Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/661-670

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Fascicules du tome 1
pages 651 à 660

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 661 à 670

pages 671 à 680


mortifient leur esprit & leur sens, qui se privent des plaisirs & des commodités de sa vie : ce religieux est fort austère, & mene une vie austère.

Austère, dans l’usage ordinaire, se prend encore pour rude, sévere. Un Juge austère. Visage austère. Les mœurs austères de Caton. Il y a des gens d’une probité si austère, qu’elle est plus propre à dégoûter de la vertu, qu’à la faire aimer. Il s’élevoit par une austère vertu au-dessus des craintes & des complaisances humaines. Flech.

Austère, sévère, rude, considérés dans une signification synonyme.

☞ La vie austère, dit M. l’Abbé Girard, consiste dans la privation des plaisirs & des commodités. On l’embrasse quelquefois par un goût de singularité, qu’on se représente comme un principe de religion.

☞ On est austère par la manière de vivre ; sévère par la manière de penser ; rude par la manière d’agir.

☞ La vie des anciens Anachorètes étoit austère ; la morale des Apôtres étoit sévère ; mais leur abord n’avoit rien de rude.

☞ Ce n’est pas pour soi qu’on est austère ; & l’on n’est rude que pour les autres  ; mais on peut être sévère pour soi & pour les autres.

Austère, se dit aussi d’un Peintre chez qui l’attention de ne se permettre aucune licence, dégénere en vice. Ses tableaux sont froids & arides. Encyc.

Austère, appliqué à la peinture même, à la manière, au coloris, désigne quelque chose de dur, sec & aride.

☞ Ce mot vient du grec αὐστηρὸς.

AUSTÉREMENT. adv. D’une manière austère. Austrè, severè, duriter. Les Religieuses de sainte Claire vivent fort austérement. Jeûner austérement.

☞ AUSTÉRITÉ. s. f. Ne se dit point dans le sens physique. On ne dit point l’austérité d’un fruit, quoiqu’on dise un fruit austère. Austérité signifie la rigueur qu’on exerce sur son corps, la privation des plaisirs & des commodités, la mortification de l’esprit & des sens. Austeritas, vitæ asperitas. On dit dans cette acception supporter l’austérité d’une règle. Faire, pratiquer, exercer de grandes austérités. Il y a beaucoup d’austérité dans cette maison religieuse.

l’Austérité, est dans la manière de vivre. C’est l’opposé de la mollesse. Il est rare de passer immédiatement de l’une à l’autre : une vie ordinaire & réglée tient le milieu entre elles. Les Saints se plaisent dans les exercices de l’austérité : elle étoit autrefois le partage des cloîtres, où le goût en paroit usé. Nous l’avons vue pratiquer à la rigueur, toute l’austérité des jeûnes & des abstinences. M. de S. Evremont dit que la frugalité des anciens Romains, n’étoit qu’une ignorance des plaisirs, & qu’on a cependant contacté cette austérité nécessaire, comme une vertu. Jugement injuste.

☞ Ce mot est souvent employé comme synonyme de sévérité. On dit en ce sens l’austérité de la vertu romaine. L’austérité des mœurs de Caton. Il y a naturellement trop d’austérité dans le style d’un homme d’une vertu trop rigide. Vall. Ce sont les lâches chrétiens qui gémissent sous l’austérité & sous le poids de l’évangile. Flech.

Je sens qu’en vous quittant, le malheureux Titus
Passe l’austérité de toutes les vertus. Racin.

Austérité, signifie encore la rigueur qu’on exerce envers les autres. L’austérité des Censeurs Romains tenoit tout le monde dans le devoir.

Le sexe aime à jouir d’un peu de liberté ;
On le retient fort mal avec l’austérité. Mol.

AUSTERLITS. Ville du royaume de Bohême ; on la nomme autrement Slaukow. Austerlitium, Slaukovia. Elle est dans la Moravie, entre Hradisse & Brin. Le cercle d’Austerlits est un cercle du même royaume, auquel la ville d’Austerlits donne son nom, parce qu’elle en est la capitale.

AUSTRAL, ALE. adj. Terme de Géographie & d’Astronomie. Australis, Austrinus. Méridional, qui est du côté du midi, du côté que souffle le vent, que les Latins appellent Auster. Le Cap de bonne Espérance est à trente cinq degrés de latitude australe. Le Capricorne est dans la partie australe du ciel. Les terres australes furent découvertes en 1628, par une flotte de la Compagnie hollandoise des Indes orientales, commandée par Charpentier. C’est là qu’est la nouvelle Hollande, nommée d’abord Carpentaria, du nom de ce Commandant. Larrey. Tom. IV, p. 86. Le P. Noël, Jésuite, dans les Observationes Mathematicæ & Physicæ, cap. 4, donne un catalogue plus exact que ceux de Riccioli & d’Hervelius, de toutes les étoiles de l’hémisphère austral, avec leur déclinaison & leur grandeur, telles qu’elles se faisoient voir en 1687.

Ce mot vient d’auster, le vent du midi.

AUSTRASIE. Austrasia. Grand pays de la France orientale, qui a eu titre de Royaume. Quelques-uns dérivent ce mot d’un Gouverneur qu’y envoya, dit-on, Justinien, & qui se nommoit Austrasius ; d’autres d’un Roi nommé Austrase, Austrasus, qui régna dans ce pays. La véritable étymologie de ce nom est gauloise. Dans cette langue, comme en allemand, Ost, ou Est, signifie l’Orient : de là viennent les noms d’Ostreling, d’Ostsrise, d’Estsaxe, d’Estangle, d’Ostrogoths, & beaucoup d’autres. Nous disons encore Est, pour dire, l’Orient. Ce pays fut donc ainsi appelé, parce qu’il étoit la partie orientale de la France. Francia Orientalis. On l’appela aussi Royaume de Metz. Metense Regnum. L’Austrasie fut d’abord renfermée entre la Meuse, la Moselle & la rivière d’Ill, & comprenoit la Lorraine, une partie de l’Alsace & le Palatinat. On assure que quelquefois il a compris la Lorraine, la partie septentrionale de la Champagne & de l’Île de France, avec toutes les contrées qui sont entre ces pays & le Rhin ; & encore tous les pays que les François avoient conquis en Allemagne, la Suabe, la Bavière, la Franconie, la Thuringe, une grande partie de la Saxe & la Frise. Ensuite elle fut resserrée entre le Rhin, l’Escaut, la Meuse & les montagnes de Vauge, & on la divisa en deux parties, la supérieure & l’inférieure. L’Austrasie inférieure étoit la partie septentrionale de l’Austrasie. L’Austrasie supérieure étoit la partie méridionale de l’Austrasie, qu’on appeloit aussi Mosellanique, ou Toulingienne, c’est-à-dire, l’Austrasie de Toul & de la Moselle, & elle répondoit à peu-près à la Lorraine d’aujourd’hui, Hoffm. Mat.

La France commença après la mort de Clovis, ou un peu auparavant, à être divisée en deux parties. L’une qui comprenoit tout ce qui étoit en-deçà du Rhin, s’appela Austrie, ou partie Orientale, & puis Austrasie. L’autre partie, qui s’étendoit jusqu’à la Loire, s’appela Neustrie, ou partie Occidentale. Cordem. La division du Royaume François entre les fils de Clovis fut l’occasion des nouveaux noms qu’on lui imposa. On nomma Austrie, ou Austrasie, cette partie des Gaules Françoises qui est située vers l’Orient, entre le Rhin & la Meuse. Ce nom venoit du mot Ost, quoique corrompu par les François dans l’écriture, qui signifioit Oriental. P. Dan. Depuis les enfans de Clovis, plusieurs Princes de la première & de la seconde race de nos Rois posséderent l’Austrasie avec titre de Royauté. Thierri, fils de Clovis, né d’une concubine, fut le premier Roi d’Austrasie en 511. Au VIe siècle, le Royaume d’Austrasie comprenoit une grande partie de l’Aquitaine, ou même toute l’Aquitaine, selon la remarque de Bollandus sur les actes de S. Sigebert, premier jour de Févr. n. 28, & du P. Papebroch sur S. Médard, Juin, T. II, p. 72, C.

AUSTRASIEN, ENNE. s. m. & f. & adj. Qui est de l’Austrasie, ou qui appartient à l’Austrasie. La répugnance des Austrasiens à diviser les terres de l’ancien Royaume d’Austrasie sous Clotaire II, marque bien qu’encore qu’ils n’eussent qu’une même origine, & souvent qu’un même Roi avec les Neustriens, ils se regardoient néanmoins comme un peuple différent d’eux. Ce qui les entretenoit le plus dans cette pensée, étoit que dans le temps même qu’il n’y avoit qu’un Roi dans toute la France, il y avoit un Maire du Palais en Austrasie, différent de celui de Neustrie, & ce Maire eût cru mal faire la charge, s’il avoit souffert le démembrement de la moindre partie du Royaume dont il étoit Maire. Cord. La résolution que Dagobert prit 629, de faire son séjour ordinaire en Neustrie, augmenta la jalousie que les Austrasiens avoient déjà contre les Neustriens. Id. Dagobert oubliant qu’il venoit d’épouser Nantilde, se donna tout entier à l’amour d’une jeune Austrasienne, qu’on appeloit Regnatrude. Id.

