Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/491-500

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Fascicules du tome 1
pages 481 à 490

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 491 à 500

pages 501 à 510



deteriorem dominum fuisse ? Suet. in ejus vita, c. 10.

Est-il quelque talent que l’argent ne lui donne ? Boil. Pour dire, manque-t-on d’esprit, de savoir, de noblesse, quand on a beaucoup de biens ?


L’argent, l’argent, dit-on, sans lui tout est stérile :
La vertu sans l’argent est un meuble inutile.
L’argent en honnête-homme érige un scélérat.
L’argent seul au Palais peut faire un Magistrat.

Boil.


On appelle de l’argent en barre, une marchandise de bon débit, dont on fait de l’argent quand on veut. On appelle un bourreau d’argent, un mauvais ménager, qui le prodigue. On dit, qu’un homme est tout cousu d’argent ; pour dire, qu’il est fort riche. Faire de l’argent, c’est vendre quelque chose pour avoir de l’argent. Il fait argent de tout.

Argent, se dit quelquefois de la couleur blanche & éclatante ; mais c’est seulement en Poësie. Ainsi les Poëtes disent, que la lune paroît sur un char d’argent. Argenteus. Qu’un clair ruisseau roule ses flots d’argent sur les cailloux. Les Muses ont quitté les fleurs de leur montagne, & l’argent de leur onde. Main. Quelques Poëtes ont employé ce mot d’argent absolument, pour signifier une eau belle, claire & nette.


Elles conduisent leur argent
Sur un lit d’arènes dorées. God.


l’Argent, en termes de Blason, signifie le blanc, & se représente par un écu tout uni sans aucunes hachures. Il est le symbole de la justice, de la pureté, de l’innocence, de la chasteté, de l’humilité, de la beauté, de la victoire, de la félicité, &c. Il portoit d’argent à trois pals de gueules.

l’Argent, en termes de Chimie, s’appelle Lune, & souffre diverses préparations. On tire une teinture d’argent ou de lune, quand on le fait dissoudre en grenailles ou petites lames dans de l’esprit de nitre, & qu’on verse cette dissolution dans un autre vaisseau, où l’on a mis de l’eau salée. Par ce moyen l’argent se précipite aussitôt en poudre très-blanche, qu’on lave plusieurs fois avec de l’eau de fontaine. On met cette poudre dans un matras ; on verse dessus du sel volatil d’urine, & de l’esprit de vin rectifié : on laisse digérer cette matière à quelque chaleur douce l’espace de quinze jours, pendant lesquels l’esprit de vin se colore d’un beau bleu céleste, & on l’emploie à plusieurs remèdes. On l’appelle aussi, Lune potable. On le convertit encore en cristaux, qu’on appelle Vitriol de lune, par le même esprit de nitre. La lune caustique, autrement Pierre infernale, est de l’argent dissous en eau forte, qu’on laisse cristalliser.

Argent, se dit proverbialement en ces phrases, argent comptant porte médecine. Ses promesses ne sont pas de l’argent. Jouer bon jeu bon argent ; pour dire, sérieusement & loyalement. On dit d’un homme crédule, qu’il prend tout ce qu’on lui dit pour argent comptant. Le terme vaut l’argent, quand on menace d’une chose qui ne doit arriver de long-temps. C’est de l’argent en barre ; pour dire, que ce que l’on donne est sûr, & vaut autant que de l’argent. On dit, qu’un homme veut avoir le drap & l’argent ; pour dire, que c’est un Arabe, qui veut profiter de deux côtés. On dit des gens à leur aise & qui n’ont rien à faire, qu’ils peuvent bien se divertir, qu’ils ont le temps & l’argent. On dit aussi, que l’argent est le nerf de la guerre. Point d’argent, point de Suisses ; pour dire, qu’on ne donne rien pour rien. Qui a de l’argent a des pirouettes. On dit aussi pour louer quelqu’un, qu’il vaut beaucoup d’argent ; qu’il vaut trop d’argent ; qu’il ne prend point d’argent de tout ce qu’il dit ; pour dire, qu’il dit facilement & agréablement toutes choses. On dit au jeu, argent sous corde ; pour dire, jouer argent comptant : ce qui vient de ce que, quand on joue à la paume, les joueurs mettent ordinairement l’argent qu’ils jouent sous la corde du jeu de paume. Tout cela est bel & bon, mais l’argent vaut mieux. Il est chargé d’argent comme un crapaud de plumes ; pour dire, qu’il manque d’argent ; & qu’un homme met de bon argent contre du mauvais, lorsqu’il fait bien des frais pour plaider contre un insolvable.


J’en ai promis, le fait est tout constant :
De le nier je ferois grand scrupule ;
Promis des vers, bons ou mauvais s’entend,
Tout de nouveau je les promets d’autant.
Voire, s’il faut, vous en ferai cédule ;
Mais que cela soit de l’argent comptant,
Nenni, Damon ; ne soyez si crédule.


Argent, selon Rochefort, vient du mot hébreu agarach, qui signifie toute sorte de monnoie. Mais 1.o il falloit dire agurach, & non pas agarach. 2.o Argent vient d’argentum, qui vient du grec ἄργυρος, qui peut-être vient d’אגורה, agurah, nom hébreu, qui signifie, non pas toute sorte de monnoie, mais une petite pièce de monnoie, & la plus petite espèce qui fût en usage chez les Hébreux.

Argent des Philosophes. Terme de la Science hermétique. Argentum Philosophorum. C’est la matrice propre à recevoir le sperme & la teinture du soleil. Philaléthe l’appelle l’or blanc, qui est plus cru, & qui est la semence féminine dans laquelle l’or meurt, autrement appelé le laiton rouge, qui y jette la sienne pour produire l’hermaphrodite des Sages. En un mot, c’est le mercure des Philosophes. Quelquefois ils entendent aussi par argent des Philosophes, l’ouvrage de la pierre philosophale. Dict. Hermét.

Argent-vif. Voyez Mercure, c’est la même chose. Hydragyrum.

Argent-vif des Philosophes. Terme de l’Art hermétique. C’est la même chose qu’Argent des Philosophes. C’est le mercure, mais bien différent de l’argent-vif, qui est le mercure commun. Ce sont les Modernes qui l’appellent vif, parce qu’il est vivant, ou vivifié ; c’est la racine des métaux. Ils l’appellent argent-vif, parce qu’il est semblable au mercure minéral par sa couleur, sa vertu, & ses propriétés ; car il est blanc, transparent, ou clair, froid, humide, volatil, & coagulable. Ils le nomment autrement, Esprit volatil, qui est la lune au regard du soleil ; ou l’humidité radicale de la pierre. Ils disent, cuire l’argent, ou l’argent-vif des Philosophes ; c’est-à-dire, cuire le mercure philosophal ; ou cuire l’ouvrage au blanc pour aller au rouge. L’argent-vif des Philosophes exhalé, c’est l’ouvrage de la pierre philosophale, lorsqu’il n’y a plus de noirceur.

Argent. Petite rivière de France, dans l’Angoumois, où elle se perd dans la Charente. Ce sont deux sources nommées argent & or. Voyez Argentor.

Argent, selon Papir. Masson, petit ruisseau de France dans le Forez. Il se jette dans la Dé, avec laquelle il va se perdre dans la Loire. La Dé reçoit aussi un autre ruisseau nommé Or, & un troisième nommé Ecu. C’est de ces rivières argent & or, que Coulon dit qu’elles ont plus de nom que d’eau.

Argent-double. Rivière de France, en Languedoc. Elle arrose Caunes, Rieux & Liran, & se perd dans l’Aude.

ARGENTA. Bourg du Ferrarois, en Italie. Argentia. Il est près du lac de Commachio, entre Ferrare & Ravenne, sur la branche méridionale du Pô, à laquelle il donne le nom de Po di Argenta.

ARGENTAC. Bourg du Limosin, en France. Argentacum. Il est sur la Dordogne, entre Aurillac & Tulle.

ARGENTAN. Ville de Normandie, en France. Argentonium, Argentanum. Il est sur l’Orne, entre Séez & Falaise.

ARGENTARI. Bourg de l’île de Sardaigne. Argentaria. Il est sur la côte occidentale de l’île, au couchant de Sassari. On met l’ancien Tilium à Argentari, ou à Monte Giraro, village de la même côte.

Le cap d’Argentari, autrement Monte Falcone. Falconis Promontorium, anciennement Gorditanum Promontorium. Cap auquel le bourg d’Argentari donne le nom ; il est sur la côte occidentale de l’île de Sardaigne, au nord-ouest de Sassari.

ARGENTARO. Monte Argentaro. Presqu’île du cap de l’État de Gli Presidii, en Toscane, au midi d’Orbitelle. Argentarius mons.

Monte Argentaro, est encore une montagne appelée aussi Costagna Basilissa, Canovisa & Balkan. Hamus mons. Elle est dans la Turquie d’Europe, entre la Bulgarie au septentrion, & la Macédoine & la Romanie au midi. Une branche de cette montagne s’étend du septentrion au midi, depuis Develto jusqu’à Andrinople. C’est cette branche que les Anciens appeloient Rhodope.

ARGENTEAU. Château des Pays-Bas. Argenteum Castrum. Il étoit sur un rocher près de Wiset, entre Mastricht & Liège. Il est ruiné.

ARGENTER. v. a. Couvrir de feuilles d’argent, appliquer des feuilles d’argent sur une chose Argento obducere. Il a fait argenter la bordure de ses tableaux, son miroir, sa table ; pour dire, qu’on y a mis des feuilles, ou des lames d’argent.

ARGENTÉ. ÉE. part. Qui est couvert d’argent. Argentatus, Inargentatus.

ARGENTÉ. adj. Qui est de la couleur de l’argent, ou qui est d’une couleur approchante. Argenteus. Rivières, louez Dieu qui préside à vos flots argentés. God. Ce mot n’est guère mis en usage que par les Poëtes.

Bouchez, Naïades, vos fontaines,
Et cessez d’embellir nos plaines
Par le crystal de vos ruisseaux.
On vous a déclaré la guerre ;
Faites rentrer toutes vos eaux
Jusques au centre de la terre.

Les Muses les voyant si pures,
Ont dit dans leurs nobles figures,
Que leurs flots étoient argentés.
Sur cette expression divine,
Les partisans se sont flattés
Que chaque source est une mine.


ARGENTERIE. s. f. Vaisselle, ou ustensiles d’argent. Vasa Argentea, Argentum. Ce Financier a pour 10000 écus d’argenterie.

