aux Eglises d’Orient. Comme il y avoit parmi eux des personnes savantes, ils s’opposerent fortement aux herésies naissantes ; ce qui fit que les Evêques jugerent à propos de les tirer de leurs solitudes. On les mit dans les fauxbourgs des villes, pour être plus utiles aux peuples. S. Chrysostôme jugea même à propos de les faire venir dans les villes ; ce qui fut cause que plusieurs s’appliquerent aux Lettres, & se firent promouvoir aux Ordres. Leurs Abbez en devinrent plus puissans, étant considérez comme de petits Prelats. Mais les Moines qui se crurent en quelque maniere independans des Evêques, se rendirent insupportables à tout le monde, même aux Evêques, qui furent obligés de faire des Loix contr’eux dans le Concile de Chalcédoine. Cela n’empêcha pas que les Abbés, ou Archimandrites, ne fussent fort considérés dans l’Église orientale, où ils ont toujours tenu un rang, & ils y ont même été préférés aux Prêtres.

La dignité d’Abbé n’est pas moins considérable aujourd’hui qu’elle l’a été autrefois. Selon le Droit commun, tout Abbé doit être régulier ou Religieux ; parce qu’il n’est étably que pour être le Chef & le Supérieur des Religieux : mais selon le Droit nouveau, on distingue deux sortes d’Abbés ; sçavoir l’Abbé régulier, & l’Abbé commendataire. Le premier, qui doit être Religieux, & porter l’habit de son Ordre, est véritablement titulaire. Le second est un séculier, qui est au moins tonsuré, & qui par ses Bulles, doit prendre l’ordre de la Prêtrise quand il aura atteint l’âge, quoyque le mot de Commendataire insinue qu’il n’a l’administration de l’Abbaye que pour un temps, il en possede néanmoins les fruits à perpetuité, étant entièrement substitué aux droits des Abbés Réguliers ; en sorte que l’Abbé Commendataire est véritablement Titulaire par ses Bulles, où on luy donne tout pouvoir, tam in spiritualibus quam in temporalibus, c’est-à-dire, tant au spirituel qu’au temporel ; & c’est pour cette raison qu’il est obligé par les mêmes Bulles, de se faire promouvoir dans le temps à l’ordre de Prêtrise. Cependant les Abbés Commendataires ne font aucunes fonctions pour le spirituel, ils n’ont aucune juridiction sur les Moines. Et ainsi ce mot de in spiritualibus, qu’on employe dans les Bulles, est plutôt du style de Rome, qu’une réalité. Les plus sçavans Jurisconsultes de France, & entre autres du Moulin & Loüet, mettent la commande inter titulos Beneficiorum, c’est-à-dire, entre les titres de Bénéfices. Ce sont des titres Canoniques qui donnent aux Commendataires tous les droits attachés à leurs Bénéfices. Mais comme ces provisions en commende sont contraires aux anciens Canons, il n’y a que le Pape seul qui puisse les accorder par une dispense de l’ancien droit. V. le mot de Commande & Commendataire.

Les Abbés Commendataires étant séculiers, n’ont aucune juridiction sur les Moines. Quelques-uns néanmoins prétendent que les Cardinaux, dans les Abbayes qu’ils ont en commande, ont le même pouvoir que les Abbez Réguliers. On donne pour exemple M. le Cardinal de Boüillon, qui en qualité d’Abbé Commendataire de Cluny, avoit le gouvernement spirituel de tout l’Ordre de Cluny, comme s’il en étoit Abbé Régulier. On répond à cela, que M. le Card. de Boüillon ne jouissoit pas de cette juridiction spirituelle en qualité de Cardinal Abbé Commendataire, mais par un bref particulier du Pape. M. le Card. d’Estrées, Abbé Commendataire d’Anchin en Artois, ayant voulu joüir de ce même droit à l’égard des Religieux de cette Abbaye, en fut exclus par un Arrest du grand Conseil daté du 30 Mars 1694.

Il n’y a que les Abbez Réguliers que l’on bénisse, les Commendataires ne l’ont jamais été. Le pouvoir que quelques Abbez ont de donner la tonsure, n’appartient aussi qu’aux Abbez Réguliers, mais ils ne la peuvent donner qu’à leurs Religieux. Le P. Hay Moine Bénédictin dans son Livre intitulé Astrum inextinctum, assure que les Abbez de son Ordre ont une juridiction comme Episcopale, & même comme Papale, potestatem quasi Episcopalem, imò quasi Papalem, sur tous les Religieux, & que c’est par cette raison qu’ils conferent à leurs Moines la Tonsure & les Ordres Mineurs. Il se peut faire qu’en Allemagne les Abbez de l’Ordre de S. Benoît joüissent de ce privilege, mais ils n’en joüissent point aujourd’hui en France, bien que quelques Abbayes prétendent avoir ce droit en vertu de leur exemption.

Abbé de Cour. On entend par-là un jeune Ecclésiastique poli & dans les manières & dans les habits : cela marque du déreglement & quelque chose de profane. Bouh. On y joint une idée de délicatesse, de volupté & de galanterie. On suppose d’ordinaire plus de science du monde dans un Abbé de Cour, que d’étude de la Théologie.

Abbé, se dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & séculières. Chez les Génois il y avoit un principal Magistrat qu’on appelloit Abbé du peuple. En France il y a eu plusieurs


Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu’on appelloit Abbacomites.

Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & Comtes ont été appellés Abbez, & les Duchez & Comtez, Abbayes : & plusieurs Seigneurs & Gentilshommes, qui n’étoient aucunement Religieux, ont aussi pris ce nom, comme remarque Ménage après Fauchet & autres.

On appelle aussi Abbé, celui qu’on élit en certaines Confréries & Communautés, particulièrement entre les écoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps. A Milan, dans toutes les Communautés de Marchands & d’Artisans, il y en a de preposez qu’on appelle Abbez. Et c’est de-là apparemment qu’est venu le jeu de l’Abbé, dont la regle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent de même.

Abbé, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l’Abbé, c’est-à-dire, en mangeant toûjours : en commençant à dîner. On dit encore, pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé, pour dire, que l’opposition d’un particulier n’empêche pas la délibération d’une compagnie, ou la conclusion d’une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el Abad responde el Monazillo ; & en François, le Moine répond comme l’Abbé chante, pour dire, que les inférieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les supérieurs. On appelle par raillerie, Abbez de sainte Espérance, ceux qui prennent la qualité d’Abbez sans avoir d’Abbaye, & quelquefois même de Bénéfice.


AbBECHER. v. a. Donner la béchée à un oiseau qui n’a pas encore l’adresse de la prendre lui-même. Escam ingerere. Ce mot vient de à & de bec, c’est-à-dire, Mettre au bec. Nicod.

En Fauconnerie on dit, Abbecher l’oiseau, pour dire, lui donner une partie du pât ordinaire pour le tenir ou pour le mettre en appetit, dans le dessein de le faire voler un peu après.

AbBÉE. s. f. Ouverture par où on laisse couler l’eau d’un ruisseau ou d’une rivière, pour faire moudre un moulin, & qui se peur fermer avec des pales ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coutume de Louis, cap. 10. Ce mot peut venir de baye ouverture.

AbBESSE. C’est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Elle a tous les mêmes droits sur ses Religieuses, que les Abbez Reguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtües de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise. Mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plûtost un privilege, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Juridiction comme Episcopale, aussi bien que quelques Abbez Réguliers qui sont exempts de la juridiction de leurs Evêques. V. Exemption.

AbBOI. substantif masc. On disoit autrefois abay. Le cri d’un chien. Ce mot est factice & formé sur le son des chiens qui crient, ou abboyent. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. l’abboi des mâtins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d’étrange autour de la maison. Au premier abboi que fait le limier, le loup sort de son liteau, Saln.

On dit proverbialement, Tenir quelqu’un en abboi, pour dire le repaître de vaines esperances.

Aboi, se dit aussi de l’extrémité où est réduit le cerf sur ses fins ; car alors on dit, qu’il est aux abbois, qu’il ne peut plus courir, qu’il manque de force & de courage. Ultima cervi deficientis necessitas. On ne s’en sert dans ce sens qu’au pluriel.

Abbois, se dit figurément de l’homme, & signifie l’agonie, ou la dernière extrémité. Il est réduit aux abbois ; c’est-à-dire, il se meurt. Animam agere. Expirare. On dit aussi, qu’une place est aux abbois, lorsqu’elle ne peut plus tenir, & qu’elle est sur le point de se rendre ; qu’un procès est aux abbois, quand il est presque jugé, ou perdu : qu’une fidélité est aux abbois, lorsqu’elle est presque vaincuë, & qu’elle est prête à succomber. Extrema, summa angustia. On y voit tous les jours l’innocence aux abois. Boil.


AbBOYEMENT. s. m. Le cri du chien. Latratus. Les longs & affreux abboyemens des chiens ont troublé mon sommeil.

AbBOYER, ou abbayer. v. n. qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens abboyent quand ils sentent des larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien abboye les passans.

Le chien qui de ses cris bat ces rives desertes,
Retint prés d’Abboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d’Orphée aux enfers.

Ce mot vient du latin adbaubare. Ménag. ou de boare, Latin qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en abboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la désirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare. Cet avare, cet ambitieux, abboye après cette succession, après cette charge. Ce chicaneur abboye toujours après le bien d’autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, pourquoi m’abboye tu ? cet autre répondit, parce que je voi un voleur. Ablanc. Cet homme est si méchant, que tout le monde abboye après lui. Un satyrique abboye après les vices. C’est un medisant qui abboye tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat, comme un chien suit sa proye,
Et ne le sens jamais, qu’aussitôt je n’abboye. Boil.

Je tiens qu’originairement abboyer & abbayer sont deux mots differens, & qu’abboyer s’est dit seulement au propre, du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abbayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayerou béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment, ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abboyer à la lune ; pour dire, Crier & pester inutilement contre une personne au dessus de soi. On dit aussi, Tout chien qui abboye ne mord pas, pour dire, que ceux qui menacent, souvent ne font pas grand mal.

AbBOYEUR. s. m. Latrator. Qui abboye. Un chien qui est grand abboyeur est importun. On appelle Abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboyent devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi figurément des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité. Voilà bien des abboyeurs. Il a des abboyeurs à ses côtés. Ablanc.

AbBREUVER. v. act. Adaquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abbeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abbreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abbreuvé. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abbreuver, signifie aussi Humecter & imbiber d’eau. Humectare, Imbuere. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d’eau. La terre est abbreuvée par les pluyes. Abbreuver les prés, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées. Les porositez des corps sont abbreuvées des humeurs cruës, épaisses, froides.

Abbreuver, v. act. Terme de Vernisseur. On dit dans ce sens que la première couche de vernis ne se met que pour abbreuver le bois.

Abbreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas il signifie, Boire, s’enyvrer. Inebriari. Ce jeune homme s’étoit si bien abbreuvé, qu’il bronchoit à chaque pas.

Abbreuver, signifie figurément, Instruire, prévenir quelqu’un par quelque chose, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abbreuvé de cette opinion. J’en suis abbreuvé depuis ma jeunesse. Tout le monde est abbreuvé de cette nouvelle. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abbreuvés des saintes eaux de la sagesse. Patru.

Abreuvé, ée. part. pass. Imbutus.

Sitôt que du Nectar la troupe est abreuvée. Boil.

AbBREUVOIR. s. m. Lieu où on abbreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abbreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abbreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abbreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. La vraie heure de tendre à l’abreuvoir est depuis deux heures du matin jusqu’au soir, demi-heure devant le soleil couché ; mais le meilleur tems c’est sur les dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois ; & enfin, une heure & demie devant le coucher du soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abbreuvoir. Chomel.

Abbreuvoir, en tèrmes de Maçonnerie, se dit des intèrvalles que les Maçons laissent entre les joints des pièrres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sèrt plus souvent du mot godet. Bima.. Les Anglois se servent du mot abbreuvoir dans ce même sens.

On dit provèrbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abbreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abbreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abbreuvoir, quand on se léve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du stile burlesque.

ABC.

A. B. C. on prononce abécé, s. m. Rudimentum. Alphabet de la Langue Françoise. C’est aussi un petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’abécé.

Abécé, signifie aussi le commencement d’une science, ou d’une affaire ; le principe d’un art. Prima Elementa. Quand on pense avoir pénétré les secrets de la nature, on se trouve encore à l’abécé. Renvoyer quelqu’un à l’abécé, c’est le traiter d’ignorant. C’est dans le même sens qu’on appelloit l’Empereur Justin αναλφάβεθη. Ce mot est composé des trois premières Lettres de l’alphabet François, comme le Grèc, qui lui répond, des deux premières. Alpha & Beta. Les Espagnols l’appellent Cartilla ; les Italiens Abaco, & les Anglois Abacus, qui vient du Grec άβακος.

ABÉCÉDAIRE. s. m. Qui est encore l’abécé. Elementarius. S. Jérôme & S. Fulgence, 3. Mythol. CX, disent Abecedarius, a, um. On se moque d’un vieillard abécédaire, qui est encore à l’abécé, qui ne sait rien. On a donné le titre d’Abécédaire à un livre de Pièrre d’Alva sur la Conception de la Vièrge en vingt-un volumes, dont la prémière lettre A contient trois gros vol. in-fol. imprimez à Madrid en 1648. Il est intitulé, Abecedarium Marianum.

ABD.

ABDICATION, s. f. Démission, acte de renonciation à une Charge, à une Magistrature. Abdicatio. Il faut remarquer que l’abdication diffère de la résignation, en ce que l’abdication se fait purement & simplement, au lieu que la résignation se fait en faveur d’une tièrce pèrsonne.

On dit, L’abdication d’un fils rebelle & désobéïssant. Dans le Droit Civil l’abdication est opposée à l’adoption. L’abdication n’étoit différente de l’exhérédation que dans cette circonstance : c’est que le fils abdiqué étoit exclus de la famille & de la succession paternelle, par un acte public pendant la vie du père ; au lieu que l’exhérédation n’avoit d’exécution qu’en vèrtu de son testament. Les causes de l’abdication étoient les mêmes que celles de l’exhérédation. Harris, dans son Dictionnaire Anglois des Arts, dit qu’on trouve qu’abdication s’est dit encore d’un homme libre qui renonce à sa condition pour se faire esclave, ou d’un Citoyen Romain qui renonce à cette qualité & aux priviléges qui y étoient attachez.

On dit aussi au Palais, faire une abdication de biens, quand on en fait un abandonnement entier.

ABDIQUER, v. act. Renoncer à une Magistrature, à une Charge, s’en dépoüiller, l’abandonner. Abdicare. Dioclétien & Charles-Quint ont abdiqué l’Empire. Il se dit aussi absolument ; ce Prince a été forcé d’abdiquer.

On dit en Droit, Abdiquer un fils, pour dire, l’abandonner, le chasser de sa maison, ne le reconnoître plus pour fils. C’est l’exhéréder, & le priver de tous les avantages attachez à sa qualité de fils. Est quasi negare filium.

Abdiqué, ée, participe passif & adjectif. Abdicatus.

ABDOMEN, s. m. Terme de Médecine, qui sign. la partie extérieure du bas-ventre, depuis les cuisses en remontant jusqu’au diaphragme. Il se dit quelquefois, mais improprement, des parties contenues dans le bas-ventre. Les Grecs l’appellent επιγάστριον & les Arabes mirach.

ABDUCTEUR. adj. m. Abductor.C’est une épithète que les Médecins donnent au quatrième muscle des yeux, qui les fait mouvoir en dehors, & regarder de côté pour marque de mépris & de dédain : c’est pourquoi on l’appelle aussi orgueilleux, & indignabundus, ou dédaigneux, fastidiosus. On le dit aussi des muscles du pouce, & d’autres parties du corps qui se peuvent mouvoir en dehors.


Ce mot vient du Latin abduco, qui signifie Emmener.

ABE.

ABEILLE. s. f. Insecte volant, grosse mouche qui a un aiguillon fort piquant, & qui fait le miel & la cire. Apis. Swammerdam en fait la description, aussi-bien que des bourdons appellés fuci. A l’égard des abeilles qui font le miel, qu’il appelle, apes operariæ, il dit qu’on ne peut découvrir si elles sont mâles ou femelles ; mais dans le roi & les bourdons, les parties qui servent à la génération, sont très-perceptibles. Jean de Horn, fameux Anatomiste, a fait voir les œufs des abeilles dans la femelle, que l’on nomme ordinairement le roi. Elles ont un tissu dont elles sont enveloppées, qui est ourdi de même que celui des vers à soie. Swammerdam montre aussi des rayons de miel où l’on voit les appartemens du roi & des autres abeilles. On découvre sensiblement dans les abeilles les poumons composez de deux petites vessies. Leur gouvernement ne consiste que dans un amour mutuel, sans qu’elles aient la moindre supériorité les unes sur les autres. Les abeilles servent d’aliment aux hirondelles, qui ont l’adresse de les prendre en volant. C’est pourquoi lorsqu’il va pleuvoir, & qu’il y a peu de ces petits animaux dans l’air, les hirondelles descendent vers la terre pour y chercher leur aliment : d’où est venue l’erreur de croire qu’elles prédisent la pluye. Il y a aussi des mouches d’eau, qui portent les aiguillons dans la bouche, aussi-bien que tous les autres insectes aquatiques. Aldrovandus les décrit sous le nom d’abeilles amphibies ; & Jonston les appelle abeilles sauvages. Il y a une espèce d’abeilles sauvages qu’on trouve dans les jardins & dans les bois. Swammerdam en fait voir de six sortes. Il y en a qui ont des cornes fort longues ; d’autres dont le corps est velu. Mouffet les appelle abeilles solitaires dont le nid est fait de gravier, de sable & d’argile. Il fait voir aussi sept sortes de guêpes. Il y en a aussi de bâtardes, qu’on appelle pseudophecæ. Hoefflnagel en a dépeint de 24. sortes, entre lesquelles il y a une mouche à trois queues, en latin vespa. Il y en a une que Goedart appelle gloutonne & dévorante, que quelques-uns nomment muscalupus, parce qu’elle dévore sa proye avec les dents.

Le roi des abeilles est femelle, & jette environ six mille œufs par an. Il est deux fois plus gros que les autres abeilles. Il a les ailes courtes, les jambes droites, & marche plus gravement que les autres. Il a une marque au front. Pline dit que le roi des abeilles n’a point d’aiguillon. Quelques-uns prétendent qu’on remarque dans la république des abeilles une régularité & une subordination admirables ; qu’on y voit une distribution bien réglée des emplois ; un ordre, & un concert aussi parfait qu’entre des esprits qui conspirent à l’exécution d’un même dessein. Ce que Virgile dit que les piqûres des abeilles leur coûtent la vie, parce qu’elles laissent leur aiguillon dans la plaie, Animas in vulnere ponunt, n’est point véritable, & les Naturalistes n’en demeurent pas d’accord. C’est le seul insecte né pour l’utilité de l’homme, à ce que dit Pline, Liv. ii. En quoi il se trompe, car il devoit du moins ajoûter le ver à soie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Mathiole, touchant leur œconomie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Machiole, touchant leur œconomie, qui sont telles, que le Philosophe Aristomache employa 60. ans en leur contemplation. Quelques-uns croyent qu’on peut faire des abeilles par art. Lorsqu’on tuë un bœuf en Été, & qu’on l’enferme dans une chambre basse bien close, pour le laisser pourrir dans son cuir, ils prétendent qu’au bout de 45. jours il en sort une infinité d’abeilles. Les principaux des Anciens qui ont parlé des abeilles, sont Aristote, Hyginus, Virgile, Celse, Marc Varron, &c.

Abeille, est l’une des douze constellations australes, qui ont été observées par les Modernes depuis les grandes navigations. Ozan. Elle est composée de quatre étoiles de la cinquième grandeur.

Abeille, se dit quelquefois figurément de ceux qui parlent, ou qui écrivent élégamment. Xénophon a été appelé la Muse & l’abeille Athénienne, à cause de la douceur de son stile. M. Scud.

ABEsTIR. v. act. Hebetem, stupidum reddere. Rendre un homme stupide & semblable à une bête par de mauvais traitemens. Son


fils est tout abêti. Nabuchodonosor fut abêti par un juste jugement de Dieu. Les yvrognes s’abêtissent par l’excès du vin. Les afflictions, la solitude abêtissent les gens. Ce verbe est quelquefois neutre. Hebescere. On dit, Cet enfant abétit tous les jours.

Abesti, ie. part. & adj. Hebes.

ABH.

AB HOC ET AB HAC. Mots empruntés du Latin. On s’en sert en style familier, pour dire, Confusément, sans ordre, sans raison, à tort & à travers. Temerè, inconsideratè, inconsultè. Discourir ab hoc & ab hac.

ABHORRER. v. act. Avoir en horreur, détester ; avoir de l’éloignement & de l’aversion pour une personne. Abhorrere. C’est un mélancolique qui abhorre le mariage. Un tyran est un monstre que tout le monde abhorre. Tout animal abhorre la mort. Un Chrétien doit abhorrer le blasphème. On dit aussi, S’abhorrer soi-même dans l’agitation & dans les remords d’un crime.

 Objet infortuné des veangeances célestes,

Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Racin.

ABI.

ABJECTION, s. f. Condition servile qui fait tomber une personne dans le mépris. Abjectio. La fortune a réduit ce Gentilhomme dans une grande abjection. Quelques-uns ont écrit abjection d’esprit, pour dire, Abattement d’esprit. Le mérite des premiers Chrétiens, des premiers Religieux, a été de vivre dans l’abjection, dans l’humilité, dans le mépris du monde. Ce mot vieillit ; on ne s’en sert guères que dans des livres de dévotion.

ABJET, ette, adj. Méprisable. Abjectus, contemptus. Il se dit surtout de la naissance & de la profession. Une naissance abjecte, un métier abject, un homme abject. On le dit aussi de l’esprit, du courage. C’est un esprit vil & abject, une ame basse & abjecte, qui n’a aucune élévation, qui ne pense à rien de grand. Le commencement des autres arts est bas & abject, mais celui du parasite est illustre, & commence par l’amitié. D’Ablanc. Par les exemples qu’on vient de citer, on peut remarquer que le terme abject marche rarement seul, & sans être accompagné d’une autre épithète qui lui sert de commentaire & d’explication. On le trouve seul dans Vaugelas :La gloire qui s’acquiert sur des ennemis abjects perd bientôt son lustre. Ce mot vient d’abjectio, qui signifie, Jetter par mépris abandonner une chose comme inutile.

ABIME, ABIMER. Voyez Abyme}}, Abysmer.

AB-INTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celui qui hérite de droit d’un homme qui n’a point fait de testament, & qui avoit pourtant le pouvoir de tester. Intestato. On ne dit point d’un mineur qu’il est mort ab-intestat ; mais on dit d’un fils qu’il est héritier de son Père ab-intestat. Il y a eu un temps où l’on privoit de sépulture ceux qui étoient décédés ab-intestat :ce qui donna lieu à un Arrêt du 19. Mars 1409. portant défenses à l’Evêque d’Amiens d’empêcher, comme il faisoit, la sépulture des décédés ab-intestat.

ABJURATION, s. f. Renonciation solemnelle à une erreur, à une Hérésie. Erroris confessio ac detestatio. C’est aussi l’acte en forme, par lequel on justifie que l’on a abjuré. Son abjuration est signée de l’Évêque.

ABJURER, v. act. Renoncer solemnellement à quelque mauvaise doctrine, à des maximes erronées. Errorem damnare, detestari. Cet homme a abjuré les erreurs de Socin. On dit simplement & absolument, il a abjuré ; pour dire, il a changé de Religion, il s’est converti. On a dit autrefois, abjurer sa Patrie ; pour dire, Quitter la Province pour n’y plus retourner, comme font les bannis & les proscrits. Abnegare Voyez Abjuration.

L’usage de ce terme n’est pas restreint aux matières de Religion. Il sert à exprimer qu’on renonce pour toûjours à certaines choses, & qu’on les abandonne. Il a abjuré la Poësie. Scar. Elle a abjuré tout sentiment de pudeur & de vertu. Pasc. Abjuré, ée. part. pass. & adj. Damnatus, abjectus, repudiatus.

ABL.

ABLAB, s. m. Arbrisseau de la hauteur d’un sep de vigne, dont les rameaux s’étendent de même. Il croît en Egypte, & subsiste un siècle, également verd en hyver & en été. Ses feuilles ressemblent à celles de nos fèves de Turquie, & ses fleurs qu’il porte deux fois l’an, au printemps, & en automne, sont presque pareilles. Cette plante produit des fèves qui servent de reméde contre la toux & contre la rétention d’urine. Les Égyptiens s’en nourrissent.

ABLAIS, s. m. Terme de Pratique en quelques Provinces. Dépouille de bleds. La Coûtume d’Amiens défend d’enlever les fruits, & ablais, quand ils sont saisis, sans donner caution au Seigneur de ses droits.

ABLATIF, s. m. Terme de Grammaire. Sixième cas de la déclinaison du nom & du participe, qui exprime un rapport de séparation, de division, ou de privation. Ablativus Casus, auferendi casus. On dit aussi ablatif absolu, quand il est sans régime. On l’a nommé autrefois ablatif égaré. On dit populairement ablativo tout en un tas ; c’est-à-dire, tout ensemble, avec confusion. Le mot d’ablatif Latin a été fait ab auferendo. Priscien l’appelle aussi comparatif, parce qu’il ne sert pas moins à comparer qu’à ôter, parmi les Latins. Les Grammairiens prétendent que les Grecs n’ont point d’ablatif.

ABLE, ou ABLETTE, s. m. Petit poisson plat & mince, qui a le dos verd & le ventre blanc. Alburnus. Il se trouve dans les riviéres. Il semble que ce mot vient d’albus, & qu’on dit able, pour albe, à cause de sa blancheur, par une simple transposition de lettres assez ordinaire dans les Langues.

ABLERET, Terme de pêche. C’est une espèce de filet carré attaché au bout d’une perche, avec lequel on pêche les ables, ou autres petits poissons : ce qui est permis par plusieurs Coûtumes. On l’appelle en quelques païs trable-etiquette, ou simplement Carré..

ABLOQUIEZ, adj. plur. Terme de Coutume. Celle d’Amiens défend aux Tenanciers de démolir aucuns édifices abloquiés & solivés, dans l’heritage qu’ils tiennent en roture, sans le consentement de leur Seigneur. Ces mots viennent apparemment de amovere à loco & à solo.

ABLUTION, s. f. Ablutio. Qui n’est en usage en François que pour signifier cette goutte de vin & d’eau qu’on prend après la Communion, pour consommer plus facilement la Sainte Hostie, ou qui sert à laver les doigts du Prêtre qui a consacré, ou dans quelque autre cérémonie ecclésiastique. Faire l’ablution. De là vient qu’on appelle aussi ablution, le vin que l’on mettoit dans un calice pour le donner aux enfans, à qui l’on administroit autrefois la Communion sous la seule espéce liquide. On voit cette coutume dans quelques Rituels voisins du douzième siècle. La ressemblance de cette action avec l’ablution que prennent les Prêtres à la Messe, lui a fait donner le même nom.