AUSTRÉGÉSILE. Voyez Outrillet. En 624, S. Sulpice Sévère, qui étoit de Bourges, succéda à S. Austrégésile dans le siége de Bourges. Fleur.

AUSTRÉGUES. s. m. pl. Arbitres, Juges, en Allemagne, ☞ devant lesquels les Electeurs, Princes, Comtes, Prélats & la Noblesse immédiate, ont droit de porter certaines causes pour être jugées en première instance. Tous les Membres de l’Empire n’ont pas indifféremment le droit d’Austrégues. C’est à-peu-près ce que nous appelons en France Droit de Committimus. Arbiter, Judex, Austraga. Si les Etats même ont des différens entr’eux, la plûpart vont en première instance devant les Arbitres nommés Austrégues, dont les uns sont établis par un consentement particulier des Etats, & les autres par la disposition des Lois. Il est difficile d’en apporter l’origine. La plus vraisemblable est, qu’ils ont commencé du temps de Frédéric II, & je ne puis être du sentiment de ceux qui en attribuent l’établissement à Maximilien I, quoiqu’il soit vrai qu’il leur a donné une nouvelle forme que l’on trouve dans l’Ordonnance de l’établissement de la Chambre, donnée à Vormes l’année 1495 , dans laquelle on voit diverses manières de prendre des arbitres, dont il n’y en a que deux qui soient en usage. L’une, quand l’accusé nomme trois Princes aux Etats de l’Empire, desquels l’accusateur choisit un ami ; & l’autre, quand on obtient de l’Empereur un ou plusieurs Commissaires : mais il y a des affaires qui ne peuvent être jugées devant les arbitres, ou Austrégues, & qui doivent aller directement à la Chambre de Spire, ou au Conseil Aulique. Ce qu’il y a de fâcheux en ces jugemens des Austrégues, c’est que l’on peut encore en appeler à la Chambre & au Conseil Aulique, & qu’ainsi peu d’affaires s’y terminent. D’ailleurs, les dépenses y sont grandes, il faut donner des présens, & faire de grands festins aux Commissaires des Princes Arbitres, outre que leur puissance ne dure que six mois, ou au plus un an, qui n’est pas un temps suffisant pour vider une grande affaire en Allemagne. Monsanbano, traduit par D. C.

Il semble que la juridiction des Austrégues s’appelle aussi Austrégue, car Georges Schubhard, dans son Traité méthodique des Austrégues, les définit ainsi, Austragæ sunt judicia in quibus certorum ordinum Imperii res controversæ, in primà instantiâ, juxtâ modum in ordinationibus Imperii præscriptum, ad utilitatem eorum diventilantur, examinantur & decidantur.

AUSTREMOINE. s. m. Nom d’homme. Stremonius, ou Strymonius. Saint Austremoine, Evêque d’Auvergne, est l’un des sept illustres Missionnaires Apostoliques qui furent envoyés dans les Gaules par les Evêques de Rome vers le milieu du IIIe siècle de l’Eglise. Baill.

AUSTRIE. Voyez Austrasie.

AUT.

AUTAN. s. m. Vent qui souffle du côté du midi. Altanus. Selon quelques-uns, c’est le vent du sud-est, & selon quelques autres, de sud-ouest. Il est d’ordinaire orageux, & les Poëtes l’emploient en parlant des tempêtes. Ce mot n’est guère d’usage en prose.

Non loin du fier Egée, où l’on voit en tout temps,
Contre les Aquilons combattre les Autans. Ménag.

On l’appelle Garbin sur la Méditerranée.

AUTANT. adv. relatif, qui sert à marquer égalité dans le nombre. Tot, quot. Ou demande quelquefois, s’il y a autant d’hommes que de femmes. Il envoya Parmenion avec deux mille étrangers, & autant de Macédoniens. Vaug. J’ai été autant de fois chez vous, que vous chez moi. Toties, quoties.

Autant, marque aussi l’égalité de prix. Tantùm, quantùm. Ma maison coûte autant que la votre.

Autant, sert encore à marquer l’égalite en toute autre chose. Tantùm, quantùm. Il faut dans cette composition autant de l’un que de l’autre. Autant qu’est vaste l’étendue qui est entre le ciel & la terre, autant est grande & infinie la miséricorde de Dieu sur ceux qui le craignent. Port-R.

☞ Quelques Auteurs ont écrit, autant comme : c’est une faute assez ordinaire aux auteurs du siècle dernier qui ont précédé Racine, Boileau, &c. Il faut autant que.

Autant, se dit quelquefois sans relation, d’une quantité incertaine. Tantùm, quantum, tàm, quàm. Cette femme a autant de beauté, de vertu, d’esprit, qu’on en puisse avoir ; c’est-à-dire, qu’elle est belle, vertueuse, & spirituelle au dernier point.

Autant, signifie encore, suffisamment, selon son pouvoir, extrêmement. Ce mulet est assez chargé, il en a autant qu’il en peut porter. On dit aussi d’un homme ivre, qu’il a bû autant, qu’il en a autant qu’il lui en faut ; tout ce qu’il peut porter de vin. Je l’ai nourri, protégé, assisté autant que j’ai pu, selon mes forces. Autant que je puis conjecturer, cette affaire réussira.

Autant, se dit quelquefois d’une certaine partie des choses. Tantùm. Cela est fait, ou autant vaut. C’est autant de fait, d’épargné ; autant de rabattu, autant de temps gagné. On dit absolument, c’est toujours autant.

Autant. A la charge d’autant. Manière de parler en usage. Je vous donne mon amitié à la charge d’autant, à condition que vous me donnerez aussi la vôtre.

Autant. s. m. Copie, duplicata, expédition pareille. Le Procureur-Général m’a répondu & signé que c’étoit en vertu des ordres de Votre Majesté, qu’il nous avoit fait faire notre procès, & que sans ces mêmes ordres il ne pouvoir me délivrer un autant de ces ordres. Sanzay, Placet au Roi. Cela n’est bon qu’en matière de Pratique & au Palais, où l’on dit, donner, fournir un autant d’un acte.

Autant comme autant. Expression populaire, qui signifie une grande quantité. Il en meurt autant comme autant.

Autant bien, autant mal que. Il est autant bien à la Cour qu’on y puisse être. Façon de parler surannée. Il faut dire, aussi bien, aussi mal.

D’autant. adv. employé absolument dans cette phrase du discours familier. Boire d’autant, c’est-à-dire, beaucoup.

D’autant plus, d’autant mieux, d’autant moins. Adverbes de comparaison. Je l’aime d’autant plus, &c. Il agissoit avec d’autant plus de chaleur, que, &c. J’en suis sur, d’autant mieux que j’en suis témoin oculaire. Voyez Plus et moins.

D’autant que. Conjonction d’usage, en style de Palais & de Chancellerie ; pour dire, parce que. Vous devez prendre les intérêts, d’autant que vous êtes son tuteur.

Autant, se dit proverbialement en ces phrases ailleurs expliquées. Autant dépense chiche que large. Autant vaut être mordu d’un chien que d’une chienne. Autant en emporte le vent. Autant de frais que de salé. Autant bien battu que mal battu. Il lui en pend autant sur la tête. Autant vaut traîner rue porter. Il consommeroit autant de biens qu’un Evêque en pourroit bénir. J’en fais autant de cas, que de la boue de mes souliers. Autant qu’il en pourroit tenir dans mon œil. Autant de têtes, autant d’opinions. Autant en dit le renard des mûres, &c.

