Dictionnaire de Trévoux/3e édition, 1732/Abbaye

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1-1p. 33).
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AbBAYE. se prend quelquefois pour un composé des Religieux & de l’Abbé. Voilà une Abbaye bien réglée, où l’Abbé vit comme un simple Moine.

Abbaye, s. f. Abbatia. Monastère érigé en Prélature, ou Maison de Religieux ou de Religieuses, régie par un Abbé ou par une Abbesse. Les Abbayes sont d’ancienne fondation, comme les Abbayes de Cluny, de saint Denis, de sainte Geneviève, &c. Il y a des Abbayes en Commende ; d’autres Abbayes régulières ou en regle ; d’autres qui sont sécularisées, possédées par des Chanoines séculiers. Les Abbayes sont des Bénéfices consistoriaux ; il n’y a que le Roi qui y nomme.

Abbaye, se prend quelquefois simplement pour la Maison & le Couvent. C’est par rapport à l’Architecture, un logement joint à un Couvent, & habité par un Abbé. Dans une Abbaye de fondation Royale, il s’appelle le Palais Abbatial. Vign. Voilà une Abbaye bien bâtie, une Abbaye qui tombe en ruines. Il se dit aussi dans ces phrases & autres semblables, non-seulement pour le Palais Abbatial, mais pour tous les bâtimens, tant de l’Abbé que des Moines.

Abbaye, se prend aussi pour un Bénéfice, & pour le revenu dont jouissent les Abbés. Il a obtenu pour son fils une Abbaye de dix mille livres de rente. Henri de Coilli ayant été élu Archevêque d’York en 1141, Innocent II ne voulut point qu’il fût Archevêque, s’il ne renonçoit à l’Abbaye. Fleury.

Quoiqu’il y ait eu autrefois des laïcs qui ont joui du revenu des Abbayes, on ne doit pas pour cela leur donner le nom d’Abbé ; car ç’a été dans des temps de désordre & de nécessité, que les Princes donnerent ces Abbayes à des Seigneurs de leur Cour, pour soutenir les dépenses de la guerre. Charles-Martel est le premier qui l’ait fait.

Toutes les Abbayes de France, à la réserve de celles qui sont Chefs d’Ordre, comme Cluny, Cîteaux, &c. sont à la nomination du Roi. On doit joindre à celles-là les quatre filles de Cîteaux, qui sont saint Edme de Pontigny, la Ferté, Clairvaux & Morimont, qui ont aussi conservé le droit d’élection. Il y a outre cela cinq Abbayes qu'on nomme de Chezal-Benoît, qui sont à l'élection de l'Ordre de saint Benoît, tous les trois ans, par une longue possession. Ces Abbayes sont Chezal-Benoît en Berry, saint Sulpice de Bourges, saint Alire de Clermont, saint Vincent du Mans, & saint Martin de Séez. On a souvent agité la question, si cette possession exclut le Roi de son droit de nomination à ces Abbayes, & cette question n'est pas encore aujourd'hui vuidée. Les Moines Bénédictins qui ont eu de puissans Patrons dans le Conseil du Roi, jouissent encore aujourd'hui paisiblement de leur droit d'élection.

Comme le Roi n’a son droit de nomination qu’en vertu du Concordat fait entre Léon X. & François I. il y a eu quelques difficultés sur les Abbayes de Filles, parce qu’elles ne sont point comprises dans le Concordat. Il y a même un Article de l’Ordonnance d’Orléans, qui porte que les Abbesses seront élues par les Religieuses des Monastères, & même qu’elles ne seront que triennales. Mais cette Ordonnance n’a point été exécutée. Le Roi nomme également aux Abbayes de filles & à celles d’hommes. Il a cependant toujours eu des disputes sur les Abbayes de l’Ordre de sainte Claire, qu’on prétend être à l’élection triennale des Religieuses. Et de fait, je ne sçai s'il y en a de cet Ordre auxquelles le Roi nomme ; mais il est sûr qu'il y en a auxquelles il ne nomme point, & où les Religieuses élisent leur Abbesse tous les trois ans.

On dit proverbialement, Pour un Moine l’Abbaye ne faut pas ; pour dire, que faute d’une personne qui ne se trouve pas dans une assemblée, on ne laisse pas de se réjouir, ou d’exécuter ce qui a été résolu.