On appelle dans les Paroisses l’argenterie, la croix, le bénitier, & les chandeliers d’argent qu’on porte aux enterremens. Il faut payer pour être enterré avec l’argenterie de la Paroisse.

l’Argenterie chez le Roi, est un fonds qu’on fait tous les ans pour quelques dépenses extraordinaires, comme pour les habits des ballets & autres fêtes. Pecunia annua sumptibus extraordinariis addicta. Il y a deux Contrôleurs & deux Trésoriers qu’on appelle Officiers de l’argenterie. A l’égard de la vaisselle d’argent, elle est à la charge du Garde-meuble.

ARGENTEUIL. Gros bourg de l’île de France. Argentolium. Il est sur la Seine, trois lieues au-dessous de Paris. ☞ On montre à Argenteuil une Relique qu’on dit être la Robe de Notre-Seigneur, sans couture, d’une couleur tirant sur le roux, & que l’on assure avoir été trouvée dans cette Église l’an 1156. Elle est enfermée dans une chasse de vermeil, & on la porte en Procession trois ou quatre fois l’année.

Argenteuil. Autre bourg de France, dans le comté de Tonnerre, à trois lieues de la ville de ce nom.

☞ ARGENTEUR. s. m. Ouvrier qui applique de l’argent en feuilles sur quelques ouvrages en bois ou de métal, ou sur le papier. Inargentator.

ARGENTEUX, EUSE. adj. Vieux mot. Qui est d’argent. Argenteus, a, um. Qui appartient à l’argent, à la monnoie.

Quand du Roi Franc servant fidèle étoit,
Et général des argenteuses sommes. Marot.

C’est-à-dire, Général des Finances.

Argenteux, se dit des gens qui ont beaucoup d’argent. Pecuniosus. Il est peu en usage, si ce n’est parmi le petit peuple.

ARGENTIER. s. m. Officier d’un Prince, ou Seigneur ; qui reçoit l’argent du Trésorier pour le donner au Maître-d’Hôtel, & et fournir aux menues dépenses de la maison. Quæstor ærarii levioribus regiæ domus impensis addicti. Une manière d’honnête-homme, soi-disant Argentier du Maréchal de Schomberg. Bussi.

☞ Autrefois en France le titre d’Argentier étoit à peu-près le même que celui de Surintendant des Finances. Le fameux Jacques Cueur étoit Argentier de Charles VII.

Argentier chez le Roi est celui qui manie les deniers destinés pour les habits de la personne du Roi, & pour les ornemens de la chambre ou garde-robe. On l’appelle plus ordinairement, Trésorier de l’argenterie.

En plusieurs lieux, & entr’autres à Caën, les Orfèvres sont appelés Argentiers. Argentarii. Les Latins appeloient de ce nom, les Receveurs du revenu des plus riches familles de Rome. Ils nommoient encore ainsi les Banquiers ; & même dans les vieux titres on donne ce nom aux Changeurs.

Argentier. Terme de Fleuriste. Tulipe pourpre, colombin & blanc ; printannière.

ARGENTIÈRE. Bourg de France. Argentaria. Il est dans le Vivarais, au midi d’Aubenas. Les mines d’argent qu’il y avoit autrefois, lui ont donné son nom.

Argentière, argentariusvicus, est encore une petite ville du comté de Nice, près de Barcelonnette.

Le col d’Argentière, passage des Alpes, près du bourg dont on vient de parler. Fauces Argentaria. Il divise la vallée de Sture en haute & basse, selon le cours de la rivière de Sture.

Argentière, Île de l’Archipel. Argentaria, anciennement Cimolus. Elle est tout près de celle de Milo.

ARGENTIFIQUE. adj. m. & f. Terme d’Alchimie & de Philosophie hermétique. Qui fait de l’argent, qui a la vertu de faire de l’argent, de changer en argent. Argentificus, ἀργυροποιητιϰὸς. Le sel argentifique. A la fin du Dictionnaire Hermétique, imprimé chez d’Houry en 1695, il y a deux Traités, dont un est intitulé, De la droite & vrai manière de produire la Pierre Philosophale, ou le sel argentifique & aurifique.

Ce mot vient d’argentum, argent, & facio, je fais.

ARGENTIN, INE. adj. Qui a le son clair & aigu, comme le son de l’argent. Argenteus. Une voix argentine. Ce timbre a un ton argentin.

Les cloches dans les airs, de leurs voix argentines,
Appeloient à grand bruit les Chantres à Matines.

Boil.

Il se prend aussi, sur-tout en Poësie, pour quelque chose de blanc & d’approchant de la couleur de l’argent. Source argentine. God. Flots argentins.

Mais ta liqueur argentine,
Offre à nos yeux plus d’appas,
Quand du haut de la colline
Elle descend à grands pas. Boutard.

ARGENTIN. s. m. Terme de Mythologie. Argentinus. Dieu des Païens. C’étoit lui qui présidoit à la monnoie d’argent ; il étoit fils d’Æsculon, qui présidoit à la monnoie de cuivre. Cela veut dire que l’usage de la monnoie d’argent n’étoit venu qu’après celle de cuivre. S. Augustin parle de ces Dieux, L. IV. de Civ. Dei, c. 21. Je m’étonne, dit ce Père, qu’on n’ait pas fait aussi un Dieu Aurin, fils du Dieu Argentin ; car la monnoie d’or a suivi aussi celle d’argent.

ARGENTINA. Bourg du royaume de Naples. Argentinum. Il est dans la Calabre citérieure, entre Cosenze & S. Marco.

ARGENTINE. s. f. C’est une plante qui est ainsi appelée, parce que ses feuilles sont comme argentées. Argentina. Cette plante est à présent rangée sous le genre des Pentaphylloïdes. Sa racine est menue, brune extérieurement, quelquefois fibreuse, traçante & astringente au goût. Elle donne plusieurs feuilles découpées jusqu’à sa côte en plusieurs segmens longs, étroits, profondément dentelés ; entre celles-ci sont placées de plus petites, arrondies crénelées sur leurs bords. On peut comparer ces feuilles à celles de l’aigremoine. Elles sont cependant plus molles & argentées des deux côtés. Il se trouve des pieds dont les feuilles sont d’un vert gai. Les tiges qui sortent de la racine, s’étendent çà & là, & prennent racine comme les branches du fraisier. Des aisselles des feuilles s’élève un pédicule le plus souvent nu, velu, grêle, long de trois ou quatre pouces, & qui porte à son extrémité une fleur jaune à cinq pétales soutenus par un calice velu, découpé en dix parties. Le calice, après que les pétales de la fleur sont tombés, sert d’enveloppe à un amas de semences menues ramassées en tête. Le vulgaire la nomme Herbe aux oies, Anserina herba, soit parce qu’on prétend que les oies mangent cette herbe, ou soit parce qu’elle croît au bord des rivières & des endroits aquatiques fréquentés par ces oiseaux. Chomel, Dict. Economique, l’appelle aussi Agrimoine sauvage. L’argentine est fort astringente. On la dit bonne pour apaiser les maux de dents. Son eau distillée est merveilleuse pour faire passer les rousseurs du visage, & pour les crevasses ; & sa graine est très-bonne contre le flux de sang & contre les cours de ventre.

Argentine, Argentina. C’est le nom ancien de Strasbourg. Quoiqu’en françois Argentine ne soit point en usage, mais qu’on dise toujours Strasbourg, M. l’Abbé Regnier s’en servit dans une lettre badine où il décrit son voyage de Munick.

Passons vite vers Argentine,
Strasbourg, vulgairement parlant.
Mon cheval est rétif & lent :
O ! l’impertinente machine.

ARGENTO. Rivière de la Turquie, en Europe. Ululeus. Elle coule dans l’Albanie, & se décharge dans le golfe de Venise, entre Durazzo & l’embouchure du Drin.

ARGENTON. Ville de Berry, en France. Argentomagum. Elle est sur la Creuse , près du Limousin, & au nord de Limoges.

ARGENTOR. Rivière de France. Argentoria. Elle se forme de deux petites rivières, dont l’une s’appelle Argent, & l’autre Or. Elles ont leur source dans le Poitou, vers le bourg de Champagne-Mouton. De-là elle entre dans l’Angoumois, & va se mêler à la Charente, au-dessus de la Tourdouére.

☞ ARGENTURE. s. f. L’art d’appliquer des feuilles d’argent sur quelque corps.

☞ Ce mot signifie aussi les feuilles même appliquées.

☞ ARGENZ. Rivière de France, en Gascogne, qui se décharge dans l’Adour, au-dessous de la ville d’Aire. Il ne faut pas la confondre avec l’argenz de Provence.

ARGEVAN, ou ARRÉGIAN. Voyez Arbor Judæ : c’est la même chose.

ARGIAN, ou ARRÉGIAN. Ville du Chusistan, en Perse. Arregia. Elle est sur la rivière du Sirt, près du golfe de Balsora ; elle est capitale d’une contrée qui porte son nom.

ARGI-BASSI. s m. Terme de Relation. C’est l’un des quatre premiers Officiers qui servent à la bouche du Grand-Seigneur. Sa charge est de prendre garde que tous ceux qui sont destinés pour le Service de sa bouche, soient à leur devoir. Il a de paye par jour quatorze sultanins, bouche en cour, & deux robes tous les ans ; l’une de drap d’or, & l’autre de soie. A.D.S.M.

ARGIE. Argia. Pays du Péloponnèse, le même qui s’appelle Argolide.

ARGIEN, ENNE. adj. Qui est de l’Argolide, ou de la ville d’Argos. Argivus. On dit aussi au pluriel, les Argiens, & alors ce mot est substantif, comme les autres noms de peuples.

Les Argiens étoient des peuples du Péloponnèse, ainsi nommés à cause d’Argos, leur capitale. Leur premier Roi s’appeloit Inachus, que divers Chronologistes font contemporain de Moyse ; Danaüs vint ensuite d’Egypte & s’empara de ce royaume. Tourr. Quand Xerxès vint en Grèce, les Argiens s’opiniâtrerent à demeurer neutres ; parce qu’il leur fit dire par un héraut, nous descendons de Persès, fils de Persée, petit-fils d’Acrisius, un de vos Rois ; nous nous reconnoissons donc originaires d’Argos, &c. Id.

ARGILE. Province de l’Ecosse méridionale. Agarthelia, Argalia. Elle a au nord le Loquabyr & le Broad Albein, au couchant la province de Lorne, au levant celle de Leunos, & au midi la mer d’Irlande. On la divise en quatre petites parties, l’Argile propre, la Knapdale, la Cowélie, & la presqu’ile de Cantyr. L’Argile a eu autrefois ses Rois. On doit écrire Argyle.

Argile ou Argille. s. f. Argilla. Terre qui a la propriété de prendre corps avec l’eau, & de se durcir dans le feu. C’est une terre tenace, grasse & onctueuse au toucher, pesante, grise, rougeâtre, jaune ou verte, & très-stérile. Elle est à peu-près la même que la terre glaise. On la nomme ordinairement terre à potier, parce qu’on s’en sert pour faire des vaisseaux de terre, & terre à foulons, lorsque ces derniers ouvriers l’emploient. On en fait des tuiles, des briques.