Ablution, se dit aussi chez les Religieux qui portent des habits blancs, de l’action de les blanchir & de les nettoyer. Lotio, lotura. Il y a des écriteaux qu’on met dans les cloîtres pour marquer les jours d’ablution.

Ablution. Les Médecins & les Chirurgiens appellent ablution, une préparation du médicament dans quelque liqueur, pour le purger de ses immondices, ou de quelque mauvaise qualité.

ABN.

ABNÉGATION, s. f. Terme de dévotion. Renonciation à ses passions, à ses plaisirs, à ses intérêts. Abnegatio. L’abnégation de soi-même est nécessaire pour la perfection Chrétienne. Il n’est guère en usage que dans cette phrase, & pour signifier un renoncement de soi-même, & un détachement de tout ce qui n’a point de rapport à Dieu. L’abnégation & la haine de soi-même recommandées dans l’Evangile, ne sont pas une haine absolue de nous-mêmes, mais de notre corruption. Fenel. La pauvreté religieuse renferme une abnégation & un renoncement sincère à tout ce qui n’est point Dieu, & qui ne peut contribuer ni à sa gloire ni à son service. Ab. d. l. Tr. Vivre dans une sincère abnégation. Id. Ce terme vient du Latin abnegare, qui signifie désavouer, ne vouloir point reconnoître une chose comme sienne.



ABO.

ABOI, Voyez Abboi.

ABOILAGE, s. m. Vieux mot qui se trouve encore dans quelques Coutumes, & qui signifie un droit du Seigneur sur les abeilles qui se trouvent dans les forêts de leurs Châtellenies. Il a été formé d’aboilles, qu’on disoit autrefois pour abeilles. Ménag.

ABOLIR, v. act. Mettre quelque chose hors d’usage, l’abroger, l’annuller. Abolere, abrogare, refigere. Le Magistrat a aboli cette méchante coutume. Le Roi a aboli une telle Loi, une telle procédure ; il a entièrement aboli les duels. Il signifie encore, Détruire, anéantir. Le temps a aboli les plus beaux Monumens de l’antiquité. Il n’y a que le Roi qui puisse abolir un crime ; c’est-à-dire, absoudre le coupable, & l’exempter du châtiment. On dit aussi abolir, ou effacer la mémoire & le souvenir des choses passées. Oblitterare memoriam. Abolir, ou bannir la superstition. Superstitionem tollere. Abolir ou révoquer les impôts. Le temps qui consume tout, abolit tous les jours les noms & les titres qui sont gravés sur ces magnifiques monumens. Bouh. Ce mot vient du Latin abolere, ita extinguere & delere, ut ne oleat quidem.

Abolir, se dit aussi avec les pronoms personnels. Les Mandats Apostoliques se sont abolis par un non usage. Il ne faut pas souffrir que les bonnes coutumes s’abolissent.

Aboli, ie, part. pass. & adj. Abolitus, abrogatus. Loi abolie, Crime aboli.

ABOLISSEMENT, s. m. Abrogation, extinction. Abolitio legis. L’abolissement, ou l’abrogation des Loix se fait par l’établissement des nouvelles. L’abolissement des coutumes arrive par le temps, & par le non usage. L’abolissement des cérémonies Judaiques a été l’effet de la Prédication de l’Évangile.

ABOLITION, s. f. Terme de Chancellerie. Abolitio criminis. Lettres de pardon du Prince, par lesquelles il abolit entièrement un crime qui n’est pas remissible par les Ordonnances, sans même qu’on soit tenu d’en expliquer les circonstances, & de les rendre conformes aux informations, ainsi qu’il est requis aux Lettres de grace, qui ne s’accordent que pour les cas remissibles. Absolutoriæ litteræ. Les Lettres d’abolition doivent contenir cette clause : En quelque sorte & manière que le cas puisse être arrivé. Celui qui obtient l’abolition de son crime se met au nombre des innocens, & reprend son premier rang, Liv. III. ff. de accusat. De Roch. Quoique la parole d’un Roi soit un fondement inébranlable ? néanmoins en matière de crime de Lèze-Majesté, il faut toujours faire entériner les Lettres d’abolition au Parlement. Matthieu, en la vie de Henri IV. Liv. V. De Roch. L’amnistie est une abolition générale de tout ce qui s’est commis durant la Guerre Civile. Un vrai acte de contrition emporte l’abolition de tous les péchés : en ce cas il signifie Absolution.

Abolition, signifie aussi la destruction d’une Loi, d’une Coutume. On a eu bien de la peine à faire une entière abolition des superstitions Payennes. L’entière abolition de l’Ordre des Templiers.

ABOMINABLE. adj. m. & f. Horrible, détestable, exécrable. Abominandus, detestandus. Le repas d’Atrée & de Thyeste fut un repas abominable. Néron étoit un monstre abominable, L’hérésie d’Arius étoit abominable. Le parricide est un crime abominable. Il se dit par exagération de tout ce qui est très-mauvais. Une phrase abominable, une musique abominable.

ABOMINABLEMENT. adv. Exécrablement, horriblement. Abominandum, detestandum in modum. Il en a usé avec lui abominablement ; c’est-à-dire, d’une manière détestable : & par exagération, il écrit abominablement.

ABOMINATION. s. f. Horreur, exécration. Abominanda, detestanda res. L’Eglise a cette opinion en abomination. Le Seigneur a en abomination les sanguinaires. Saen. Ce scélérat est en abomination à tous les gens de bien. Ce mot signifie aussi la chose, ou la personne même abominable. Ce brigand commet tous les jours mille abominations. Il est l’abomination de tous les gens de bien.

ABOMINER. v. a. Vieux mot qui n’est plus en usage. Avoir en horreur. Abominari, execrari.

Ces mots viennent d’abominari, comme qui diroit, ab omine rejicere, rejicere tamquam malum, Rejeter une chose comme si elle étoit de mauvais augure.

ABONDAMMENT. adv. En abondance. Abundanter, abundè, copiosè, cumulatè. Cette source donne de l’eau abondamment. Ce champ me fournit abondamment dequoy vivre.


Le Parasite ne seme ni ne moissonne, & trouve tout abondamment.

ABONDANCE, s. f. Foison, grande quantité, affluence de plusieurs choses en un même lieu. Abundantia, copia. La commodité des rivières amène l’abondance à Paris. Le luxe, les plaisirs, enfans de l’abondance. Cail. On se lasse des plaisirs, & l’abondance engendre le dégoût. Ablanc. L’abondance n’est pas toujours la marque de la perfection des Langues. Bouh. Tu épouseras une femme gentille, qui fera venir l’abondance chez toi. Mol. Il étoit dans une heureuse abondance de toutes choses. Patr. Il fit un fonds dans les années d’abondance, pour passer celles de stérilité. Gomb. Il a abondance de bien, ou des biens en abondance. L’Auteur du Dictionnaire Œconomique rapporte plusieurs manières, ou secrets de faire une grande abondance de bled, de crème, de pèches, de poires, &c. On dit aussi, abondance de droit. Dieu verse sur nous ses graces en abondance. Une année d’abondance.

On appelle la corne de la chèvre Amalthée, la corne d’abondance. Copiæ cornu. En Sculpture & en Peinture, c’est une figure de corne d’où il sort des fruits. L’Architecture de ce Palais est ornée par-tout de cornes d’abondance. A l’égard des Médailles on observe qu’elle se donne à toutes les Divinités, aux Génies, aux Héros, pour marquer les richesses & l’abondance, procurées par la bonté des Dieux, & par la valeur des Héros. Quelquefois l’on en met deux pour marquer une abondance extraordinaire.

L’abondance est quelquefois représentée sur les Médailles, sous la forme d’une Divinité. Elle tient à la main des épics, & elle a à ses pieds un pavot entre des épics sortant d’un boisseau.

On dit proverbialement, De l’abondance du cœur la bouche parle ; pour dire, qu’on ne peut retenir certaines choses, & qu’on est pressé de s’en expliquer.

ABONDANT, ante. adj. Qui a abondance, Abundans, affluens, circumfluens. Un jardin abondant en fruits. La langue Grecque est fort abondante en mots & en phrases. Cette maison est abondante en biens. Ce Prédicateur est abondant en paroles & en comparaisons. La Perse étoit alors paisible & abondante en toutes choses. Vaug.

Abondant, signifie encore, grand & ample. Une pluye abondante. Une abondante nourriture. La profusion des louanges est aujourd’huy si abondante, qu’il est surprenant que tant de gens en soient si avides. Port-R.

d’Abondant. adv. En outre. Insuper, prætereà. Il lui a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit guère qu’au Palais. Vaug.

ABONDER. v. n. Avoir beaucoup de quelque chose. Abundare, affluere, circumfluere. Ce pays abonde en froment, en vin, en fourrages. Cet homme abonde en richesses, en esprit. Toutes sortes de délices abondent en ce lieu. Voit. L’eau abonde en cet étang. Cette famille abonde en honnêtes gens.

On dit figurément, qu’Un homme abonde en son sens ; pour dire, qu’il est attaché avec opiniâtreté à ses opinions, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Pertinax. On parleroit mal en disant, Abonder en son sentiment, quoyque sens & sentiment soient icy la même chose. Vaug.

Il abonde en malice, en mauvais raisonnemens. L’Écriture dit que la grace abondera où le péché a abondé. On dit proverbialement, Ce qui abonde ne vitie pas.

Ces mots viennent du Latin abundare, qui vient de unda, & qui se dit en premier lieu des rivières quand elles sont grosses, & ensuite par rapport de toutes les choses qui sont en grande quantité.

ABONNEMENT, ou ABOURNEMENT, ABONNAGE, ou ABOURNAGE. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, c’est-à-dire, on vend ou on rachete à un prix certain une redevance incertaine. Clientelaris juris venditio, vel redemptio. Ce mot vient de ce qu’on met de certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit prétendre. Paq. On disoit même autrefois bonnes pour bornes, ou limites. C’est pourquoi on disoit, Abonner un héritage ; pour dire, y mettre des bornes. Ménag. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. Ce Marchand est abonné à cent écus par an avec le Douanier, pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. Il se dit avec le pronom personnel : Je m’abonnai, je suis abonné. Par plusieurs Coutumes les roussins de service sont abonnés à un écu.

Abonner ou abourner. v. a. Terme de Palais. Estimer & réduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on recevoit ou qu’on payoit en espèces, & dont le prix étoit incertain. Clientelaria jura vendere, vel redimere.

Abonner, signifie aussi, Aliéner, changer : c’est quand un vassal aliène ses rentes, ou change son hommage en quelque autre devoir. Abalienare, commutare. Voyez les Coutumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliéner, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

Abonne’, e’e, part. Venditus, vel redemptus. Champart abonné ou abourné. Les Coutumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnés, de quête abonnée, d’aides abonnées ; c’est-à-dire, fixées.

On dit aussi, Des Meûniers abonnés au Seigneur, pour avoir permission de chasser, & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coutume de Nevers, & abournée en la Coutume de Troyes.

ABONNIR. v. act. & pron. Rendre meilleur, ou devenir meilleur. Rem meliorem facere, meliorem fieri. Les Cabaretiers trouvent moyen d’Abonnir leur vin par des drogues qu’ils y mêlent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les fruits s’abonnissent en mûrissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon. Il n’est en usage que dans la conversation.

Abonnir, terme de Potier, qui signifie Faire sécher le carreau, & le mettre en état de rebattre. Siccare, durare.

ABORD. subst. m. Entrée, accès, approche. Aditus. Les abords de cette place sont dangereux. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. Lecommerce fleurit d’ordinaire dans les ports qui sont de facile abord. Ce mot est composé de à & de bord, signifiant rivage.

Abord, se dit aussi de l’accès qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Le premier abord de cette femme est froid, & dédaigneux. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. Sa bonté inspiroit de la confiance à ceux ausquels l’impression de ses grandeurs pouvoit faire appréhender son abord. Le P. Gail. Ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & désagréable. Il se dit aussi de la présence, de la vûe. Son abord importun me fait fuir. Préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre Père. Mol.

Abord, se dit de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Appulsus. Constantinople est une ville d’un grand abord. Il y a un grand abord de Pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. Il y a un grand abord de joueurs, de beau monde dans une telle maison. L’abord des Marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les échelles d’Orient.

Abord, signifie encore, Arrivée. A notre abord dans l’Isle nous fûmes attaqués. Ablanc. Son abord dans le Royaume allarma tout le monde.

Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à craindre, on ne peut soutenir leur premier abord. L’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau. Impetus, assultus.

d’Abord, tout d’abord, de prime abord, à la première vûe, sont des phrases adverbiales. Primo aspectu, prima fronte. Du commencement. Principio, initio. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. Tout d’abord a une signification plus forte. Quoique je n’eusse point vu cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. Cette nouvelle me surprit d’abord. Au premier abord ils se regarderent fièrement.

d’Abord, incontinent. Aussitôt. Statim.

ABORDABLE. a. m. & f. Accessible, Ad quem facilis est aditus. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. Cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE, s. m. Terme de marine, qui se dit lorsque deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Appulsus. Aller à l’abordage, se dit de l’action d’un vaisseau qui en a joint un autre pour l’enlever. Faire l’abordage en belle ou debout au corps ; c’est-à-dire, l’éperon dans le flanc. L’abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant, & en droiture, pour s’enferrer par les éperons. L’abordage de bout au corps, c’est mettre l’éperon dans le flanc.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même parti, soit lorsqu’ils vont en flotte, soit lorsqu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent, & qui les font dériver les uns sur les autres.

ABORDER, v. n. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer ; prendre terre. Navem, classem ad portum appellere. J’aborde, j’abordai, je suis abordé. Les Marchands abordent de tous côtés à la foire de Beaucaire le 21. de Juillet. On ne convient pas qu’Enée soit abordé en Italie. Il n’est pas sûr d’aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Ablanc. Il ne put aborder à cause que la rive étoit escarpée. Id. Ils aborderent en des pays inconnus. Vaug. Il signifie, Arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts. Ablanc. Il signifie encore, Entrer, parvenir. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du Peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemi de mettre pavillon bas, & d’aborder. Accedere. On dit de deux vaisseaux qui s’approchant en droiture, s’enferrent par leurs éperons, qu’ils s’abordent de franc étable. On dit, Aborder au port, sur les rivières : mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, v. act. signifie, attaquer l’ennemi hardiment, tant par mer, que par terre. Aggredi, invadere. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde. Ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

On dit aussi, Qu’on n’oseroit, ou qu’on ne peut aborder un lieu, à cause de la situation, ou de quelque autre obstacle qui le rend inaccessible, soit des voleurs, ou des bêtes farouches. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder de la basse-cour.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour lui parler. Adire aliquem, congredi cum aliquo. Ce Ministre est si honnête qu’on l’aborde facilement. Il l’aborda avec ce compliment : Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. M. Esp.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

Aborde’, e’e, part. & adj. Appulsus.

ABORNER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un Enfant en cette phrase de l’Ecriture : Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi souvent en Médecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le tems.

ABOUCHEMENT, s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conférence. Collocutio. L’abouchement des Grands Princes a été souvent nuisible à leurs Etats. On a plutôt terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de négociation par lettres.

Abouchement, Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arteriarum concursus.

ABOUCHER, v. act. Aborder quelqu’un, lui parler tête à tête, conférer avec lui bouche à bouche. Colloqui. On ne peut aboucher cet homme là, tant il a d’affaires. Il signifie aussi, Faire conférer une personne avec un autre. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de Party s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se


sont abouchés pour la Paix des Pyrenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent.

ABOUEMENT, ou plutôt BOUEMENT, s. m. Terme de Menuiserie. On appelle assemblage d’abouement, celui où la plus grande partie de la pièce est quarrée, & la moindre partie à onglet.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recepage.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

ABOUTE’. adj. Terme de Blason, qui se dit de quatre hermines dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

ABOUTIR, v. n. Finir, tendre, se rendre, terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette Pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Cette grande recherche n’aboutira à rien. Ce long compliment n’a abouti qu’à me demander de l’argent à prêter. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Médecine, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto superaddere. On se sert pour cela de coins, & autres outils ; mais ensorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

ABOUTISSANT, ante. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la varenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Sçavoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT, s. m. Terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’allonger.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mortoise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, On remanie about.

Tous ces mots viennent de bout.

ABOYER, Voyez Abboyer.

ABR.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, de dragons, &c, sur quoy Macarius & Chiflet ont fait des traitez. Gassendi, & Du Gange en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. Si on l’écrit en Latin, cette faute, qui est dans la plûpart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure du C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en latin il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ.

ABREGE’, s. m. Sommaire, épitome, racourci ; discours dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus ample & plus étendu. Epitome. Abrégé de l’Histoire Romaine. Mézerai a fait l’abrégé de sa grande Histoire en trois volumes in quarto.

On dit aussi, Un abrégé des merveilles du monde, quand on veut bien louer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu’on peut voir de beau ailleurs. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appellé microcosme ; pour dire qu’il est un abrégé des merveilles de l’Univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R. Voici l’abregé de toute la sagesse, & de toute la folie. Ablanc.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchifrer les abrégez qui sont dans les bulles, & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n’a que deux pieds de long se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.

En Abrégé, adv. Sommairement, en peu de paroles. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les Livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABREGEMENT, s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvellé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrègement des paroles & du papier. Port-R.

ABREGER, v. act. Rendre en moins de paroles, ou renfermer dans un plus petit espace ; racourcir, resserrer ce qui est trop diffus. Con-


trahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120. ans depuis le Deluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Abrege’, e’e, part. & adj. Racourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger, Façon de parler adverbiale ; pour dire, enfin, pour conclusion. Quid multa, ne longum sit. On dit aussi, Abrégez, quand un Supérieur est ennuyé d’un discours trop prolixe qu’on lui fait. Contrahe. On le dit aussi en un calcul de jettons quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio.

ABREVIATEUR, s. m. Celui qui abrége un livre. Qui epitome conficit. Mr de Sponde Evêque de Pamiers est l’abréviateur de Baronius. Mr Bernier a rendu un grand service au Public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du bon goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur.

Abréviateur, se dit encor de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les Abreviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prelats à qui le Régent de la Chancellerie distribue les Supliques, & qui ont des Substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les Abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.

ABRÉVIATION, s. f. Écriture en abrégé, qui se fait avec des marques & des caractères qui suppléent les Lettres qu’on retranche, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. Tous ces mots viennent du Latin brevis, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

ABREUVER, ABREUVOIR, Voyez Abbreuver, Abbreuvoir.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, où l’air est moins agité. Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoy qu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Moüillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. Perfugium tutum à &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sureté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis. Il est à l’abri de la persécution. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces. Sa vertu s’est maintenue sans tache à l’abri de son peu de mérite. Vill.

A l’abri d’une longue & sure indifférence,
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense. Des Houl.

Si dans la pauvreté l’on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exemt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Boileau parle de certains Abbés dont tout le métier,

Est d’aller à l’abri d’une perruque blonde,
De leurs froides douceurs fatiguer le beau monde,

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de


l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré.

ABRIER. v. act. Vieux mot qui signifioit, Protéger, défendre. Defendere. Mézerai l’a employé. Les Jardiniers s’en servent, pour dire Mettre une couche, une fleur à l’abri du vent.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verds, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le mâle, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier.

ABRICOTE’. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre. Prunum armeniacum saccharo conditum.

ABRICOTIER, s. m. Arbre qui porte des abricots. Prunus armeniaca. Ses feuilles sont semblables à celles du tremble, un peu pointues par le bout, dentelées en leur circonférence, & sortent quatre à quatre, ou cinq à cinq. Il jette des fleurs blanches comme le cerisier, d’où sort le fruit en forme de pêche, ayant au dedans un os, dans lequel il y a un noyau, tantôt doux, & tantôt amer.

ABROGATION, s. f. Action par laquelle on annulle, ou on change une loi ; on supprime une coutume. Abrogatio. L’abrogation de la Pragmatique Sanction s’est faite par le Concordat entre François I. & Léon X. en 1525.

ABROGER, v. act. Casser, annuller, mettre hors d’usage. Abrogare. Il ne se dit guère que des Loix & Coutumes. Les anciennes Ordonnances sont abrogées par les nouvelles. Les coutumes s'abrogent par un usage contraire pendant un long espace de temps. Ce Prince entreprit d’abroger les Priviléges de la nation.

Abrogé, ée, part. pass. & adj. Abrogatus. Les Loix abrogées n’ont plus de force.

ABROTONE. s. f. Abrotonum. Herbe, ou plante fibreuse & odoriférante. Elle ne peut supporter le froid, & vient mieux dans une terre maigre & sèche. Il y en a de deux sortes, mâle & femelle. Elle est toujours verdoyante, selon Théophraste.

ABRUTIR. v. act. Rendre bête, stupide. Stupidum acbruti similem facere. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude. Vaug.

ABRUTISSEMENT, s. m. Stupidité grossière. État de celui qui vit en bête. Stupor. Quand un vieux pécheur est tombé dans l’abrutissement, il ne s’en peut retirer sans une spéciale grace de Dieu.

ABS.

ABSCE’S, Voyez ABCE’S

ABSCONSER. v. neut. Se cacher. Abscondere, Abdere se. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconsement du soleil. Occasus solis. Nicod.

On trouve en Latin barbare absconsa, absconse ; pour signifier, une lanterne sourde, dont la lumière se cache, absconditur.

ABSENCE, s. f. Retraite, éloignement, soit du lieu, soit de la personne. Absentia. Les amants supportent avec douleur l’absence de leur maîtresse. Les maris vont chercher de l’amour conjugal dans l’absence. Ch. d’H. Les souvenirs dans l’absence sont plus vifs en amour, qu’en amitié. M. Scud. Les courtes absences redoublent l’amour. M. Scud. Le portrait de la personne aimée adoucit les ennuis de l’absence. Felib. Les longues absences éteignent l’amour, mais une courte absence le ranime. St Evr.

Je veux finir mes jours dans l’amour d’Uranie.
L’absence ni le temps ne me sauroient guérir. Voit.

L’ingrat de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence  ? Racin.

On travaillera à cette affaire tant en présence, qu’absence : phrase de Pratique, dont on se sert contre ceux qui ne comparoissent point aux jours d’assignation. Pour marquer en devise les douleurs de l’absence, on a peint une tulipe sous les rayons du soleil, ou sous un soleil caché d’épaisses nuées, ou au soleil couchant, avec ce mot Espagnol : Sinsus rayos, mis desmayos. Sans ses rayons je tombe en défaillance.

Absence d’esprit, signifie Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle. Mentis aberratio, avocatio. On s’en sert aussi pour exprimer, ou pour excuser une faute, ou une bévûe, ou dans la conduite, ou dans la conversation. On l’attribue à un défaut d’application. Cet homme a des absences d’esprit que ses amis ont de la peine à justifier.

ABSENT, ente. adj. & subst. Qui est éloigné, Absens. Les Absens pour la République sont réputés présens. Mépriser les dangers absens. Ablanc. Tant qu’un amant est absent, il est où il aime, & non pas où il vit. M. Scud. Les absens malheureux sont en peu de temps effacés du souvenir du monde. M. Esp.

On dit proverbialement, Que les os sont pour les absens, lorsqu’on dîne sans eux, lorsqu’on ne leur laisse que les restes des autres.

ABSENTER. v. n. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se retirer, s’éloigner de la présence des autres. Abesse. Ce Prince s’est absenté de la Cour. Il s’absente de ses amis avec peine.


Ou sois long-temps absent, ou ne t’absentes point :
Une courte absence est à craindre :
Souvent l’amour s’en sert pour nous mieux enflammer. Corn.

s’Absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert. Abire, evadere, discedere, aufugere, proripere se, abdere se. En ce sens il marque une cause fâcheuse de s’éloigner. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit décrété contre lui. Ce Marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

ABSE’S ou ABCE’S. s. m. Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d’humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie interne du corps. abcessus, vomica. Le peuple l’appelle apostume ; Cet homme est mort d’un absès qu’il avoit dans le ventre. Un absès qui perce ou suppure en dehors est capable de guérison. Voyez Tumeur & Aposthème.

ABSIDES. s. f. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planète, dont le plus haut est nommé apogée, & le plus bas périgée, ou le plus près de la terre. Apsides. Le diamètre qui les joint, s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planète, & par le centre du monde. L’excentricité se prend dans la ligne des absides.

Ce mot vient du grec ἀψὶς, qui signifie une arcade, une voute, & quelquefois un cercle ou un hemisphère.

Dans les vieux titres on a appelé absides, la partie interieure de l’Eglise où est le maître autel, qui avoit ordinairement une voute particuliere & separée.

ABSINTE. Voyez Absynthe.

ABSOLUMENT, adv. Souverainement, avec une autorité absolue. Summo jure. Il commande absolument dans la Province. Il signifie impérieusement & décisivement. Superbè. Cet homme parle absolument, & en maître. Ce mot vient du Latin absolvere, en tant qu’il signifie achever, parce que celui qui commande absolument, veut que la chose s’exécute sans trouver d’opposition.

Il signifie quelquefois, Tout-à-fait, entièrement, sans réserve, & sans restriction. Prorsus, omninò. Il le nie absolument.

Il signifie encore, Nécessairement, de nécessité absolue. Il faut partir absolument, & sans repliquer. On dit vouloir absolument, pour dire,


Vouloir déterminément, & à quelque prix que ce soit. Je n’en ferai absolument rien, & toutes vos remontrances ne m’y feront point consentir. La nature ne se laisse pas conduire au hazard, & n’est pas absolument ennemie de l’art & des règles. Boil.

On dit aussi en Grammaire, qu’un mot se dit absolument, quand il est sans régime. Par exemple. Il faut prier sans cesse : le verbe prier est mis là absolument, parce qu’il ne regit rien.

Absolument, se dit d’une chose dont on parle en général, & sans entrer dans le détail. Universè, ou absolutè. Cet ouvrage a quelques défauts, mais il est bon absolument parlant.

ABSOLUTION, s. f. Jugement juridique, par lequel l’accuse est absous & déclaré innocent. Absolutio. Il a obtenu un arrêt d’absolution en matiere criminelle. On dit aussi, Absolution d’une demande civile, quand on en est déchargé.

J’entens que l’usurpation
De mon cœur, qu’avez à present,
N’empêche l’absolution ;
Car je vous en fais un present. S. Gel.

L’absolution des censures est la troisième partie d’une signature de la Cour de Rome, qui porte absolution des censures qui pourroient empêcher l’effet de la grace accordée. On appelle aussi, en Chancellerie Apostolique, une absolution à sævis, une grace accordée par une signature particulière à celui qui a assisté à quelque jugement de mort, ou qui a commis quelque cas qui le rend irrégulier, & incapable de posséder aucuns Bénéfices.