AUTEL. s. m. Lieu élevé pour sacrifier à une Divinité. Ara. C’étoit chez les Païens une espèce de piédestal, ou carré, ou rond, ou triangulaire, orné de sculptures, de bas-reliefs & d’inscriptions, sur lequel on brûloit les victimes qu’on sacrifioit aux idoles. Les Païens ont distingué deux sortes d’autels pour les sacrifices. Celui sur lequel on offroit des sacrifices aux Dieux, s’appeloit en grec βωμὸς, & étoit un véritable autel, différent de celui sur lequel on offroit des sacrifices aux Héros, qui étoit plus petit, & qu’on nommoit en grec ἐσχάρα. Pollux fait cette distinction d’autel dans son Onomasticon, l. 1, ch. 1, n. 5. Il ajoute néanmoins que quelques Poëtes se sont servis du mot ἐσχάρα, pour marquer l’autel sur lequel on sacrifioit aux Dieux. La version des Septante se sert quelquefois de ce mot ἐσχάρα pour signifier une forme de petit autel, qu’on peut exprimer en latin par craticula : ce petit autel appelé ἐσχάρα, n’avoit aucune hauteur, & c’étoit plutôt un foyer qu’un autel, comme Ammonius le remarque dans Harpocration sur le mot ἐσχάρα. Les Romains avoient aussi différens autels. Les autels destinés à l’honneur des Dieux célestes & supérieurs, étoient exhaussés & posés sur quelque édifice relevé ; & c’est pourquoi on les appeloit altaria, du mot alta ara, qui signifie autel haut & élevé. Ceux qui étoient pour les Dieux terrestres, étoient posés sur la superficie de la terre, & se nommoient aræ. Pour les Dieux infernaux on faisoit un trou en terre, où l’on égorgeoit les victimes ; & ce trou s’appeloit Scrobiculus. Voyez Horace, Lib. I, Sat. VIII, v. 25. ☞ Je ne sais si cette distinction de Servius est bien fondée. Au moins voyons nous qu’on y a pas toujours eu égard ; & nos meilleurs auteurs ont fait du mot ara un terme générique, sous lequel ils comprennent également les autels des Dieux célestes, terrestres & infernaux. Il y avoit à Athènes un autel de la miséricorde, où tous les malheureux avoient leur refuge. Peut-on s’imaginer que les Dieux se repaissent de l’encens qu’on fait fumer sur les autels, & qu’ils s’apaisent, ou s’irritent, selon le nombre des victimes qu’on leur immole ? S. Evr. Périclès, sollicité de faire un faux serment en faveur de l’un de ses amis, répondit : nous sommes amis, mais jusqu’aux autels. Ablanc.

Sur les médailles des Colonies on voit souvent au revers un autel, & dessus un étendard élevé ; & c’est la marque d’une Colonie, parce que la première chose que l’on faisoit, quand on établissoit une Colonie en quelque lieu, c’étoit d’y élever un autel, & d’y faire des sacrifices. Dans une médaille singulière de Sarragosse frappée pour Auguste son fondateur, il y a même trois autels, un plus grand, & deux plus petits aux côtés. Sur le grand, qui est au milieu, un étendard ; & sur les deux autres des boucliers élevés, ou pendus à des bâtons comme l’étendard. Voyez Vaill. Colon. T. I, p. 29.

Optat, dans la belle Histoire qu’il a composée du schisme des Donatistes, rapporte que sous Julien l’Apostat, ils rompirent les autels des Eglises, dont ils s’emparerent, ou qu’ils les laverent ou les raclerent : les autels, dit Optat, où eux-mêmes avoient autrefois offert, où les vœux du peuple, où les membres de Jésus-Christ ont été portés, où le Dieu Tout-puissant étoit invoqué ; autels enfin qui ne sont autre chose que le siége du corps & du sang de Jésus-Christ, & où durant certains momens l’un & l’autre avoient habité ; preuves très-puissantes, aussi-bien qu’irréprochables, qu’en ce siècle il y avoit des autels & un sacrifice, où l’Eglise croyoit que le corps & le sang de Jésus-Christ étoient, non pas en figure, mais en vérité, & comme l’Eglise le croit aujourd’hui. God.

Je sais qu’en ce moment pour ce nœud solennel,
La victime, Seigneur, nous attend à l’autel.

Racin.

Les Muses révérées
Furent d’un juste encens en tous lieux honorées ;
A leur gloire en cent lieux on dressa des autels.

Boil.

Ce mot autel vient d’altare, dans lequel l’usage a changé à l’ordinaire al en au, & l’r en l, pour adoucir la prononciation. Le P. Pezron va plus loin à son ordinaire. Autel vient de l’allemand Autaer, & Autaer est pris du Celtique Auter. Ou bien ara, autel, vient du Celtique ar, qui veut dire de la terre. De-là on a formé altar, ou altare, autel, parce que les premiers autels ont été faits d’une terre un peu haute & élevée. En effet, le mot auter chez les Celtes, comme altar chez les anciens Latins, ne signifie rien autre chose que terre élevée pour servir d’autel. Quand tout le reste seroit vrai, il resteroit toujours à prouver que les Celtes ont dit alt, pour signifier haut. Voyez ce mot.

Autel, s’est dit autrefois chez les Juifs, de ces tables qu’ils dressoient à la campagne pour sacrifier à Dieu. En cet endroit il édifia un autel au Seigneur.

Autel, se dit proprement dans le Christianisme, d’une table carrée consacrée à Dieu, élevée & ornée, pour célébrer la Messe. Dans la primitive Eglise les autels étoient sans parure & sans pompe. Ils n’étoient que de bois, parce que la crainte des Gentils & les persécutions obligeoient de les transporter souvent d’un lieu en un autre, & de changer les lieux des assemblées & des sacrifices, & qu’on ne pouvoit en ce temps-là bâtir des temples & des autels ; mais quand la conversion de Constantin eut donné la paix à l’Eglise, on fit des temples & des autels. Les Chrétiens n’ont point donné à leurs autels la forme qu’ils avoient chez les Païens, ni même chez les Juifs dans le temple ; mais parce que Jésus-Christ institua la sainte Eucharistie au souper Paschal & sur une table, ils ont donné à leurs autels la forme d’une table. Le Concile de Paris, tenu en 509, ordonne que l’on ne consacrera point d’autel qui ne soit de pierre. Saint Grégoire de Nysse, qui vivoit au IVe siècle, parle d’autels de pierre dans un discours qu’il a fait sur le Baptême de Notre-Seigneur. Il n’y eut d’abord qu’un autel dans chaque Eglise ; mais bientôt après il y en eut plusieurs, comme on le voit souvent dans S. Grégoire le Grand, qui vivoit au VIe siècle : dans sa 50e Lettre du Xe Livre, il en compte jusqu’à treize dans une seule Eglise. Les Peres d’Achery & Mabillon ont aussi prouvé dans les Acta Sanct. de leur Ordre, Shc. III, p. I, præf. 57 & suiv. que la pluralité des autels dans une même Eglise, a commencé avant le Xe siècle.

On ne peut dresser un autel dans une maison particulière, si l’Evêque ne l’a béni, ou fait bénir. Il paroit par Socrate, Liv. I, ch. 36, de l’Hist. Eccl. & par d’autres encore, que dans les premiers siècles les autels étoient élevés, & qu’ils n’étoient point massifs, mais creux, ensorte que l’on se mettoit dessous pour prier.

Le Patriarche Taraise, quoiqu’accablé de vieillesse & de maladie, ne laissoit pas d’offrir encore le sacrifice, s’appuyant sur une table de bois que l’on mettoit devant l’autel ; ce qui montre qu’on n’eût osé s’appuyer sur l’autel même. Fleury. Comme les Martyrs étoient enterrés dans les cimetières ; ce fut là particulièrement que les Chrétiens bâtirent des Eglises, lorsque Constantin leur eut donné une entière liberté ; & en croit que c’est de cette coutume qu’est venue la régle qu’on observe aujourd’hui, de ne consacrer aucun autel, sans y mettre des reliques des Martyrs. L’Eglise en a fait une Loi dans le VIIe Concile Œcuménique : on y peut rapporter encore le Canon d’Afrique, qui défend de bâtir un autel sous le nom d’un Saint, à moins que ce ne soit le lieu de sa mort, ou qu’il n’y ait de ses reliques. Tillem.

On dit, Consacrer un autel. Il n’y a que l’Evêque qui consacre les autels. La consécration des autels est d’un usage très-ancien. Il en est parlé très-expressément dans un Décret qu’on attribue communément au Pape Evariste, qui gouvernoit l’Eglise au commencement du second siècle, & que Gratien donne au Pape Hygin, qui est du milieu du même siècle, & il n’en est point parlé comme d’une chose nouvelle.

Grand Autel, Maître Autel. C’est parmi nous le principal autel d’une Eglise. La Messe de Paroisse se dit au maître autel. C’est celui du Chœur. Stephelin, Auteur du onzième siècle, l’appelle barbarement, Altare capitaneum.

Autel portatif. Il y a des autels qu’on appelle portatifs. Ce sont des pierres consacrées, qu’on peut transporter où l’on veut. & selon le besoin. Altare mobile. On dit aussi barbarement, portatille. Il y y a des exemples d’autels portatifs avant le Xe siècle. Acta SS. Benedict. Sæc. III. Præf. p. 58. On les appelle aussi quelquefois Autel itinéraire, Altare itinerarium. Ainsi à la fin de la vie de S. Gerard, Abbé de Braine le-Comte, qui vivoit au Xe siècle, il est dit qu’en sortant de S. Denis, pour aller être Abbé de Braine, il emporta avec lui l’autel itinéraire, dont S. Denis. Apôtre de France, se servoit, dit-on, pendant qu’il vivoit.

Autel isolé, est un autel qui n’est adossé ni contre un mur, ni contre un pilier, & qui a un contre-retable, comme dans la plûpart des Eglises Catholiques. On appelle aussi. Autel isolé, un autel qui est placé sous un dais, ou Baldaquin.

Autel privilégié, est un autel auquel sont attachées quelques indulgences particulières. Ara prærogativa. Les Brefs d’autels privilégiés ne s’accordent que pour un jour la semaine, en faveur d’un autel d’une Eglise, en laquelle on dit sept Messes par jour ; ou pour deux jours, si on en dit quatorze ; ou pour trois jours, si on en dit vingt-une ; on n’en accorde point au-delà, & encore n’est-ce que pendant sept ans.