☞ Linnœus distingue neuf espèces d’Argile.

Argilla calcarea ; qui devient rousse lorsqu’elle bout dans l’eau forte.

Argilla fissilis ; c’est la terre à foulons.

Argilla tesselata ; c’est la terre à potier.

Argilla cærulescens ; terre bleue qui se vitrifie & devient rougeâtre.

Argilla nivea ; blanche & couleur de chair.

Argilla incarnata ; de même couleur.

Argilla ore liquescens ; ce sont les bols & les terres sigillées.

Argilla mixta arenacea ; c’est l’Argille rouge.

Argilla arenacea & fabulosa ; c’est la terre nommée terra adamica. Voyez Adamique.

Argile, se prend quelquefois en général pour terre, matière. La nature n’a point formé Demosthène, ni Homère d’une Argile plus fine & mieux préparée que nos Orateurs & nos Poëtes modernes. Font.

Il observe étonné, que de la même argile,
Dont notre feu mortel fait un vase fragile,
Le feu, de la nature inimitable agent,
Forme comme il lui plaît, de l’or ou de l’argent.

Perrault.

Adorateurs d’un bien fragile,
Dupes d’un cœur ambitieux,
Jusques à quand un peu d’argile
Charmera-t-il vos foibles yeux ? Le P. Cleric.

Dans le Rec. de vers choisis, impr. par le P. Bouhours.

Ce mot argile vient du grec ἄργιλλος.

ARGILEUX, EUSE. adj. Quelques-uns écrivent ARGILLEUX, qui est de la nature de l’argile. Argillosus. Les terres argileuses sont les meilleures pour faire des fortifications de terre ; elles ne s’éboulent point. Un champ argileux n’est pas propre pour les grains. Les terres argileuses & les glaises sont extrêmement onctueuses & adhérentes les unes aux autres, & sont incapables de culture. La Quint.

☞ ARGIPHONTE, ou ARGEIPHONTÈS. Surnom qui fut donné à Mercure, pour avoir tué Argus (qui gardoit lo) selon l’ordre qu’il en avoit reçu de Jupiter. C’est un mot grec ἀργεφόντης, composé d’ἀργος, Argus, & φόνος, meurte.

ARGIRO CASTRO. Ancienne ville de l’Epire. Antigonia. C’est aujourd’hui un bourg sur les frontières de la Macédoine, à l’orient de la ville de Chiméra.

ARGISCH, Ville de la Valachie, & maintenant bourg. Argida, Argidava. Elle est voisine de la Transylvanie, sur la rivière de Dombrowizza, entre les villes d’Hermanstat & de Tergovisto.

ARGLAS. Bourg de l’Ultonie, en Irlande. Argla. Il est dans le comté de Downe, au midi de la ville de ce nom , sur la mer d’Irlande, où il a un bon port.

ARGO. s. m. Argo. Nom du fameux navire des Argonautes, dont il est si souvent parlé dans les Poëtes. Plusieurs ont cru qu’il a été ainsi appelé d’Argus qui l’avoit bâti. Ce sentiment est appuyé par Diodore de Sicile, par Apollonius, Tzetzès, Servius, par le Scholiaste d’Euripide, & par quelques autres savans écrivains ; mais comme il y a eu plusieurs Argus, il est difficile de savoir lequel a construit ce vaisseau. Quelques-uns ont cru que ce navire a pris son nom du mot Argos, qui signifie vîte, ensorte qu’Argo n’est autre chose qu’un navire léger. Diodore de Sicile & Servius confirment ce sentiment. Quidam, dit Servius, sur la quatrième églogue de Virgile, Argo a celeritate dictam volunt. Et en effet, Homère appelle Κύνας ἀργούς, les chiens qui sont bons coureurs. D’autres ont cru que ce navire tiroit son nom de la ville d’Argos où il a été bati. Il y a une quatrième opinion qui est rapportée par Cicéron dans la première Tusculane, où il cite ces deux vers d’un ancien Poëte latin :

Argo, quia Argivï in ea delecti viri
Vecti, petebant pellent inauratam arietis.

Ce Poëte a voulu dire que ce vaisseau fut ainsi nommé des Argives, c’est-à-dire, des Grecs qui le monterent. Ovide, dans l’épitre de Hypsipyle à Jason, appelle Argo un navire sacré : Sacram conscendis in argo. Peut-être fut-il ainsi appelé, parce que Minerve en avoit donné l’invention, & qu’elle avoit aidé elle-même à le construire. Il se peut faire aussi qu’on l’ait nommé sacré, parce qu’il avoit à la proue une pièce de bois qui parloit & qui rendoit des oracles. Plusieurs anciens Auteurs ont fait mention de cette pièce de bois qui avoit été prise de la forêt sacrée de Dodone. Jason ayant achevé heureusement son entreprise consacra le navire Argo à Neptune en l’isthme de Corinthe ; & enfin ce même navire fut transporté au ciel, & mis au nombre des astres. Pour ce qui est de la forme de ce vaisseau, c’étoit un vaisseau long, semblable à nos galères. Le Scholiaste d’Appollonius a remarqué qu’on disoit que c’étoit le premier navire long qui ait été bâti. Pline a observé la même chose Liv. 7, ch. 56, après Philostephanus, qui assure que Jason fut le premier qui alla sur mer avec un navire long : Longâ nave Jasonem primum navigasse, Philostephanus auctor est. Par un navire long, les Grecs entendent un navire de guerre, & par un vaisseau rond ils entendent un vaisseau marchand, ou navire de charge. Voyez de Meziriac, dans son Commentaire sur l’Epître de Hypsipyle à Jason, où il s’étend fort au long sur le navire des Argonautes. Voyez Navire.

Argo, ou Argos. s. m. Ancienne ville de la Morée. Argos, Argi. Elle est dans la Saconie, sur la Planiza, au couchant de Napoli de Romani, au midi de Corinthe. Quand on parle de l’antiquité, par exemple, quand on traduit Homère, il faut toujours dire Argos. Agamemnon étoit Roi d’Argos, & non d’Argo. Pour les temps modernes, l’un & l’autre sont bons. Voyez Argos.

ARGOLIDE. s. f. Argolis. Pays & royaume du Péloponnèse, qui avoit l’Arcadie au couchant, la mer Ægée au levant, les états de Sparte au midi, & dont la capitale étoit Argos, de laquelle il tiroit son nom.

ARGOLIQUE. adj. Argolicus. Qui est de l’Argolide.

ARGON. s. m. Terme usité dans la chasse des oiseaux. C’est un bâton ou morceau de bois plié en arc, qui fait la moitié d’un cercle, servant à prendre des oiseaux.

ARGONAUTES. s. m. Nom des 52 ou 54 Héros qui s’embarquèrent dans le navire Argo avec Jason, pour aller à Colchos y conquérir la Toison d’or. Hercule, Thésée, Castor, Orphée, &c. étoient du nombre des Argonautes. Rudbecks, au ch. 26 de son Atlantica, dit, que les Argonautes retournèrent de Colchide en Grèce par l’Océan, & qu’ils rentrèrent par le détroit de Gibraltar dans la Méditerranée, & firent ainsi tout le tour de l’Europe ; car il suppose qu’après avoir remonté le Tanaïs autant qu’il leur fut possible, ils traînèrent par terre leur vaisseau dans une rivière voisine qui les porta dans l’Océan septentrional. Il fonde cette supposition sur le témoignage de Diodore de Sicile, & sur celui d’Orphée. D’autres ont dit qu’ils remontèrent le Danube, & qu’ils portèrent leur vaisseau jusqu’à la mer Adriatique. D’autres enfin, sans aucune apparence, cherchent en Afrique le chemin qu’ils firent par terre.

☞ L’histoire de la Toison d’or, dit Voltaire, est bien moins fabuleuse, & moins frivole qu’on ne le pense. C’est de toutes les époques de l’ancienne Grèce, la plus brillante & la plus constatée. Il s’agissoit d’ouvrir un commerce de la Grèce aux extrémités de la mer noire. Ce commerce consistoit principalement en fourrures, & c’est de-là qu’est venue la fable de la toison. Le voyage des Argonautes servit à faire connoitre aux Grecs le ciel & la terre.

☞ C’étoit la coutume de tous les Grecs, & presque de tous les peuples, de tourner toute l’histoire en fables ; la poësie seule célébroit les grands événemens ; on vouloit les orner, & on les défiguroit. L’expédition des Argonautes fut chantée en vers ; & quoiqu’elle méritât d’être célébrée par le fond qui étoit très-vrai & très-utile, elle ne fut connue que par des mensonges poëtiques.

Argonautes de S. Nicolas. Ordre militaire institué par Charles III, Roi de Naples, vers la fin du XVe siècle, sous le pontificat d’Urbain VI, & dont S. Nicolas est le patron. On ne sait pas précisement l’année où il fut établi. Le collier des chevaliers étoit formé de coquilles enfermées dans des croissans d’argent ; de ce collier pendoit la figure d’un navire avec cette devise, Non credo tempori ; c’est-à-dire, Je ne me fie point au temps. C’est à cause de ce collier, qu’on appelle ces chevaliers les Argonautes de S. Nicolas & des Coquilles. On les appelle aussi les Argonautes de Naples. ils reçurent la règle de S. Basile de l’Archevêque de Naples, & prirent l’église de S. Nicolas leur patron pour tenir leurs assemblées. Joseph de Michiéli met aussi des Argonautes en France, mais qu’il appelle néamoins Argonautes de Naples, & dont l’origine n’est point différente de celle que nous venons d’expliquer. C’est que les Princes François dépouillés du royaume de Naples se porterent néanmoins toujours pour Rois & pour Grands Maîtres des Odres de Naples, & continuerent à faire des chevaliers. L’habit de cérémonie de l’Ordre étoit de soie blanche en forme de grande cape, sur laquelle se mettoit le collier. Voyez Pandulphe Colonducio dans son Histoire de Naples, Joseph Michiéli dans son Tesoro militar, le P. André Mendo, de Ordin. militar. Caramuel, Théolog. Regolare. P. IX. Bernardo Justiniani, Histori dell’ origine de Cavallieri, C. 50.

ARGONNE. Petit pays de France, partie en Champagne, & partie dans le Barrois. Argona. Les lieux remarquables de l’Argonne sont Sainte Ménehoud capitale, Clermont, Beaumont, Villefranche, Varennes, Grand-Pré, Montfaucon & Bricul.