Absolution, terme d’Eglise, Acte ou cérémonie par laquelle le Prêtre remet les péchez au Pénitent. Il faut dire absolution sacramentelle, plutôt que sacramentale. Menage. Les Luthériens ont retenu l’absolution sacramentale. Boss.

Le P. Amelote de l’Oratoire, au liv. 9. ch. 3. de son Abrégé de Théologie, dit en parlant du Sacrement de la Pénitence : La principale force du Sacrement, ce qui en est comme l’ame, & où réside principalement l’influence & la vertu de Jesus-Christ jugé pour nous, c’est dans le Sacrement d’absolution que le Prêtre prononce par ces paroles : Je t’absous de tes péchez.

Les Theologiens ont formé plusieurs difficultez sur l’absolution Sacramentelle. Le P. Seguenot de l’Oratoire qui a senti ces difficultés, en parle dans ses Remarques sur le livre de la S. Virginité de Saint Augustin : Qui diroit que l’absolution n’est autre chose qu’un acte judiciaire, par lequel le Prêtre declare, non simplement, mais avec autorité, & de la part de Jesus-Christ, que les péchez sont remis, & en prononce l’arrêt juridiquement, celui-là n’avanceroit rien à mon avis, ni contre le Concile de Trente, qui semble même avoir donné lieu à cette interprétation, lorsqu’il s’est expliqué sur cela plus nettement, ni contre les anciens Théologiens, je dis même Scholastiques, que la plûpart des nouveaux ont quitté en cette matière, comme on les quitte maintenant eux-mêmes. Dieu veuille qu’ils nous le pardonnent, comme on leur a pardonné, toute cette Remarque a été censurée par les Theologiens de la Faculté de Paris. Voyez le mot de Contrition.

Le Jésuite Dandini traite fort mal les Grecs sur la manière dont ils donnent l’absolution aux pénitens. Un homme, dit-il, au chap. 7. de son voyage du Mont Liban, s’étant confessé d’un péché commun & ordinaire fut renvoyé par le Confesseur, qui refusa de l’absoudre, à moins qu’il n’appellât sept autres Prêtres. Ceux-ci ayant été attirez par quelque argent firent étendre à terre le pénitent, comme s’il eût été mort, & ils lui donnèrent enfin l’absolution, en récitant de certaines prières. Ils ont accoutumé de demander de l’argent pour l’absolution, & de la refuser quand on ne leur en donne point. Car ils prétendent qu’il leur est dû quatre ou cinq écus & davantage pour les péchez communs & ordinaires. La pénitence qu’ils donnent pour les gros péchez, c’est de défendre la Communion pour quatre ou cinq ans. Peut-être font-ils cela par mépris, & par l’aversion qu’ils ont pour l’Eglise Latine, qui l’ordonne tous les ans.

Mr Simon, dans ses Remarques sur le voyage du Mont Liban, imprimé à Paris, justifie la pratique des Grecs dans le Sacrement de Pénitence. Si les Grecs, dit-il, diffèrent de donner l’absolu-


tion aux pénitens, ils suivent en cela l’usage de leur Eglise, qui est très-ancien : ils ont leurs livres Pénitentiaux qui les règlent, & ce n’est point leur caprice qui leur fait imposer une pénitence plutôt qu’une autre : mais ils suivent les Canons, & ils appellent faire le Canon, ce que nous appellons ordinairement faire la Pénitence. Ils éloignent souvent leurs Pénitens de la Communion pour un an, pour deux ans, & même pour davantage, suivant en cela les anciens Canons.

On ne doit pas aussi traiter les Grecs d’ignorans & de superstitieux, parce qu’un Confesseur refuse de donner l’absolution à un pécheur, s’il n’a auparavant fait venir sept Prêtres qui donnent tous ensemble l’absolution. Cette façon paroît étrange à ceux qui ne consultent que l’usage présent : mais si l’on remonte jusqu’aux anciens temps, on trouvera que cela s’observoit même dans Rome. Le Pape Corneille assembla les Prêtres & les Evêques qui étoient alors dans Rome pour délibérer de la Pénitence qu’on devoit donner à quelques Schismatiques qui rentroient dans l’Eglise. Il n’est donc pas surprenant qu’un Papas ou Prêtre Grec, délibère avec plusieurs de ses Confrères touchant la Pénitence qu’il doit donner à un homme, qui étant engagé au service d’un Latin, étoit tous les jours dans des occasions prochaines de pécher contre les cérémonies de sa Religion.

On ne doit point aussi tourner en ridicules les Prêtres Grecs, sous prétexte qu’ils font coucher par terre le pénitent, & qu’en cet état ils récitent sur lui des prières en forme d’absolution ; car les Grecs se confessent d’ordinaire assis. Ils se contentent de se prosterner deux fois, à sçavoir, au commencement, quand ils demandent la bénédiction du Prêtre, qui invoque sur eux la grace du S. Esprit, & à la fin quand ce même Prêtre prie Dieu qu’ils puissent accomplir la pénitence qu’il leur impose.

Absolution ad cautelam, C’est une maxime que l’excommunié par sentence demeure en état d’excommunication, nonobstant son appel : ainsi pour éviter les inconveniens qui pourroient arriver, l’on demande au Juge l’absolution que les Docteurs appellent ad cautelam, laquelle n’a d’effet que pendant l’appel, & ne se doit accorder qu’avec beaucoup de circonspection. Cette absolution ne se donne qu’après que le condamné affirme par serment qu’il exécutera le jugement qui sera rendu. Voyez Eveillon, Traité des excommunications. Quelques-uns croyent que l’absolution ad cautelam ne se donne que par provision à celui qui a été excommunié, dans la crainte qu’il ne meure subitement, ou par quelque accident, avant qu’il ait pû se faire absoudre. Mais ce n’est point par cette raison ; car elle se donne moins en faveur de celui qui a été excommunié, qu’en faveur de ceux, qui par une conscience timorée feroient scrupule de fréquenter l’excommunié : or cette absolution leur sert de précaution, pour les assurer qu’ils ne participent point à l’excommunication. Bouchel.

Absolution, en termes de Bréviaire, est une courte prière que dit celui qui officie à chaque nocturne des Matines avant les bénédictions & les leçons. On appelle absolutions, les encensemens & aspèrsions d’eau benite qu’on fait sur les corps des Princes & des Prélats qu’on enterre avec grande cérémonie.

ABSOLU, ue. adj. Souverain, indépendant. Cujus potestas summa. Prince absolu. Summus rerum Dominus. Commandement absolu. Il a obtenu cela d’autorité absolue.

Il signifie aussi, Sans réserve, sans restriction. Les Ambassadeurs ont quelquefois un plein pouvoir, un pouvoir absolu. On dit qu’un homme est absolu, impérieux, pour faire entendre qu’il veut être obéi, qu’il ne peut souffrir qu’on lui résiste, qu’il veut fortement ce qu’il ordonne. Imperiosus. On dit encore, Parler d’un ton absolu ; pour dire, parler d’un ton impérieux, commander avec hauteur. Une conduite ouverte & familière gagne mieux les cœurs, qu’une autorité sèche & absoluë.

On appelle, Jeudi absolu, le Jeudi saint ; & dans les vieux titres, Absolutionis dies.

On entend par Ablatif absolu, une locution détachée & indépendante, qui ne régit rien, & qui n’est régie de rien. Dictio ab alia minimè pendens. C’est à l’imitation des Latins : Deleto exercitu : L’armée ayant été taillée en pièces. Tout bien considéré, en matière de Religion, le plus sûr est de s’en tenir aux décisions de l’Eglise. Port-R.

ABSOLUTOIRE, adj. Qui porte absolution. Absolutorius. Il a une sentence absolutoire.

ABSORBANS. Terme de Médecine. Medicamina ad absumendum nata. Ce sont des médicamens qui ont une puissante vertu pour consumer l’humeur amollie, & attenuée sans la dissoudre. On s’en sert ordinairement pour les tumeurs, après avoir employé les emoliens & les attenuatifs. Ces médicamens sont le vinaigre, l’eau marine, la saumure, &c. S. Evr.

ABSORBER, v. act. Engloutir, dissiper, consumer, emporter. Absumere. Les eaux absorbent presque toute la lumière qu’elles reçoivent du soleil. Roh. Il est peu en usage au propre, si ce n’est en parlant des animaux voraces : mais il se dit au figuré, & il emporte d’ordinaire un mauvais sens. Les droits de la Femme ont absorbé tous les biens du Mari. Le frais d’un scellé absorbent les plus clairs deniers de cette succession. Ce goinfre a absorbé tout son patrimoine. La voix est absorbée dans les voûtes. Ablanc. c’est-à-dire, qu’elle s’y perd. La question de l’infaillibilité de l’Eglise absorbe toutes les autres controverses. Claude. Ce mot vient du Latin absorbeo, signifiant le même.

ABSOUDRE, v. act. Décharger d’une accusation, de la peine d’un crime. Remettre un crime commis. J’absous, tu absout, nous absolvons, vous absolvez, ils absolvent. Imparf. j’absolvois. Fut. j’absoudrai. Subj. que j’absolve. Part. act. absolvant. Part. passif, absous. Absolvere. Absoudre un Pénitent, lui remettre ses péchés dans le Tribunal de la Confession. Dans le doute il est plus expédient d’absoudre un criminel, que de condamner un innocent. Court. On l’a absous à pur & à plein. On dit aussi dans le discours familier, en parlant d’un défunt, que Dieu absolve, c’est-à-dire, à qui Dieu fasse misericorde.

Absous, oute. adj. Affranchi, ou déchargé de crime. Absolutus.

Absous, se dit aussi en matière civile. Un défendeur conclut toujours à être renvoyé quitte & absous de la demande qu’on lui a faite.

ABSOUTE, s. f. Absolution publique & solemnelle qui se donne au Peuple. Dies absolutionis. L’Evêque en fait la cérémonie le Jeudi Saint, ou le Mercredi au soir dans les Cathédrales. L’absoute se fait aussi par les Curez dans les Paroisses le jour de Pâques.

ABSTEME, s. m. Terme dogmatique. Qui ne boit point de vin. Abstemius. On s’en sert en Théologie, pour parler de ceux qui dans la Communion ne peuvent point boire de vin, à cause de l’aversion naturelle qu’ils ont pour cette liqueur. Mr de Meaux s’est servi de l’éxemple des abstêmes, pour défendre le retranchement de la Coupe.

ABSTENIR, v. n. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se défendre l’usage, se contenir à l’égard de quelque chose, se priver de quelque plaisir. Abstinere, temperare. Conjuguez, je m’abstiens ; je m’abstenois ; je m’abstins ; je me suis abstenu ; je m’abstiendrai ; je m’abstiendrois, &c. Ils sentent, à chaque péché qu’ils commettent, un avertissement intérieur de s’en abstenir. Pasc. Il faut se garder, & s’abstenir de se mettre en colère. Ils disoient qu’Auguste s’étoit abstenu de la qualité de Dictateur. Ablanc. Il faut s’abstenir du vin pendant la fièvre. Les Chrétiens ne s’abstenoient de viande pendant leurs jeûnes, que pour mortifier les sens. Du Pin. Les Juifs étoient obligés de s’abstenir de leurs femmes pendant certains temps. Il ne se peut abstenir de jouer, de parler. Il faut s’abstenir de manger des choses défendues par la Loi.

Abstenir, se dit aussi en matière de récusation de Juges ; & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est-à-dire, de rapporter le proces, ou d’y opiner.

ABSTINENCE, s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient de certaineschoses, en vertu d’un précepte moral, ou d’une institution cerémonielle. Abstinentia. C’est une espèce de la tempérance, & elle se confond quelquefois avec la sobriété. Le grand jeûne, dit S. Augustin, est l’abstinence des vices. Les Athlètes, pour se rendre plus robustes, vivoient dans une abstinence générale de tous les plaisirs. Dac. L’Eglise a enjoint aux Ecclésiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeûne, & d’abstinence. Il se dit aussi de la simple modération dans l’usage des alimens. On


fait des abstinences par un pur régime de vivre, comme de vin, de salines, &c. La diète & l’abstinence sont nécessaires, pour rétablir l’estomac affoibli par la débauche.

Abstinence, signifie quelquefois une simple privation de manger de la chair. Abstinentia carnium. L’abstinence des viandes assaisonnée de dévotion, & accompagnée de la prière, est un des moyens les plus efficaces pour avancer notre sanctification. Boss. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de Saint Marc, & non pas le jeûne. Les Mercredis sont des jours d’abstinence, chez plusieurs Religieux. Les dévots font aussi des abstinences, & des macérations volontaires.

ABSTINENT, ente, adj. Tempérant à l’égard du boire & du manger. Sobrius. Les Peuples du Midi sont plus abstinens que ceux du Septentrion.

ABSTERGER, v. act. Terme de Médecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une plaie. Abstergo.

Abstersif, ive, adj. Qui purge & nettoye. Smegmaticus, smecticus. Médicament, purgation abstersive. Smegma.

ABSTRACT, acte. Terme de Philosophie. Il est un peu barbare en François. Ce qu’on détache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par lui-même. Species abstracta per mentem. La quantité est un terme abstract, quand on la considère en elle-même, & sans être attachée à un corps, quoiqu’elle ne puisse subsister naturellement sans lui, ni lui sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considère détachée d’un sujet. De la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

ABSTRACTION, s. f. C’est une action de l’esprit, par laquelle on considère quelque partie d’un tout, sans faire attention aux autres : ou un détachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un Être, pour le considérer mieux en lui-même. L’abstraction est l’action ou l’éxercice d’une faculté, ou puissance propre & particulière à l’esprit de l’homme, & qui distingue entièrement & essentiellement son ame de celle des bêtes ; faculté qui consiste en ce que l’homme peut, en élevant ses idées au-dessus des Êtres particuliers, en faire des représentations générales du tout de la même espèce, auquel tous les Philosophes donnent le nom d’universel. Actio animi speciem aliquam abstrahentis. On considère par abstraction, lorsque dans un mobile on considère le mouvement, sans faire attention au corps mû. Ce sont les Mathématiciens qui, qui considérant la quantité sans matière, supposent dans leur empire d’abstraction des indivisibles sans parties : mais il n’est pas permis aux Physiciens de faire ces sortes d’abstractions, ni de sortir des bornes de la matière. Bern. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut préoccuper, ou pour, ou contre lui.

ABSTRAIRE. v. act. faire une abstraction, un détachement de toutes les qualités d’une chose, pour ne considérer que son essence.. Abstrahere. J’abstrais, tu abstrais, il abstrait ; nous abstrayons, vous abstrayez, ils abstraient. Quand on raisonne en Algèbre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matières & de sujets. Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités, comme l’imparfait, le prétérit indéfini, &c.

Abstrait, aite, part. & adj. se dit figurément en Morale d’un esprit qui ne s’applique à rien, qui n’entre point dans la conversation ; qui se sépare & s’éloigne des choses sensibles par le moyen de l’esprit : d’un homme qui détache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne s’attacher qu’à la contemplation de celui qu’il a dans la pensée. Abstractus. Cet homme est abstrait, dédaigneux, & semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas. La Bruy. On dit qu’Un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celui qui lui parle, parce qu’il songe à autre chose.

On dit encore des raisonnemens abstraits, pour exprimer qu’ils sont trop subtils. Argumenta tenui filo diducta. Ces idées sont abstraites, & ne tombent point sous l’imagination. Malb. C’est une Philosophie abstraite & chimérique. Port-R. pour dire, une Philosophie trop dégagée des choses sensibles, trop métaphysique & trop difficile à pénétrer. On ne doit pas confondre la définition d’une idée abstraite & arbitraire, avec la définition des choses qui éxistent réellement. Le Cl.

ABSTRUS, use. adj. qui est caché & inconnu au commun du monde, qui demande une extrême application pour être entendu. Abstrusus. L’Algèbre, les Sections Coniques, sont des Sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent pénétrer.


ABSURDE, adj. masc. & fém. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Absurdus. Proposition absurde. Quand on suppose une chose absurde, on en tire mille conséquences absurdes. Il prouve une chose absurde, par une chose plus absurde.

ABSURDEMENT. adv. d’une manière absurde. Absurdè. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

ABSURDITE’, s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Absurdè dictum aut factum. Il s’ensuivroit de grandes absurdités d’une telle supposition. La plus grande des absurdités est la contradiction. Quelle foi peut-on ajoûter à des gens qui proposent sérieusement d’aussi grandes absurdités ? Le Gend.

ABSUS. s. m. Herbe qui croit en Egypte, à la hauteur de quelques doigts. Ses feuilles ressemblent à celles du triolet ; & ses fleurs blanches, & d’un jaune pâle, produisent une semence noire, renfermée dans de petites cellules.

ABSYNTHE, ou ABSINTE. s. m. & f. Absinthium, selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Fr. le fait féminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. C’est une plante médécinale. Il y en a de quatre sortes : Le santonique, le marin, le vulgaire ou grand Pontique, & le petit. L’absynthe commune a une tige fort branchuë, des feuilles blanches et fort découpées, comme l’artemisia ; ses fleurs dorées & petites. Sa graine est ronde, & disposee comme une grappe de raisin. Sa racine est fort esparpillée. Cette absynthe vulgaire est plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croyent que c’est la barbotine, qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’auronne femelle. Il y a une seconde espece d’absynthe qu’on appelle petite aluyne, qui est semblable à la petite auronne étant toute encassée de petite graine fort amere, qu’on appelle en Latin absinthium marinum, ou Scriphium. L’absynthe santonique est la troisieme espèce, qui est semblable à l’alcine, mais qui est moins chargée de graine que l’autre. On fait du vin d’absinthe, & de l’eau d’absinthe. L’absinthe est une herbe odiférante, très-amère, astringente & corroborative : c’est pourquoy l’on s’en sert pour fortifier les viscères affoiblis. Outre son amertume, la nitrosité dont elle participe, fait qu’elle purge la matiére bilieuse contenuë au ventricule & au foye. Elle tuë les vers même en l’appliquant exterieurement. L’absinthe attenuë, & déterge. Elle est apéritive & provoque les urines & les suëurs, & tout cela avec quelque astriction. On ne se sert que des feuilles, & des sommites de cette plante. Vin d’Absinthe, vinum absynthites.

Absynthe, figurément, signifie Douleur, amertume, déplaisir. Dolor animi. Mais je ne voudrois pas hasarder à l’employer au plurier comme Malherbe, qui a dit, adoucir toutes nos absinthes.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. D’autres le font venir d’ἅψισθον, indelectabile, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable. Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe sans y.

ABU.

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. qui signifie pere. Terme arabe qui se trouve dans les Relations. C’est un nom de dignité qu’on donne aux Religieux. On pretend que les Abyssins le donnent aussi à leur Patriarche, qui leur est envoyé par celui d’Alexandrie.

ABUS, s. m. Dérèglement, ce qui se fait contre la nature & le bon ordre. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louïs le Grand. Les Conciles, les Ordonnances, tendent à réformer les abus contre la Discipline & la Police. C’est le Grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même-temps les abus, & le relâchement de la Discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber.

Abus, signifie aussi, Erreur, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des Bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François Premier, par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.


Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent. J’ai pris cet auteur pour un autre, je me suis abusé en le citant.

Abuser, signifie plus particulièrement, Suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trompeur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d’Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c’est le placer mal ; c’est en faire une mauvaise application ; c’est le prendre improprement.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce :Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTILLON, s. m. Plante. Son tronc est rond, un peu dur, haut de deux ou trois coudées. Ses feuilles sont larges, rondes & assez semblables à celles de la courge. Ses fleurs sont de couleur jaune ; son fruit est rond, & noir. Il y a quelques modernes qui se servent de la graine de cette plante contre la gravelle. De M.

ABY.

ABYsME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abimes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc. Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose.

Abîme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abyme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abimes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abime du néant. Ablanc. Le passé est un abime qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abime impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abime de malheurs. Cet homme est un abime de science. Le cœur d’un avare est un abime que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abime de misère où le péché nous a plongez. Port-R.

Abîme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abime. Qui pourra mesurer la profondeur de l’&abime ? On dit aussi, C’est un abime de maux, de souffrances, de malheurs.

Abîme, se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abime. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abime, On dit en proverbe, qu’un abime attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abîme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, ensorte que la pièce qu’on y met ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abime. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abime, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abîmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abime. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abîmée.

Abîme, est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mèche.

ABYsMER. v. act. Jetter dans un abîme, y tomber, se perdre, se noyer, In gurgitem demergere. Les Ouragans abîment les vaisseaux. Ce terrein s’est abimé, il y avoit dessous une carrière. Il est quelquefois neutre : Cette ville abimera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abime.

Abimer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abîmé ce marchand. Ce chicaneur a abîmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abîmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abîme dans les plaisirs. Acad. Fr. C’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abîmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abîme, parce qu’il s’y applique profondément. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abîmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abîmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abîmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation.

Abîme’, e’e, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abîmées par les tremblements de terre. Un joüeur abîmé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

ABYSSINS, ou plutôt Abassins ou Hhabassins, comme prononcent les Arabes, sont des peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’huy nommée Abassie. Ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoye le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui reside au Caire, desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Sçavans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslebe qui a rapporté le Canon dans son histoire de l’Eglise d’Alexandrie, chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670. Les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres de vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Patriarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être lûë.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Caldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Caldée : Mais elle est très différente du Chaldéen ordinaire. C’est pourquoi on l’appelle langue Ethiopienne, & qui n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’huy. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes, comme il y a dans l’hebreu & dans les autres langues Orientales, mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI.

ACA.

ACABIT, s. m. Bonne ou mauvaise qualité d’une chose. Natura, genus. Les Rôtisseurs s’en servent en parlant de leurs viandes. On le dit particulièrement des fruits & des légumes, selon qu’ils sont de bonne nature, de bon plan, & de bon terroir. Des poires d’un bon acabit ; ce qui veut dire proprement qu’elles sont d’un bon débit. Quelques-uns le disent aussi des viandes & des étoffes. Ménage dit que le Peuple a dit d’un bon acabit ; pour dire, d’un bon achat. Boursaut a dit acabie.

ACABLEMENT, ACABLER. Voyez ACCABLEMENT, ACCABLER.

ACACALIS, s. m. C’est le fruit d’un arbrisseau qui croît en Egypte.

ACACIA, s. m. Terme de Botanique, qu’on donne à divers arbres, quoique fort différens entre-eux. Acacia. Il y a un acacia, qu’on appelle aussi Cassie, ou selon Mr d’Herbelot Gagie, en Latin spina Ægyptia, qui croît en Egypte, & qui est un grand arbre épineux, dont la fleur est jaune en quelques-uns, & blanche en d’autres : son fruit, qui est contenu dans des gousses, est semblable au lupin. Cet arbre nous fournit la gomme Arabique, & un suc qu’on appelle le Vrai acacia. Il y a une sorte d’arbre qui croît à Malabar, & à Cranganor, qu’on appelle aussi acacia. En Mésopotamie près du Tygre, & dans les déserts d’Arabie près de l’Euphrate, on donne ce même nom à d’autres Arbres, qui sont pourtant différens. Il y a encore un acacia du Brésil, & un de Virginie. Il y en a un autre différent des précédens, qu’on appelle acacia de l’Amérique, ou acacia Americana Robini. Cet arbre étranger n’est devenu commun en France que depuis 1650. Celuy-ci a un tronc ample & dur, & une écorce noirâtre, qui n’est point armée d’épines, comme les acacias d’Egypte, & de Cappadoce. Il jette par le haut des branches tendres, moëlleuses, & qui sont garnies de beaucoup de pointes aiguës. Ses feuilles ont cela de particulier, que sur le soir elles se replient


par le milieu ; & le matin, le soleil revenant, elles se rouvrent. Ses fleurs sont blanches, & à bouquet. Depuis quelque temps on fait en France de belles allées de cet arbre. Il est indéclinable. Deux acacia au pluriel. Ménage.

Acacia : a vera, le vrai acacia, en termes de Pharmacie, est le suc épaissi de l’arbre qu’on appelle acacia. Ce suc qu’on tire du fruit est haut en couleur, & d’un rouge assez beau, d’une substance compacte, mais qu’on peut casser en frappant dessus, lorsqu’il est bien desseché. On l’apporte en boules dans des vessies minces. Son gout est stpsique, & tant soit peu piquant, mais assez agreable.

Acacia (Germanica) d’Allemagne, est le suc tiré par expression du fruit de prunier sauvage, qu’on cuit en consistence d’électuaire, & qu’on substitue à la place du vrai acacia. On appelle aussi acacia d’Allemagne, l’arbre même.

Acacia. s. m. Nom qu’on donne à une espèce de sachet, ou de rouleau long & étroit, qui se voit dans les Médailles, à la main des Consuls, & des Empereurs, depuis Anastase. On ne sçait pas trop de quoy étoit composé ce rouleau, & il n’est pas aisé d’en deviner le mystère. Les uns disent que c’étoit un mouchoir plié, que jettoit celui qui présidoit aux jeux, pour les faire commencer. D’autres disent que c’étoit un rouleau de mémoires que l’on présentoit à l’Empereur ou aux Consuls.


ACADÉMICIEN, enne, s. m. & f. Qui est reçu dans une Académie d’Arts, ou de Sciences. Academicus. On a ajoûté un féminin en faveur de Me des Houlières. L’Académie d’Arles lui a envoyé des Lettres d’Académicienne. C’est la première de son sexe à qui l’on ait déféré cet honneur.

Académicien, s. m. Sectateur de Platon, qui est le fondateur de l’Académie. Les Académiciens tenoient qu’il ne faut rien affirmer, & que nous ne sçavons qu’une chose, c’est que nous ne sçavons rien : Unum scio, quod nihil scio. Ils prétendoient que l’esprit doit demeurer en suspens, parce qu’il ne peut se déterminer que sur des vraisemblances, & sur des apparences qui le peuvent tromper. Platon avoit pris de Socrate le fonds & la substance de sa Doctrine. Au reste, en apprenant à ses disciples à douter de tout, c’étoit moins pour les laisser toujours flotans, & suspendus entre l’erreur & la vérité, que pour s’opposer aux décisions précipitées des jeunes esprits, & pour les mettre dans une disposition plus propre à se garantir de l’erreur, en examinant sans préjugé. Mr Descartes entre les Modernes a adopté ce principe des Académiciens.