Autel de la Prothèse. Mensa Protheseos. C’est le mot que les Grecs donnent à un petit autel, sur lequel ils bénissent le pain avant que de le porter au grand autel, où l’on fait la liturgie. Le P. Goar néanmoins, dans ses notes sur l’Eucologe ou Rituel des Grecs, p. 16, croit qu’on doit plutôt donner le nom de table que d’autel, à ce que les Grecs appellent Prothesis, & que Genebrard a traduit par le mot latin altare. En effet, les Grecs ne célèbrent jamais la liturgie en un seul jour, que sur un autel, & celui de la Prothèse ne sert qu’à préparer le pain sur lequel le Prêtre fait plusieurs bénédictions. Le P. Goar prétend que cette table de la prothèse étoit autrefois dans la Sacristie, & il le prouve par quelques exemplaires grecs, où au lieu du mot de prothèse, on lit celui de Sacristie, ce qui a beaucoup de vraisemblance ; & en effet, on préparoit autrefois dans les Sacristies de nos Eglises, aussi-bien que dans celles des Grecs & des autres Orientaux, le pain qui étoit destiné au sacrifice. On faisoit cette préparation avec beaucoup de cérémonie. Voyez le mot de pain. Suicerus, dans son Trésor Ecclés. & du Cange, dans son Glossaire grec, sur le mot de Prothesis, ont parlé de ce petit autel ; ou table de la prothèse. Meursius, dans son Glossaire sur le mot άρτίς, pain, & M. Simon, dans ses notes sur les Opuscules de Gabriel de Philadelphie, en ont aussi fait mention, Voyez le mot Don.

Ce nom d’autel, ou table de la prothèse, est pris apparemment de l’Écriture ; car les Septante appellent la table des pains de la prothèse, ce que nous appelons en notre langue la table des pains de proposition. C’est la signification de prothèse, προθεσις. On y mettoit les pains que l’on offroit à Dieu, de même que les Grecs mettent sur celle-ci le pain qu’ils offrent pour être consacré.

Autel, s’est dit autrefois, & se trouve dans l’Histoire du onzième siècle, pour les oblations & le casuel d’une Eglise ; dans ces temps-là les Monastères étoient en possession de plusieurs Eglises, dont les revenus avoient été usurpés par les laïques, qui les leur avoient ensuite donnés, pour en décharger leur conscience. Le consentement de l’Évêque y étoit nécessaire. En le donnant, il obligeoit les Moines à mettre dans chaque Eglise un Clerc capable de la desservir, & à lui donner un entretien suffisant ; & quelquefois l’Évêque se faisoit payer un droit en lui donnant l’institution, & exigeoit des Moines le même droit à toutes les mutations de personnes. Ce droit se nommoit rachat, à l’imitation du rachat des fiefs aux mutations de Seigneur, & on le nommoit rachat d’autels, Redemptio altarium, parce qu’on distinguoit l’Eglise & l’autel. On appeloit Eglise, les dîmes, & les autres revenus fixes ; & autel, les oblations & le casuel. Fleury.

On appelle Pierre d’autel, une pierre sur laquelle on pose le calice & la Sainte Hostie pendant la Messe, & dont on ne se peut servir qu’après qu’elle a été bénite avec beaucoup de cérémonie. La table de l’autel est quelquefois soutenue d’une seule colonne, comme on le voit dans les chapelles souterraines de sainte Cécile à Rome, & comme étoit à Constantinople, au rapport de Paul Diacre, l’autel de la mere de Dieu au Palais de Blaquernes. Quelquefois la table étoit soutenue de quatre colonnes, comme l’autel de S. Sebastien de crypta arenaria, quelquefois enfin, & c’est la forme la plus ordinaire, un corps de maçonnerie soutient la table de l’autel ; ces sortes d’autels ressemblent à des tombeaux. C’étoit l’usage de l’Eglise, comme on l’a dit ci-dessus, de célébrer les saints mystères sur les tombeaux des Martyrs : & quand on consacre une Eglise, on renferme encore dans l’autel avec de la maçonnerie des reliques des Martyrs : dans les Eglises qui ne sont pas consacrées, la pierre de l’autel sur laquelle on dit la Messe, est marquée de croix, où il entre de la poudre des ossemens des Martyrs. C’est de ces Saints dont les reliques sont à l’autel, que le Prêtre parle en baisant l’autel durant la prière qu’il dit après l’oblation.

Autel, se dit figurément au pluriel, pour la Religion, le service, le culte, & l’honneur que l’on rend à Dieu. Honores divini, Dei cultus. Cet ambitieux, bien loin de refuser un trône, ne refuseroit pas des autels, ni tous les hommages qu’on rend aux Dieux. M. Scud. Attaquer les autels, respecter les autels. Acad. Fr. pour dire, la Religion.

Pour vous rendre à jamais des honneurs immortels,
Je vais me dévouer à vos sacrés autels. L’Abbé Tetu.


Mais depuis que l’Eglise eut aux yeux des mortels
De son sang en tous lieux cimenté ses autels. Boil.

On dit figurément d’une personne pour qui on a un grand amour, une singulière vénération, qu’elle mérite des autels, qu’on lui veut élever un autel. Ils profanent tes autels d’un indigne encens. Boil.

On appelle le très-auguste Sacrement de l’Eucharistie, le saint Sacrement de l’Autel.

Autel, se dit proverbialement en ces phrases : Qui sert à l’autel, doit vivre de l’autel ; pour dire, qu’il faut trouver de quoi subsister dans sa profession. Cette expression est prise de l’Écriture, I. Cor. IX. 13. Elever autel contre autel ; pour dire, faire un schisme, une division dans l’Eglise, dans une Communauté, y établir deux Supérieurs qui soient contraires. On dit d’un avare, d’un altéré du bien d’autrui, qu’il en prendroit sur l’autel ; pour dire, qu’il ne feroit point de difficulté de faire un sacrifice pour s’enrichir. On dit, qu’on doit être ami jusqu’aux autels ; pour dire, qu’on ne doit pas servir ses amis aux dépens de sa conscience. On dit, recourir aux autels ; pour dire, y chercher un asile, y demander du secours, y chercher des consolations. On dit d’une femme qui est chargée d’ornemens, qu’elle est parée comme un autel du Jeudi bénit, c’est-à-dire, du jeudi Saint.

l’Autel. Terme d’Astronomie. C’est le nom qu’on donne à l’une des quinze constellations méridionales. Ara. Elle est composée de douze étoiles. Bayer n’en met que huit. Elle passe à notre horizon sur le milieu de la nuit ; & au méridien sur la fin de Juin. Les Poëtes disent que c’est l’autel sur lequel les Dieux prêtèrent serment de fidélité à Jupiter avant la guerre centre les Titans, & que ce Dieu le mit dans les astres après sa victoire. D’autres disent que c’est l’autel sur lequel Chiron le Centaure immola un loup, dont la constellation est dans le ciel proche de l’autel.

L’Académie de gli ardenti à Naples, a pour devise l’autel d’Elie sur lequel le feu du ciel descend, avec ce mot grec, ΟΥΚ ΑΛΛΟΘΕΝ, Non d’ailleurs, pour marquer qu’ils ne sont ardens que du feu du ciel. Ce Corps n’est pas dans les règles de la devise.

Autel. Petit autel. Ara parva. Espèce de bandage qui, quand il est achevé, représente les coins d’un autel. Sostrate en fut l’inventeur, & Galien en fait mention dans son Traité, De Fasciis.

Autel. adj. Vieux mot. Pareil, semblable.

Autel. adv. Vieux mot. De même, semblablement. Poës. du roi de Nav.

AUTENTIQUE. Voyez Authentique.

AUTEUR. s. m. Qui a créé ou produit quelque chose. Auctor. On le dit par excellence de la première Cause, qui est Dieu. L’Auteur de toute la nature. Le Souverain Auteur du monde. Ce mot vient de αὐτὸς, ipse. L’Auteur est celui qui n’a pris son ouvrage d’aucun autre ; c’est celui qui l’a produit, qui l’a mis au jour.

Vous offensez les Dieux, auteurs de votre vie. Racin.


Tant de rares beautés, tant d’ouvrages divers,
Te parlent de l’Auteur de ce grand Univers ;
Et tu n’entends point leurs paroles. L’Abbé Tétu.

Auteur, se dit en particulier de ceux qui sont les premiers inventeurs de quelque chose. On croit que Flavio de Melphe est l’auteur de la Boussole. Polydore Virgile a écrit huit livres de ceux qui ont été les auteurs & inventeurs des choses.

Auteur, se dit aussi de ceux qui sont cause de quelque chose. Ce Ministre est l’auteur de ma fortune. Ce chicaneur est l’auteur de la ruine de votre maison. Des Chefs de diverses nations, & indépendans entr’eux, s’opposent le plus souvent aux conseils dont ils ne sont pas les auteurs. Saraz.