ARGOS. s. m. Argos. Ville du Péloponnèse, capitale de l’Argolide, qui étoit à-peu-près ce qu’est aujourd’hui la Romanie dans la Morée. Le royaume d’Argos, ou des Argiens, commença 1116 ans avant Jésus-Christ, & dura 554 ans. Mor. Dans la suite Argos devint république. Sparte florissante par les loix de Licurgue, devint rivale d’Argos ; & nous voyons une guerre implacable entre Argos & Sparte, même du temps de Philippe. Cette ville retient encore aujourd’hui son nom, & s’appelle Argo : sa longitude est 48d, 50’ ; sa latitude 38d, 18’. Voyez Argo. Il y a encore eu deux villes de ce nom, une en Thessalie, appelée aujourd’hui Armiro, sous le 48d, 44’. de longitude, & 40d, 20’. de latitude. L’autre dans l’Epire, nommée autrement Amphilochie. Amphilochium.

ARGOT. Voyez Ergot.

Argot. s. m. En termes de Jardinage, est le bois qui est au dessus de l’œil, & qui n’étant point recouvert par sa pousse, meurt & est inutile. Lignum succo destitutum. Argot, c’est l’extrémité d’une branche morte. La Quint. Liger. Les véritables règles de la taille veulent qu’on retranche jusqu’au vif tous les argots qui paroissent sur un arbre. Oter l’argot, c’est retrancher cette extrémité morte jusqu’au vif. La Quint. On donne ce nom à ces petits morceaux de bois qui paroissent sur un arbre, par ressemblance aux argots des coqs. Liger.

Argot ; est aussi le nom que les gueux ou les voleurs donnent à la langue ou au jargon dont ils se servent, & qui n’est intelligible qu’entre eux. Brider la lourde sans tournante, c’est, dans le langage des gueux, ouvrir une porte sans clef. Il y a à la fin du Poëme de Cartouche un Dictionnaire Argot-francois. L’Auteur de ce Poëme, Chant. X, p. 74 & 75, a badiné fort agréablement sur l’étymologie d’argot. Balagny dit que ce mot vient de la ville d’Argos, où Agamemnon fit fleurir ce jargon éloquent, & Cartouche remonte plus haut, en tirant l’origine de cette langue d’Argo, navire des Argonautes, sur lequel Jason avec les Princes Grecs alla conquérir la Toison d’or.

ARGOTER. v. a. Terme de Jardinage. C’est couper une branche à un ou deux yeux au dessus de sa mere branche. Lignum aridum amputare.

ARGOU, ou ARGOW. Contrée de Suisse, renfermée entre le lac de Lucerne, la rivière de Russ, & celle d’Aar. Argoia. Elle comprend les cantons d’Underwald, de Soleure & de Lucerne, & une grande partie de celui de Berne. Ce nom signifie Terroir d’Aar ; c’est la rivière d’Aar qui le donne à ce pays.

ARGOUDAN. s. m. Sorte de coton qui se recueille en divers endroits de la Chine.

ARGOULET. s. m. Arquebusier, carabin. Eques levioris armature. Mézerai l’emploie pour Chevau léger. Quelques-uns dérivent ce mot de Argolicus, parce qu’autrefois c’étoit de la Grèce que venoit cette sorte de milice.

On dit aussi par raillerie, qu’un homme n’est qu’un chétif argoulet, un pauvez argoulet ; pour dire que c’est un homme de néant.

Nombre de pages & valets
Mieux vêtus que des Argoulets. Loret.

L’Auteur d’Apollon Charlatan dit que Racine a fait,

D’Oreste, Roi d’Argos, un simple Ambassadeur,
Qui n’agit toutefois avec le Roi Pilade,
Que comme avec un Argoulet ;
Et loin de le traiter comme fin camarade,
Le traite de maître à valet.

ARGOUZIN, ou ARGOUSIN s. m. Terme de Marine. Sergent de galère, Officier qui a soin de faire ôter, ou de faire remettre les chaînes aux forçats selon les occasions, qui prend garde qu’ils ne s’évadent, & qui mene faire aiguade ceux qui servent volontairement dans les galères. Satelles remigibus regendis ac custodiendis præpositus. Un argouzin gagne 8 ou 9 sous par jour, ayant outre cela portion comme un galérien.

ARGUE. s. f. Terme de Tireur d’or. C’est une machine qui est faite en forme de cabestan servant a dégrossir les métaux. C’est un gros arbre percé de quatre leviers que font tourner huit hommes ; & au bout de la corde qui l’entoure est une grosse tenaille qui tient le lingot d’or, d’argent ou de cuivre, qu’on fait passer par différens trous de filière pour le dégrossir & rendre plus menu. Boizard, Traité des Monnoies, P. 1, ch. 28, décrit ainsi l’argue. L’argue est une machine composée d’un billot d’environ un pied & demi en carré, & d’un pivot de neuf à dix pieds, où il y a un cable attaché. Ce billot est scellé de trois pieds en terre, & élevé de deux ; ce qui est élevé est appelé la tête de l’argue, & il y a deux entailles d’un pied & demi de profondeur ; l’une sur la largeur sert à placer & appuyer les filières ; & l’autre sur la longueur à faire passer les lingots par les pertuis des filières. Le pivot est à plomb entre deux pièces de bois où il est enclavé, de sorte qu’on le peut tourner en rond par deux barres longues de 24 pieds chacune, qui traversent le milieu en forme de croix. Il y a aussi de grosses tenailles courtes dont les mors sont crénelés en dedans, & les branches crochues aux extrémités ; ces mors servent à ferrer le bout du lingot, & les crochets à accrocher les tenailles au bout du cable. On accroche donc les tenailles au cable ; huit hommes font tourner le pivot en rond ; le cable roule autour à mesure qu’il tire les tenailles, & que le lingot s’alonge en passant par les pertuis ; & pour faciliter ce passage, on frotte le lingot de cire neuve, & cela s’appelle tirer à l’argue. Quand on a fait passer le lingot par quelque pertuis, & doré, on le porte à l’argue ; on l’y fait passer par environ 40 pertuis de la filière jusqu’à ce qu’il soit réduit à la grosseur d’une plume à écrire, puis on le rapporte chez le Tireur d’or pour le dégrossir, qui est en manière d’argue que deux hommes font tourner, & on y fait passer le lingot par environ 20 pertuis de la filière, appelés ras, jusqu’à ce qu’il soit réduit à la grosseur d’un ferret de lacet, & c’est ce qui s’appelle dégrossir. Boizard. Sa Majesté a ordonné le 20e jour de Septembre 1689, que le fermier du droit de marque sur l’or & l’argent, sera tenu de se servir dans l’argue de Lyon de poids échantillés sur la matière du poids de marc étant au greffe de la Monnoie de Lyon, sans en pouvoir tenir d’autres, à peine de 1000 livres d’amende. Les métaux s’alongent & s’étendent tellement par le moyen de l’argue, qu’un lingot d’argent doré qui n’a que deux pieds de long & trois pouces quatre lignes de circonférence, produit un fil d’or de la longueur d’un million quatre-vingt-seize mille sept cent quatre pieds ; desorte que ce fil par l’art du tirage s’alonge plus de cinq cent quarante trois mille fois qu’il n’étoit auparavant : ainsi si ce fil étoit attaché par un bout, & s’il avoit assez de consistance pour être tendu, on pourroit le conduire jusqu’à une distance de soixante & treize lieues.

Ce mot vient par corruption du grec ἔργον, opus, parce que l’invention & la machine nous ont été apportées de Grèce.

On appelle aussi Argue, un certain lieu ou bureau public de Paris, où l’on tire & où l’on dégrossit l’or & l’argent pour les Orfèvres & les Tireurs d’or.

Argue. s. f. C’est une sorte de bâtiment sur lequel on amene des vins du Rhin ou de Cologne, en Hollande. Il est plat par le fond, large par le bas, haut de bords, se retrécissant par le haut. Son étrave est large, aussi bien que son étambord.

ARGUÉ, ÉE. adj. Quille arguée, c’est-à-dire, un navire dont la quille & les côtés sont pliés, ce qui fait que les deux bouts sont plus bombés dans le milieu. Un navire argué est un navire plié ou courbé en cou.

ARGUENON. Petite rivière de Bretagne, province de France. Argenus. Elle a sa source près du bourg de Junon, coule le long des Évéchés de S. Brieux & de S. Malo, & porte ses eaux à la mer de Bretagne, à quelques lieues au couchant de S. Malo.

☞ ARGUER. v. a. ( L’u se prononce ) reprendre, contredire. Arguere. Il prend plaisir à arguer tout le monde. Il est vieux, banni de l’usage ordinaire, admis dans le style barbare du Palais, où l’on dit arguer un acte de faux. Borel explique le même mot arguer pour argumenter, & il cite ce vers en vieux langage.

Objete, & solt, & puis argue.

En termes de Philosophie hermétique, il signifie la même chose, argumenter, raisonner. Dict. Herm.

Arguer, en termes de Tireur d’or, c’est passer l’or & l’argent, ou quelque autre métal par les filières de l’argue, pour les dégrossir, & commencer à les réduire en fil. On dit plus communément tirer à l’argue.

ARGUIN, ou ARGUYN. Île de la mer Adriatique. Arguina insula. Elle est sur la côte du royaume de Gualata en Nigritie.

Arguin, est encore le nom d’une forteresse bâtie en 1455, dans cette île par les Portugais. Arguinum, Arx Arguina.

ARGUMENT. s. m. ☞ C’est en général une raison probable qu’on propose pour se faire croire. Ratio probabilis, dit Cicéron, & idonea ad faciendam fidem. En termes de Philosophie, c’est un raisonnement par lequel on tire une conséquence d’une ou de deux proportions. Argumentum. Les Logiciens divisent leurs argumens en syllogismes, enthymêmes, inductions, &c. Argument démonstratif, ou convaincant. Argument sophistique, ou captieux. Un argument en forme, est un syllogisme fait selon les règles de la Logique. Aristote dit, que l’enthymême est l’argument de la Rhétorique, comme le syllogisme est celui de la Logique. On dit, faire, proposer, pousser, résoudre un argument. Ablanc.

En une plus étroite signification on le dit des indices, des conjectures, des présomptions. On a tiré de sa fuite un argument qu’il étoit coupable.

Argument, signifie aussi, le sujet en abrégé d’un ouvrage, d’une Histoire, d’une Comédie, d’un Chapitre. On a perdu l’usage de faire des prologues, qui contenoient l’argument de la Comédie.

Argument. Preuve, signe, marque, monument. Argumentum. Ce mot en ce sens n’est pas françois ; & un de nos Poëtes a parlé contre l’usage, ou il a parlé latin en françois, quand il a feint la gloire, disant à M. le Prince de Conti : (Armand)

Il te peut souvenir avec quelle tendresse
J’ai gouverné tes pas, j’ai conduit ta jeunesse ;
Ta gloire & tes vertus te seront de mes soins
D’éternels argumens, & d’illustres témoins. P. Le M.