ACADEMIE, s. f. Assemblée des gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. En France il y a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chymie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise, pour la pureté de la Langue :

l’Académie des Médailles & des Inscriptions :

l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une belle école de Peintres & de Sculpteurs. Et l’Académie de Musique est établie pour les Opéras. Il y en a même d’établies dans les Villes particulières, comme à Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes. Il y a aussi dans la plupart des Villes d’Italie des Académies, dont les noms sont curieux à cause de leur bisarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome Humoristi, Lyncei, Fantastici : à Bologne, Otiosi : à Gennes, Addormentati : à Padouë, Ricovrati, & Orditi : à Vincenze, Olympici : à Parme, Innominati : à Milan, Nascosti : à Naples, Ardenti : à Mantoue, Invaghiti : à Pavie, Affidati : à Cesene, Offuscati : à Fabriano, Disuniti : à Fayence, Filoponi : à Ancone, Caliginosi : à Rimini, Adagiati : à Cita del Castello, Assorditi : à Perouse, Insensati : à Ferme, Rafrontati : à Macerata, Catenati : à Viterbe, Ostinati : à Alexandrie, Immobili : à Bresse, Occulti : à Trevise, Perseveranti : à Verone, Filarmonici : à Cortone, Humorosi : à Luques, Oscurri : Mr Pelisson en a donné ce Catalogue dans son Histoire de l’Académie.

Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò, où l’on fait plusieurs expériences Physiques & Astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est


souvent citée par Francisco Redi Médecin. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Sçavans ; une autre à Dublin, une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a eu une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romam. L’Empereur lui donna sa protection en 1670. Elle fut établie dès 1652. par le Sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Sçavans de qualité, qui nous ont fait voir plusieurs beaux Ouvrages, & dont on a vû aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction.

Quelques-uns font venir ce mot de Cadmus Phénicien, parce qu’il fut le premier Instaurateur des Lettres. Mais la vraye origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom propre d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la patrie. Depuis Platon tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la Guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la Ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est là qu’il écrivit ses Questions Académiques.

Académie se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, ou trois Sectes académiciennes. Platon fut le Chef de l’ancienne. Arcésilas l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda par cette réforme ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacydes, ou à Carneades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie.

Académie, se dit aussi des maisons, logemens & manèges des Ecuyers, où la noblesse apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Epheborum Gymnasium. Au sortir du collège on a mis ce gentilhomme à l’Académie. Guy Allard dit que Pluvinel est le premier qui a établi en France des Académies pour apprendre à monter à cheval. Il étoit du Dauphiné. C’est ce que Vitruve appelle Ephebeum.

Académie. Terme de Peinture. C’est une figure entière, dessinée d’après le modèle, qui est un homme nu, ou la copie d’un pareil dessein. Cette Académie ne m’a coûté qu’une heure de travail.

Académie, se dit abusivement du berlan, ou des lieux publics où l’on reçoit toutes sortes de personnes à joüer aux dez & aux cartes, ou à d’autres jeux défendus. Les Juges de Police sont obligés de veiller à ce qu’on ne tienne point des Académies de jeu.

ACADEMIQUE, adj. m. & f. Qui appartient à l’Académie des Arts & des Sciences. Academicus. Les Questions Académiques de Cicéron. Les exercices Académiques continuent en une telle ville.

ACADEMIQUEMENT, adv. D’une maniére Académique. Academicè. Cette question a été traitée académiquement, pour dire, suivant la méthode des Académiciens.

ACADEMISTE, s. m. Ecolier qui fait ses exercices chez un Ecuyer, qui apprend à monter à cheval, à faire des armes, à danser, &c. Equestris disciplinae tyro.

ACAJOU, s. m. Arbre de l’Amérique. Son bois est rouge, leger, il dure long temps : le ver ne s’y attache jamais. Son ecorce ressemble à celle du chêne ; & quand on l’incise en temps sec, il en sort une gomme semblable à la gomme Arabique. Il porte de grands bouquets de fleurs ligneuses, au milieu desquelles est une esméce de gland canellé, dont les perroquets font leur nourriture. Ses feuilles sont faites comme celles du frêne : cet arbre s’appelle acajou rouge. Il y en a un autre qu’on appelle acajou blanc, à cause de la blancheur de son bois. Il vaut moins que l’acajou rouge. Ces arbres ne portent point de fruit. Il y a pourtant une autre espéce d’acajou qui produit un fruit jaune, de la grosseur d’un œuf, & en forme de petite poire. Le dedans n’est qu’une filasse spongieuse, & remplie d’un suc acre, & si astringeant, qu’il prend à la gorge quand il est vert ; mais lorsqu’il a atteint la maturité, il est très-délicieux. Le vin qu’on fait de ce fruit est très-agréable. Cette sorte d’acajou est un petit arbre dont les feüilles panchent vers terre. Ses feüilles sont grandes, & approchent de celles du noyer.

ACANTHE. s. f. Plante fameuse, qu’on appelle autrement Branche ursine ou Branque ursine, à cause qu’elle ressemble à la patte d’un ours. Acanthus. C’est sur la figure de son feüillage que Callimachus Sculpteur Athenien a formé les ornemens du chapiteau Corinthien. Ses feüilles sont plus larges & plus longues que celles des laituës. Elles sont noirâtres, grasses, lissées, & déchiquetêes comme celles de la roquette. Sa tige a deux coudées de haut, est lisse, & de la grosseur d’un doigt, ayant par intervalles auprès de la cime, de petites feuilles longuettes & piquantes en façon de coquille, ou escaille, d’où sort une fleur blanche. Sa graine est jaune. Sa teste ou chapiteau en comme une houppe, ou un bouquet. Ses racines sont longues, baveuses, rouges, & gluantes. Quelques-uns confondent cette plante avec la paderos.

Acanthe. Terme d’Architecture. Ornement dont on embellit les chapiteaux des colonnes. Acanthina folia. Un chapiteau taillé à feuilles d’Acanthe. Felibien. La feuille d’Acanthe, qui a été le sujet de l’invention du chapiteau Corinthien, a aussi donné le nom à cet ouvrage d’Architecture. Il y en a de deux espèces : la cultivée & l’épineuse ou sauvage. C’est de cette dernière, qui est la moins belle, que se sont servis les Sculpteurs Gothiques, qui l’ont mal imitée. Pour l’Acanthe cultivée, qui est plus refendue, & plus découpée, & assez semblable au persil, elle est la plus parfaite. C’est ainsi qu’elle a été taillée aux chapiteaux Composites des arcs de Titus & de Septime Sévère à Rome, & au Corinthien de la cour du Louvre. Sur les Côtes de Barbarie cette plante sert de haie aux jardins.

ACAPATHI. s. m. Plante de la nouvelle Espagne, qui porte le poivre long. Elle a son tronc contourné à la façon des sarmens ; & le tronc a des feuilles qui ressemblent à celles du poivre blanc, mais plus longues & aiguës. Son fruit est rond & long ; sa graine n’acquiert jamais une parfaite maturité sur la plante : c’est pourquoi on la cueille dès qu’elle commence à rougir. On la met sécher au soleil, où elle achève de mûrir, & on la seme. On la mange seche, & verte, & elle donne un bon goût aux viandes.

ACARER. Voyez Accarer.

ACARIAsTRE. adj. m. & f. Qui est d’une humeur farouche, aigre, difficile, opiniâtre, & qu’on ne peut gouverner. Morosus, acerbus, pertinax. Je ne puis traiter avec cet homme-là, c’est un esprit & une humeur acariâtre. C’est une femme acariâtre, qui crie jour & nuit contre son mari & ses domestiques. Il a aussi autrefois signifié Fol.

Sylvius dérive ce mot de saint Acaire, parce qu’il guérit les acariâtres. Ménage veut qu’il vienne du mot Latin acariasser, & Nicod du mot Grec Κάρη, signifiant caput, comme si on disoit acaris, un homme sans tête & écervelé ; ou plutôt un homme têtu & opiniâtre. Capito, ou, comme dit Prudence, capitosus. D’autres le tirent du Grec ἀκαριέστερος, qui signifie, Opiniâtre, ennemi de la complaisance, dont les mœurs & les paroles sont désagréables, & tirent vers la folie. Borel le dérive de cara, vieux mot François venu d’Espagne, qui signifioit un visage refrogné.

ACC.

ACCABLEMENT, s. m. Bouleversement, accident par lequel une chose succombe sous une charge excessive. Eversio, oppressio. Pendant ce tremblement de terre il y eut un accablement général dont personne ne se put sauver. On ne l’emploie point au propre. Il est plus en usage au figuré. Il signifie embarras, langueur, abattement, redoublement d’affliction, multitude de choses. Oppressio, Mœror Je n’ai pas de ces heures de chagrin & d’accablement qui vont jusqu’à l’ame. Voit. Il est dans un grand accablement d’esprit, de douleur, &c. Il est dans un grand accablement


d’affaires ; pour dire, il est chargé d’un nombre infini d’affaires.

Accablement de pous. Terme de Médecine. Dérèglement de pous, lorsque l’accès commence, ou redouble, Venæ inordinatæ. Dog.

AcCABLER, v. act. Faire tomber une chose pesante sur une autre, qui l’oblige à succomber sous un poids excessif. Opprimere. Il a été accablé sous la ruine de cette maison. Les Ennemis l’accablerent par leur nombre. Leur multitude pouvoit accabler notre valeur. Sarras.

Cambden dérive ce mot de l’Anglois cablu, qui signifie, Opprimer.

Accabler, signifie aussi périr de quelque façon que ce soit dans quelque renversement général de l’Etat. Il y eut à Rome bien des gens accablés sous les ruines de la République. L’Empire Romain courant à sa ruine, entraîna avec lui les belles Lettres, qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Accabler, se dit figurément en Morale de gens trop chargés d’affaires, de dettes, d’impôts, de malheurs, ou d’infirmités. Obrutus negotiis, aere alieno, doloribus oppressus. Il est accablé de chagrin, de gens qui l’importunent. Accablé de vieillesse. Accablé de sommeil. Ne vous venoit-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accabloit ? Font. On accable la nature en la chargeant d’alimens, ou de remèdes. On dit d’un homme excessivement civil, qu’il accable le monde de complimens. Si un Ouvrage est trop chargé de pensées, leur nombre accable, & lasse l’esprit. Nicol.

A vaincre tant de fois, les Etats s’affoiblissent,
Et la gloire du Trône accable les sujets. Corn.

On le dit même en bonne part. Accabler de présens, de bienfaits ; pour exprimer qu’On est comblé de graces & de faveurs. Il se dit aussi avec le pronom personnel, s’accabler de travail.

Accablé, ée, part. pass. & adj. Oppressus, obrutus.

s’AcCAGNARDER. verbe neutr. Verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, s’Accoquiner, mener une vie fainéante, libertine, ou débauchée, soit en s’attachant au jeu, au vin, aux femmes ; soit en demeurant au com de son feu, au lieu de prendre un honnête emploi. Inertiæ, ignaviæ tradere se.

Nicod dérive ce mot de cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, ou exposé au soleil, où les gueux s’assemblent pour fainéanter, qu’on appelle pour cela cagnardins, & cagnardiers.

Accagnardé, ée, part. & adj.

AcCARER. v. a. Terme de Palais. Confronter les témoins & les criminels. Testes cum reo componere. Ce mot vient de cara, qui en Espagnol signifie la tête ou le visage de l’homme. Ainsi accarer les accusés, c’est les mettre tête à tête. Il envoya prier la Reine de ne faire mourir ce malheureux, qu’il ne fût premièrement accaré à lui. Brant. Accariation, c’est la confrontation des témoins.

AcCASTILLAGE. s. m. Terme de Marine, qui se dit en parlant des châteaux qui sont sur l’avant & sur l’arrière d’un vaisseau. Et on appelle un Vaisseau accastillé, quand il est accompagné de ces deux Châteaux.

ACCELERATION. s. f. Action par laquelle on avance une affaire, prompte expédition. Acceleratio. Il a omis plusieurs demandes qu’il avoit à faire pour l’accélération du jugement de son procès.

Accélération, se dit principalement en Physique, de l’accroissement de vitesse dans le mouvement des corps, lorsqu’ils tombent librement, ou qu’ils sont poussés vers le centre de la terre. On recherche avec soin la cause de l’accélération du mouvement des corps qui tombent, & pourquoi ce mouvement, étant fort lent dans son commencement, augmente & devient très-rapide vers la fin. Bern. Galilée est le premier qui a trouvé la proportion de l’accélération du mouvement. Ce n’est point pesanteur qui fait l’accélération du mouvement des corps dans leur chûte, car on a remarqué qu’un poids d’une livre tombe & descend avec la même vîtesse qu’un poids de cent livres. Bern.

ACCÉLÉRER, v. act. Diligenter, presser une affaire, une entreprise. Accelerare. La succession échue à ce jeu homme fera accélérer son mariage. Il faut s’en servir sobrement hors la Philosophie. Les corps graves en tombant accé-


lèrent leur mouvement en certaine proportion qu’on fait voir dans la Statique.

ACCENT, s. m. Inflexion de voix, prononciation qu’on a contracté dans la Province où l’on est né. Sonus vocis. Il faut se garder soigneusement d’un certain accent populaire, qui rend les plus belles choses désagréables. M. Scud. Il est bien difficile de se défaire de l’accent Gascon, ou Normand. On connoît le Pays d’un homme à son accent.

Accent, signifie aussi un certain ton de voix qui est souvent une marque de l’intention de celui qui parle, & qui fait donner une bonne ou mauvaise interprétation à ses paroles. On offense souvent avec des termes flatteurs ; mais l’accent fait tout. Quand on dit les choses d’un certain accent, elles ont un sens bien différent de celui qu’elles ont naturellement.

Accent, signifie en Grammaire, certaine marque qu’on met sur les syllabes, pour les faire prononcer d’un ton plus fort, ou plus foible, & pour marquer les diverses inflexions de la voix. Accentus, voculatio. Les Savans ont observé que l’usage des accens étoit inconnu aux anciens Grecs. Ils ont été inventés par les Grammairiens, pour fixer la prononciation de la Langue grecque. Le Cardinal du Perron dit que les Hébreux appelloient les accens טעם, taham, c’est-à-dire, gustus, parce que c’est comme le goût & le relief de la prononciation.

Il y a trois sortes d’accens. L’aigu, qui relève un peu la syllabe, la bonté. Acutus. Le grave, qui la rabaisse, là : Gravis. Et le circonflexe, qui est composé des deux autres, & qui étend le son, extrême. Circumflexus. On le met sur la plupart des syllabes longues dont on retranche une S, comme trône, pâle, &c. Les Hébreux ont l’accent de Grammaire, de Rhétorique, & de Musique. L’accent en Musique est une inflexion ou modification de la voix, ou de la parole, pour exprimer les passions & les affections, soit naturellement, soit par artifice.

Il y a de grandes disputes entre les Sçavans sur les accens qu’on trouve depuis plusieurs siècles dans les Livres Grecs, soit imprimés soit manuscrits. Isaac Vossius, qui a composé un discours à ce sujet, prétend que ces accens ne sont point anciens, & qu’autrefois il n’y en avoit point d’autres que de certaines notes qui servent à la Poësie. C’étoient proprement des notes de Musiciens pour chanter les Poëmes, & non pas des notes de Grammairiens, telles que sont celles qui ont été inventées très-long-temps après. Aristophane le Grammairien, qui vivoit vers le temps de Ptolomée Philopator, fut l’Auteur de ces notes musicales. Aristarque son disciple enchérit dans cet Art par-dessus lui : & tout cela ne servoit que pour apprendre plus facilement aux jeunes gens l’art de faire des vers. Le même Vossius montre par plusieurs anciens Grammairiens, qu’on marquoit en ces temps-là les accens Grecs sur les mots, tout autrement qu’ils ne sont présentement dans les Livres, ce qu’il justifie aussi par des exemples. Voyez sa dissertation De accentibus Græcanicis.

Henri Christian Hennin, dans une Dissertation qu’il a publiée pour montrer qu’on ne doit point prononcer la Langue Grecque selon les accens, a embrassé le sentiment d’Isaac Vossius, qu’il a poussé encore plus loin. Il croit que ce sont les Arabes qui ont été les inventeurs de ces notes, ou pointes, acuminum, qu’on voit sur les mots, & qu’on nomme accens ; & qu’ils ne s’en sont servis que dans la Poësie. Il appuie ce sentiment sur le traité de Samuël Glarck de Prosodiâ arabicâ, imprimé à Oxford en 1661 ; mais il ne paroît pas avoir entendu la pensée de cet Auteur.

Hennin prétend que ces anciens accens, inventés par Aristophane, s’accordoient parfaitement avec la prononciation de la Langue Grecque, au lieu que ceux d’aujourd’hui la détruisent. Il ajoute que les nouveaux Grammairiens Grecs ne les ont inventés, que dans des temps où la Langue Grecque commençoit à tomber, voulant empêcher par-là la mauvaise prononciation que les Barbares y introduisoient ; & il ne leur donne que neuf cens ans d’antiquité, ce qu’il prouve, parce qu’il ne se trouve point de plus anciens Livres manuscrits, où ces accens soient marqués. Lisez sa Dissertation imprimée à Utrecht en 1684, sous le titre de Dissertatio paradoxa, avec celle d’Isaac Vossius qui y est jointe. Wetstein, Professeur à Bâle, en Langue Grecque, a opposé aux paradoxes de Hennin une sçavante Dissertation, où il fait voir que les accens qui sont dans les Livres Grecs, soit imprimés, soit manuscrits, ont une bien plus grande antiquité. Il avoue que ces accens n’ont pas toujours été marqués de la même manière que les Anciens, & il en apporte en même temps la raison. Comme la prononciation de la Langue Grecque n’a pas été la même chez tous les peuples, il n’est pas étonnant que les Doriens les aient marqués d’une manière, & les Æoliens d’une autre. De même, ajoûte-t-il, un même peuple a prononcé différemment sa Langue en différens temps. Cette Dissertation, qui est pleine d’érudition, a été imprimée à Bâle en 1686, sous le titre de Dissertatio epistolica de accentuum Græcorum antiquitate & usu, à la fin de ses Discours apologétiques pour la véritable prononciation de la Langue Grecque.

Il n’est pas possible de fixer exactement le temps auquel les Grecs ont marqué les accens dans leurs Livres. Mais on peut assurer que Hennin & Isaac Vossius ont un peu outré cette matière. Wetstein a aussi trop étendu quelques-unes de ses preuves. De plus, on doit demeurer d’accord que les accens ne sont point marqués dans les Livres Grecs qui ont mille ans d’antiquité. Mais il ne s’ensuit pas de là que ces accens ne fussent point encore dans ce temps-là en usage chez les Grecs. Cela prouve seulement, que la plûpart des Copistes les ont négligés ; & c’est ce qui fait qu’il est très-rare de trouver d’anciens Manuscrits où ils soient marqués. C’est la remarque que M. Simon, qui a lu un grand nombre de Manuscrits Grecs, a faite dans son Histoire critique du Nouveau Testament, où il dit : l’Exemplaire Grec & Latin de Cambridge, qui contient les quatre Evangélistes & les Actes des Apôtres, & qui est au moins ancien de mille ans, n’a aucuns accens. L’Exemplaire Grec & Latin des Epîtres de S. Paul qui est dans la Bibliothèque du Roi, & qui n’est pas moins ancien que celui de Cambridge, a à la vérité des accens ; mais il paroît qu’ils y ont été ajoutés après coup, parce qu’ils ne sont point de la même main que l’écriture de tout le Livre. Georges Syncelle, ajoute M. Simon, fait mention d’un Exemplaire Grec de la Bible, qui étoit écrit avec une grande exactitude, où l’on avoit mis les points & les accens. Syncelle dit que cet Exemplaire lui étoit venu de la Bibliothèque de Césarée en Cappadoce, & qu’on voyoit par l’inscription qui étoit au-devant du Livre, qu’il avoit été copié sur un Exemplaire qui avoit été corrigé par le grand S. Basile.

Hennin ne paroit pas exact, quand il assûre que les accens sont une invention des Arabes, qui fut perfectionnée par Alchalil vers le temps de la mort de Mahomet ; que les Massorettes de Tibériade, au milieu du sixième siècle adopterent cette invention, & que celui qui perfectionna les accens, fut le Rabbin Juda ben David Chiug, natif de Fez, dans l’onzième siècle. Il se peut faire à la vérité, que les Juifs aient emprunté leurs points voyelles des Arabes ; mais comment auroient-ils pris de ces mêmes Arabes leurs accens, puisque la Langue arabe n’a aucuns accens, ni dans la prose, ni dans les vers ? La poësie est très-ancienne chez les Arabes, & long-temps avant Alchalil Eben Ahmed, qui l’a seulement réduite en art, marquant les mesures des vers que nous appelons en Latin pedes, les pieds. C’est ce que Samuël Clarck a fort bien expliqué dans son Livre intitulé, De Prosodiâ arabicâ.

À l’égard des Juifs, on peut croire que les Massorettes de Tibériade ont ajouté les accens au texte Hébreu de toute la Bible. Ceux qui disent que le Rabb. Juda de Fez perfectionna les accens, n’ont avancé cela que parce qu’ils ont crû que ce Rabbin a été le premier Grammairien des Juifs. Mais ils se trompent ; car Rabb. Saadias Gaon, qui vivoit long-temps avant Juda Chiug, a composé une Grammaire hébraïque. On trouve dans l’Histoire Critique de l’Ancien Testament, Chap. 30, un Catalogue des Grammairiens Juifs, à la tête desquels est ce Rabb. Saadias. M. mon dit en ce lieu-là : Après que les Juifs de Tibériade eurent ajouté les points voyelles & les accens au texte de la Bible, les Docteurs des autres Ecoles commencerent à les imiter. Ils mirent ces points & ces accens dans leurs exemplaires, que les particuliers décrivirent ensuite.


Les accens des Hébreux ont quelque chose de commun avec les accens des Grecs & des Latins, & ils ont en même temps quelque chose de particulier, & qui ne se trouve que dans la Langue hébraïque. Ce qu’ils ont de commun, c’est qu’ils marquent les tons, quand il faut élever, ou abaisser la voix sur certaines syllabes. Quand un Juif habile lit le texte Hébreu de la Bible, il chante plutôt qu’il ne lit, parce qu’il le prononce selon les tons qui sont marqués par les accens. Pour ce qui est particulier à cette langue à l’égard des accens, c’est qu’ils y font la même chose que les points & les virgules dans le Latin, dans le Grec, & dans le François, ils distinguent les sections, les périodes, & les membres des périodes.

Les Poëtes & les amoureux se servent quelquefois du mot d’accens au plurier, pour signifier la voix, ou les cris. Les accens plaintifs. Les derniers accens. Il expliqua sa passion par ces tristes accens. Pousser des accents funèbres.

ACCENTUER. v. a. Marquer les syllabes avec des accens, pour avertir comment il les faut prononcer. Syllabæ accentum apponere. Cet é est accentué, il le faut prononcer plus fortement.

ACCEZPTABLE. adj. masc. & fem. Ce qu’on ne peut raisonnablement refuser. Accipiendus, quod potest accipi. Ces offres, ces propositions sont accèptables, & ne doivent point être rejettées. Cela est du style simple.

ACCEPTANT, ante. adj. Terme de Pratique. Celui qui accèpte, qui agrée ce qu’on fait en sa faveur. Dans tous les Contrats on dit, qu’un acquéreur, ou donataire, est présent & accèptant. Dans les cessions à un absent, le Notaire prend qualité d’accèptant pour le cessionnaire.

ACCEPTATION. s. f. Consentement de celui qui accèpte, action par laquelle on reçoit volontairement, on agrée ce qui est proposé, offert. Acceptio. L’accèptation d’une donnation est nécessaire pour sa validité : c’est une formalité essentielle. L’accèptation est le concours de la volonté du donataire, qui donne la perfection à l’acte ; sans quoi le donateur peut révoquer son don. Si le porteur d’une lettre de change n’en fait point faire l’accèptation dans un certain temps, il n’a plus de garantie sur le tireur. Savary.

En matière bénéficiale, l’accèptation doit être faite au temps même de la résignation, & non ex intervallo. L’accèptation est réputée faite par un Gradué, nommé, quand il a demandé à l’ordinaire qu’il lui confère le Bénéfice. Bouchel.

ACCEPTER. v. act. Recevoir, agréer le don qu’on nous a fait, ou la charge qu’on nous impose. Accipere. Il a accèpté une charge difficile à remplir. La loi est censée accepter pour les mineurs, & elle supplée à leur intention dans les choses favorables. Courtin. Accepter un leg, une donation, une cession. Accepter un combat sur un deffi. Accèpter la paix, les conditions d’un traitté. Il faut remarquer que ce mot est moins étendu que recevoir ou agréer, & qu’il suppose quelque traitté ou négociation. On le dit pourtant quelquefois lorsqu’il ne s’agit point d’affaires : Les Juges ne doivent accepter aucuns présens des Parties ; pour dire simplement, Recevoir.

Elle venoit, Seigneur, fuyant votre courroux,
A la face des Dieux l’accèpter pour époux.

Racin.

On dit aussi, Accepter une lettre de change, pour en empêcher le protest, lorsqu’on la souscrit, & qu’on promet de la payer.

On dit aussi au Palais, Accepter les offres de sa partie. Les offres qui ne sont point acceptées sont sujettes à révocation.

ACCEPTILATION. s. f. Terme de Jurisprudence Romaine. Quittance qu’on donne sans recevoir de l’argent ; déclaration qu’on fait en faveur de son débiteur, qu’on ne lui veut plus rien demander, qu’on a été satisfait d’une dette, ou qu’on la lui quitte ; qu’on la lui remet. On trouve dans le droit une certaine forme prescrite pour l’acceptilation. Ulpien a cependant décidé que l’acceptilation n’est point aux paroles ; & qu’étant de droit naturel que chacun remette ce qui lui est dû, en la manière qu’il lui plaît, elle ne dépend point des formalitez.

ACCEPTION. s. f. Considération qu’on a pour quelqu’un plutôt que pour un autre.


Respectus, discrimen, delectus. Les bons Juges ne font aucune acception des personnes. On s’est servi autrefois aussi en ce sens du mot d’acceptation ; mais acceptation est plus propre pour les affaires, & acception pour les personnes.

Acception. Terme de Grammaire. Sens dans lequel on prend un mot. Significatio, notio, intellectus. Ce mot a plusieurs acceptions. Dans sa première & plus naturelle acception, il signifie, &c.

ACCE’S, s. m. Abord, entrée ; facilité d’approcher de quelque personne, ou de quelque chose. Aditus. Heureux celui qui a accès auprès du Roi. Cèt homme cherche quelque accès dans cette maison, quelque connoissance qui lui en facilite l’entrée. C’est un homme dans l’esprit duquel il est impossible de trouver aucun accès. S. Evr. L’accès de cette côte est difficile à cause des rochers.

Accès, se dit aussi en Médecine des retours périodiques de certaines maladies, qui laissent quelques bons intervalles. Accèssio, accèssus. Il a eu un accès de fièvre, de goutte. Il lui prend quelquefois un accès de folie.