De nos propres malheurs auteurs infortunés,
Nous sommes loin de nous à toute heure entraînés.

Boil.

Auteur, se dit aussi des Chefs d’un parti, d’une opinion, d’une conspiration, d’un bruit qui court. Pythagore est auteur de l’opinion de la Métempsycose. Quand on a découvert quelque conjuration, il en faut punir sévèrement les auteurs. Celui la est l’auteur du vol ; les autres n’en sont que les complices.

Auteur, en fait de Littérature, se dit de tous ceux qui ont compose quelqu’ouvrage, particulièrement de ceux qui ont fait imprimer. Il faut respecter les Auteurs sacrés. Les Auteurs modernes ont enchéri sur les anciens. Les Auteurs latins ont pillé les Auteurs grecs. Cet homme s’est enfin érigé en Auteur ; il s’est fait imprimer. Les Auteurs les plus polis & les plus exacts ne brillent pas toujours en conversation : ils ne disent presque rien, pour trop penser à ce qu’ils veulent dire. Bouh. Les Auteurs accoutumés à rêver profondément, afin de bien tourner une pensée, sont le plus souvent distraits, & gardent un silence morne dans une conversation enjouée. Id. C’est peut-être ce qui a contribué à décrier la qualité d’Auteur. Car elle se prend quelquefois en mauvaise part, & c’est plutôt une injure qu’une louange. On entend par-là un homme qui ne raisonne pas comme les autres ; qui pense tout autrement que le reste du monde ; qui ne parle point naturellement, & qui est fort entêté de lui-même. C’est ce qui a fait dire à M. Paschal, que quand on voit un style naturel, on est tout étonné, parce qu’on s’attendoit de voir un Auteur, & qu’on trouve un homme. Il faut plus que de l’esprit pour être Auteur. La Bruy. Les adorateurs de l’antiquité ne se piquent que du talent de bien entendre un vieux Auteur. Perr.

Un Auteur à genoux dans une humble préface,
Au Lecteur qu’il ennuie a beau demander grâce. Boil.


Sans la langue en un mot, l’Auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant Écrivain.

Idem.


Les vers ne souffrent point un médiocre Auteur. Id.

Un Auteur original, est celui qui a le premier traité une matière, qui n’a point eu de modèle, ou pour les choses qu’il a dites, ou pour la manière dont il les a dites. C’est un bon préjugé pour le progrès des lettres dans un pays, quand il s’y rencontre en même temps plusieurs Auteurs originaux qui servent de modèle aux autres. De Vig. Mar. Voyez Original.

On dit aussi d’une femme, qu’elle est Auteur, quand elle a fait quelque livre, ou quelque pièce de théâtre. La Reine Marguerite, fille d’Henri II, étoit Auteur. Mme du Bocage est Auteur de la Colombiade, Poëme épique. Lorsqu’il s’agit d’une femme, on fait quelquefois ce nom féminin ; mais il faut en cela beaucoup de réserve. Plusieurs jeunes Dames de la Cour, dont l’Auteur (Madame Guyon) étoit connue. Hist. de l’Egl. de Meaux. t. I. p. 490.

Auteur, en termes de Droit est aussi opposé à Procureur. Celui qui agit pour un autre, s’appelle Procureur ; & celui au nom duquel le Procureur agit, s’appelle Auteur parce que c’est par son autorité que le Procureur agit. Desbans. Tout ce que fait un Procureur en vertu de sa procuration, oblige son Auteur de la même sorte que s’il y étoit lui même obligé ; car le Procureur représente son Auteur. Tout ce que fait donc le Procureur, est censé fait par l’Auteur même. Id. Ce que les hommes traitent avec un Procureur, les oblige autant que s’ils avoient traité avec l’Auteur même. Id. L’Auteur peut révoquer le Procureur qu’il a constitué ; mais cette révocation doit être signifiée à celui-ci. Id.

En termes de Palais, on appelle Auteurs, ceux dont on a acquis le droit de posséder quelque héritage par vente, échange, donation, ou autre contrat. On donne en Justice un délai pour appeler en garantie son auteur.

On dit aussi à celui qui débite une méchante nouvelle ; il faut nommer votre auteur, autrement on croira que vous l’avez inventée.

Auteur, se dit aussi en fait de Généalogie. L’Auteur d’une maison, d’une famille, est celui jusqu’auquel on remonte ; qui en a été le premier, qui l’a fondée & rendue illustre. Caput, stirps. Les Auteurs de sa race, ceux de qui l’on descend.

Auteur, en termes de Collège. On appelle absolument & par excellence auteur, celui qu’un écolier explique, ou qu’on fait expliquer pour-lors dans les classes. Montrez-moi votre auteur ? Vous apporterez quatre pages de version de votre auteur. ☞ On dit en ce sens auteurs classiques, ceux qu’on explique dans les classes.

AUTHÉMÉRON. adj. m. On appelle un remède authéméron, lorsqu’il soulage un malade le même jour qu’il l’a pris. Αὐθήμερον. D’αὐτος, le même et ἡμέρα, jour. Il y a dans Galien deux remèdes de cette espèce pour les maladies de la rate.

AUTHENTICITÉ. s. f. Qualité de ce qui est authentique. Veritas, authenticitas. L’authenticité des Livres sacrés. L’authenticité d’un passage. Comme on dit un acte authentique, un arrêt authentique, on dit de même l’authenticité d’un acte, l’authenticité d’un arrêt, &c.

AUTHENTIQUE, ou AUTENTIQUE. adj. Solennel, célèbre. Res certæ fidei, certus, authenticus. Les vérités chrétiennes sont fondées sur des témoignages authentiques. Le Parlement a donné un arrêt authentique contre les jeux de hasard. Il y a un passage authentique dans un tel endroit pour confirmer cette proposition.

Ce mot est purement grec, & signifie qui est d’une autorité reçue, qui mérite qu’on y ajoute foi.

Authentique, en termes de Jurisprudence, signifie, revêtu de toutes les formes, & qui est attesté par des personnes publiques ; auquel on ajoute foi en Justice. Il faut prouver ce qu’on allégue en Justice par des pièces authentiques, ou titres originaux. Authenticæ tabulæ. Un acte n’est point authentique & exécutoire, s’il n’est en original, signé & scellé. On a appelé aussi autrefois, personnes authentiques, les Nobles & les premiers de l’État, comme étant gens dignes de foi, & dont l’autorité étoit reçue.

Authentique, se dit particulièrement d’un sceau, d’une Justice subalterne, & d’un Tabellion, pour le distinguer du scel royal. Contrat passé sous le scel authentique, non royal, ne porte point d’hypothèque hors la Juridiction, comme prétendent quelques-uns.

Authentiques, en termes de Droit, est un nom qu’on a donné aux Novelles de Justinien. Authenticæ. On ne sait pas trop pourquoi on les a appelées authentiques ; Alciat prétend que c’est Accurse qui leur a donné ce nom. Comme elles avoient été d’abord composées, & dirigées en grec, elles furent traduites en latin par le Patrice Julien, qui trouvant qu’elles étoient écrites d’un style trop diffus, les abrégea, & en renferma le sens en moins de paroles. Du temps de Bulgarus, l’on en fit une version moins élégante, mais exacte & littérale. Accurse préféra cette traduction qu’il appelle authentique, par préférence à celle de Julien, & comme plus fidèle & plus conforme à l’original. Les Authentiques ou Novelles sont divisées en IX collations ou chapitres.

☞ On s’est quelquefois servi du mot authentique s. f. pour désigner la loi qui condamne une femme convaincue d’adultère à perdre sa dot & ses conventions matrimoniales, à être rasée & enfermée dans un monastère pour deux ans, après lesquels, si son mari ne veut pas l’en tirer, elle est rasée & cloîtrée pour toute sa vie. Voyez Authentiquer une femme.

Rien n’arrête le sexe en son ardeur lubrique,
Il redoute moins Dieu, qu’il ne craint l’authentique.

Boil.

Authentique, pris substantivement, se dit encore pour un acte ou un écrit authentique. Cette relique n’est accompagnée d’aucun authentique, en sorte qu’elle est bien incertaine. Hist. de l’Egl. de Meaux, Tom. I, p. 225. L’authentique de sa châsse porte, &c. Ibid. p. 236.

AUTHENTIQUEMENT. adj. D’une manière authentique. Ce mariage s’est fait authentiquement. Il a prouvé authentiquement les faits par lui allégués. Ce testament a été fait authentiquement. Le Maît.

☞ AUTHENTIQUER. v. a. Il se dit particulièrement des actes. Rendre un acte authentique, le revêtir de toutes les formalités propres à le rendre authentique, y faire mettre le sceau de l’autorité publique. Auctoritatem dare, conciliare. Quand on envoie un acte d’un royaume dans un autre, ce n’est pas assez que des Notaires l’aient signé, il faut que le Magistrat l’authentique, qu’il y mette le sceau public, & une attestation, que ceux qui l’ont signé, sont personnes publiques, aux actes desquelles on ajoute foi en Justice.