Argument, en termes d’Astronomie, c’est un arc par le moyen duquel nous cherchons un autre arc inconnu, qui lui est proportionnel. Ainsi l’argument d’inclinaison, c’est un arc du cercle, compris entre le nœud ascendant & le lieu de la planète, en comptant selon l’ordre des signes. L’argument de latitude est l’arc compris entre le lieu d’une planète & le nœud ascendant.

ARGUMENTANT. adj. m. Celui qui dispute, fait des argumens contre quelqu’un, qui soutient quelque chose publiquement. Disputator.

ARGUMENTATEUR. s. m. Celui qui aime, qui se plaît, qui cherche à argumenter. Argumentator. C’est un argumentateur perpétuel. Il se dit toujours en mauvaise part.

ARGUMENTATION. s. f. Action de celui qui argumente, & la manière de faire des argumens. Argumentatio. Pendant son argumentation contre un tel, il ne mit en avant aucun principe certain. L’argumentation est une chose plus difficile qu’on ne pense.

☞ ARGUMENTER. v. n. Argumentari. Ce verbe a différentes acceptions. Il signifie, 1°. Faire un ou plusieurs argumens. 2°. Prouver par argumens. 3°. Tirer des conséquences d’une chose à un autre.

☞ Dans le premier sens, on dit qu’un homme argumente contre un autre.

☞ Dans le second, on dit argumenter bien ou mal. Pour vous prouver ce que j’avance, voici comme j’argumente.

☞ Dans le troisième, on dit argumenter d’une chose à l’autre. On ne peut pas argumenter de la puissance à l’acte, mais on peut toujours argumenter de l’acte à la puissance.

ARGUS. s. m. Argus. Nom propre d’un homme fabuleux, qu’on dit avoir eu cent yeux, à qui Jupiter commit la garde de la vache Io, que Mercure tua, & dont Junon transporta les yeux sur la queue du paon.

En Mythologie, on dit qu’il signifie la sphère des cieux qui a un nombre infini d’yeux ou d’étoiles ; & que Mercure est le soleil qui les fait disparoitre par sa lumière. ☞ Ce mot est devenu en usage pour signifier dans un sens figuré un espion domestique très-vigilant & très-clairvoyant. C’est un Argus qui ne vous perd pas de vue, qui vous observe sans cesse. Regnier a dit, en parlant d’une nuit obscure, Argus pouvoit passer pour un des Quinze-vingts.

Argus. s. m. Terme de Fleuriste. C’est une tulipe couleur de feu, gris de lin, & blanc de lait.

Argus. Les yeux d’Argus. Terme de la Science hermétique. Voyez Œuil, ou Yeux.

Argus. Espèce de coquillage de mer, ainsi nommé, parce qu’il est semé de figures d’yeux. Argus concha. ☞ Il y a le grand & le petit Argus. C’est aussi le nom d’un papillon, dont les ailes représentent la figure de quantité d’yeux.

ARGUT. adj. m. Subtil, savant, éclairé. Du latin argutus. Les beurriers & beurrières de Vanves, les Ruffiens de Mont-rouge & de Vaugirard, les vignerons de S. Cloud, les carreleurs de Ville-Juifve, & autres cantons catholiques, sont devenus Maîtres ès-Arts, Bacheliers, Principaux, Présidens & Boursiers des Collèges, Régens des classes, & si arguts Philosophes, que mieux que Cicéron ils disputent de inventione, & apprennent à décliner, & mourir de faim per regulasSat. Men. in 8°. pag. 80. Ce mot est plus que suranné.

ARGUTIE. s. f. Petite subtilité d’esprit, un argument sophistique. Argutiæ. Ce mot n’est pas plus usité qu’argut. Selon le P. Pezron, sous la plume duquel tout se change en celtique, arguere, arguer, reprendre, vient du celte argui, qui est la même chose ; de-là est formé arguz chez les Celtes, d’où l’on a pris l’argutiæ des Latins.

☞ ARGYLE. C’est ainsi qu’on devroit écrire. Pour l’explication voyez Argile, terme de Géographie.

ARGYRASPIDES. s. m. pl. Argyraspides. Qui ont un bouclier d’argent, ou argenté. Selon Quint-Curce, Liv. IV, ch. 13, les Argyraspides étoient le second corps de l’armée d’Alexandre ; le premier étoit la Phalange. Selon Justin, Liv. XII, ch. 7. Alexandre ayant pénétré jusqu’à l’Inde, & poussé les bornes de son empire jusqu’à l’Océan, pour monument de cette gloire, il fit orner d’argent les housses des chevaux & les armes de ses soldats, & fit appeler son armée Argyraspides, à cause des boucliers argentés qu’ils avoient. Ainsi, selon cet Auteur, c’est toute l’armée d’Alexandre qui porta ce nom. Après la mort d’Alexandre les Argyraspides mépriserent les Chefs de l’armée, & dédaignerent d’obéir à d’autres après avoir porté les armes sous ce Prince. Antiochus, Roi de Syrie, dans la guerre contre les Romains, avoit un corps de troupes appelé des Argyraspides. Du même côté, en prolongeant toujours la même aile, étoit placé le régiment du Roi, composé des Argyraspides, ainsi appelés, parce qu’ils avoient des boucliers d’argent.

Ce mot est composé d’ἄργυρος, Argyros, qui veut dire argent, & ἀσπίς, aspis, qui signifie bouclier.

ARGYRE. s. f. Nymphe dont il est parlé dans la Mythologie. Elle devint amoureuse d’un jeune homme nommé Selemnus, à cause de son extrême beauté. Leur liaison dura autant que la beauté de cet amant, mais dès qu’elle commença à se faner, Argyre s’en dégoûta. Il étoit près d’en mourir de douleur, parce que de son côté il l’aimoit toujours, lorsque Vénus en eut pitié, & le métamorphosa en un fleuve de son nom, lequel, comme Alphée, alloit chercher par-dessous les eaux de la mer, la fontaine où présidoit l’inconstante Argyre. Enfin, par les secours de Vénus, il parvint à oublier cette Nymphe ingrate. Depuis ce moment, les eaux du fleuve Selemnus eurent, dit-on, la vertu de faire perdre à ceux qui s’y baignoient, le souvenir de leurs amours. ☞ Si cela étoit vrai, dit Pausanias, l’eau de ce fleuve seroit impayable.

ARGYRITE. adj. m. On appeloit ainsi les combats, ou les jeux qui n’étoient point sans récompense ; dans lesquels les vainqueurs recevoient un prix en argent. C’est en cela qu’ils différoient des combats ou jeux sacrés. Ἀργυρίτης.

Argyrite. s. m. C’est le nom qu’on a donné aux Marcassites d’argent, c’est-à-dire, aux pierres minérales, dans lesquelles on trouve de l’argent. Argyrite, ou Argyritis.

☞ ARGYROCOME. adj. Épithète par laquelle quelques-uns désignent une espèce de comète de couleur argentine, plus brillante que les autres, & dont l’éclat est capable d’éblouir les yeux de ceux qui la regardent.

ARGYRODAMAS. s. m. Espèce de talc, de la couleur de l’argent, qui résiste au feu le plus violent. D’ἄργυρος, argent, & de δαμάω, domter.

ARGYROGONIE. s. f. Terme de Philosophie hermétique. C’est le sel argentifique, ou la Pierre Philosophale. Argyrogonia. Ce mot vient d’ἄργυρος, argent, & de γονία, qui ne se trouve que dans la composition, & signifie génération. Tellement que ce nom est mal donné, & devroit signifier proprement la production, la génération de l’argent, & non pas la cause de cette génération, ou le sel argentifique. Mais l’Auteur de la droite & vraie manière de produire la Pierre Philosophique, ou le sel argentifique & aurifique, nous dit que telle est sa signification & son usage parmi les Philosophes hermétiques. Il faut l’en croire, comme maître en cet art. La cause efficiente principale de l’argent & de l’or, est l’Argyrogonie, & la Chrysogonie ; & le feu extérieur est la cause qui aide. Id. Chercher l’Argyrogonie. Id.

ARGYROPÉE. s. f. Terme de Philosophie hermétique. L’art de faire de l’argent. Argyropæa. Le but & la fin de l’Argyropée & de la Chrysopée, c’est-à-dire, de l’art de l’argent & de l’or, est de produire l’argent & l’or. Traité Philos. de la triple préparation de l’or & de l’argent.

Ce mot vient d’ἄργυρος, argent, & de ποιέω, je fais.

ARH.

☞ ARHENK. Ville d’Asie, dans le Tocarestan, sur le Gehon, à 102d. de long. & à 37 de lat.

ARHUS, ou ARHUSEN. Ville du Jutland septentrional. Arhusa. Elle est sur la mer Baltique, où elle a un port. La province ou le diocèse d’Arhus est une partie du Jutland septentrional. Arhusiensis diœcesis. Elle a le diocèse d’Alborg au nord, celui de Wiborg au couchant, celui de Rypen du même côté & au midi & le Catégat, ou le Schager-Rack au levant. Arhus en est la capitale.

ARI.

☞ ARIA. alni effigie, folio laniato major. Cette plante croit dans les bois, sur les montagnes, entre les rochers. Elle fleurit en Avril. On lui attribue la propriété d’apaiser la toux, & de faciliter l’expectoration.

ARIADNE, ou ARIANE. Terme de Mythologie. Elle étoit la fille de Minos, Roi de Crète, & de Pasiphaé. Elle donna à Thésée le secret de se tirer du labyrinthe, & le suivit jusqu’à l’île de Naxos, où Thésée l’abandonna. Bacchus l’épousa ensuite, & lui donna une couronne de sept étoiles, qui depuis fut mise dans le ciel ; & c’est la constellation de la Couronne. Elle fut tuée par Diane pour n’avoir point gardé sa virginité. Hésiode dit que Jupiter la rendit immortelle.

ARIADNÉES. s. f. pl. Ἀριαδνέια. Double fête célébrée dans l’Île de Naxos en l’honneur des deux femmes, toutes deux nommées Ariadne. L’une passoit pour être gaie & enjouée d’où vient que dans les solennités dont elle étoit l’objet, on mettoit en usage la musique, & tout ce qui peut inspirer la joie. L’autre au contraire passoit pour triste & chagrine : c’étoit la fille de Minos, Roi de Crète, que le perfide Thésée avoit abandonnée sur le rivage dans l’île de Naxos, où Bacchus l’épousa. L’appareil de cette seconde fête n’inspiroit que la tristeste & le deuil. Pour conserver la mémoire de la douleur qu’avoit ressentie Ariadne prête d’accoucher, lorsque Thésée se sépara d’elle, un jeune homme couché imitoit les cris d’une femme en travail, & feignoit d’en éprouver les douleurs. On dit que ce fut Thésée qui institua cette ridicule coutume, comme une satisfaction due à sa maîtresse après son infidélité. Plutarque, in Thes.