ACCESSIBLE. adj. m. & f. Ce qui peut être approché. Ad quem facilis est aditus. On le dit des lieux & des personnes. L’humeur farouche de ce Juge fait qu’il n’est accessible qu’à peu de gens. Il étoit accèssible à toute heure & à tout le monde. Le Gend. Cette place n’est accessible que par un seul endroit.

ACCESSION. s. f. Terme de pratique. L’action d’aller dans un lieu. Accessio. Le Juge a ordonné une accession de lieu, pour dresser procès verbal de l’état des choses. Il signifie aussi l’union d’une chose à une autre que l’on possédoit déjà ; en ce cas c’est la même chose qu’accroissement :s’approprier un fonds par droit d’accession. Le droit explique diverses sortes d’accessions, en vertu desquelles une chose jointe à une autre accroît au profit du propriétaire de la chose à laquelle l’autre a été unie. La pourpre par voie d’accession appartient au maître du drap avec lequel elle a été confondue par la teinture. Inst. P. 2, T. i.

ACCESSIT, Terme de College. Récompense qu’on donne aux écoliers qui ont composé presqu’aussi-bien que celui qui a emporté le prix. Un tel a eu le premier prix des vers, & un tel le premier accessit ; c’est-à-dire, qu’il est celui qui a approché le plus près.

ACCESSOIRE, s. m. Dépendance du principal, suite de quelque chose qui est plus considérable. Accessio. Les depens, qui ne sont qu’un accessoire, montent souvent plus haut que le principal. L’accèssoire doit céder au principal. Persée fut le principal acteur de la guerre, & Gentius n’en étoit que comme l’accèssoire. Ablanc. La caution dans le contract est un accessoire qui fortifie le contract.

ACCESSOIRE, se prend figurément pour un état fâcheux. Status acerbus. Il étoit dans un étrange accessoire. Acad. Fr. On ne s’en sert plus en ce sens.

Accessoire, pris comme adjectif, se dit de ce qui n’est point de l’essence d’une chose, mais que l’on y joint comme un accompagnement. Adscitus, adventitius.

Accessoire, en matière de Pharmacie, veut dire un changement qui arrive au médicament par des causes extérieures, & qui augmente, ou qui diminue sa vertu.

ACCIDENT, s. m. Terme de Philosophie, propriété accidentelle, ce qui survient à la substance, & qui ne lui est pas essentiel ; qui peut y être, ou n’y être pas, sans qu’elle périsse. Accidens. Un accident, ou un mode, c’est ce que nous concevons nécessairement dépendant de quelque substance. Roh. La blancheur est un accident dans une muraille, parce que cette muraille peut subsister sans la blancheur : au lieu que la blancheur ne peut subsister sans qu’elle soit soutenüe par quelque substance. Les Cartésiens disent que l’extension constitue l’essence de la matière, & que les accidens ne sont que des modifications, qui n’en sont point distinctes réellement. Ces sentimens sont rejettés par les Théologiens, comme contraires à ce que la Foi nous enseigne touchant l’Eucharistie.

Accident, Evènement fortuit, hasard, coup de fortune. Casus. Malheur imprévu. Casus adversus. Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident, ils en sont surpris les premiers. La Bruy.

Accident, signifie aussi les circonstances, & les incidens d’une action : Quand Sapho veut exprimer les fureurs de l’Amour, elle ramasse de tous côtez les accidens qui suivent, & qui accompagnent cette passion : & remarquez que de tous ces accidens, elle choisit ceux qui marquent davantage l’excès & la violence de l’amour. Boil. C’est par un heureux accident que cet homme a été garanti du naufrage. Quand il est mis seul, & sans adjectif qui en détermine le sens, il se prend presque toujours en mauvaise part. Il arrive quelquefois des accidens d’où il faut être un peu fou pour se bien tirer. Rochef. C’est dans les hôpitaux que se rassemblent toutes les infirmités, & tous les accidens de la vie humaine. Flech. Je suis fâché de l’accident qui vous est arrivé : cela s’entend de quelque avanture désagréable.

Quand on se brûle au feu que soi-même on attise,
Ce n’est point accident, mais c’est une sottise. Regnier.

Accident, en termes de Médecine, est la même chose que symptome, & se dit de tout ce qui arrive de nouveau à un malade, soit en bien, ou en mal. Symptoma. Le remède travailla de telle sorte, que les accidens qui s’ensuivirent fortifierent l’accusation. Vaug. Cette plaie se pourra guérir, s’il ne lui arrive point d’accident ; c’est-à-dire, de fièvre, d’inflammation, ou d’autres symptômes.

Par Accident, manière de parler adverbiale. Fortuitò. Elle marque une chose arrivée par malheur, ou un évènement qu’on ne devoit pas naturellement attendre. Le Prince a l’humeur bienfaisante, & s’il fait du mal, ce n’est que par accident.

Accidentel, elle. adj. Qui n’est pas de l’essence d’une chose, ce qui est indifférent à un sujet. Adventitius. La blancheur est accidentelle au marbre, la chaleur au fer.

Accidentellement. adv. Par accident. Ce n’est qu’accidentellement qu’un homme est blanc ou noir, grand ou petit. On ne s’en sert guère qu’en termes de Philosophie.

ACCISE. s. f. Terme de Relation. C’est une certaine taxe, ou impôt qu’on leve dans les Provinces-Unies sur le vin, la bière, & sur la plûpart des choses qui se consument. On condamne à de grosses amendes ceux qui fraudent les accises.

AcCLAMATION, s. f. Clameur, bruit confus, cri de joie, par lequel le public témoigne de l’applaudissement, de l’estime, ou son approbation par quelque chose. Acclamatio. Le Roi entra dans la ville parmi les applaudissemens & les acclamations du peuple. Ablanc. Les soldats ne purent retenir les pleurs, ni les acclamations par lesquelles une multitude exprime ses mouvemens. Vaug. Anciennement on se servoit d’acclamation & d’applaudissement dans les églises, comme dans les théâtres : les Magistrats, les Evêques, étoient élus autrefois par les suffrages, & les acclamations publiques. Ce répondant soutint ses Theses avec de grandes aclamations.

AcCLAMPER. v. act. Terme de Marine. C’est fortifier un mât par des clamps, qui sont des pièces de bois qu’on y lie, qu’on y attache pour opposer plus de résistance au vent.

AcCOINTANCE. s. f. Vieux mot. Habitude, commerce, ou familiarité qu’on a avec une personne. Commercium, consuetudo. Il ne faut avoir aucune accointance avec des gens de mauvaise vie.

Le bel esprit au siècle de Marot,
Des grands Seigneurs vous donnoit l’accointance.

Des Houl.

AcCOINTER. v. act. Vieux mot, & hors d’usage qui signifioit, Hanter quelqu’un, faire société avec lui. Habere commercium, inire consuetudinem. Il s’est accointé de cette fille, pour dire, il la voit un peu trop familièrement.

AcCOISER, v. act. Vieux mot, qui signifioit, Adoucir, appaiser. Placare, mulcere. La tempête après avoir duré six heures, s’accoisa un peu. La sédition fut accoisée par l’adresse d’un tel Magistrat.

AcCOLLADE, ou Accolade. s. f. Embrassement, caresse qu’on fait en sautant au cou de quelqu’un en l’embrassant. Amplexus, complexus.


Les amis qui ont été long-temps sans se voir, se font mille embrassades & accollades.

Accolade, se dit aussi de l’embrassade, & d’une cérémonie dont on use quand on fait un Chevalier, lequel on embrasse en signe d’amitié ; & en ce cas on dit, donner l’accolade aux Chevaliers. Grégoire de Tours rapporte que les Rois de la première race donnoient le baudrier & la ceinture dorée aux Chevaliers, & les baisoient à la joue gauche. Après l’accolade le Prince donnoit un petit coup du plat d’une épée sur l’épaule du Chevalier, qui entroit par là dans la profession de la guerre.

Accolade, se dit aussi de deux lapereaux qu’on sert, qu’on présente joints ensemble.

Accolade, Ordre Militaire, ou de Chevalerie, en Angleterre. Autrefois il n’appartenoit qu’aux Chevaliers de l’Accolade de porter l’épée & les éperons dorez. Justiniani ne dit rien de cet Ordre dans ses deux volumes des Ordres de Chevalerie.

AcCOLER ; v. act. Embrasser quelqu’un en lui mettant les bras sur le cou pour le baiser, le caresser. Amplecti, complecti. Ce mot est composé de col, & vient de ad, & de collum. Il se dit le plus souvent en riant.

Accoler, Embrasser le cou.

Psycharpax sur son dos légérement s’élance,
l’accole, & de ses bras le serre étroitement.

Accoler la cuisse, accoler la botte, signifie, Saluer quelqu’un avec grande soumission, avec respect, comme quand on va au devant d’un homme qui arrive, jusqu’à l’endroit où il descend de cheval, & qu’on s’y trouve pour l’y saluer:ce qui est une marque d’infériorité. Ad genua advolvi.

Accoler, en termes de Pratique, signifie, Faire un trait de plume en marge d’un compte, d’un mémoire, d’une déclaration de dépens, qui marque qu’il faut comprendre plusieurs articles sous un même jugement, & les comprendre dans une même supputation pour n’en faire qu’un seul. Multa in unum redigere.

Accoler, en termes de Jardinage, se dit des branches d’arbres, des séps de vigne qu’on attache à des espaliers, à des échalas. Alligare. Il est temps d’accoler la vigne. Les vignes ont besoin d’être accolées, afin que par ce travail donnant plus d’air aux raisins, & empêchant qu’ils ne penchent trop à terre, ils puissent parvenir à une maturité parfaite. Accoler la vigne, est un terme fort bien inventé, car en la liant, il semble qu’on l’arrête par le cou. Liger. Cet Auteur fait entendre que ce mot ne se dit que de la vigne ; & en effet je ne l’ai jamais oui dire d’autre chose.

Accoler, signifie aussi, Joindre deux lapereaux ensemble pour en servir une accolade. Componere.

ACCOLLÉ, ée. part & adj. En tèrmes de Blason, se prend en quatre sens différens. On le dit des animaux qui ont des colliers ou des couronnes passées au cou. Torquatus. Ainsi on dit, un lion de sable armé, lampassé, & accolé d’or. On s’en sert aussi en blasonnant les armes de Navarre, qui sont de gueules aux rais d’escarboucle accolés & pommetez d’or.

Accolé, se dit aussi des choses entortillées à d’autres, comme d’un serpent à un arbre, ou à une colonne, ou de toute autre chose qui est entourée de lièrre ; d’un sep de vigne à un échalas; d’une givre, Alligatus.

Accolé, se dit encore de deux Écus qui sont joints ensemble, & attachez par les côtez. Scutum scuto annexum, adjunctum. Ainsi les écus de France & de Pologne étoient accolés sous une même Couronne du temps de Henri III, ceux de France & de Navarre depuis Henri IV. Les écus de Léon X & de François I. sont en tête du Concordat en deux Ecussons accolés:ils le sont pareillement dans le sceau dont il est scellé. Les femmes accolent aussi leurs écus à ceux de leurs maris.

On dit aussi que des fusées, des losanges & des macles sont accolées, quand elles se touchent de leurs flancs, ou de leurs pointes sans remplir tout l’écu. On se sert aussi de ces termes pour les clefs, bâtons, masses, épées, bannières, & autres choses semblables qu’on passe en sautoir derrière l’Écu.

AcCOMMODABLE. adj. m. & f. se dit en matière de différent ; qui se peut terminer, ajuster, pacifier. Quod componi, conciliari facilè potest. Cette querelle est venuë de rien, elle est accommodable. Les différens en matière de Religion ne sont guère accommodables.

AcCOMMODAGE. s. m. Travail ou salaire de ceux qui apprêtent, qui accommodent les viandes. Operæ, laboris merces. Quand on porte des viandes au cabaret, il en faut payer l’accommodage, les sauces, l’apprêt. On a tant payé au Tapissier pour l’accommodage des chambres, quand on a déménagé.

AcCOMMODANT, ante. adj. Qui est facile,  ; qui veut bien ce que les autres veulent, qui se conforme à leur humeur. Commodus. Vous aurez bien-tôt conclu vôtre marché avec cet homme-là, il est fort accommodant. Vôtre humeur si égale, sociable, & si accommodante me charme. Cost.

Accommodant, signifie aussi, Ce qui nous fait grand bien, qui établit nos affaires. Un gros billet de lotterie, une succession inesperée, sont des choses fort accommodantes.

AcCOMMODATION. s. f. Terme de Palais. Accord qui se fait à l’amiable. Compositio.


Ce procès est si embrouillé, qu’il n’y a pas moyen d’en sortir que par voie d’accommodation. On ne s’en sert plus.

On le dit aussi figurément de la conciliation des Loix, des passages des Auteurs qui semblent être contraires. Conciliatio. Le plus grand soin des Commentateurs est de trouver l’accommodation des textes de leurs Auteurs qui se contrarient. Conciliation est meilleur.

Accommodation. Terme de Philosophie. Accommodatio. Connoître par accommodation, c’est connoître une chose par l’idée d’une autre.

AcCOMMODEMENT. s. m. Ajustement, ce qui rend une chose plus commode, ou qui la met en meilleur ordre. Conveniens rerum dispositio, collocatio. Je ne louerai point votre maison, que vous n’y ayiez fait tels & tels accommodemens.

Accommodement, signifie aussi, Réconciliation, accord, traité pour finir un procès, ou un différend à l’amiable. Compositio, reconciliatio. Ces parties sont en voie, en termes d’accommodement. Cet homme n’est point chicaneur, il est homme d’accommodement ; il est porté naturellement à l’accommodement ; il entre volontiers en accommodement ; il écoute tous les moyens d’accommodement. Dans les accommodemens l’on cherche d’ordinaire des termes foibles, pour l’honneur de celui qui fait satisfaction. Bouh. Cet acte d’hostilité a rompu l’accommodement qu’on avoit ménagé. Ils ont fait un accommodement plâtré. [Acad. Fr. Il se prend encore pour un tempérament, & pour un biais de parvenir à un accommodement. Il y auroit un accommodement à proposer, si les intéressés y vouloient consentir; c’est-à-dire, un moyen, & un adoucissement pour les concilier.

Le ciel défend de vrai cèrtains contentemens.
Mais on trouve avec lui des accommodemens. Malh.

Un négociateur qui a ses ordres de la Cour, feint cependant quelquefois de se relâcher de lui-même, & comme par un esprit d’accommodement. La Bruy.

On dit proverbialement, que le meilleur procès ne vaut pas le plus mauvais accommodement.

AcCOMMODER. v. a. Rendre une chose facile, commode, la réparer. Aptare, reparare, reficere. On a donné ordre pour accommoder les chemins. Il faut accommoder cette selle, la rembourer, la rendre moins dure, & plus commode.

Accommoder, signifie aussi, Arranger, mettre en ordre, en bon état. Componere, concinnare. Il a pris grand soin d’accommoder sa chambre, son cabinet ; d’orner, d’accommoder son jardin, sa maison.

On le dit aussi des choses qui regardent l’ornement de la personne. Comere. Cette femme est toujours deux heures à s’accommoder ; c’est-à-dire, à s’ajuster & à se parer. Ce Barbier accommode bien la barbe, la perruque.

Accommoder, signifie aussi, Préparer, apprêter, assaisonner. Parare, apparare, instruere, condire. Ce Cuisinier accommode fort bien à manger. On est fort bien accommodé dans cette hôtellerie ; c’est-à-dire, on y est bien traité, & bien servi. A quelle sauce voulez-vous qu’on accommode ce poisson.

Accommoder, se dit aussi en parlant de ce qui est à la bienséance, au voisinage de quelqu’un. Convenire. Cette terre accommoderoit bien cette Seigneurie, parce que l’une relève de l’autre. Ce Prince est mauvais voisin, il s’accommode de tout ce qui est à sa bienséance ; il l’usurpe.

Accommoder, signifie, presqu’en même sens, traiter, acheter, prêter, permuter. Si vous voulez m’accommoder de cette terre, je l’acheterai. Si vous voulez m’accommoder de quelque argent, vous me ferez plaisir. Votre Benefice m’accomoderoit fort, si vous vouliez le permuter contre un autre qui vous accomodat aussi.

Accommoder, signifie aussi, Débrouiller ses affaires, les rétablir, faire fortune, gagner du bien, reparare, restituere, rem facere. Cet homme s’est bien accommodé dans cette charge : il étoit gueux, il a bien accommodé ses affaires.

Accommoder, signifie aussi terminer un procès, une querelle. Componere, controversiam dirimere. Quand les gens sont las de plaider, c’est alors qu’ils sont disposés à s’accommoder. Ces jeunes gens étoient prêts à se battre ; mais on les a accommodes. Acad. Fr.

On le dit aussi des Loix, des passages des Auteurs & autres choses qui semblent se contrarier, & que l’on cherche à concilier. Conciliare. Comment accommodez-vous cette Loi du Digeste avec cet autre du Code ? Comment accommodez-vous la dévotion avec la coquetterie ? Il y a des dévots qui accommodent la Religion à leur intérêt.

Accommoder, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie être facile, commode dans la négociation, dans la manière de vivre. Fingere, accommodare ad voluntatem, &c. Il y a plaisir de traiter avec cet homme-là ; c’est un homme d’un esprit aisé, & d’une humeur agréable, qui s’accommode à tout. Vous ferez aisément marché avec ce curieux ; tout l’acommode. En ce sens on dit aussi, qu’un homme sage doit s’accommoder au temps. Servire tempori, &c, c’est-à-dire, se conformer à l’usage, aux lieux, aux humeurs, à la volonté, à la capacité des personnes à qui il a affaire, pour vivre en repos, & dans l’estime publique. La Science d’un homme sage est de s’accommoder au temps Le Gend. Montagne pensoit trop subtilement, pour s’acommoder de pensées qui sont naturelles. La Bruy. Socrate dont la vertu n’étoit point farouche, s’acommodoit de l’innocente joye des festins. M. Scud. Il faut que la raison s’accommode à la sensibilité de la nature, & que dans les extrêmes déplaisirs elle lui laisse verser des pleurs. Cail. Pour être heureux par les passions, il faut que toutes celles que l’on a s’accommodent les unes avec les autres. Fonten. Les soupirs & les langueurs ne s’accommodent point à la fierté d’un Héros. Cail. c’est-à-dire, qu’ils ne compatissent point ensemble. Il faut s’accommoder aux choses, quand les choses ne s’accommodent pas à nous. Un sage s’accommode aux vices de son siècle. Mol.

On dit aussi, Je ne sçaurois m’accommoder de ce valet, pour signifier, je ne puis m’en servir. Convenire. Qu’un homme ne s’accommode pas de toutes sortes de personnes, pour dire, que toutes personnes ne lui plaisent pas. Qu’il s’accommode dans un lieu, pour exprimer qu’il s’y trouve bien. Je ne m’accommode point de la solitude, ce genre de vie est trop ennuyeux.

Accommoder, avec le nom personnel, signifie encore, Prendre sans façon, s’approprier les choses un peu hardiment. Usurpare, vindicare. Cet homme s’accommode de tout ce qu’il trouve ; c’est-à-dire, il s’en saisit, il s’en empare. On dit aussi, voyez comme il s’accommode ; pour exprimer, qu’il prend ses commodités avec beaucoup de liberté.

Accommoder, se prend quelquefois à contresens, & en mauvaise part, & signifie maltraiter, ou de paroles, ou de coups ; gâter, mettre en désordre & en mauvais état. Malè habere. Il est tombé entre les mains de voleurs, d’assassins, qui l’ont accommodé d’une étrange manière. Il est tout couvert de boüe, le voilà mal accommodé. On dit populairement, je vais l’accommoder de toutes pièces. Ablanc. Dans le jugement de ce procès il a été mal accommodé ; il y a eu de sévères condamnations contre lui.

On dit aussi par raillerie, d’un homme qui s’est enivré, qu’il s’en est donné, qu’il s’est accommodé de la belle manière ; pour dire, qu’il en a pris avec excès.

Accommoder, se dit proverbialement dans ces phrases. On l’a accommodé tout de rôti, pour dire, on l’a fort maltraité. On dit aussi, Acommodez-vous, le païs est large ; pour se moquer d’un homme qui se met à son aise, qui prend ses commodités sans beaucoup de cérémonie.

{{scAccommodé, ée}}. part. Compositus. Un procès accommodé. Un homme riche & accommodé. Dives.

ACCOMPAGNEMENT. s. m. Action par laquelle on accompagne. Comitatus. L’accompagnement du Saint Sacrement, quand on le porte aux malades, est une action pieuse, & qui édifie. Dans ce sens l’on ne s’en sert guère que pour des cérémonies. Le Prince de C. fut chargé de l’accompagnement de la Princesse. Ac.

Accompagnement, se dit aussi des choses qui accompagnent ou pour l’ornement ; ou pour l’agrément, ou pour la symétrie. Adjuncta. Il ne manque à cette maison qu’un bois de haute futaye pour son accompagnement. L’acompagne-


ment d’un thuorbe avec la voix est fort agreable. Cette chambre est belle, mais elle n’a pas ses accompagnemens. S. Evr.

Accompagnement, en termes d’Organiste, se dit de divers jeux qu’on touche pour accompagner le dessus, comme le bourdon, la montre, la flûte, le prestant, &c Concentus.

Accompagnement, est aussi un terme de Blason, & se dit de tout ce qui est autour de l’Ecu pour lui servir d’ornement, le pavillon, le cimier, les supports, &c. Stipatio.

AcCOMPAGNER. v. a. Marcher de compagnie avec un autre. Comitari. Un Religieux doit être toujours accompagné d’un Frère. Cette femme jalouse accompagne par-tout son mari.

Accompagner signifie aussi, Conduire quelqu’un par civilité, & pour lui faire honneur. Delucere. Le Président a accompagné cette Dame jusqu’à son carrosse. On envoie des gens de qualité aux Ambassadeurs pour les accompagner à l’audience du Roi, pour les y conduire.

Accompagner, se dit aussi de la suite, du cortége, de l’escorte qu’on donne à quelqu’un, ou pour l’observer, ou pour lui faire honneur, ou pour l’assurer en sa marche. Ce Seigneur marche toujours accompagné de six Gentils-hommes, &c. Les Maréchaux de France envoient un Garde à ceux qui ont querelle, pour les accompagner par-tout. Quand le Roi alla à la conquête de Flandre, il étoit bien accompagné, il avoit une nombreuse armée. On envoya un corps de cavalerie pour accompagner ce convoi, c’est-à-dire, pour l’escorter.

Accompagner, se dit aussi de ce qui orne ou décore quelque chose, & qui lui sied bien. Condecorare. Ces deux pavillons accompagnent bien ce bâtiment, ils font une belle symmétrie. Cette garniture accompagne bien son habit, cela est bien assorti. Lorsqu’elle joue, le thuorbe accompagne parfaitement son chant ; mais sa personne accompagne encore mieux le thuorbe. Le Ch. d’H.

Accompagner, se dit figurément en choses morales, de ce qui est joint ensemble. Consociare, Conjungere. Il accompagne tout ce qu’il dit de tant de graces, & de tant d’honnêtetés, que cela gagne les cœurs. La colère & l’emportement accompagnent d’ordinaire le jeu. St Evr. L’admiration qu’on a pour les actions glorieuses, est souvent accompagnée d’un secret dépit de n’en pouvoir faire autant. Cost. Il a accompagné le compliment qu’il lui a fait faire, d’un present considérable. La fortune a accompagné Alexandre en toutes ses entreprises ; elle l’a suivi par-tout. La vieillesse, par les infirmités qui l’accompagnent, ressemble plus à la mort qu’à la vie. Ablanc.

Accompagné, ée. part. pass. & adj. Comitatus.

Accompagné, en termes de Blason, se dit lors qu’autour d’une pièce principale, comme le sautoir, la bande, la fasce, le chevron, le croissant, le lion, l’aigle, &c. il y a plusieurs autres pièces qui sont auprès en séantes partitions. De Neufville Villeroi porte d’azur au chevron d’or, accompagné de trois croix ancrées de même. On le dit particulièrement des croix, sautoirs, chevrons, pairles, &c. quand ces choses sont également disposées dans les quatre cantons de l’Écu qu’elles laissent vuide.

AcCOMPLIR, v. act. Faire entièrement, mettre une chose en un état où il n’y ait plus rien à desirer ; lui donner sa perfection. Perficere. Notre Seigneur a accompli toutes les prophéties ; il a fait tout ce qu’elles avoient prédit. Cet Officier a bien accompli son devoir. Dieu lui donna des enfans pour accomplir ses desirs, & les lui ôta pour éprouver sa résignation. Felib. Il a accompli sa promesse, ou son vœu ; c’est-à-dire, qu’il a exécuté tout ce qu’il avoit promis. Promissa exsolvere.

Accomplir, se dit aussi de ce qui est fini & achevé. Absolvere. Ce garçon a accompli le temps de son apprentissage. Cet exilé a accompli le temps de son bannissement.

Accompli, ie. part. & adj. Achevé, parfait. Perfectus, absolutus. Le temps est accompli. Il a fait un ouvrage accompli. Ce Seigneur est accompli, pour dire, il a toutes sortes de perfections & de bonnes qualités. Il faut avoir 25 ans accomplis pour être en majorité.


AcCOMPLISSEMENT, s. m. Exécution, succès, ce qui rend la chose accomplie. Perfectio, absolutio. Nous avons l’accomplissement de nos vœux ; c’est-à-dire, tout ce que nous avons souhaité. Les instructions de l’Eglise tendent à porter les fidèles à l’accomplissement de la Loi de Dieu. Port-R. Lycurgue ordonna que les nouveaux mariés ne se vissent qu’à la dérobée, afin d’empêcher le dégoût qui suit l’entier accomplissement de nos desirs. Ablanc. Voyez un heureux, & quelle sérénité l’accomplissement de ses desseins répand sur son visage. La Bruy.

AcCON. Terme de Marine. Petit bateau à fond plat, dont on se sert pour aller sur les vases, lorsque la mer est retirée.

AcCONDUIRE. verbe act. Amener. Adducere. Il ne se dit plus.

ACCOQUINER, v. n. p. Se plaire, s’attacher à une vie coquine, fainéante, & libertine ; s’amuser, s’accoutumer à quelque chose d’indigne. Tradere se inertiæ, ludo, voluptati, &c. Il ne se dit que dans le style bas & satyrique. Il s’emploie plus souvent avec le pronom personnel. Cet homme s’est accoquiné au jeu, s’est accoquiné avec cette femme débauchée. Un artisan qui s’accoquine au cabaret est toujours gueux. Depuis qu’on s’est accoquiné à gueuser, on est fainéant toute sa vie. La lecture des Romans accoquine l’esprit ; pour dire, elle l’amuse, elle l’attache. Nous verrions les femmes courir après nous, sans tous les respects où nous les accoquinons. Mol. Le feu accoquine, il rend les gens paresseux & fainéans. On le dit aussi de quelques animaux domestiques. Il ne faut pas qu’un chien de chasse s’accoquine à la cuisine. Ce mot, quand il est joint avec le pronom personnel, régit le verbe à l’infinitif avec la particule à : Quand on s’est une fois accoquiné à faire des vers, l’on ne peut plus s’appliquer à autre chose. St. Evr. Ce mot vient de coquus, parce que les fainéans se plaisent fort à la cuisine.