Authentiquer une femme, c’est la déclarer convaincue d’adultère. Mulierem adulterii ream damnare. La condamner selon l’authentique Sed hodiè, qui est la 134e Novelle de Justinien, à perdre sa dot & ses conventions matrimoniales, & à être rasée & mise dans un couvent pour y demeurer deux ans, pendant lesquels il est permis à son mari de la reprendre, à faute de quoi elle y doit demeurer renfermée à perpétuité.

AUTHENTIQUÉ, ÉE. part. On appelle une femme authentiquée, ☞ celle qui a subi la loi de l’authentique Sed hodiè, qui se trouve sous le titre, au Code ad legem Juliam de adulteriis.

Ce mot vient du grec αὐθεντία.

AUTHIE. Rivière de France. Authia, Altilia. Elle a sa source près de Cogneux, aux confins de la Picardie & de l’Artois, baigne Dourlens & Auxi, & se décharge dans la Manche, entre l’embouchure de la Somme, & celle du Canche.

AUTIER. s. m. Vieux mot. Autel.

AUTOCÉPHALE. s. m. Autocephalus. Ce mot est grec, & vient de αὐτὸς, ipse, & κεφαλὴ, Caput, & signifie celui qui est lui-même Chef, n’en ayant point au-dessus de soi. C’est le nom que donnoient les Grecs à certains Archevêques qui étoient exempts de la juridiction des Patriarches, qui ne leur étoient point soumis. Tel étoit l’Archevêque de Chypre, par un Décret du Concile d’Ephèse, qui le tira de la juridiction du Patriarche d’Antioche. Il y avoit encore en Orient, plusieurs autres Prélats Autocéphales, & en Occident, ceux de Ravenne s’attribuaient le même droit. Le sixième Concile, Canon 39, appelle cela avoir le même droit que le Patriarche ; quand il explique cependant ce droit plus en détail, il dit que ce n’étoit autre chose que d’avoir des Evêques sous sa juridiction. Cela veut dire que l’Autocéphale étoit métropolitain, & n’avoit que des Evêques sous lui, & non point des Archevêques ou métropolitains, comme avoit le Patriarche ; mais que néanmoins il étoit en quelque chose égal au Patriarche, en ce qu’il n’étoit point soumis à un Patriarche. Les Evêques autocéphales étoient principalement ceux de Bulgarie, de Chypre & d’Iberie. Voyez Allatius, Lib. I, cap. 25 de utriusque Eccl. cons. Jean d’Artis dans son Traité des Ordres & Dignités des Ecclésiastiques, traite la question de l’autocéphalie des Evêques, des Métropolitains & des Exarques.

AUTOCHTONE. s. m. Αὐτόχθων. L’une des tribus d’Athènes, ainsi nommée d’un Roi que l’on croit avoir régné dans une partie de l’Attique avant Cécrops : ou plutôt à cause du surnom αὐτόχθονες, indigenæ, qu’affectoient de prendre les Athéniens, pour faire entendre que leur ville ne venoit point d’une colonie ; ce qu’exprime le mot grec, qui signifie né dans le lieu même où l’on habite. ☞ Les anciens donnoient le nom d’Autochtones aux premiers habitans d’un pays, par opposition à ceux qui étoient venus d’ailleurs s’y établir. C’est la même chose qu’Aborigènes. Selon une ancienne tradition, l’on croyoit que les hommes, ainsi que les plantes, étoient sortis du sein fécond de la terre. D’où venoit que les Athéniens se vantoient d’être Γηγενεῖς, è terra nati. Potterus, Archæol. Gr. l. i, c. 9.

☞ AUTO-DA-FÉ. s. m. Mot emprunté de l’Espagnol, exécution du jugement que l’inquisition rend contre les malheureux qui lui sont déférés. Voyez Acte de foi.

AUTOGÈNE. s. m. Autogenes. Nom que quelques Gnostiques donnoient au fils d’un certain esprit vierge qu’ils nommoient Barbelath ou Berbelat. Ils disoient qu’il avoit eu commerce avec un des Eons. Ils le nommoient aussi Adamas, Diamant, & Protarchonte, ou premier Archonte, premier Magistrat.

Ce mot est grec, & composé d’αὐτὸς, ipse, & de γίνομαι, fio. Autogène, qui a été fait par soi-même, qui existe par lui-même.

Autogène. adj. Epithète que l’on donne au Narcisse à fleur blanche, à cause que son oignon pousse des feuilles avant qu’on le mette dans la terre, desorte que la plante paroît croître d’elle-même. Αὐτογενὴς, d’αὐτὸς, soi-même, & γίνομαι, être produit.

AUTOGRAPHE. s. m. Terme didactique, qui n’est en usage que dans les Colléges, ou chez les Notaires. Scriptum autographum. C’est l’original de quelque écrit. C’est ce qui est écrit de la main propre de quelque personne, ☞ Comme si nous avions les épitres de Cicéron en original, écrites de sa propre main. L’autographe d’un ouvrage, d’un poëme.

☞ Il est aussi adj. Ouvrage autographe. Pièces autographes. Autographus.

Ce mot est composé de deux mots grecs, d’αὐτὸς, et de γράφω.

AUTOIR, ou AUTOIS. s. m. Habillement de tête, ou espèce de voile que les femmes du commun portent en différens endroits, sur-tout en Picardie, comme à Amiens.

AUTOMATE. s. m. Terme de Mécanique. Machine qui se remue par elle-même ; qui a en soi le principe de son mouvement ; comme une montre, une horloge à contrepoids, ou autres machines qui se meuvent par ressort. Automatum. Ce mot est purement grec : plusieurs prononcent astomate ; mais quoi qu’en dise Ménage, qui le prononce de la sorte, il faut prononcer automate avec les meilleurs auteurs. Au reste, ce terme d’automate est pareillement consacré pour désigner les bêtes, que les Cartésiens prétendent être de pures machines, ou, pour parler plus précisément, de purs automates, ☞ & généralement pour exprimer des machines qui imitent le mouvement des corps animés.

☞ Le Flûteur automate de M. Vaucanson, le canard & quelques autres machines du même Auteur, sont ce que nous avons vû de mieux en ce genre depuis long-temps. Voyez Androide.

Si la régularité & la subordination qui se remarquent dans la république des abeilles ne supposent pas un principe connoissant, qui m’empêchera de prendre pour des automates tous les ouvriers d’une manufacture ? P. Dan. Cette femme n’ouvre la bouche que par mesure ; il semble qu’elle agisse par ressorts, comme une machine : c’est un automate. Bell. Ici ce mot est pris figurément.

Ce mot vient du grec αὐτὸς, ipse.

AUTOMATIE. s. f. Déesse du hasard, à qui Timoléon, fameux Général de Corinthe, fit bâtir un temple, croyant devoir au hasard une partie de sa gloire. Automatia.

☞ AUTOMATIQUE. adj. Dans l’économie animale, il se dit des mouvements qui dépendent uniquement de la structure du corps, & sur lesquels la volonté n’a aucun pouvoir. Boerhaave, Comment. Physiolog.

AUTOMATISME des Bêtes. s. m. M. de Reaumur. C’est leur qualité d’automates.

AUTOMNAL, ALE. adj. (L’M se prononce) Qui est propre à l’automne. Autumnalis. La partie automnale du bréviaire contient le temps depuis le premier Septembre jusqu’à l’Avent. En Astronomie on dit section automnale, ou de la balance. Ce mot n’entre guère dans l’usage ordinaire. On dit de même plutôt la partie d’Automne, que la partie automnale d’un bréviaire, ☞ fruits d’automne, que fruits automnaux. Le Dict. de l’Acad. Fr. prétend même que ce mot n’a point de pluriel au masculin. Fièvres automnales, fleurs automnales.

☞ AUTOMNE. On prononce Autonne. Saison qui est entre l’été & l’hiver. Autumnus. Plusieurs Auteurs avec Voiture & Chapelain, font ce mot masculin. D’autres le font féminin. Ménage le fait des deux genres. L’Académie ne s’éloigne pas de ce sentiment, & le fait masculin & féminin. Un bel automne. Une automne froide & pluvieuse. Je crois que dans la prose il vaut mieux lui donner le genre féminin. Une automne abondante en fruits. Une automne froide. Une belle automne. Le masculin paroît plus propre pour la poësie.

Ou quand sur les coteaux le vigoureux automne
Etaloit ses raisins dont Bacchus se couronne.

Perrault.

Quelques nations ont compté les années par les automnes, & d’autres par les hivers, comme chez les Anglos-Saxons. Du Cange.

Quelques-uns dérivent ce mot du verbe augeo, quod frugibus annum augeat.

☞ L’Automne dure trois mois. Cette saison commence le jour que le soleil paroît sous le premier degré du signe de la balance ; c’est-à-dire, environ le 22 de Septembre, & elle dure tout le temps que le soleil paroît sous le signe de la balance, du scorpion & du sagittaire.