ARIANE. s. f. Ariana. Divinité des anciens Romains, dont il est parlé dans la vie de S. Potit, qui fut martyrisé sous Antonin Pie. Nous ne savons que le nom de cette divinité. Un exemplaire de cette vie, qui avoit été envoyé de Sicile au P. Rosweid, porte Arianus, au lieu d’Ariana qui est dans celui que l’on a imprimé. Bollandus conjecture qu’il faut peut-être lire Adrianus Empereur, prédécesseur d’Antonin, & qui avoit été mis au nombre des Dieux, comme le rapportent Eutrope & les autres Historiens. Voyez Act. SS. Tom. I, pag. 754 & suiv.

ARIANISME. s. m. Arianismus. La plus pernicieuse hérésie qui ait été dans l’Eglise. Arius, qui en a été l’Auteur, vivoit au commencement du quatrième siècle. Il nioit que le verbe fût Dieu & consubstantiel au pere. Il avouoit que ce Verbe étoit la parole de Dieu ; mais cette parole, selon lui, n’étoit pas éternelle, & elle avoit été seulement créée avant toutes les autres créatures. Cette hérésie fut condamnée dans le premier Concile de Nicée, l’an 325 ; mais elle ne fut pas pour cela éteinte. Elle ne devint point, comme on l’a dit dans les précédentes éditions de ce Dictionnaire, la religion dominante, principalement dans l’Orient, où elle s’étendit beaucoup plus que dans l’Occident. Tous nos Controversistes ont démontré que même sous Constantius & Valens, le plus grand nombre des Evêques & des fidèles, tenoient constamment pour la consubstantialité du Fils. Voyez en particulier M. Languet, Evêque de Soissons, & ensuite Archevêque de Sens, dans son second Avertissement. Les Ariens, au temps de S. Grégoire de Nazianze, étoient les maîtres de la ville capitale de l’Empire. Ils reprochoient fièrement aux Orthodoxes le petit nombre de leurs sectateurs. C’est ce que nous apprenons de ce saint Evêque, qui commence sa vingt-cinquième Oraison contre les Ariens par ces paroles : Où sont ceux qui nous reprochent notre pauvreté, & qui sont insolens de leurs richesses, qui définissent l’Eglise par la multitude du peuple, & qui méprisent le petit troupeau, qui mesurent de plus La Divinité, & mesurent le peuple à la balance ? Il est à propos de remarquer que S. Grégoire ne dit point ces paroles comme son sentiment. Ce sont les paroles des Ariens qu’il rapporte, & qu’il leur reproche, aussi-bien que leurs autres excès, dont il fait un long détail.

Les Ariens le répandirent aussi en Afrique sous les Vandales, & en Europe sous les Goths. L’Italie, les Gaules, l’Espagne, furent infectées de cette hérésie pendant quelque temps. Mais enfin après avoir dominé avec beaucoup d’éclat environ 300 ans, elle tomba tout-à-coup. Erasme, qui la regardait comme une hérésie éteinte entièrement, sembloit vouloir la faire revivre au commencement du seizième siècle, dans ses notes sur le nouveau Testament. Aussi ses adversaires lui ont-ils reproché qu’il avoit appuyé de toute sa force les erreurs impies des Ariens. Il se justifia assez mal, en leur répondant, qu’il n’y avoit point d’hérésie qui fût plus éteinte que celle des Ariens : Nulla hæresis magis extincta quàm Arianorum. Servet & Socin n’avoient point encore paru dans le monde, quand il parloit de la sorte.

Michel Servet, Espagnol de nation, que Calvin fit brûler à Genève, publia en 1531, un petit livre contre le mystère de la Trinité, qui a donné occasion au renouvellement de cette hérésie dans l’Occident. Il est cependant plutôt Photinien qu’Arien ; mais il se sert des mêmes passages de l’Ecriture, & des mêmes raisons que les Ariens, pour combattre la divinité du Fils. Il ne reconnoit pour véritable Dieu que le Pere. Servet n’a eu à la vérité aucuns disciples : mais il se trouva un parti de nouveaux réformés dans Genève, qui établit un système d’Arianisme beaucoup plus subtil que le sien, & qui embarrassa fort Calvin, qui étoit alors le patriarche de Genève. Ces nouveaux Ariens allèrent s’établir en Pologne, où ils firent quelques progrès. M. Stoupp, parlant de ces nouveaux Ariens, dans sa troisième lettre, les distingue des Sociniens. Il y en a, dit-il, plusieurs en ce pays-ci, c’est-à-dire, en Hollande, où il étoit alors, & plusieurs des Sociniens embrassent leurs opinions. Christophorus Sandius, gentilhomme Polonois, fils d’un conseiller de l’Electeur de Brandebourg, a rétabli la secte des Ariens en ce pays. Il demeure à Amsterdam depuis peu d’années. Il a fait entr’autres deux livres, dont l’un a pour titre, les Interprétations paradoxes des quatre Evangélistes ; l’autre est une Histoire Ecclésiastique, dans laquelle il prétend prouver, que tous les Docteurs qu’on appelle Peres de l’Eglise, qui ont vécu depuis les Apôtres jusqu’à Arius, ont eu les mêmes sentimens que lui touchant le mystère de la Trinité.

M. Stoupp, qui écrivoit cette lettre d’Utrecht en 1673, connoissoit plusieurs de ces nouveaux Ariens, qui avoient abandonné les sentimens de Socin, comme de pures subtilités & de vains raffinemens. Voyant qu’on leur opposoit toute l’antiquité qui leur étoit manifestement contraire, ils crurent que pour répondre à cette objection, ils devoient renouveler l’ancien Arianisme. Et en effet, on prétend qu’il y a aujourd’hui plus d’Ariens que de Sociniens, tant en Hollande qu’en Angleterre. Grotius s’est quelquefois approché des Ariens dans ses notes sur le nouveau Testament, où il éleve trop le Pere au-dessus du Fils, comme s’il n’y avoit que le Pere seul qui fût Dieu souverain, & que le Fils lui fût inférieur, même à l’égard de la divinité. On pourroit néanmoins dire, qu’il a plutôt embrassé les opinions des demi-Ariens, que celles des Ariens. Il est à propos de remarquer, que les nouveaux Ariens ne font aucun corps, & qu’ils n’ont aucunes assemblées réglées. La Hollande même, qui souffre chez elle toutes sortes de religions, n’a point souffert jusqu’à présent qu’ils formâssent une société.

☞ ARIANO. Bourg d’Italie, dans le Ferrarois, sur les frontières de l’état de Venise, sur un bras du Pô, qu’on appelle le Pô d’Ariano. Le petit quartier qui est aux environs, s’appelle aussi Polesin d’Ariano.

Ariano, est encore le nom d’une ville d’Italie, au royaume de Naples, dans l’Apennin, à treize milles de Bénévent. Elle est épiscopale, & son Evêque est suffragant de Bénévent. Arianum. Quelques-uns dérivent ce nom d’Arajani, autel de Janus.

ARIARITENOÏDIEN. Terme d’Anatomie. Voyez Aritenoïdien.

ARICA. Ville de l’Amérique méridionale. Arica. Elle est dans la province de los Charcas, au Pérou. Elle est sur la côte, où elle a un port. Elle est à 273°, 51’, 33’’ de longitude, & à 20°, 0’, 0’’ de latitude méridionale. P. Feuillée.

☞ ARICARETS. Nation de l’Amérique méridionale, dans la Guiane ; ils sont divisés en orientaux & en occidentaux. Ils sont ainsi nommés de la rivière Aricari, auprès de laquelle habitent ceux qu’on appelle orientaux. Les occidentaux se sont séparés des autres pour venir habiter vers les bords de la rivière de Cayenne. M. de Lisle nomme ces derniers Aracarets.

ARICIA. Ville de la Campagne de Rome, en Italie. Aricia. Elle est près d’Albano & de Vélitri.

☞ ARICOURI. (les) Peuple de l’Amérique méridionale, dans la Guiane, vers la rivière des Amazones.

ARIDAS. s. m. Espèce de taffetas assez connu, qui se fabrique aux Indes Orientales, d’une espèce de soie ou fil lustré, qu’on tire de quelques sortes d’herbes & de plantes : aussi les appelle-t-on Aridas d’herbes.

☞ ARIDE. adj. de t. g. Ce mot, disent les Vocabulistes, d’après le Dictionnaire de l’Académie, désigne au propre, ce qui est sec, stérile. Aridus. Sec, oui ; stérile, non. On conviendra, je crois, qu’aride & stérile sont deux choses différentes. Ce qui est stérile ne produit point de fruits, quoiqu’il soit de nature à en produire. Ce qui est aride, donne de mauvaises productions, maigres, sans suc. Une citerne aride, c’est-à-dire, tarie, desséchée. Un champ aride, c’est-à-dire, dépourvu d’humidité & des différens principes essentiels à la végétation, & dont les productions sont maigres, sans suc, sans qualité.

☞ Ils se trompent également dans l’explication de ce mot pris dans le sens figuré. A parler exactement, l’esprit aride n’est pas celui qui ne produit rien ; c’est celui dont les productions sont maigres, seches, décharnées, sans grâce & sans ornement. Aridus, exsuccus, ou exfuctus. Les esprits trop justes & trop délicats sont souvent arides & languissans. S. Evr.

Aride, se dit de même d’un sujet qui ne fournit pas de quoi le pouvoir traiter avec élégance, avec agrément, avec les ornemens qui font la beauté du style. Cet Orateur a choisi un sujet aride.

ARIDITÉ. s. f. Sécheresse. Ariditas, Aritudo. Il se dit au propre & au figuré. ☞ L’aridité d’un terroir, L’aridité d’un sujet. Aridité de style. Voyez Aride. Dans les matières de dévotion, il se dit de l’état de l’âme qui ne sent point de consolation dans les exercices de piété. La voie des aridités, & des délaissemens, si nous en faisons l’usage que nous en devons faire, est aussi avantageuse que celle des consolations. Ab. de la Tr.

ARIDURE. Terme de Médecine. Maigreur & consomption de tout le corps, ou de quelques-uns de ses membres. C’est la même chose qu’Atrophie. Ce mot vient du latin aridus, sec ; aujourd’hui on prend plus communément l’aridure pour une atrophie particulière de quelque membre Col de Villars.

ARIÉGE, & plutôt L’AURIÉGE. Rivière de France. Alburacis, Aurigera, Ariega. Elle sort des Pyrénées, traverse tout le comté de Foix, passe à Tarascon, à Foix, à Pamiers, & va grossir la Garonne à quelques lieues au-dessus de Toulouse. L’Ariége roule des paillettes d’or. Voyez l’Histoire de l’Académie des Sciences de 1718. L’or de l’Ariége est à 22 carats & un quart.