Accoquiné, ée. part. & adj.

ACCORD, s. m. Consonnance ou union de deux sons agréables à l’oreille. Consentus, consonantia. L’octave, la quinte, sont de bons accords. Ce Musicien ne joue pas une pièce, il fait seulement des accords. L’Organiste joue le plein chant du petit doigt, & des autres il fait des accords. On dit aussi, qu’un luth ou un autre instrument n’est pas d’accord, quand il ne fait pas les consonnances justes qu’on desire, & que les cordes ne sont pas montées justes au ton qu’elles doivent être.

Accord, signifie aussi cette union & cette proportion qui est entre toutes les parties de l’Univers, qu’on appelle l’Harmonie du monde, qui en établit le repos & la stabilité. Consensus & convenientia.

Accord, signifie encore, Paction, convention entre les personnes qui traitent, qui conviennent de quelque chose. Conventum, pactio. Ces parties ont fait, ont passé, ont signé un bon accord. Ce changement s’est fait d’accord de parties, de concert. Un bon accord vaut mieux qu’un méchant procès. Il faut remarquer qu’on ne dit un accord, que des affaires légères & particulières ; & que dans les grandes on se sert du mot de transaction ou de traitté.

Accord, se dit aussi de l’union & de la bonne intelligence qui se trouve entre ceux qui vivent ensemble : en ce cas, il signifie une conformité d’esprits & de volontés. Concordia. Ce mari & cette femme sont bien d’accord.

Accord, se dit aussi de l’accommodement qui se fait entre des personnes qui étoient mal ensemble. Reconciliatio.

Accord, signifie aussi, Consentement. Consensio. J’en suis d’accord. Tout le monde demeure d’accord, tombe d’accord, est d’accord de cette vérité. On dit absolument, d’accord ; pour dire, J’y consens.

Accord, signifie encore, Conformité de sentimens, Consensus. Tous les Philosophes ne sont pas d’accord sur cette matière ; c’est-à-dire, qu’ils ne sont pas du même avis, ni dans le même sentiment là-dessus.

Iris, dans notre querelle
Je n’examine pas qui de nous deux a tort :
De tout ce qu’il vous plait je demeure d’accord ;
Et vous avez raison puisque vous êtes belle. La Sabl.

Tout d’un accord, adv. Tout d’un consentement, d’un même avis.

On dit proverbialement d’un homme facile & de bonne humeur, qui consent à tout ce qu’on veut, qu’il est de tous bons accords. On dit proverbialement d’un homme facile & de bonne humeur, qui consent à tout ce qu’on veut, qu’il est de tous bons accords.

Accords, ou étais, en termes de Marine, sont de grandes pièces de bois dont on se sert pour soutenir le Navire que l’on construit tant qu’il est sur le chantier. Tigna.

AcCORDABLE. adj. Qui se doit ou peut s’accorder. Dignus venia. Cette grâce n’est pas accordable, le crime est trop énorme. Il est peu en usage.

AcCORDAILLES. s. f. Il n’a point de singulier. Cérémonie qui se fait pour la lècture des qualités, ou pour la signature d’un contrat de mariage en présence des Parens, quand les parties sont d’accord. Sponsalia.

AcCORDANT, ante, adj. Qui se peut accorder. Ad concentum aptus. La Musique consiste à bien choisir les tons accordans, & à les distinguer des discordans. Il y a des voix accordantes & discordantes.

AcCORDE, s. f. Tèrme de Marine. C'est le commandement que l'on fait à l'équipage de la chaloupe, & aux Rameurs, pour les faire nager ensemble.

AcCORDER, v. act. Mettre des voix ou des instrumens de Musique en état de faire des consonnances, ou des accords dans la plus grande justesse ; les mettre sur un même ton, pour en former un concert agréable. Concentum inter instrumenta musica efficere. Accorder un instrument, c’est monter les cordes au ton où elles doivent être, pour faire l’harmonie. On est plus long-temps à accorder son Luth, qu’à en jouer. Accorder sa voix avec un Thuorbe. Cantare ad cordarum sonum.

Accorder, se dit en Grammaire en parlant du régime & de l’accord que les parties d’oraison doivent avoir ensemble. Concordare. Le substantif & l’adjectif se doivent accorder en genre, en cas & en nombre.

Accorder, signifie aussi, Accommoder, mettre d’accord, établir la paix & l’union entre des personnes. Controversias dirimere, componere. Il a accordé son procès. Accorder les cœurs, & les esprits. Ces deux frères étoient en querelle, on les a accordez.

Accorder, se dit en matière de Doctrine, & d’opinions : alors il signifie les concilier, & en lever les contradictions apparentes. Conciliare. Les Théologiens font tous leurs efforts pour accorder S. Matthieu & S. Luc sur la généalogie de Jesus-Christ. Cl.

On le dit aussi des choses, Consentire, convenire. Les qualités contraires ne s’accordent pas ensemble, elles sont incompatibles. Le chaud & le froid ne s’accordent pas. Ce que vous dites ne s’accorde pas avec ce que vous m’avez dit autrefois. Accordez-vous avec vous-même. Accorder la liberté de l’homme avec les decrets de Dieu. Port-R.

Accorder, se met aussi avec le pronom personnel ; & alors il signifie, Convenir, être d’intelligence & de complot. Ce Juge & ce Greffier s’accordent à tromper les Parties. Il marque encore la conformité des esprits & des humeurs : Les jeunes gens n’ont pas de peine à s’accorder ; leurs plaisirs communs les unissent. St Evr.

Accorder, se dit aussi de ce qui peut subsister agréablement ensemble, & généralement de toutes les choses qui ont de la convenance, & du rapport. Concinere. Cette garniture s’accorde bien avec cet habit. Le plomb s’accorde bien avec l’étain. Le vinaigre ne s’accorde pas avec le lait.

Accorder, signifie aussi, Donner, faire une grace, octroyer une demande. Concedere. Le Cardinal Ximénès n’accordoit jamais ce qu’on lui demandoit, pour n’être pas troublé dans l’ordre du bien qu’il vouloit faire. Flech. Ce Prince lui a enfin accordé l’Emploi qu’il sollicitoit. Le Pape a accordé cent ans d’indulgence.

Accorder, Consentir, Concedere. Je vous accorde cette proposition.

On dit aussi, Accorder une fille en mariage, quand les Parens donnent une fille à celui qui la leur demande ; ou quand les parties en signent le contrat. Despondere.

On dit proverbialement, que des gens s’accordent comme chiens & chats ; pour dire, qu’ils ne peuvent compatir ensemble. Dissentire. Accordez vos flûtes ; pour dire, convenez de vos faits.


Accordé, ée, part. pass. & adj. Il a les significations de son verbe. Un luth accordé ; une proposition accordée ; un procès accordé.

Accordé, ée, s. m. & f. Qui s’est engagé par un traité pour mariage. Desponsus, desponsatus. C’est un accordé ; c’est son accordée. L’accordé qui refuse d’accomplir le mariage, est toujours condamné aux dommages & intérêts, proportionnez à la qualité de l’accordée ; parce qu’elle est offensée, & méprisée par le changement.

ACCORDOIR. s. m. Petit instrument qui sert à accorder les instrumens de musique. L’accordoir d’une orgue est fait en forme d’un petit cône, dont on affuble les tuyaux en les pressant, jusqu’à ce qu’ils soient assez étroits pour les faire descendre aux tons qu’on désire ; ou en poussant la pointe du cône dans le tuyau lorsqu’on le veut élargir & le faire monter. L’accordoir d’un clavecin est fait comme un petit marteau.

Ces mots d’accord & d’accorder, selon quelques-uns, & entr’autres Nicod, viennent du Latin ad cor, comme si on disoit, que deux personnes sont amenées à un même cœur ou à une même volonté. Mais il y a plus d’apparence qu’ils viennent de corde, & que le premier sens d’accorder vient de ce que deux cordes qui se touchent en même-temps, forment des tons qui s’unissent agréablement : d’où vient qu’il y a des consonnances en Musique qui s’appellent tétracorde & hexacorde, qui sont la quarte & la sixte ; ce qui a été étendu aux conventions, qui font agir les parties de concert.

AcCORER. Terme de Marine, qui signifie appuyer ou soutenir quelque chose. Sustentare, fulcire.

ACCORT, orte. adj. Civil, complaisant, qui se sçait accommoder à l’humeur des personnes avec qui il a affaire, pour réussir dans ses desseins. Comis, obsequens, commodus. Les Grecs l’appellent πολύτροπος. Ce mot vient de l’Italien accorto, qui signifie la même chose. On a dit autrefois accortise & accortement : mais ces mots ont vieilli, quoique Pasquier témoigne qu’ils étoient nouveaux de son tems.

Accort, signifie encore adroit, habile à trouver promptement divers expédiens. Versutus, callidus.

AcCORNÉ, ée. adj. Terme de Blason, qui se dit d’un animal qui est marqué dans un écu avec ses cornes. Cornutus. On le dit seulement quand elles sont d’une autre couleur ou métal que le reste du corps de l’animal. Têtes de vaches de sable, accornées d’argent.

AcCOSTABLE. adj. m. & f. Civil, qui se laisse aborder facilement. Facilis, comis. Ce sont des personnes peu accostables. Voit. Ce Conseiller est fort accostable, il écoute paisiblement les parties. Ce mot est hors d’usage.

AcCOSTER. v. act. Approcher de quelqu’un pour lui parler, pour lui apprendre, ou savoir de lui quelque chose, ou pour nouer amitié avec lui. Accedere. On conjugue, je m’accoste ; je m’accostai ; je me suis accosté. Ces mots viennent de ad & de costa, côté ; comme si l’on vouloit dire, se mettre à côté, ou aux côtés de quelqu’un ; c’est-à-dire, se joindre à lui. Il est allé hardiment accoster cette femme. Ce mot n’entre que dans le discours familier.

Accoster signifie aussi, hanter, avoir familiarité avec quelqu’un. Frequentare. Il ne faut accoster que d’honnêtes gens. Ils se défioient tellement les uns des autres, qu’on n’eût osé s'accoster de personne. Vaug.

Accosté, ée. part. pass. & adj. En ces mots l’S se prononce.

AcCOTER. Tèrme de Marine ; c’est approcher une chose d’une autre. Admovere. On le dit des huniers & des perroquets, quand on fait toucher les coins ou pointes des uns ou des autres aux poulies destinées à cet usage, & qui sont mises exprès au bout des vergues. Accotte, ou accoste, est le commandement pour faire approcher une chose de l’autre. Ainsi on dit à un petit vaisseau pour le faire approcher d’un plus grand, Accôte à bord.

Ces mots viennent aussi du Latin costa, Côte.

AcCOTÉ. Tèrme de Blason, se dit des pièces qui sont posées à côté d’une autre pièce de l’écu. Adpictus, appositus. Le Prêtre-Jean d’Ethiopie porte d’argent, à une croix haussée de gueules, chargée d’un Crucifix, accotée de deux fouets de cordes emmanchés d’azur. Il se dit particulièrement de toutes les pièces de longueur mises en pal, ou en bande, quand elles en ont d’autres à leurs côtés. Ainsi le pal peut être accoté de


quatre ou de six annelets, quand il y en a deux ou trois de chaque côté. On dit la même chose de la bande, quand les pièces qui sont à ses côtés, sont couchées dans le même sens, & qu’il y en a le même nombre de part & d’autre. Quand elles sont droites, on nomme alors la bande accompagnée de deux ou de quatre fleurs de lys, ou autres choses dont il faut énoncer la situation. Quand ce sont des pièces rondes, comme des tourteaux, des besans, on peut dire indifféremment accoté, ou accompagné. Le P. Menestrier.

AcCOTAR. subst. masc. Terme de Marine, est une pièce de bordage que l’on endente entre les membres du vaisseau, pour empêcher l’eau de tomber entre les membres, ou entre les pièces qui le composent.

ACCOUCHEMENT. s. f. Enfantement, délivrance d’une femme grosse. Partus, puerperium, partio. Les travaux de l’accouchement sont une des peines du péché originel. Voyez Mauriceau sur cette matière.

On le dit quelquefois figurément des productions de l’esprit. Partus, fœtus ingenii. Socrate disoit, qu’il faisoit l’office de Sage-femme, & qu’il aidoit à l’accouchement des esprits. On dit proverbialement ; Après avoir long-temps attendu l’accouchement des montagnes, il n’en est sorti qu’une souris.

AcCOUCHER. v. n. Enfanter, mettre un enfant au monde. Parere, eniti. Il régit l’ablatif. Cette femme est accouchée d’un beau garçon. Elle est accouchée d’un faux germe, ou avant terme. Cette femme étoit accouchée quand la sage-femme arriva. On ne dit point elle a, elle avoit accouché. La Fable raconte que Jupiter accoucha de Minerve. La même nuit qu’Olympias accoucha d’Alexandre, le Temple d’Ephèse fut réduit en cendres. Cet homme, à cela près qu’il n’accouche pas, est la femme, & elle le mari. La Bruy. Il est quelquefois actif, & signifie, Aider à une femme à se délivrer de son enfant. Adesse parturienti. Les Chirurgiens savent mieux accoucher les femmes que les Matrônes. Cette femme s’accoucha elle-même.

Accoucher, se dit figurément des productions de l’esprit. Edere. C’est un bel esprit, qui conçoit, qui invente facilement ; mais qui accouche, ou enfante avec peine, c’est-à-dire, qu’il s’explique avec difficulté.

Le sort de ce sonnet a droit de vous toucher,
Car c’est dans votre cour que j’en viens d’accoucher.

Mol.

Accouchée. s. f. Femme qui se tient quelque temps au lit, pour se remettre des douleurs de l’enfantement. Puerpera. On fait des visites en cérémonie aux femmes accouchées. Vous êtes parée comme une accouchée. En l’Amérique il y a des Peuples où les maris font les accouchés à la place de leurs femmes. Herrera.

Il y en a aussi dans les Antilles, & même dans les Indes orientales, & à la Chine vers l’île de Formosa, qui font la même chose, comme on le voit dans le Recueil de Thévenot.

Au Pérou les femmes accouchées ne gardent point le lit ; mais après s’être lavées, elles se remettent à faire leur ménage ; & si quelque femme les assistoit en leur accouchement, elle passeroit plutôt pour sorcière que pour Sage-femme. Voyez l’Histoire des Incas.

On appelle proverbialement, les caquèts de l’accouchée, les discours frivoles & de peu d’importance des femmes qui visitent celles qui sont en couche. On dit aussi, tant d’un homme que d’une femme, qu’ils font l’accouchée, quand ils se tiennent au lit par molesse, & sans nécessité.

AcCOUCHEUR. s. m. Qui aide aux femmes à se délivrer. Adjutor partûs. Maintenant les Chirurgiens accoucheurs sont fort en vogue. Autrefois on ne se servoit que de Sage-femmes ou de Matrones pour accoucheuses.

ACCOUCHEUSE. s. f. Femme qui aide à accoucher. Obstetrix. Habile accoucheuse. On dit plutôt Sage-femme. Acad. Fr.

Ces mots viennent du Latin accubare.

AcCOUDER. v. n. S’appuyer sur le coude, Inniti cubito. Tristement accoudé contre une cheminée. S. Am. Il se dit plus souvent avec le pronom personnel. On met au rang des incivilités de s’accouder sur la table ; de s’accouder devant ses supérieurs. On ne s’en sert guère que dans le discours familier. On conj. je m’accoude ; je m’accoudai ; je m’accouderai.

AcCOUDOIR. s. m. Chose destinée pour s’accouder ; ce que l’on met sous les coudes pour s’appuyer en avant. Cubiti fulmensum. En termes d’Architecture, c’est la même chose qu’appui. C’est le petit mur qui est élevé entre les deux pieds-droits d’une croisée. On appelle accoudoir, l’endroit inférieur de l’ouverture d’une fenêtre, sur lequel on s’appuie, on s’accoude. L’accoudoir d’une fenêtre doit aller seulement à la hauteur de la ceinture. Vitruve appelle un accoudoir, Pluteus, qui signifie un appui ou parapet. Il se sert aussi du mot Podium, qui est un balcon, ou saillie. On dit populairement & ironiquement à une personne qui en incommode une autre en s’appuyant sur elle, allez chercher plus loin des accoudoirs.

Ces mots viennent du François coude, qui s’est formé du Latin cubitus.

AcCOUPLE. s. f. Liens dont on attache les chiens ensemble. Copula.

AcCOUPLEMENT, s. m. Assemblage, jonction du mâle & de la femelle pour la génération. Copulatio. Le Peuple croit que l’antechrist naîtra d’un accouplement sacrilége & incestueux. On croit que la cause des monstres d’Afrique vient de l’accouplement qui s’y fait des animaux de différentes espèces. On ne le dit en parlant des hommes, qu’en l’adoucissant par une épithète qui sert de correctif : c’est un heureux accouplement. Il est plus propre en poësie.

Tu menois le blond Hymenée,
Qui devoit solennellement,
De ce fatal accouplement
Célébrer l’heureuse journée. Malh.

Accouplement, se dit aussi des bœufs qu’on attache ensemble sous le même joug. Jugum.

AcCOUPLER. v. act. Associer, attacher, joindre ensemble deux choses de pareille nature. Copulare. On conj. Je m’accouplai, je me suis accouplé. Ces personnes sont mal accouplées ; leurs humeurs ne compatissent point. Il étoit défendu par la Loi de Moyse d’accoupler un bœuf & un âne pour labourer. On s’en sert dans un mauvais sens, & d’un ton railleur. C’est un Mercure de profession, qui sçait accoupler les amans avec leurs belles qui ne sont pas inhumaines. Comb.

On le dit aussi du menu linge qu’on attache ensemble avec du fil pour en faire des paquets, de peur qu’il ne s’égare, quand on le donne à blanchir.

Accoupler, se dit encore des oiseaux, des animaux qui se joignent, qui s’apparient pour perpétuer l’espèce. Les pigeons s’accouplent au mois de Mars & de Septembre. Ce pigeon cherche avec qui s’accoupler.

AcCOUPLÉ, ée, part. pass. & adj. Copulatus. On appelle, en tèrmes d’Architecture, colonnes accouplées, les colonnes qui sont deux à deux, & qui se touchent presque par leurs chapitaux, & par leurs bases. Il y a aussi des pilastres accouplés.

AcCOURCIR, v. act. Rogner, retrancher, rendre plus court. Curtare, resecare.. On conj. J’accourcis. Il faut accourcir ce manteau, en rogner un doigt. Il faut accourcir ce livre, en retrancher la moitié. Il faut accourcir les étriers d’un point, resserrer l’estrivière. On dit aussi accourcir, en parlant d’un discours ; c’est-à-dire, l’abréger. Contrahere, coarctare.

On dit aussi, Accourcir le chemin, quand on prend quelque faux-fuyant qui abrége le chemin, qui le rend plus court. Uti vià compendiariâ. On dit aussi, que les jours accourcissent, quand le soleil a passé le solstice d’été, quand les jours deviennent plus courts. Decrescunt dies.

Accourci, ie. part. & adj. Contractus, decurtatus.

ACCOURCISSEMENT. s. m. Ce qui accourcit, ce qui abrége. Contractio. Le passage qu’on a ouvert par ce parc, sert beaucoup à l’accourcissement du chemin. Viæ compendium.

ACCOURIR, verb. neut. Venir promptement, & en hâte en quelque lieu ; soit qu’on nous y appelle ; soit que notre passion nous y porte. Accurrere, advolare. On conj. J’accours, j’accourois, j’accourus. Je suis accouru, j’accourrai, &c. L’armée est accouruë en diligence au secours de cette Place. Toute la Noblesse accourut au bruit du canon, pour se trouver à la Bataille. Ses amis sont accourus en foule, pour le féliciter de sa nouvelle dignité ; pour honorer son entrée. Il se dit figurément des personnes qui se portent à quelque action avec beaucoup d’ardeur. Accourir à la vengeance. Ablanc.


Accourir, v. act. Terme de chasse. Resserrer, ou plier le trait pour tenir le limier. Saln.

Accouru, ue, part. & adj.

AcCOURSIE. s. f. Terme de Marine. Passage que l’on ménage dans le fond de cale & des deux côtés, pour aller de la poupe à la proue le long du vaisseau. Fori.

AcCOUsTREMENT. s. m. Habillement, parure. Ornatus. Il ne se dit que parmi le peuple, ou dans le burlesque. Quand cet artisan a marié sa fille, elle lui a coûté cent écus pour tous ses accoûtremens.

AcCOUsTRER. v. act. Vieux mot, qui signifioit autrefois, Habiller, orner, parer. Ornare. Il y avoit des singes qu’on avoit accoutrés en charlatans. Ablanc. Il n’est plus en usage qu’en cette phrase figurée. Cet homme en une telle occasion, a été mal accoutré ; pour dire en raillant, qu’il a été maltraité, ou bien blessé. On diroit plus proprement, Accoûtrer, & préparer des peaux. Ces mots viennent du Latin. On appelle en quelques Cathédrales, comme à Bayeux, Coutre, le Sacristain ou Officier qui a soin de parer l’Eglise ou l’Autel.

AcCOUsTUMANCE. s. f. Habitude que l’on contracte en réitérant plusieurs fois la même action, en la faisant tourner en coutume. Consuetudo, assuetudo. On est souvent emporté par la force des mauvaises accoutumances qu’on a contractées dans la jeunesse. L’accoutumance de prendre du tabac est difficile à surmonter. Ce mot qui commençoit à vieillir du temps de Vaugelas, s’est rétabli peu à peu, & plusieurs bons Ecrivains s’en servent. Bouh. Habitude est plus doux, & je dirois plutôt, il a fait cela par une mauvaise habitude, que par une mauvaise accoutumance. Corn. Je ferois difficulté de me servir de ce mot, accoûtumance, en parlant, & encore plus en écrivant:mais à cause des exemples qui se trouvent dans les meilleurs auteurs, il ne faut point absolument le condamner. Un esprit abattu & comme dompté par l’accoutumance au joug, n’oseroit plus s’enhardir à rien. Boil. La jeunesse change ses goûts par l’ardeur du sang, & la vieillesse conserve les siens par l’accoutumance. La Rochef.

AcCOUsTUMER. verb. act. & neut. Pratiquer souvent une même chose; contracter une habitude par la fréquente réitération du même acte. Assuefacere. On s’accoûtume à tout, au travail, à la peine, aux douleurs. Il ne faut pas accoûtumer les Peuples à prendre les armes, & à murmurer. On accoûtume les bœufs au joug. Les enfans qu’on accoûtume à être applaudis, conservent l’habitude de juger avec précipitation. Fenel.

Le Peuple est accoûtumé à la servitude. C’étoit la coûtume des Sénateurs de mener leurs enfans au Sénat, pour les former de bonne heure aux affaires, & les accoûtumer au secret. Bouh. Il faut accoûtumer les enfans à faire le bien, plutôt par leur propre inclination, que par la crainte. Port-R. Nous sommes si accoûtumés à nous déguiser aux autres, qu’enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. La Rochef. L’étude de la critique accoûtume l’esprit à chicaner. St. Evr. Il ne faut pas s’accoûtumer à la fainéantise. Il ne faut pas accoûtumer son ventre aux purgations, de peur que la nature ne se rende paresseuse.

Au plaisir de vous voir mon ame accoûtumée
Ne vit plus que pour vous. Rag

Quand le verbe accoûtumer est joint au verbe auxiliaire avoir, il demande que la particule de précède l’infinitif qui le suit : J’ai accoûtumé de faire, &c. Quand il est avec être il demande la particule à : Je suis accoûtumé à souffrir. Mais accoûtumer seul gouverne toujours à : Je m’accoûtume à prendre les choses sans m’affliger : Accoûtumez-vous à hair le vice. Corn. Il faut modérer la légèreté de sa langue, pour l’accoûtumer à ne se point précipiter dans les choses obscures & douteuses. Port-R. On dit que Démosthène déclamoit au bord de la mer pour s’accoûtumer au bruit du Peuple. Mes malheurs m’ont accoûtumé à envisager la mort sans crainte. P. de Ce. Il faut s’accoûtumer aux outrages de la fortune. Coet.

Accoustumé, se dit aussi des choses inanimées. Solere. Il n’a pas accoûtumé de faire si chaud en ce mois-ci. Il y a des terres qui ont accoûtumé de rapporter deux fois l’an.


Accoustumer, se dit aussi des choses qui sont tellement tournées en nature, qu’encore qu’elles soient incommodes aux autres, elles nous deviennent en quelque façon nécessaires. Les Lapons sont tellement accoûtumés au froid, que quand ils sont arrivés à Hambourg, ils s’en retournent, à cause qu’ils trouvent qu’il y fait trop chaud. Les Indiens s’en retournent quand ils sont arrivés au 30. degré, parce qu’ils y ont trop froid. Relations des Lapons & des Indes.

On dit provèrbialement, qu’un homme est accoustumé à une certaine chose, comme un chien d’aller nud tête ; comme un chien d’aller à pié.

Accoustumé, ée, part. & adj. Assuefactus, Assuetus.

Accoustumée, signifie quelquefois, Ordinaire, ce qu’on a coûtume de faire. Solitus. On a tenu l’audience aux jours & aux heures accoûtumées. On lui a fait son procès en la forme & manière accoûtumées.

A l’accoustumée, adv. De la manière qu’on avoit accoustumé. Ut solet, de more. On a raccommodé ensemble ces amis qui étoient brouillés : ils vivent maintenant à l’accoustumée. Ce mot n’est en usage que dans la conversation commune.

AcCOUVÉ, ÉE, adj. Qui se tient au coin de son feu en fainéant, en paresseux, sans vouloir en sortir pour travailler. Alsiosus, iners. Cet artisan passe tout l’hyver accouvé au coin de son feu. Il est bas & vieux. Ce mot vient de incubitare. Nicod.

AcCRAVANTER. v. act. Ecraser, accabler sous un poids excessif. Onere obruere, mole opprimere. Si vous lui faites porter ce fardeau, c’est le moyen de l’accravanter. Cet homme a été accravanté sous les ruines de sa maison. Ce mot est composé, & dérivé de crever. Il est vieux.

AcCRÉDITER. v. act. Donner du crédit & de l’autorité ; mettre en réputation & en estime dans le public. Commendare, auctoritatem dare. Il n’y a rien qui accrédite davantage une personne que la bonne foi. Un chef de parti est obligé à caresser un scélérat, qui s’est accrédité parmi le Peuple. M. Esp. Est-ce un prodige qu’un sot riche & accrédité ? La Bruy. Il se joint souvent avec le pronom relatif. Ce Président s’est accrédité dans sa Compagnie par sa capacité & par son intégrité. Ce ministre s’est fort accrédité à la Cour par son zèle & par sa prudence. Les marchands s’accréditent en vendant fidellement.