☞ Dans le figuré, ce mot désigne le temps qui succède au printemps de l’âge, & précède la vieillesse, ou l’hiver de l’âge.

 A quoi souhaitez-vous d’employer vos beaux jours ?
Le printemps pour les amours
Est plus propre que l’automne

. Bens.

Automne, en termes de Philosophie hermétique, signifie le temps auquel l’ouvrage est achevé. On dit l’automne des philosophes, pour marquer ce temps, qu’on appelle aussi le temps de la moisson, parce qu’alors on recueille le fruit de ses peines.

AUTONOÉ. s. f. Quatrième fille de Cadmus. Elle épousa Aristée, & fut mère du malheureux Actéon, dont la mort funeste lui causa tant de chagrin, qu’elle abandonna le séjour de Thébes, & alla s’établir dans un bourg de la dépendance de Mégare, où l’on voyoit encore son tombeau du temps de Pausanias.

AUTONOME, s. f. Une des cinquantes Néréides.

☞ AUTONOME, adj. Titre qu’on donnoit aux villes Grecques, qui avoient le privilège de se gouverner par leurs propres lois. Acad. Fr. αὐτὸς, même, & νόμος, loi, règle. Qui se règle soi même.

☞ AUTONOMIE. s. f. Liberté dont jouissoient sous les Romains les villes qui avoient conservé le droit de le gouverner par leurs propres lois.

AUTOPSIE. s. f. C’est l’état dans lequel, suivant les Payens, on avoit un commerce intime avec les Dieux. On se croyoit revêtu de toute leur puissance, & on étoit persuadé qu’il n’y avoit plus rien d’impossible.

Autopsie. Évidence oculaire. Les Médecins de la secte empyrique employoient le mot Autopsia, pour signifier le souvenir des choses qu’ils avoient souvent vues de la même manière.

AUTORISATION. s. f. Autoritas. Terme de Palais. ☞ Action par laquelle on autorise. Concours ou jonction de l’autorité d’un tuteur ou d’un mari, dans un acte passé par un mineur, ou par une femme actuellement en puissance de mari, faute de quoi l’acte seroit invalide & sans effet : l’obligation que cette femme a passée, est nulle par le défaut de l’autorisation de son mari, parce qu’elle est sous sa tutelle par les lois du mariage. La vente d’un mineur est sujette à l’autorisation d’un tuteur.

Lettres d’autorisation, sont des lettres qu’une femme obtient du Roi, ou des Juges, pendant l’absence ou au refus de son mari, pour administrer son bien.

AUTORISER. v. a. Donner puissance de faire quelque chose ; donner force & vigueur à quelque loi, à quelque usage, à quelque cérémonie. Auctoritatem dare, tribuere. L’Empereur Justinien a autorisé la compilation des décisions des Juriscontultes anciens, pour en composer les Lois du Digeste. Une femme ne peut contracter, ni agir en justice, si elle n’est autorisée par son mari, ou à son refus, par Justice.

Autoriser, signifie aussi, approuver. Approbare, comprobare. Les lois autorisent les ventes des biens des mineurs quand elles sont à leur avantage. Il y a bien des abus que la coutume autorise. Le temps, le long usage, ne peuvent rien autoriser contre la loi de Dieu, ou de nature. Un Magistrat autorise le vice, quand il ne le punit pas. Les politiques ne manquent pas d’alléguer la raison d’Etat, pour autoriser tout ce qu’ils font sans raison. S. Evr. C’est une doctrine capable d’autoriser les vols domestiques. Pasc. Il ne voulut pas autoriser l’exemple de cette action. Vaug.

Que dangéreuse est la surprise
D’une erreur que le monde fuit !
Et que mal aisément on fuit
Ce que la coutume autorise ! L’Abbé Tétu.

Autoriser, avec le pronom personnel, signifie, acquérir, usurper de l’autorité. Arrogare sibi, vindicare auctoritatem. Les tyrans s’autorisent peu à peu en flattant les peuples. Les abus s’autorisent avec le temps, jusqu’à un point, qu’il est malaisé de les réformer.

AUTORISÉ, ÉE. part, Auctoritatem nactus, auctoritate præditus.

AUTORITÉ. s. f. Droit qu’on a de commander, de se faire obéir ; puissance légitime à laquelle on doit être soumis. Dans ce sens le mot d’autorité n’a point de pluriel. Auctoritas. Tout bon chrétien se doit soumettre à l’autorité de l’Eglise, & tout bon sujet à l’autorité royale. Les dérèglemens du peuple viennent de ceux qui les gouvernent : l’autorité de leur personne donne du poids à leurs exemples. Flech. S. Paul recommande aux Evêques de tempérer par la mansuétude, ce que l’autorité a de sévère. Le P. Gail. Le Cardinal de Richelieu avoit affermi la sûreté du peuple, & l’autorité du Roi, par l’abaissement des Grands. Id. Il faut que celui qui règne, ait un air d’empire & d’autorité. La Bruy. La raison de l’homme sujette à mille égaremens, a besoin d’être guidée par l’autorité. Malb.

Autorité, se dit quelquefois de l’usage de ce droit, ou de son usurpation. Un homme n’en peut arrêter un autre de son autorité privée. Il est mal séant de vouloir emporter toutes choses d’autorité absolue. ☞ Vous n’avez agi par autorité, que parce que vous savez qu’il est plus aisé de trouver des esclaves que des raisons. Pasc.

☞ Il se trouve dans le mot d’autorité, dit M. l’Abbé Girard, une énergie propre à faire sentir un droit d’administration civile, ou politique. Il y a dans le mot de pouvoir un rapport particulier à l’exécution subalterne des ordres supérieurs. Le mot de puissance renferme dans sa valeur un droit & une force de domination. Ce sont les lois qui donnent l’autorité ; elle y puise toute sa force. Le pouvoir est communiqué par ceux qui, étant dépositaires des loix, sont chargés de leur exécution ; par conséquent il est subordonné à l’autorité. La puissance vient du contentement des peuples, ou de la force des armes ; elle est légitime ou tyrannique.

☞ On remarque particulièrement dans l’idée d’autorité, quelque chose de juste & de respectable ; dans l’idée de pouvoir, quelque chose de fort & d’agissant ; dans l’idée de puissance, quelque chose de grand & d’élevé.

☞ L’autorité, est relative au droit ; la puissance aux moyens d’en user ; le pouvoir à l’usage.

☞ On est heureux de vivre sous l’autorité d’un Prince qui aime la justice, dont les Ministres ne s’arrogent pas un pouvoir au delà de celui qu’il leur donne, & qui regarde le zèle & l’amour de ses sujets comme les vrais fondemens de sa puissance.

Autorité, relativement à ce qu’on peut sur l’esprit des autres. Cet homme a de l’autorité dans sa compagnie. Voyez au mot Pouvoir, synonyme d’empire & d’autorité.

☞ On dit aussi donner de l’autorité à un mot, l’accréditer, lui donner de la vogue. Donner de l’autorité à une opinion. Il y a des opinions populaires auxquelles on donne trop d’autorité. Port-R.

Autorité, signifie aussi le témoignage d’un Auteur qui a écrit ; ou quelque apophthegme, ou sentence d’une personne illustre qu’on cite, & qu’on allègue dans un discours pour lui servir de preuve, ou d’ornement. En ce sens le mot d’autorité a un pluriel. Voilà bien des autorités. Il est toujours muni d’un grand nombre d’autorités. J’ai cent bonnes autorités pour prouver ce que j’avance. Les textes d’Aristote sont d’une grande autorité dans les collèges. Les paroles qu’on rapporte de Socrate sont d’une grande autorité dans la morale. Les passages de l’Ecriture sont d’une autorité décisive.

Autorité. Terme de Palais. On appelle Autorités, les Ordonnances, les Lois, les Jugemens, & le sentiment des Docteurs, qui servent à approuver & autoriser ce que l’on dit. ☞ A l’égard des Jugemens, leur autorité ne peut servir que de préjugés. Voyez Jurisprudence des Arrêts.

Autorité, s’emploie aussi quelquefois comme synonyme à autorisation. Un mineur, une femme ne peuvent agir que sous l’autorité de son tuteur, ou de son mari.

Autorité paternelle, signifie la puissance que le pere a sur ses enfans, laquelle ne consiste parmi nous, en pays coutumier, que dans le respect & l’obéissance. Voyez Puissance paternelle.

Autorité de tuteur, suivant le droit Romain, est une pure & expresse approbation, que le tuteur, présent en personne, donne de bonne foi, aux actes que son pupille passe avec une autre personne ; & cette approbation doit être donnée lors de la passation de chaque acte, sans pouvoir valablement être interposée devant ni après.

☞ Chez nous, l’autorité des tuteurs, consiste à prendre soin de l’éducation de leurs mineurs, & à faire eux mêmes les actes qui sont nécessaires pour la conservation des biens de ceux dont ils sont les défenseurs. Ainsi les tuteurs ne les font intervenir dans aucuns actes, où ils paroissent seuls, par la raison que ceux qui sont en tutelle, n’étant pas capables d’agir par eux-mêmes, il n’est pas nécessaire de les faire intervenir dans les actes qui les concernent.