Ce mot s’est formé par corruption du latin Aurigera.

ARIEL. s. m. Nom qu’Isaïe donne à la ville de David, ou à Jérusalem, ou au Temple. Ariel. Isaï. XXIX, 1, 2, 3. Le P. Lubin prétend que ce mot signifie, montagne de Dieu, ou lion de Dieu. L’inspection seule du texte hébreu d’Isaïe montre qu’il ne peut avoir la première signification.

ARIEN, ENNE. s. m. & f. Arianus. Nom de secte. Hérétique infecté de l’Arianisme, qui suit les erreurs d’Arius. C’est de-là que ce nom vient. L’Empereur Constance, qui succéda à Constantin en 337, se déclara pour les Ariens. L’impératrice Justine étoit Arienne. Les Ariens se diviserent en plusieurs sectes, qui se condamnerent mutuellement. Voyez S. Epiphane, hér. 68 & 69. S. Aug. hér. 49. Sozoméne, Théodoret, Eusèbe, Socrate, Ruffin, M. Godeau. Maimbourg a fait une Histoire de l’Arianisme. Les Ariens ont été nommés Anomiens, Exucontiens, Eusèbiens, Photiniens, Eudoxiens, Acaciens, Eunomiens, Macédoniens, Æliens, Psatyriens, & Duliens. Godeau. Arius trouve des sectateurs en grand nombre, mais comme ils n’ont plus d’autorité légitime qui les réunisse, ils se divisent en une infinité de diverses branches d’Ariens, ou semi-Ariens, connus dans la suite tantôt sous un nom, tantôt sous un autre ; Eunomiens, Photiniens, Acaciens, &c. selon que quelqu’un éclate dans ces mauvais partis. Tous combattent l’Eglise, mais se combattent aussi les uns les autres… Et qui ne voit là, comme dans un miroir, les branches infinies de Sacramentaires, de Luthériens, de Zuingliens, de Calvinistes, d’accord contre l’Eglise, peu d’accord entre elles, & qu’on n’a jamais pu réunir ? Tous ces divers partis d’Ariens, ou comme Ariens, &c. Pelis.

Arien, enne. Arianus est aussi adjectif. Le parti Arien, une secte, une doctrine, une proposition Arienne. On a accusé les Auteurs de la version de Mons, d’avoir traduit le premier verset de l’Evangile de S. Jean d’une manière Arienne, en mettant, Et le verbe étoit avec Dieu, au lieu de dire, Et le l’herbe étoit en Dieu. Le concile de Rimini en pleine liberté de suffrages, rejette la nouvelle formule, & ne compte de toutes les sectes Ariennes mal réunies ensemble, qu’environ 50 Evêques sur 300. Péliss.

Plusieurs écrivent ce nom par deux rr, comme M. Pélisson entre autres ; ils se trompent. On n’a qu’à voir le concile de Nicée, saint Athanase, saint Grégoire de Nazianze, Photius, Socrate, Théodoret & les autres Grecs qui ont parlé d’Arius & des Ariens ; tous écrivent Ἀρεῖος, Ἀριανὸς. Il est vrai que quelques traducteurs des Auteurs Grecs écrivent en latin Arrius & Arrianus ; mais il est clair que c’est une faute, L’étymologie de ce nom demande qu’on l’écrive avec un seul r : car Arius vient d’Ἀρεῖος, & Ἀρεῖος, d’Ἄρης, qui assûrement l’un & l’autre ne sont jamais écrits par deux ρρ & nous sommes bien sûrs qu’on n’en apportera jamais d’autre étymologie, qui soit vraie : Et si quelques anciens Peres ou Auteurs latins ont écrit Arrius & Arrianus, il y a bien de l’apparence que c’est une faute de copiste ; si-non, ils se sont trompés. L’Auteur grec qui a écrit l’Histoire d’Alexandre, s’appelle Arrien sans doute : mais c’est Ἀῤῥίανὸς, & non pas Ἀρίανὸς. Ἀρίανὸς & Ἀῤῥίανὸς sont deux mots fort différens.

Arien, Arianus, ou Arienus, nom de peuple qui habitoit en Asie, selon Denys le Géographe. Ceux que Tacite appelle Arii, étoient de la Germanie ou Allemagne.

ARIÈS. s. m. Terme d’Astronomie, en françois le Bélier. C’est le premier des douze signes du Zodiaque, qui se marque ainsi ♈ & consiste en 9 étoiles disposées en rond. Ce mot, quoique Latin, se dit quelquefois en françois, mais plus en Astrologie qu’en Astronomie. Le soleil entrant en Ariès. Venus étant dans une des maisons d’Ariès.

Ariès, terme de Philosophie hermétique, signifie la même chose qu’à l’article précédent. Ventre ou maison d’Ariès, est un des termes mystérieux de l’art.

☞ ARIETTE. s. m. Terme de Musique. Un petit air. Musica cantiunculæ propria. C’est un diminutif venu de l’Italien. Aria. Le sens de ce mot est changé en France ; on entend aujourd’hui par-là un grand morceau de Musique d’un mouvement pour l’ordinaire assez gai & marqué, qui se chante avec des accompagnemens de symphonie : les ariettes sont communement en rondeau. M. Rousseau de Genève.

ARIGE. s. m. Nom d’homme. Arigius. S. Arige, ou Arey, Evêque de Gap, en Dauphiné. Baill. Il y a aussi un S. Arige, Evêque de Lyon ; mais que nous n’appelons point Arey.

ARIGNANO. Autrefois ville, maintenant village de Toscane. Arinianum. Il est dans le Florentin, sur l’Arno, entre Florence & Arezzo.

ARIGOT. s. m. On dit maintenant par corruption, Larigot. C’est une espèce de fifre. Il est mis au nombre des instrumens servant à la marche guerrière, qui sont les buccines, trompettes, litues, clairons, cors & cornets, fifres, arigots, tambours, attables, nacaires, tymbales, &c. Voyez Larigot.

ARILLE. s. m. Nom d’homme. Agricola. S. Arille, Evêque de Nevers, souscrivit aux deux premiers conciles de Mâcon & au troisième de Lyon. Chast. 26 Févr. Du latin Agricola s’est fait Agricole, puis Agricle, Aricle, & mouillant le c & l’l, Arille.

ARIMA. Nom d’une ville & d’un royaume du Japon. Arima. Elle est dans l’île de Ximo, ou Saycack, sur un petit golfe de la côte méridionale.

Le détroit d’Arima, est un détroit de la mer orientale, entre la petite île de Nangayuma, & celle de Ximo. La ville d’Arima, qui en est proche, lui donne son nom. Fretum Arimenje. On l’appelle aussi détroit de Ximabara, du nom d’une ville du royaume d’Arima.

☞ ARIMANES. L’un des trois Souverains, à qui quelques Philosophes Payens avoient donné le gouvernement du monde. Ils les nommoient Oromaze, Mithra & Arimanes ; c’est-à-dire, Dieu, esprit & ame. Ils attribuoient à Dieu l’unité des parties & du tout ; à l’esprit, l’ordre des parties unies par la vertu de Dieu ; & à l’ame, le mouvement de ce qui est en bon ordre, par la vertu des puissances supérieures.

Arimanes, étoit l’une des divinités adorées par les Perses, selon la Théologie de Zoroastre. Il étoit, selon eux, le principe du mal, comme Oromaze étoit le principe du bien. Erreur dont celle des Manichéens sur les deux principes, semble avoir pris son origine. Bayle. Dict. Crit.

ARIMATHIE. Arimathæa, Arimathia. C’étoit une ville de Judée ; mais on ne convient pas de sa situation. Quelques Auteurs, qui croient que c’est la même que Rhamatha ou Ramarhaïm Sophim, patrie de Samuel, disent qu’elle étoit de la tribu de Benjamin, aux confins de celle de Dan, entre Jérusalem & Japha, & que c’est celle qui s’appelle aujourd’hui Rama, Reméle ou Ramole. D’autres, sans changer cette situation, la donnent à la tribu de Juda ; & S. Luc, XXIII, 51, dit, que c’est une Ville de la Judée ; mais il faut savoir qu’au temps de Jésus-Christ, & depuis le retour de la captivité, les tribus ne furent plus distinguées, & que tout ce qui ne fut pas compris sous le nom de Galilée, s’appela Judée. Sur le soir il vint un homme riche, nommé Joseph, qui étoit de la ville d’Arimathie, & disciple lui-même de Jésus. Joseph d’Arimathie, noble Décurion, lequel attendoit aussi le royaume de Dieu, vint trouver hardiment Pilate, & lui demander le corps de Jésus. Simon. Il étoit d’Arimathie, qui est une ville de Judée. Port-R. Joseph d’Arimathie, disciple de Jésus, mais disciple caché, parce qu’il appréhendoit les Juifs. Bouh. Après ces exemples, & un usage constant, dont personne ne peut douter, je ne sais pourquoi quelques Dictionnaires disent Arimathée, si ce n’est qu’ils aient préféré l’autorité de la Bible de Genève, de celle de Louvain & de Chateillon, à celle de tous nos meilleurs traducteurs nouveaux. Je ne lâche parmi ceux-ci que Royaumont qui ait dit Arimathée ; & parmi les Anciens même, Le Fèvre d’Etaples dans la Bible d’Anvers, Olivétan & Calvin dans celle de Neufchastel, ont traduit Arimathie.

ARIMOA. Île de l’Océan oriental. Arimoa. Elle est près de la côte septentrionale de la terre des Papous. L’île d’Arimoa est entourée de plusieurs autres petites îles, qu’on nomme en général les îles d’Arimoa.

ARINCE, ou ARINQUE. Voyez Riquet.

ARINDRADO. s. m. Arbre de l’île de Madagascar. Son bois pourri jette une odeur agréable.

☞ ARINGIAN. Ville d’Asie, dans la Transoxane, dans le pays nommé Sogdiane par les Anciens.

☞ ARINTO, ou ARINTOZ. Petite ville de France, en Franche Comté, aux confins de la Bresse.

ARION. s. m. Cheval fort renommé dans la Mythologie. Neptune, disent quelques-uns, le fit éclore d’un coup de trident, d’autres disent que Neptune l’eut de Cérès, s’étant transformé lui-même en cheval, pour jouir de cette Déesse métamorphosée en jument. Le cheval Arion traîna pendant quelque temps le char de Neptune sur les eaux. Depuis il servit de monture à Hercule, qui le donna à Adraste.

ARJONA. Bourg ou petite ville d’Espagne. Alba Vergao, Alba Vergaonensis, Arjona. Elle se trouve dans l’Andalousie, sur la petite rivière de Frio, entre Jaën & Anduxar.

☞ ARIPO. Nom d’un fort d’Asie, dans l’île de Ceylan. Aripa. Il est sur la côte occidentale de l’île, un peu plus au midi que la petite île de Manaar. Il appartient aux Hollandois.