Ce mot vient d’accreditus, qui a été fait d’accredere, dont on s’est servi dans la basse Latinité, pour signifier, Prêter. Du Cange.

Accrédité, ée. part. pass. & adj. Auctoricate pollens.

AcCROC. s. m. Déchirure d’un habit, rupture qui se fait quand on est arrêté par quelque chose de crochu, & de pointu. Scissura. Il est difficile de passer à travers des ronces & des haies, sans qu’on se fasse quelqu’accroc.

Accroc, se dit figurément en choses morales de ce qui arrête, de ce qui retarde une affaire. Mora, impedimentum. La mort d’une des parties est un accroc qui empêche l’instruction de ce procès. L’accusation qu’on a faite contre cet homme, est un fâcheux accroc qui peut ruiner sa fortune. Il est bas dans ce sens.

AcCROCHE. s. f. Embarras, retardement qui arrive en quelque affaire, à cause de quelque difficulté qui survient. Impedimentum, mora. Les oppositions à ce décret sont des accroches qui retarderont long-temps notre payement.

AcCROCHEMENT. s. m. Action d’accrocher. Unci immissio. Il n’est guère en usage au propre. Quelques-uns s’en servent au figuré. Il y a des gens qui se font descendre des plus nobles familles sur des ressemblances de noms, ou par d’autres accrochemens visionnaires. Cail.

AcCROCHER. v. act. Attacher quelque chose à un crochet, à une cheville, à un clou, à une agraffe. Unco suspendere. Il faut accrocher ce sac à sa cheville. Accrocher sa montre à sa ceinture. Accrocher un tableau. Ce mot vient du Grec ἀκροχεῖρ qui signifie le bout de la main, parce qu’il sert à accrocher.

Accrocher, signifie aussi attacher à quelque chose de fèrme. Unco astringere. Accrochez ce bateau avec sa chaîne à l’anneau de ce pont. Avec le pronom personnel il signifie se prendre à quelque chose. Nos braves s’accrochant se prennent aux cheveux. Boil. On dit qu’un homme qui se noie, s’accroche à tout.

Accrocher, en tèrmes de Marine, signifie, arrêter un navire, le joindre, ou s’y attacher en jetant le grapin pour venir à l’abordage. Harpagonem in navim injicere, harpagare. Ces deux navires étoient accrochés, il y eut entr’eux un rude combat.

Accrocher, se dit figurément en choses morales, & dans le style commun. Il a trouvé moyen d’accrocher son affaire au Conseil, en l’y faisant retenir pour la juger. Ce procès étoit prêt à juger ; la partie l’a accroché par une chicane ; c’est-à-dire, qu’elle y a apporté du retardement par quelque incident. Liti moram injicere. Ce prisonnier alloit sortir, mais il a été accroché par une nouvelle recommandation. Il signifie encore attraper, emporter par finesse.

Dans l’ame elle est du monde, & ses soins tentent tout,
Pour accrocher quelqu’un, sans en venir à bout.

Mol
.

Accrocher, se dit provèrbialement en cette phrase:Belle fille & méchante robe, trouve toujours qui l’accroche.

Accroché, ée. part. & adj. Inuncatus.

AcCROIRE. v. n. Il n’est en usage qu’à l’infinitif, & se met toujours avec le verbe faire. Faire croire à quelqu’un, ce qui n’est pas. Imponere, verba dare, ludificari. Le peuple est si sot, qu’on lui fait accroire tout ce qu’on veut. Vous faites accroire à une infinité de gens que ces points ne sont pas essentiels à la foi. Pasc. D’autres prétendent que faire accroire n’emporte pas que la chose qu’on veut persuader soit fausse ; mais seulement que celui qui l’a dit, a dessein de tromper. Vaug. Ce mot vient de Accredere, qui a été dit en basse Latinité, pour signifier prêter.

Accroire, signifie aussi, Tromper. La plupart des valets en font bien accroire aux maîtres qui se confient en eux.

Il signifie encore, Concevoir de la vanité, s’enorgueillir ; prendre de la fierté d’un mérite qu’on n’a pas, présumer trop de soi-même. Multum sibi arrogare. Les favoris des Princes sont sujets à s’en faire accroire. Cette femme est belle, mais elle s’en fait trop accroire ; elle est trop vaine de sa beauté. Je ne hais rien tant que certains esprits qui s’en font extrêmement accroire.

AcCROISSEMENT, s. m. Augmentation d’un corps. Incrementum, accretio L’Accroissement se fait par l’addition de quelques parties qui sont propres à la nature de ce corps ; & c’est en cela que l’accroissement diffère de la raréfaction, dans laquelle les parties qui augmentent le corps, ne sont pas de la nature du corps qui se raréfie. On juge de la fertilité de l’Égypte par l’accroissement du Nil, selon les degrés de hauteur qu’il marque dans la colonne qui est élevée pour cela dans le Calis. Les chênes reçoivent de l’accroissement jusqu’à 100. ans.

Accroissement, signifie aussi, Agrandissement. L’accroissement de son parc, de sa maison, lui a beaucoup coûté. L’accroissement de sa famille lui sera une occasion de nouvelle dépense.

Accroissement, se dit aussi figurément en choses morales, & signifie l’augmentation, la prospérité. Les passions ont leurs accroissemens, & leurs relâchemens. Sa fortune fait tous les jours de nouveaux accroissemens. Accroissement d’honneurs & de dignités. Honoris amplificatio. Les envieux s’affligent de l’accroissement des richesses, ou de la gloire d’autrui. M. Esp.

Accroissement, terme de Droit; c’est la portion vacante, laquelle est jointe & réünie à la portion qui est occupée & possédée par un autre. Cela arrive entre collègues, ou entre membres d’une Compagnie, entre légataires, ou par la mort ou l’absence d’un associé, ou d’un confrère. Une chose léguée conjointement, tam re, quàm verbis, à deux légataires, appartient pour le total à celui qui survit le testateur, par droit d’accroissement. L’alluvion est


une autre espèce d’accroissement. Il y a des titres exprès dans le digeste qui traitent du droit d’accroissement.

AcCROISTRE, v. act. & n. avec le pronom pèrs. Augmenter la grandeur de quelque chose, la rendre plus étendue. Augere, amplificare. Il a acheté deux maisons voisines pour accroître la sienne. Il est borné de chemins de tous côtés, il ne peut s’accroître. Cette Ville s’est fort accrue par son commerce. Ce Prince a acru son Royaume, il a reculé les bornes de son État. Il est aussi neutre, & signifie, devenir plus grand. Crescere, augescere. Son revenu accroît tous les jours.

Accroistre, se dit figurément en choses morales. Son amour, sa colere, s’accroissent au lieu de diminuer. Sa fortune s’accroît. Sa gloire, son crédit, son pouvoir s’accroissent tous les jours. Dans le monde les vertus sont affoiblies par les mauvais exemples, & les vices accrus par le libertinage, & l’impénitence. Flech. Les richesses ne font qu’en accroître la soif. Vaug. La Paix accroît le pouvoir de la Justice. Malh. Tes Discours superflus accroissent mes ennuis. Mol.

Accroistre, en tèrmes de Droit, se dit de ce qui tourne au profit de quelque associé, ou confrère, par la mort ou par l’absence d’un autre. La part de celui qui renonce à une succession accroit à ses cohéritiers. En toutes les Compagnies où il y a bourse commune d’épices, de droits, &c. la part des absens accroit aux présens.

Accru, ue, part. & adj. Auctus.

AcCROUPIR, v. act. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, pour exprimer la Posture de celui qui abaisse son corps presque contre terre en pliant les genoux, en sorte que le derrière touche presque les talons. Sidere, in clunes residere. La plupart des Orientaux s’accroupissent au lieu de s’asseoir. Il y avoit une vieille qui étoit cachée & accroupie derrière un buisson, qui entendit tout leur entretien.

Accroupi, ie. Terme de Blason, qui se dit d’un lion quand il est assis & de même d’autres animaux sauvages, quand ils sont assis. In clunes residens. On le dit des lièvres, & des lapins qui sont ramassés : ce qui est leur posture ordinaire quand ils ne courent pas. D’azur au lion accroupi d’argent, &c.

AcCROUPISSEMENT, s. m. État de ce qui est accroupi. accroupi. Incubitus. L’accroupissement d’un lièvre en forme. Ce mot est peu en usage, & est composé de croupe.

AcCUEIL. s. m. Traitement, réception qu’on fait à une pèrsonne qui arrive, ou qui nous aborde. Acceptio, exceptio. Il se prend en bonne, ou en mauvaise part : l’épithète qu’on y joint la détermine. Je me suis laissé tromper par l’accueil hypocrite que m’a fait ce rusé Courtisan. M. Scud. Les grands gagnent l’amitié des Peuples en faisant un bon accueil aux personnes qui les approchent. Il m’a fait un accueil froid, & désobligeant : j’en attendois un accueil plus favorable.

Accueil, seul & sans épithète, se prend d’ordinaire en bonne part. Il signifie la manière civile & honnête dont on reçoit une personne, & le secours qu’on lui donne. Faire accueil à tout le monde. L’accueil qu’a fait ce Seigneur à cet infortuné Gentilhomme en le retirant dans sa maison, lui a sauvé la vie & l’honneur. Son accueil charme tous ceux qui l’abordent.

AcCUEILLIR, v. act. Recevoir ceux qui ont à faire à nous, ou qui nous rendent quelque visite. Accipere, excipere leniter, amicè. Il l’accueillit avec des témoignages d’une grande tendresse. La première pratique de la civilité est de bien accueillir toutes sortes de personnes. On conj. J’accueille, tu accueilles, il accueille : j’accueillis ; j’ai accueilli ; j’accueillerai ; j’accueillerois, &c.

Sa maudite grimace est par-tout bien venue ;
On l’accueille, on lui rit ; par-tout il s’insinue. Mol.

Ce mot vient du Latin adcolligere. Ménag. J’aimerois mieux l’éviter en disant, Il m’a fait un bon accueil, ou si vous voulez, il m’a reçu très-favorablement. Accueillir est douteux.

Accueillir, signifie aussi, Donner secours, protection, retraite. Praesidium ferre. C’est une grande ingratitude de méconnoître dans la prospérité ceux qui nous ont accueillis, & qui


nous ont secourus dans notre misère.

Accueillir, signifie encore plus particuliérement, Recevoir dans un Bateau, dans un Navire. Ce batelier n’est pas loin du port, il faut lui crier qu’il vous vienne accueillir. On envoya une barque pour accueillir ceux qui se noyoient après le débris de ce vaisseau.

Accueillir, se dit figurément en choses morales. Occupare, adoriri. Il ne faut pas se laisser accueillir par la nécessité ; c’est-à-dire se laisser presser, & accabler par la misère. Nous n’étions pas loin du port, lorsque nous fûmes accueillis par la tempête ; c’est-à-dire, battus & surpris par l’orage. Le P. Bouhours blâme accueillir dans cette signification, d’autres soutiennent qu’il est bon. Il vaut mieux chercher un autre tour.

Accueilli, ie, part. & adj. Acceptus, exceptus.

AcCUL, s. m. Lieu étroit & bouché d’où on ne peut sortir quand on est poursuivi par les ennemis. Angustiæ. On le dit particulièrement à la chasse des lieux où on réduit le gibiér.

Acculs, sont aussi les lieux les plus enfoncés des terriers, où les renards ou bléreaux ont toute leur famille. Fundula. On appelle Carrefours, les principaux conduits ou creux qui mènent à leurs acculs. On appelle encore Acculs, en termes de chasse, les bouts des forêts & des grands bois.

AcCULEMENT. s. m. Tèrme de Marine, qui se dit de la concavité & rondeur de quelques membres qui se placent à l’avant, & à l’arrière sur la quille du vaisseau. Varangues acculées, sont celles qui sont rondes en dedans. Ozanan dit qu’on appelle acculement, la proportion avec laquelle chaque gabary s’élève sur la quille plus que le premier gabary.

AcCULER, v. act. Pousser des ennemis dans un lieu étroit & fermé, d’où ils ne puissent échapper ; les réduire à ne pouvoir reculer, en sorte qu’ils soient obligés de combattre, ou de périr. In angustias redigere, complere. On a acculé les ennemis dans ce détroit de Montagnes, où on les fera périr de faim. On le dit aussi des sangliers, des renards, &c. Les chiens ont acculé le loup.

s’Acculer, signifie au contraire, se placer dans un coin, se retirer dans un lieu étroit où on ne puisse être attaqué par derrière, pour se mieux défendre contre plusieurs ennemis de front. Locis postico imperviis uti ad defensionem. Ce brave s’est acculé contre une muraille, pour n’être point enveloppé par les ennemis. Le taureau s’accule, quand il est pressé avec trop de vigueur par des dogues.

Acculer, en tèrmes de manège, se dit lorsque le cheval qui manie sur les voltes, ne va pas assez en avant à chacun de ses mouvemens ; ce qui fait que les épaules n’embrassent pas assez de terrein, & que sa croupe s’approche trop près du centre de la volte.

Acculé, ée, part. & adj. In angustias redactus.

En termes de Blason, on appelle un cheval acculé, quand il est cabré en arrière & sur le cul. In clunes residens. On le dit aussi de deux canons sur leurs affûts, dont les culasses sont opposées l’une à l’autre ; comme ceux que le Grand Maître de l’Artillerie met au bas de ses armoiries, pour marques de sa dignité. Ce mot se tire du Latin culum. On dit un cul-de-sac.

AcCUMULATION. s. f. Entassèment ; amas de plusieurs choses les unes sur les autres. Accumulatio, coacervatio. Accumulation de richesses. Il n’y a rien de plus ruineux que de laisser faire une accumulation d’arrérages.

On dit au Palais, une accumulation de droits, ou cumulation, quand quelqu’un prétend un héritage, un bénéfice, en vertu de plusieurs droits de différente nature, comme par mort, par résignation, &c.

AcCUMULER, v. act. Entasser, assembler, amasser plusieurs choses ensemble. Accumulare, coacervare, congerere. Les avares ne songent qu’à accumuler trésors sur trésors. On a puni ce scélérat, qui avoit accumulé crimes sur crimes. On dit aussi en Jurisprudence Canonique, accumulant droit sur droit, quand on obtient cession du droit d’une autre partie pourvue du même Bénéfice.

Accumulé, ée. part. Accumulatus, Congestus. Ce mot vient d’accumulatio, accumulare.

AcCUSATEUR, Accusatrice, subst. masc. & fém. Celui ou celle qui accuse, ou qui poursuit quelqu’un en justice criminellement. Accusator, accusatrix. Par le Droit civil il n’y avoit point d’accusateur public. Chaque particulier, soit qu’il eût interêt au crime public, ou non, pouvoit accuser, & conclure au châtiment de l’accusé. En France il n’y a que le Procureur Général, ou ses Substituts préposés dans chaque Siége, qui se puissent constituer accusateurs ; c’est à eux seuls à qui appartient la vengeance publique. La partie civile ne peut conclure qu’à la réparation, & aux intérêts, & non pas à la punition du criminel. En quelque lieu que se trouve un Parricide, il rencontre un Accusateur, un Juge, & un Bourreau. Le Mait. Cette femme est une dangereuse accusatrice. Son accusatrice parut fort animée contre lui. Au dernier jour nos péchés se présenteront comme autant de cruels accusateurs. Nicol.

AcCUSATIF. s. m. Terme de Grammaire. C’est le quatrième cas des noms qui se déclinent. Accusandi casus, accusativus. Il marque & désigne le terme d’une action, ou d’un rapport, le sujet où passe l’action du verbe, ou de la préposition. Un verbe actif régit l’accusatif. Il y a des prépositions qui demandent après elles un accusatif. En François l’accusatif est semblable au nominatif.

AcCUSATION, s. f. Délation en Justice pour quelque crime. Accusatio. Intenter une accusation injuste, calomnieuse. Vous ferez bien de prévenir une accusation si redoutable ; ou de la repousser vigoureusement, si elle est déja formée. Ablanc. Susciter une accusation capitale. Il y a vingt chefs d’accusation contre ce criminel. L’accusation des crimes privés n’étoit recevable par le Droit Romain qu’en la bouche de ceux qui y avoient intérêt : pour les crimes publics l’accusation pouvoit être intentée par quiconque la vouloit entreprendre.

Il signifie aussi, Confession. Confessio. Il faut faire une sincère accusation de nos péchés au Prétre.

Accusation, se dit aussi des légères fautes dans les complimens ordinaires. L’accusation que vous me faites de n’avoir point songé à vous en votre absence, est mal fondée.

AcCUSER. v. act. Intenter une action criminelle contre quelqu’un, soit en son nom, soit sous le nom de la partie publique, qui est toujours le Procureur-Général, ou son Substitut. Accusare. Il n’appartient qu’au mari d’accuser sa femme d’adultère. On a accusé de concussion un tel Officier. Caton, l’homme le plus


Ainnocent de son siècle, avoit été accusé 42. fois, & absous 42. fois. Dans l’esprit de la plûpart des gens, c’est assez d’être accusé pour être coupable. Voit. Un homme de bien accusé injustement, ôte à la prison même ce qu’elle a d’ignominieux. Bouh.

Accuser, signifie quelquefois simplement, Reprocher. Tous ses amis l’accusent de paresse à faire réponse aux lettres. On accuse les François de légèreté & d’imprudence. Ceux qui accusent la Providence, pour ce qu’elle rend l’adultère aussi fécond qu’un mariage légitime, se scandalisent mal à propos. La Pl. Malherbe, parlant d’un Scélérat heureux, ajoûte :

Mais le Ciel accusé de supporter ces crimes,
Se veut justifier.

On accuse souvent de beaux yeux, dont toute la force est dans la foiblesse du cœur qu’ils ont blessé. S. Evr. Je ne m’accuse que de trop de délicatesse pour mes amis, bien loin de les négliger. Id.

Ma juste impatience
Vous accusoit déjà de quelque négligence. Rac.

Accuser, signifie aussi, Impugner un acte, contester sa validité à cause de quelque défaut essentiel. Impugnare. Accuser un acte de faux. Accuser un testament de suggestion.

Accuser, signifie aussi, confesser sa faute, ou nommer ses complices. Confiteri. Le remords a quelquefois obligé les criminels à s’accuser eux-mêmes. Ce Criminel a tout confessé, & a accusé ses complices. Il a accusé bien des gens dans son testament de mort.


Accuser, signifie aussi simplement, déclarer. Enunciare, exponere. Il a accusé 50. de point au piquet ; il a accusé la réception de ma lettre ; pour dire, Il a dit qu’il avoit 50. de point ; qu’il avoit reçu ma lettre.

Accuser, avec le pronom pèrsonnel, se déclarer coupable. Insimulare se. Ce Criminel s’est accusé lui-même. Il faut qu’un Pénitent s’accuse franchement de ses péchés à la Confession. Les Persécuteurs semblent s’accuser de n’être pas bien convaincus eux-mêmes de la force & de l’évidence de leurs raisons, puisqu’ils emploient la violence. Cl.

Accusé, ée, part. pass. Accusatus.

Accusé, se prend quelquefois substantivement. L’accusé a donné de bons reproches contre les témoins. On doit entendre l’accusé à peine de nullité du jugement. L’accusé ne peut point résigner quand le crime emporte la privation de son Bénéfice. Bouch. Par les dures Loix de l’Inquisition l’on contraint l’accusé à s’accuser lui-même du crime qu’on lui suppose. Inq. de Goa. L’accusé n’est point reçu à accuser son accusateur, ni à user de récrimination, avant qu’il se soit purgé. De Laun.

ACE.

ACENSE. Cf. Héritage, ou ferme qu’on tient à perpetuité, ou à longues années, d’un Seigneur à certain cens & rente, ou à prix d’argent. Fun dus pretio conductus. Cette métairie est une acense d’une telle Abbaye. Il n’est pas proprietaire de cet héritage, il le tient en acense d’un tel Seigneur. Ce mot est un compose de census, signifiant rente annuelle, ou cens.

ACENSEMENT. s. m. L’action d’acenser. Conductio, locatio fundi. L’acensement d’un heritage.

ACENSER. v. act. Donner à cens, ou à rente. Fundum locare. Un Seigneur feodal acense une terre à une telle quantité de cens, ou de redevance seigneuriale.

Acenser, signifie aussi en plusieurs Provinces, Donner à ferme moyennant un certain prix & redevance annuelle pour un certain temps. Il n’a pù acenser cette metairie, elle lui est demeurée sur les bras faute de fermier. Ce mot vient du Latin census, revenu.

ACÉRER. v. act. Tèrme de Taillandier. Garnir d’acier un outil de fer ; y joindre ou appliquer de l’acier, soit à la pointe, comme aux burins ; soit au tranchant, comme aux couteaux & cimeterres ; soit sur la face entière des outils, comme aux enclûmes, &c. Durare ferri aciem chalybe. On a dit acérer pour aciérer.

Acéré, ée. adj. qui est d’aciér, ou ce à quoi on a joint & appliqué de l’acier. Ferrum chalybe duratum. On le dit des instrumens de fer destinés à couper, à limer, à trancher, à forger. Un cimeterre acéré & bien tranchant. Les enclumes, les bigornes, & autres outils semblables sont aussi acérés, parce qu’on les couvre d’aciér.

Acéré, s’employe par quelques-uns au figuré, pour signifier, mordant, perçant, tranchant. C’est une plume bien acérée. La pauvreté est un glaive bien acéré. Mau. Il faut pourtant s’en servir avec discrétion.

ACÈRTENER. v. act. Vieux mot. Assurer, affirmer. Affirmare.

ACÉTABULE. s. m. Tèrme d’Anatomie. Acetabulum. Il a différentes significations. Il se dit des cavités profondes de quelques os, dans lesquels sont reçues de grosses têtes d’autres os, pour faire les mouvemens. La cavité de l’os ischium, qui reçoit la tête de l’os de la cuisse, est appelée Acétabule, Cotyle ou Cotyloïde.

Il se dit d’une autre chose dont les Anatomistes ne conviennent point ; les uns appellent Acétabules les orifices des vaisseaux répandus dans la surface interne de la matrice ; Harvée croit que ce sont de petites cellules du placenta, ou de ce qui tient lieu de placenta dans les femelles de plusieurs animaux. Le sentiment le plus probable est celui dans lequel on dit que les acetabules sont ces glandes qui s’élèvent dans la matrice des brebis & des chèvres, lorsqu’elles sont pleines, & qui sont ainsi appelées, parce qu’elles sont faites en forme de coupe ou de godet : ce qu’on ne remarque pas dans les femelles des autres animaux, non plus que dans la femme.

Acétabule, signifie encore une certaine mesure dont les Apoticaires se servent pour les choses liquides. Voyez Cotyle, Cotylédon.

ACETABULUM. s. m. Sorte de Plante, appelée autrement Umbilicus veneris. Il y en a de deux sortes : l’un dont les feuilles sont creuses, & tournées comme un acétabule, ou une coupe. L’autre jette une tige menue, & produit des fleurs semblables à celles de millepertuis. Cette plante a les feuilles larges & fort épaisses. Sa graine, qui est un peu grosse, a les mêmes propriétés que la joubarbe.

ACH.

ACHALANDER. vèrbe actif. Attirer les chalands, accréditer, mettre une boutique, ou une maison, en réputation d’avoir de bonne marchandise, & à bon prix. Emptores allicere. Toute la fortune d’un marchand consiste à bien achalander sa boutique. C’est un terme du peuple, ou tout au plus de la convèrsation.

Achalander, est quelquefois neutre pass. & se met avec le pronom personnel. Cet homme commence à s’achalander. On le dit aussi en badinant, d’une personne qui a beaucoup d’intrigues : cette fille est fort achalandée.

Achalandé, ée. part. pass. & adj.

ACHARNEMENT. s. m. Forte passion, emportement, attachement opiniâtre à quelque chose. Libido, propensio. Il se dit plus ordinairement en mauvaise part. Il a un furieux acharnement pour la débauche.

Acharnement, se dit encore de la fureur & de l’animosité avec laquelle on persécute quelqu’un. Insectatio vehemens, acerba. Ces deux Auteurs ont un furieux acharnement à se perdre mutuellement ; ils se déchirent par-tout.

<poem class="verse" > Tous les dévots de cœur font aisés à connoître. Jamais contre un pécheur ils n’ont d’acharnement ; Ils attachent leur haine au péché seulement. Mol.

ACHARNER, v. act. Donner aux bêtes le goût, l’appétit de la chair. Carnis famem, ou appetitum, excitare, irritare, ciere. On acharne les chiens, les oiseaux de proie à la curée. On dit aussi en Fauconnerie, acharner l’oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, qui est une aile de chapon ou de cocp-d’Inde ; ou en attachant le tiroir au leurre. Accipitres oblatâ escâ pascere. Il y a des oiseaux farouches qui ne s’acharnent jamais, & qui se laissent plutôt mourir de faim.

Acharner, animer. Irritare. On les a acharnés les uns contre les autres.

Acharner, se dit figurément en Morale avec le pronom personnel, pour dire, s’attacher avec fureur, avec opiniâtreté, à persécuter quelqu’un, à le blâmer. Acriter infectari. Ces deux plaideurs sont furieusement acharnés. Il signifie quelquefois s’adonner avec excès. Ferri immoderatiùs. Il est dangereux de s’acharner au jeu. Ce Docteur est si fort acharné à l’étude, qu’il se dessèche sur ses Livres. S. Evr. Ce mot est un composé, & dérive de chair.

Acharné, ée, part. & adj.

ACHAT. s. m. Acquisition ; traité par lequel on achète. Emptio. Il a fait aujourd’huy l’achat d’une terre à sa bienséance. Il a fait un mauvais achat. Il se prend aussi pour la chose achetée. Je veux vous montrer mon achat. Achat passe louage, est un proverbe tiré des Coutumes de Namur ; c’est-à-dire, que l’acheteur d’un héritage peut déposséder le locataire. Ce mot vient du Latin adcaptare, ou adceptare.

ACHE. s. m. Espece de persil qui croit dans les marais, & qui a des fleurs blanches. Apium palustre. Cette plante est medecinale :on se sert de la racine. Elle est apéritive.

Ache Royale. Plante qui fleurit tous les ans, & qui pousse une fleur blanche, ou jaune au bout de la tige. Apium. Les Grecs en certains jeux donnoient une couronne d'ache au vainqueur.

ACHEMENT. s. m. Terme de Blason, se dit des lambrequins découpés ou chaperons, qui enveloppent le casque & l’écu. Fluentes circa scutum & galeam laciniæ. Ils font découpés d’étoffe & ornés de perles, & de broderie ; parce qu’en vieux François on appeloit achêmes toutes sortes d’ornemens, & particulièrement ceux des femmes ; comme coiffes, guimpes, atours, chaînes, anneaux, &c.