ARISARUM. s. m. Plante dont il y a plusieurs espèces. Celle qui a les feuilles larges, les a semblables à celles du lierre, au nombre de trois ou quatre, assez épaisses, molles, vertes, d’un goût acre, attachées à une longue queue, du côté de laquelle elles ont deux angles, comme celles d’arum, mais plus obtus. Il sort d’entre ces feuilles un pédicule long de deux ou trois doigts, marqueté de taches rouges, au bout duquel est la fleur, qui est un peu longue, & faite en manière de capuchon de moine. Cette fleur est blanche, & a une odeur de chien. Sa racine est grosse & ronde, noire par dehors, & blanche par dedans. Quelquefois elle est tubéreuse & oblongue, douce au commencement, puis après âcre, non toutefois autant que la racine d’arum. Il y a quelques autres espèces d’Arisarum.

L’Auteur du Dictionnaire Economique écrit Arisaron. Il dit que cette plante vient dans le Portugal & dans l’Andalousie, sur les collines, dans des lieux pierreux, & le long des haies en Janvier & Février ; qu’elle arrête les ulcères corrosifs ; qu’on en fait des collyres excellens pour les fistules des yeux.

ARISER. v. a. Terme de Marine. Deprimere, dimittere. Ariser les vergues, c’est les abaisser pour les attacher sur le bord du navire.

☞ ARISH. s. m. Longue mesure de Perse, qui contient 3197 pieds d’Angleterre. Encyc.

ARISTA. s. m. Nom qu’on donne à une étoile fixe, qu’on appelle plus communément épi de la Vierge. Voyez Epi.

ARISTARQUE. Aristarchus. s. m. Ce mot qui est composé du Grec Ἄριστος & Ἀρχὸς, signifie bon Prince ; mais dans l’usage ordinaire il se prend parmi les Savans pour un Critique sévère ; parce qu’il y a eu un Grammairien de ce nom qui a fait la révision des poësies d’Homère avec tant de sévérité, que l’on a depuis nommé Aristarque, tout Critique outré auprès de qui les meilleurs ouvrages trouvent à peine grâce. C’est un vrai Aristarque. L’Aristarque sacré, Aristarchus sacer, est le titre que Daniel Heinsius a donné à ses notes sur le nouveau Testament.

Ailleurs plus libéral, ce moderne Aristarque
Va prodiguer l’encens qu’il épargne au Monarque.

Ce nom est aussi pris en bonne part, pour un ami fidèle qui nous dit librement son avis sur nos ouvrages, sans vouloir flatter notre amour-propre toujours aveugle. M. Rollin.

☞ Ce mot tout seul ne se prend point en mauvaise part, comme celui de Zoïle.

Aristarque. Les Astronomes ont donné ce nom à une des taches de la lune, qui est la troisième, suivant le catalogue du P. Riccioli. Ce nom vient du célèbre Aristarque, Philosophe grec, qui soutint le premier que la terre tourne autour du soleil.

ARISTÉE. s. m. Terme de Mythologie. Demi-Dieu, fils d’Apollon & de la Nymphe Cyrène. Aristas. Il étoit honoré à Syracuse dans le temple de Bacchus. Sa figure étoit celle d’un jeune berger. Il avoit enseigné aux hommes l’usage du lait, du miel & de l’huile. Pindare, Pythion. 14. ARISTÈRE. s. m. & f. Nom de Sectaire. Aristerus, a. C’est le nom que se donnoient les Novatiens sectateurs de Sabbathius. Le concile de Constantinople règle la manière de recevoir les hérétiques qui reviennent à l’Eglise. Les Ariens, dit-il, les Macédoniens, les Novatiens qui se nomment eux-mêmes Cathares, ou Aristères, &c. seront reçus en donnant un acte d’abjuration, & renonçant à toute hérésie. Fleury.

Les Novatiens furent ainsi nommés, à cause qu’ils ne recevoient rien de la main gauche, qu’ils avoient en horreur, ἀριστερὸς, sinister, lævus ; ἀριστερὰ, la main gauche. Voyez Suicerus.

ARISTOCRATIE. s. f. Espèce de gouvernement politique qui est entre les mains des principaux de l’État, soit à cause de leur noblesse, soit à cause de leur capacité & de leur probité. Aristocratia. Ainsi par quelque endroit qu’on les considère, ils passent toujours pour les plus excellens de la République. Les anciens Auteurs qui ont écrit de la politique, préfèrent l’Aristocratie à tout autre gouvernement. La République de Venise est une Aristocratie.

☞ L’Oligarchie où l’administration est confiée à un petit nombre de personnes, & comme concentrée dans une ou deux qui dominent sur les autres, est une espèce d’Aristocratie viciée.

ARISTOCRATIQUE. adj. Qui appartient à l’Aristocratie. Aristocraticus. Les Hollandois s’imaginent vivre sous un gouvernement Aristocratique. État Aristocratique. Lois Aristocratiques.

ARISTOCRATIQUEMENT. adv. Aristocraticè. D’une manière Aristocratique. Ablanc,

Ces mots viennent d’ἄριστος, optimus, & de ϰρατέω, impero, je commande.

ARISTO-DÉMOCRATIE. Est un gouvernement où la noblesse & le peuple ont conjointement l’autorité, comme dans la province de Hollande. Aristo-democratia.

ARISTO-DÉMOCRATIQUE. adj. m. & f. Qui appartient à l’Aristo-Démocratie, qui a la forme de l’Aristo-démocratie. Aristo democraticus. Après que les Romains eurent donné à leur État la forme de République Aristo-démocratique, les troubles civils, & les guerres étrangères qui sont inséparables de ces grandes révolutions, attirèrent bientôt la disette chez eux. De la Mare.

Ces mots sont composés d’ἄριστος, optimus, δῆμος, populus, & ϰρατέω, impero.

ARISTOLOCHE. s. f. On disoit autrefois Aristolochie. Aristolochia. Plante qui a pris son nom ou d’Aristolochus qui l’employa le premier, comme le rapporte Cicéron, ou de ses propriétés. On lui a donné ce nom d’ἄριστος, très-bon, & λοχέια, enfantement, accouchement ; parce que c’est un bon remède pour procurer les vidanges aux femmes nouvellement accouchées. Il y a quatre espèces d’Aristoloche employées en Médecine ; savoir, la ronde, la longue, la rampante & la menue. L’Aristoloche ronde, Aristolochia rotunda, est ainsi dite à cause de ses racines qui sont en truffes de différentes grosseurs, jaunes en dedans, & de couleur de buis, d’un goût acre très-amer, & d’une odeur de drogue. De ces racines partent plusieurs tiges, ou sarmens menus, carrés, foibles, longs d’un pied ou deux, & rarement branchus, garnis de feuilles alternes, taillées en forme de cœur, d’un pouce de largeur, sur un & demi environ de longueur, molles, vertes, pâles, chargées de quelques veines qui parcourent presque toute leur surface, & soutenues par une queue fort courte, qui le plus souvent ne passe pas deux lignes. Des aisselles de chaque feuille naissent une ou deux fleurs qui sont portées sur des pédicules longs environ de demi-pouce ; ce sont des tuyaux d’un jaune verdâtre en dehors, plus jaunes en dedans, terminés par une languette d’un rouge brun. Le calice qui supportoit la fleur devient un huit rond, divisé en six loges, dans lesquelles sont contenues plusieurs semences plates, larges, noirâtres, posées les unes sur les autres. L’Aristoloche ronde est commune en Languedoc, en Espagne & en Italie. Sa racine est sur-tout d’usage pour faciliter les accouchemens, pour provoquer les mois & la sortie de l’arrière-faix, & on s’en sert extérieurement dans les teintures vulnéraires, & dans les eaux composées contre la gangrène.

L’Aristoloche longue, Aristolochia longa, diffère de la ronde, 1°. Par ses racines qui sont longues quelquefois d’un pied, & épaisses d’un pouce & demi : 2°. Par les tiges le plus souvent branchues : 3°. Par ses feuilles qui sont soutenues par des pédicules longs environ de demi pouce, & 4°. Par ses fruits moins ronds. L’Aristoloche longue croît en Languedoc. On emploie sa racine dans des opiats & dans des teintures pour les asthmatiques, pour provoquer les mois, en décoction dans des lavemens pour faciliter les vidanges, & la sortie de l’arrière-faix.

L’Aristoloche rampante, appelée improprement Aristoloche clématite, Aristolochia clematites, se fait aisément distinguer, 1°. Par ses racines, qui tracent & se plongent quelquefois fort avant en terre, ensorte qu’un seul pied est capable d’occuper un espace de terrain considérable. Elles sont menues comme des plumes à écrire, quelquefois plus grosses, jaunâtres, d’une odeur forte, & d’un goût très-amer. 2°. Par ses tiges qui sont rondes & droites, couchées, & longues de deux pieds environ. 3°. Par ses feuilles deux ou trois fois plus grandes que celles de l’Aristoloche ronde, quelquefois fort amples, toujours plus pâles & d’un vert tirant sur le jaune pâle. 4°. Par ses fleurs, qui sont plusieurs en nombre dans l’aisselle de chaque feuille, & qui sont d’un jaune pâle. 5°. Par ses fruits beaucoup plus gros que dans les autres espèces. Cette Aristoloche est très-commune dans les vignes : elle y est même nuisible, parce qu’elle donne au raisin & au vin un goût désagréable. On la nomme en Languedoc Poterne ; dans le Lyonnois Rattelon. Sa racine est substituée dans quelques dispensaires à celle de l’Aristoloche menue, qu’on a nommée la Pistolochie, Aristolochia Pistolochia dicta, Aristolochia Polyrrhisos, & que nous nommons Aristoloche menue, à cause que ses racines sont des paquets de plusieurs petites fibres d’une ligne d’épaisseur, longues d’un demi-pied, jaunâtres en dedans, d’un goût & d’une odeur tout-à-fait approchante de l’Aristoloche longue. Ses tiges sont beaucoup plus menues que celles des précédentes espèces : elles n’ont guère qu’une demi-ligne, & sont longues de cinq pouces environ, branchues quelquefois, & garnies de feuilles presque moitié plus petites que celles de l’Aristoloche longue, d’un vert plus brun, & un peu ondées dans leur contour. Ses fleurs ressemblent à celles de l’Aristoloche longue, mais elles sont petites à proportion, le fruit de même. Cette dernière espèce se trouve en Languedoc, en Provence, & dans le haut Dauphiné. On demande ses racines dans la composition de la thériaque, & souvent on y met des racines de mélissa, qui leur ressemblent à l’extérieur, mais qui n’en ont pas le goût, & qui se vendent pour telles. L’Aristoloche s’appeloit autrefois la Sarrasine,