ACHEMINEMENT. s. m. Il ne se dit point dans le propre. Disposition à une chose, préparation qui en fait espérer le succès. Gradus, via. Le mépris des grandeurs de ce monde est un acheminement à la perfection. Le gain de la bataille fait un acheminement à la paix. Sar. Un premier pas si heureux fut un acheminement à une plus grande fortune. M. Scud.

ACHEMINER, v. act. Qui ne se dit au propre qu’avec le pronom personnel, Se mettre en chemin. In viam se dare, contendere, tendere, pergere. Iter instituere, intendere. Ces Voyageurs se sont enfin acheminés. Il s’achemina vers la Cappadoce. Vaug. Il s’achemina par les déserts, pour surprendre l’ennemi à l’improviste. Ablanc. Les Croisés s’acheminoient gais & gaillards à l’entreprise de la guerre sainte, comme assurés d’acquerir le Paradis. Pasq.

Acheminer, se dit figurément en Morale, des desseins, des affaires, des entreprises, pour dire, les avancer, les mettre en bon train pour l’exécution. Perducere, administrare, gerere, procurare. Une vive foi achemine les Chrétiens à la gloire éternelle. Cet Avocat a fort bien acheminé cet affaire, il l’a mise en train de réussir. Le Roi n’a point fait de conquête qu’il n’ait méditée auparavant, & où il ne se soit acheminé comme par degrés.

Acheminé, ée. part. pass. & adj. Viam, ingressusus.

On appelle en termes de Manège, un cheval acheminé, celui qui est accoutumé à aller droit devant lui, qui connoit la bride, & répond aux éperons ; qui est dégourdi, & rompu. Aptus, idoneus.

Ces mots se tirent du primitif chemin.

ACHETER. v. act. Acquérir quelque chose à prix d’argent dont on convient. Emere. Il a acheté une terre, & l’a bien payée : il l’a achetée à beaux deniers comptans. Il a acheté les droits de cette succession. Il a acheté beaucoup d’étoffes à crédit. J’achèterois cela au poids de l’or, pour dire, chèrement.

Dès que l’impression fait éclore un Poëte,
Il est esclave-né de quiconque l’achete. Boil.

On dit aussi, acheter des bans ; pour dire, obtenir la dispense de les publier. Quelques-uns dérivent ce mot de acceptare, parce que le consentement de l’acheteur est ce qui rend parfait le contrat de vente. Ménage & du Cange veulent qu’il vienne de accaptare, qui se trouve dans les Capitulaires, & signifie petere & acquirere. D’autres le dérivent de l’Italien cattare & accattare. Les Picards disent encore acater.

Acheter, se dit figurément en Morale, pour marquer les difficultés qu’il a fallu lever, les obstacles qu’il a fallu surmonter, les peines qu’il a fallu essuyer pour obtenir une chose. Redimere carè. Il m’a fait acheter bien cher la grâce que je demandois. Carè vendidit. Prenez garde d’acheter un bien imaginaire, aux dépens d’un vrai bien. Je n’achete point si cher des espérances. Dac. Les hommes sont tellement amoureux de la liberté, qu’ils l’achètent au prix de la vie. Dur. Ce partisan enrichi par les concussions, a acheté de la naissance, & un nom. La Bruy.

On le dit proverbialement en parlant du vin. Qui bon l’achète, bon le boit.

Acheté, ée. part. Emptus, a.

ACHETEUR. s. m. Celui qui acheté. Emptor. C’est l’acheteur d’une maison qui paye les droits seigneuriaux dans la Coutume de Paris. C’est une espèce de revenu, que de n’être pas grand acheteur. Dur. Cette femme est une grande acheteuse ; c’est-à-dire, qu’elle a la passion d’acheter tout ce qu’elle voit. On appelle aussi un acheteur de droits litigieux, celui qui achète des procès, des prétentions. On dit en proverbe, qu’il y a plus de fous acheteurs que de fous vendeurs.

ACHÉVEMENT. s. m. Fin d’un ouvrage ; la perfection qu’on donne à une chose. Perfectio, consummatio. Nous ne verrons


pas l’achévement du Louvre. On ne peut contraindre à, payer avant l’achévement du terme, avant qu’il soit échu. Dans les ouvrages de l’Art, c’est le travail, & l’achévement que l’on considère. Boil.

Achévement. Terme de Poëtique. C’est dans le poëme épique le dernier passage de l’agitation & du trouble, au repos & à la tranquillité ; le point qui termine le dénouement. Il y a de la différence entre le dénouement & l’achévement. L’achévement est un point & un instant sans étendue & sans durée, au lieu que le dénouement n’est pas sans longueur. L’achévement est donc la fin du dernier dénouement. Dans l’Eneïde, la mort de Turnus fait l’achévement, parce qu’elle fait cesser l’action d’Enée. Le Bossu. On dispute si l’achévement doit laisser le héros dans une tranquillité heureuse, ou s’il est libre de le laisser Malheureux. A peine voit-on de poësie qui finisse par le malheur de son héros. Id.

ACHEVER, v. act. Finir, terminer, perfectionner quelques ouvrages. {lang|la|Perficere, absolvere, consummare}}. Dieu acheva l’ouvrage de la création en six jours, & consacra le septième au repos. Achever comme on a commencé. Rarement on achève bien ce que l’on a mal commencé. C’est la Loi Universis Cod. Qui dare Tut. vel Cur. Principio quae sunt inchoata malo, vix bono peraguntur exitu. Permettez que j’achève mon discours. Achevez vîte, finissez. Attalus, chez Martial ; le Thrason, chez Térence ; le Suffenus, chez Catulle, étoient des hommes à tout entreprendre, & à ne jamais rien achever. De Roch. Il se met aussi avec le pronom possessif. Il s’est achevé de perdre par son imprudence.

On le dit aussi avec le pronom personnel. Ce livre s’acheve ; il est tantôt fait.

Achever se dit aussi en Morale, pour dire, Mettre une chose à sa derniére perfection. L’étude commence un honnête homme, & le commerce du monde l’achéve. S. Evr. Voilà un ouvrage acheve, on n’y peut rien ajouter. C’est un homme achevé, qui a toutes sortes de vertus & de perfections. Il jouit d’un bonheur, d’une fortune achevée, à qui il ne manque rien. Souvent les Auteurs ne se donnent pas la peine d’achever leurs ouvrages ; c’est-à-dire, de les polir, & de les revoir.

On dit aussi, Achever ses jours, achever de vivre, achever sa carrière ; pour dire, Mourir. Vitam finire, supremum diem obire. Les mourans laissés sur le Champ de bataille prient qu’on les achève par pitié.

On dit proverbialement, Voilà pour l’achever de peindre ; pour dire, Achever de le ruiner, quand il vient un nouveau malheur à quelqu’un qui l’accable. On l’employe aussi, pour dire, Enyvrer entierement. Il ne falloit plus, dit-on, que cette santé pour l’achever.

Achevé, ée, part. pass. & adj. Fini, terminé. Finitus.

Achevé, Parfait, accompli. Perfectus, Absolutus. Quand il se dit des choses, il se prend plus ordinairement en bonne part:C’est une piéce achevée. Il arrive souvent que les choses se présentent plus achevées à notre esprit, qu’il ne les pourroit faire avec beaucoup d’art. La Rochef. L’on ne pouvoit rien voir de plus achevé que sa taille. Quand il se dit des personnes, il se prend en bonne & en mauvaise part. C’est un Prince achevé. C’est un fou achevé ; pour dire, Entiéremenc fou.

En termes de Manège, on appelle un cheval achevé, celui qui est bien dressé, & qui ne manque point à faire un certain manège. On dit, un cheval commencé, acheminé, & achevé; pour exprimer les diverses dispositions & états d’un cheval qui a de l’école.

Ces mots viennent de chef, comme qui diroit, mettre à chef, mettre à perfection.


ACHIER. s. m. Vieux mot. C’étoit le lieu où l’on mettoit les ruches des abeilles. Alvearium On trouve dans une ancienne Coutume : l’essain d’Aviettes est mien, & le vy partir de mon achier.

ACHILLE. s. m. Terme d’Anatomie. C'eszt le nom qu'on donne à un grozs tendon qui se rend à la plante du pié ; parce que selon la Fable, Achille mourut du coup dont il fut frappé en cet endroit.

Achille. Nom qu’on donnoit dans les écoles à l’argument principal de chaque Secte. Achilles. Voila son Achille ; c’est-à-dire, une raison invincible, un argument auquel on ne peut rien opposer. En particulier on appelait Achille, le fameux argument de Zenon d’Élée contre le mouvement. Ce Philosophe mettoit en comparaison la lenteur d’une tortue avec la vitesse d’Achille, pour montrer qu’un mobile lent, qui précède tant soit peu un mobile vite, n’en peut jamais être devancé.

ACHILLÆA. s. f. Plante ainsi appelée, à ce


que dit Pline, d'Achille disciple du Centaure Chiroçn, qui le premier s'en servit à guérir les ploayes. C'est une espèce de mille-feuille, qui pousse des verges canelées, de la hauteur d'une palme, & quelquefois de trois coudées. Ces feuilles sont semblables à celles de la mille-feuille terrestre ; mais plus larges & plus courtes, fort découpées, d'un goût amer, & d'une odeur forte & aromatique. Ses fleurs sont des bouquets composez de plusieurs feuilles ; celles qui occupent le centre sont jaunes, & celles de la circonference, blanches. En Latin, millefolium nobile ou Achillea Dioscoridis. Cette plante est très-bonne contre les pertes de sang, & pour prévenir les avortemens.

ACHIOTTE. s. f. Fruit fort estimé par les Indiens, qui vient de la nouvelle Espagne, qui croît à un arbre nommé Achiote, ou Pamaqua, qui est assez semblable à l’oranger. Le tronc est roux & les branches aussi. Ses feuilles sont comme celles de l’orme pour la couleur & l’âpreté, ses fleurs blanches & purpurines distinguées en cinq feuilles, taillées en étoile. Son fruit est gros comme une petite amande verte, quadrangulaire, avec une écorce semblable à la première écorce de la châtaigne, contenant plusieurs grains rouges, comme des raisins, mais plus ronds. Il est vert toute l’année, & porte son fruit au printemps, & alors on le taille. On tire du feu de son bois comme d’un caillou. De son écorce on fait des cordes plus fortes que celles de chanvre. De sa semence on fait de la teinture pour colorer en rouge cramoisi, & on la mêle avec succès dans toutes les potions réfrigérantes. On en fait une pâte à mesure qu’elle sèche. On en fait des boules, des tourteaux, & on les vend en forme de brique. Ceci est tiré de François de Ximénez, de Laed, & d’Eusébe de Nuremberg, qui en ont fait la description.

ACHIT. s. m. Espèce de vigne qui croît à Madagascar, & dont le raisin est de la grosseur de notre verjus. Cette vigne donne beaucoup de grappes vers les mois de Décembre, Janvier & Février. Ses sarmens sont toujours verts ; ses feuilles sont arrondies, entières & semblables à celles du lierre. Les Sauvages appellent son fruit Voachis. Flacourt, Hist. Madag. 138.

ACHOISON. s. f. Vieux mot François, qui veut dire occasion : il vient d’Occasio. Huet. On disoit aussi, achaison, acoison, aquoison.

ACHOPPEMENT. Occasion de faute ; sujet de scandale. Offensa, offendiculum. Il ne se dit qu’au figuré, & presque toujours dans cette phrase : Pierre d’achoppement. Cet Auteur raisonne sur un faux principe ; c’est une pierre d’achoppement qui le fait broncher par-tout. Quelques-uns emploient ce mot seul. C’est l’achoppement de l’antiquité ; pour dire, l’écueil. On dit encore, être en achoppement à quelqu’un ; pour dire, le traverser dans ses entreprises, & chercher à le chagriner par-tout.

ACHRONIQUE. adj. Terme d’Astronomie, qui se dit d’un astre ou d’un point du ciel qui est opposé au soleil dans son lever, ou dans son coucher ; c’est-à-dire, que l’un se leve, quand l’autre se couche, & que l’étoile étant en opposition au soleil, se fait voir toute la nuit. Achronicus. Le lever achronique de Mars, lequel se trouve alors plus près de la terre que le soleil, a fait abandonner l’ancien système de Ptolomée, qui place la terre dans le centre du monde, & Mars au-delà du soleil. Ce mot vient de l’α privatif & de ϰρόνος, tempus, temps.

ACI.

ACIDE. adj. m. & f. Aigre, piquant ; tels que sont les citrons, les grenades, & les fruits qui ne sont pas mûrs. Acidus. Les liqueurs acides sont rafraîchissantes. Toutes les choses aigres font maigrir, parce que leurs parties acides sont comme autant de petits couteaux tranchans, qui brisent subtilement les parties du chyle propres à la nourriture, & les entraînent dehors avec elles. Par la même raison les liqueurs mêlées d'esprits acides tempèrent l'ardeur de la fièvre, parce que ces particules acides rompent & atténuent les parties du sang qui fermentent avec trop de violence.

Acide, s. m. Terme de Chymie. Acidum. Sel piquant, & dissolvant. Il est en ce sens opposé à l'alkali : & sur ces deux principes quelques Chymistes, & quelques Médecins modernes ont fondé une nouvelle explication de toutes les causes physiques. L'eau prise immodérément émousse les acides de l'estomac, & lui ôte la force de cuire les alimens. On le fait venir du Grec ἀϰίς, pointe, parce que les acides piquent la langue.

 Le vitriol est le plus grand des acides, ensuite le sel marin, & puis le salpêtre, le soufre, le vinaigre, & enfin l’alun. Tous les acides ont pour source les rayons du soleil incorporez avec l’alcali. Cet acide diffère de ce qu’on appelle au propre aigre ; parce que l’aigre ne se dit proprement que de la saveur ; au lieu que l’acide des Philosophes se dit de tout ce qui est corrosif, & qui pénètre, dissout, ou corrompt la substance des choses. Il est composé de petites parties aiguës qui s’insinuent dans les pores des corps qu’elles rencontrent, & en font la désunion, & la séparation. Les liqueurs acides rougissent la teinture du tournesol. Voyez l’effet des acides, pour le changement des couleurs & des saveurs, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, écrits par Mr Dodard ; ou dans le Traité de Mr Boyle, de la nature des couleurs. Voyez cy-après Alkali.

ACIDITÉ. s. f. Qualité aigre & piquante qu’on trouve dans tous les acides. Un peu de vitriol laisse dans l’eau une acidité agréable. Le vinaigre & le verjus ont des acidités différentes. L’acidité des câpres réveille l’appétit. On corrige l’acidité des limons par le sucre. Les alimens, qui par leur acidité, produisent une fermentation, causent la fièvre.

ACIER, s. m. Fer rafiné, purifié par l’art, & conduit à une plus parfaite mixtion, par la coction du feu, & par l’attraction d’une humidité convenable qui engraisse sa sécheresse naturelle, & le rend plus blanc & plus solide, avec un grain plus petit & plus fin. Acies, Chalybs. C’est celui de tous les métaux qui est susceptible d’une plus grande dureté, quand il est bien préparé. On le fait en le tenant dans un grand feu parmi des cornes de bœuf, & des charbons de saule, ou de hêtre, & en le plongeant dans des eaux ou décoctions astringentes & fort froides, après l’avoir coupé en plusieurs parties, & fait fondre plusieurs fois. Mr Felibien en compte de cinq sortes.

Le petit Acier commun, qu’on appelle Soret, Clamesy, ou Limosin, est le moindre en prix. On le vend par carreaux, ou billes. Le meilleur est celui qui est sans pailles, ni surchauffures, & qui paroît net, & d’un grain blanc & délié, quand on le casse. Mais s’il est plein de veines noires, ou de pailles, que l’on apperçoit aisément en le rompant ; ou s’il est surchauffé, c’est-à-dire, s’il a eu trop chaud, en sorte qu’il paroisse comme grillé & en petits grumeaux, il ne vaut rien.

L’Acier de Piémont est aussi en carreaux, plus gros que le clamesy. Pour le bien choisir, il faut prendre garde si les carreaux sont nets, sans pailles & sans surchauffures. S’il a des taches jaunâtres, c’est une marque qu’il est difficile à souder & à allier avec le fer. Il vient de Piémont deux sortes d'acier. L’un artificiel, & l’autre naturel. L’artificiel est le moins bon. Pourvu cependant qu’il soit bien trempé & affiné deux fois, il sert à acérer des marteaux, & autres outils propres à un travail de force & de violence.

L’acier qui vient d’Allemagne, est en petites bandes. On l’emploie à faire des épées, des ressorts, &c.

L’Acier de Carme, ou à la Rose, vient aussi d’Allemagne & de Hongrie. Il est bon à faire des ciseaux, des rasoirs, des instrumens de Chirurgie, &c. Ces deux sortes d’Acier d’Allemagne sont les meilleures dont on se serve en France.

L’Acier de grain, ou l’Acier de Motte, ou de Mondragon, est apporté d’Espagne par grosses masses. Quand il est bien choisi & bien affiné, il est propre à acérer des outils qui doivent être durs, & avec lesquels on travaille à des ouvrages pénibles, comme à couper le marbre.

L’acier de Damas, est celui qui vient de Damas en Syrie, qui a un grain si fin, qu’il coupe le fer sans être trempé. On dit que sa trempe se fait des impressions de l’air, lors qu’un cavalier courant à toute bride le tient à sa main, & en fait la roue dans l’air. On le trempe aussi sur un chamois mouillé, en passant le tranchant dessus, comme si on vouloit couper le chamois.

Une bille d’acier est une pièce d’acier qui a quatre ou cinq pouces de long, & deux ou trois lignes d’épaisseur. On envoie aussi de l’acier en barre, & d’autre en pains larges & plats, de différentes grandeurs & épaisseurs.

Acier, se dit poétiquement d’une épée. Un fin


acier lui fit voler la tête de dessus les épaules. En ce sens il ne s’employe qu’en poésie.

Ce mot, selon Ménage, vient de aciarium, dont les Italiens ont fait acciaro, & les Espagnols azcro, qui viennent tous du Latin acies, dont Pline s’est servi pour le mot de chalybs. D’autres disent qu’il a été aussi nommé ex iterata ustulatione, tanquam Assarium, ou Assatum. Papias dit que le mot aciare a signifié acier dans la basse Latinité. Les Latins l’appeloient chalybs, à cause de la trempe qu’ils lui donnoient dans un fleuve d’Espagne, appelé Chalybs ; ou à cause des Chalybes, peuples de Cappadoce, dont Virgile a dit : At Chalybes nudi ferrum, &c.

ACO.

ACOLALAN. s. m. Insecte de l’île de Madagascar. Il ressemble à une punaise. Il est plus gros.

ACOLYTHE. s. m. Terme Ecclésiastique. Acolytus. Les Grecs donnoient ce nom à ceux qui étoient inébranlables dans leurs résolutions. C’est par cette raison que les Stoïciens furent appelés Acoly bos ; parce que rien ne pouvoit leur arracher leurs sentimens. Ils trouvoient même qu’il y avoit de la lâcheté à en changer. Depuis, l’Eglise chrétienne a consacré ce nom, en l’appliquant à ceux qui se dévouent au service de Dieu. Anciennement les jeunes gens qui aspiroient au ministère ecclésiastique, accompagnoient & suivoient les Evêques par-tout, soit pour les servir, soit pour être les témoins de leur conduite. Cette assiduité à suivre les Evêques les fit appeler Acolytes. S. Cyprien dit lui-même, qu’il avoit des Acolytes. Aujourd’hui les fonctions des Acolytes sont bien différentes de la première institution. Un Acolyte est celui qui a seulement reçu le premier & le plus considérable des quatre Ordres Mineurs dans l’église ; dont l’emploi est d’allumer les cierges, de porter les chandeliers, la navette où est l’encens, de préparer le vin & l’eau pour le sacrifice, & de rendre d’autres services à l’autel. Le devoir des Acolytes est d’accompagner l’Evêque, ou le Prêtre, & de leur rendre service dans les fonctions ecclésiastiques. C’est l’ordre que les jeunes clercs exercent encore le plus.

Ce mot vient du Grec ἀϰολυθεῖν qui signifie, Suivre.

ACOMAS. s. m. Arbre qui croît dans les Antilles. Comme il devient fort gros & fort haut, il est très-propre à bâtir. Il porte un fruit extrèmement jaune, de la grosseur d’une olive, & d’une amertume très-désagréable.

ACONIT. s. m. Plante dont il y a plusieurs sortes, qui sont presque toutes venimeuses & mortelles. Aconitum. L’aconit à fleur bleue, qu’on appelle aussi Napellus, jette de sa racine, qui est noire, fibreuse, & de la grandeur d’un petit navet, beaucoup de tiges qüi sont de la hauteur de deux coudées, & même davantage, rondes, moëlleuses, & roides. Elles sont aussi environnées de quantité de feüilles disposées sans ordre & attachées à de longues queües canelées sur le dos. Ces feüilles sont d’un verd obscur, nerveuses, & divisées en cinq grandes decoupeures, qui font elles-mêmes encore divisées en d’autres decoupeures petites, étroites & profondes. Les fleurs sont au haut de la tige, semblables à un heaume, & attachées à des queuës longues d’un pouce. Elles sont composées de cinq feüilles, dont la superieure ressemble à un casque, les feüilles du milieu representent les oreillettes, & les inferieures tiennent la place de la mentoniere : ces fleurs sont de couleur bleuë. Sa semence est noire & ridée. C’est un des plus violens & des plus prompts poisons qu’il y ait ; il tue les hommes, & les autres animaux en fort peu de temps, & leur cause des accidens très-cruels.

Outre cet aconit, il y en a un qu’on appelle, λυκοκτόνον, ou Κυοκτόνον, en français tue-loup, étrangle-loup, pattelouvine, & tuë-chien. Il y en a un autre qu’on appelle παρδαλιασχίζ, parce qu’il étrangle les Panthères, & les Léopards. Celui-ci est d’un autre genre. Il y en a encore d’autres, parmi lesquels il s’en trouve un qu’on appelle aconit salutaire, ou Anthora, parce qu’on le croit bon contre la racine de Thora qui est un poison mortel ; on le croit bon aussi contre les autres poisons, & contre la peste. Plusieurs cependant le tiennent suspect, & ne conseillent pas de s’en servir, surtout puis qu’il y a tant d’autres remedes asseurez, & celui-ci étant d’ailleurs un purgatif assez fort. Le poison de l’aconit est principalement dans sa racine.

On dit que son nom vient d’acone, ville de Bithynie, aux environs de laquelle il croît en abondance, quoique pourtant il croisse par-tout ailleurs, & surtout dans les montagnes de Trente. D’autres disent que ce nom vient d’ἀκόνη qui signifie chez les Grecs un rocher dénué de terre où l’aconit croît volontiers. Ou l’appelle aussi μυοκτονος, parce qu’il tue les rats par sa seule odeur, comme dit Pline. Les Poëtes feignent que cette herbe a été engendrée de l’écume que le chien Cerbère jeta, lorsque Hercule le tira des enfers par force : ce qui fait qu’on en trouve quantité auprès d’Héraclée de Pont, où est la caverne par où Hercule descendit. Les Anciens n’ont pas laissé de le faire servir de médecine contre la piqûre du scorpion, lequel s’amortit dès-lors qu’il touche l’aconit ; & qui au contraire en touchant l’ellébore reprend sa première vigueur, L’Aconit ne fait pas mourir, quand il trouve quelque autre poison dans le corps, parce qu’alors il le combat. La marque de ce poison est de faire venir les larmes aux yeux, de causer une grande pesanteur d’estomac, & de faire enfler le corps. Théophraste dit qu’on le prépare, ensorte qu’il fait mourir seulement au bout d’un an ou de deux. Les flèches trempées dans son jus font des plaies mortelles.

ACONTIAS. s. masc. Espèce de serpent, qui a un peu plus d’un pouce de grosseur. Il est long de trois pieds. Sa tête est fort grosse & cendrée. Le reste du corps est d’une couleur fort obscure, excepté le ventre qui ne l’est pas tout-à-fait tant. Quelques-uns l’appellent Cenchrias, à cause qu’il tire sur la couleur du millet. Il y en a beaucoup en Calabre & en Sicile, où on l’appelle Saettone, parce qu’il s’élance sur un homme comme un trait. C’est pourquoi on l’appelle aussi Javelot : & c’est la même raison qui l’a fait nommer par les Grecs Acontias, du mot ἀκόντιον, qui signifie flèche, trait, javelot. Lucain, en parlant de cette sorte de serpens, les appelle volucres jaculos.

ACORUS. s. m. Terme de botanique. C’est une plante que les Apothicaires appellent Calamus odoratus ; parce qu’ils 1’employent à la place du calamus, qui est fare. Cet acorus est appellé le vrai acorus, pour le distinguer d’une autre plante, qu’on appelle le faux acorus, qui est une espèce d’Iris que les Botanistes appellént Iris Palustris lutea, parce que ses fleurs sont jaunes. L’acorus a ses feüilles & ses racines semblables à la flambe ; mais plus étroites & plus longues : elles font odorantes, & picquantes au goüt. Fuchsius & Brassavolus le confondent avec la galenga ; mais Matthiole combat leur opinion.

ACOTER. v. act. Appuyer en mettant quelque chose à côté d’une autre qui la soutienne. Fulcire, Sufsinere, Il faut acoter ce coquemart, de peur qu’il ne tombe. Il faut s’acoter contre la muraille, quand on n’a point de sieges.

Acoté, ée. part. pass. & adj. Fultus, nixus.

ACOTOIR. s. m. Ce qui sert d’appuy, de soutien à quelque chose. Fultura, fulmentum. Je suis si las, que je cherche un accotoir. Il est bas, hors de la conversation. En particulier, c’est un morceau de bois plat, attaché dans les confessionnaux, ou dans les chaises à porteurs, pour servir d’appui.

ACOTEPOT. s. m. Petite pièce de fer, courbée en demi-cercle, qu’on met au pied d’un pot, ou d’un coquemar, pour empêcher qu’il ne tombe. Fulcrum. D’autres disent Appuiepot.

ACOUSTIQUE. adj. Terme de Médecine qui se dit des médicamens propres pour remédier aux incommodités de l’ouie. Ἀκοὴ, est un mot Grec, qui signifie, ouie.

Acoustique, se dit aussi du nerf qui va s’insérer dans l’oreille, qu’on appelle nerf Acoustique & du conduit externe de l’oreille, qui se nomme, le conduit acoustique.

ACOUTI. s. m. Petit animal des îles de

  1. Matth. Cap. I.
  2. Serenissimi Principis Cancellarius D. de Malezieu.
  3. Sunt qui Trivoltium velint à triplici vultu dictum.