☞ Et c’est en quoi, parmi nous, le tuteur diffère du curateur, qui n’agit pas lui seul pour son mineur, mais qui se trouve seulement présent aux actes que le mineur passe, à qui il ne fait que donner son consentement.

AUTOUR. Préposition qui s’emploie quand on parle de ce qui environne quelque chose, & qui régit le génitif. Circa, circum, avec l’accusatif. Autour de l’Eglise. Abl. Le diadème se mettoit sur le front autour de la tête. On a bâti des murs & des bastions autour de la ville. Les lignes de circonvallation se font autour de la place qu’on assiége. On a fait la procession autour de l’Eglise. Ces joueurs étoient rangés autour de la table.

Autour, se dit aussi de l’espace qui est aux environs. Il n’y a point de fauxbourgs ni de bâtimens autour des places fortes. Il y a des fossés autour de ce Château. On le dit encore de ce qui se meut dans cet espace. Il s’est allé promener autour du cloître. La lune tourne autour de la terre.

Autour, se dit aussi des lieux voisins. Les ennemis sont campés tout autour de nous. Les Sergens rodent autour de cette maison. Il a regardé tout autour de lui.

Autour, se dit aussi des personnes. Les grands ont autour d’eux quantité de courtisans & de flatteurs. Cette mere est continuellement autour de sa fille. Dans ces phrases & phrases semblables, il marque attachement & assiduité. Le voilà qui vient roder autour de vous. Mol.

Oui, malgré tout le bruit qu’excite autour de nous
Le démon, la chair & le monde,
Parlez, Seigneur, parlez, je n’écoute que vous.

L’Abbé Tétu.

Autour, est aussi quelquefois adv. Il a acheté une maison ici autour. Il tourne tout autour, & n’entre point dedans.

On dit proverbialement & figurément, tourner autour du pot ; pour dire, n’oser pas parler d’une chose, ou n’oser le faire ouvertement ; mais user de détours au lieu d’aller au fait.

Ce mot vient de tour, qui a été fait de tornus.

AUTOUR. s. m. En Fauconnerie, c’est un grand oiseau de poing, qui est le plus grand après le gerfaut, qui sert à la basse volerie sur les faisans & les perdrix. Accipiter, asterias. Il a les ailes courtes, la tête petite, le bec long, les serres noires, les jambes hautes, & la queue longue. Il est de couleur fauve, & semé de taches jaunes, la queue large, les yeux profonds, ayant une rondeur noire. Les autours font leurs nids dans les forêts, & dans les montagnes. Le bel autour doit être court, bien curé, bien assis, & avoir les mahutes larges. L’Autour niais est celui qui est pris dans le nid : Autour branchier, celui qui est pris sur les branches de l’arbre, commençant à voleter : Autour passager, celui qui est pris au passage, soit au filet, ou autrement : Autour fourcheret, celui qui est de moyenne taille entre formé & tiercelet : quelques-uns l’appellent second. On donne à l’Autour la qualité de Cuisinier, car il prend force perdrix. On dit que l’Autour empiète, & que le faucon lie le gibier. Au reste, il n’y a que la femelle de cette sorte d’oiseau de proie qui s’appelle Autour. Le mâle s’appelle Tiercelet, mais parce qu’il y a d’autres oiseaux de proie, dont les males s’appellent Tiercelets, il faut dire, Tiercelet d’autour, pour le distinguer du faucon, du gerfaut, &c.

AUTOUR, est aussi une écorce qui approche de la cannelle par la figure & par la couleur : mais elle est plus épaisse & plus pâle, ayant en dedans la couleur de muscade cassée, avec beaucoup de petits brillans : son goût est presques insipide & sans odeur. Elle est apportée du Levant : elle entre dans la composition du carmin avec le souhan.

AUTOURSERIE. s. f. Art de dresser & de faire voler les autours. Accipitrum disciplina. Plusieurs termes de l’Autourserie sont différens de ceux de la Fauconnerie.

AUTOURSIER. s. m. Celui qui a soin de dresser, ou de faire voler les autours. Accipitrum Institutor. La baguette des Autoursiers s’appelle chasseoire.

AU-TRAVERS, A-TRAVERS. Prépositions, dont la première régit le génitif, & la seconde l’accusatif. Per, avec un accusatif. Elles signifient, par le milieu, tout au milieu. Il n’a de jour qu’au-travers des vitres. Il regarde au-travers des barreaux. Il lui a donné un coup d’épée au-travers du corps. Il perça tout au-travers d’un bataillon. Aller à-travers les bois, à-travers les champs. Ils marchent à-travers la bataille des Grecs. Abl. Il donne à-travers les purgations & les saignées. Mol.

AUTRE. Pronom relatif m. & f. qui marque distinction, différence entre deux choses, ou une & plusieurs. Alius, alter. Les corps célestes sont d’une autre nature que les corps sublunaires. C’est tout autre chose que ce que vous pensez.

Nicod dérive ce mot du latin alter, ou du grec ἕτερος. Le P. Pezron, Ant. des Celtes, dit que ἄλλος, altus, autre, vient des Celtes qui disent all. Mais all en Celtique signifie tout, & non pas autre.

Autre, signifie différent. Autre, est la certitude que nous avons dans les connoissances humaines ; autre est celle de la foi. Pelis. En ce sens il faut toujours le répéter deux fois, comme en cet exemple.

Autre, se dit aussi pour signifier deux choses qui vont ensemble. Sa réputation s’étend de l’un à autre pôle. Ils s’en sont allés l’un & l’autre. Dans les défilés on marche l’un après l’autre.

Autre, se dit aussi par exclusion. On a raison de ne parler d’autre chose que de son salut. Pour être savant, il ne faut faire autre chose qu’étudier.

Autre, se dit quelquefois en parlant d’une personne indéterminée. J’aime mieux que vous appreniez cela d’un autre que de moi. Tout autre que moi seroit mécontent de ce procédé.

☞ On dit dans ce sens, l’autre jour ; pour dire, un des jours précédens, sans désigner lequel.

Autre, signifie quelquefois supérieur, plus excellent. L’homme dont vous me parliez est habile, mais celui que je vous recommande, est bien un autre homme. Ce vin est bon ; mais celui qui est dans ma cave est bien d’autre vin, est tout un autre vin.

☞ Quelquefois il signifie de plus grande conséquence. Gravioris momenti. Il n’avoit qu’une fièvre légère ; le voilà attaqué d’une paralysie, c’est bien une autre affaire.

☞ On s’en sert aussi pour marquer la conformité qu’il y a entre deux personnes. C’est un autre moi-même. Alter ego. C’est un autre César, un autre Alexandre.

☞ En parlant d’un homme qui a changé de mal en bien, ou de bien en mal, on dit c’est un autre homme, tout autre homme, il est devenu tout autre. On le dit ordinairement en bonne part.

Autre, se dit en plusieurs phrases ordinaires. L’un vaut autre ; pour dire, qu’il n’y a point à choisir entre deux choses. Il y en a d’un & d’autre ; pour dire, il y a du bon & du mauvais. Je ne connois autre ; pour dire, c’est l’homme que je connois le mieux. Comme dit l’autre, c’est une citation populaire, quand on ne nomme point d’auteur. Il en fait bien d’autres ; pour dire, il a d’autres détours, finesses, malices. A d’autres ; pour dire, allez chercher ailleurs votre dupe. En voici d’une autre ; pour dire, voici un nouveau détour qu’on nous apporte, une nouvelle affaire qu’on nous fait. C’est bien un autre homme ; pour dire, c’est un homme qui est bien plus considérable. On dit que des gens sont nés l’un pour l’autre, pour dire, qu’ils sont de même humeur, qu’ils s’accordent bien. Prendre l’un pour l’autre ; pour dire, se méprendre. Je regarde cela d’un autre œil ; pour dire, d’un autre biais ; je le vois d’une autre manière. On dit qu’un homme dit d’un, & fait d’autre, quand ses actions sont contraires à ses discours ; qu’il va de côté & d’autre ; pour dire, que c’est un coureur.

☞ M. de Voltaire, dans ses Commentaires sur Corneille, en examinant ce vers des Horaces,

Autre n’a mieux que toi … fait cette remarque.

☞ Ces autres ne seroient plus soufferts, même dans le style comique. Telle est la tyrannie de l’usage : nul autre donne peut-être moins de rapidité & de force au discours.

Autre-part. adv. Ailleurs. Vous dites que vous n’avez été que là : je vous ai vû autre part, Alibi.

D’autre-part. D’ailleurs, de plus. D’autre-part on doit considérer que, &c. Prætereà.

AUTREFOIS. adv. Anciennement, ou ci-devant. Aliàs, olim. Le luxe étoit bien moindre autrefois qu’à présent. Vous m’avez dit autrefois que, &c. Ce mot se disoit autrefois, mais on ne le dit plus.

Vous cet Antiochus, son amant autrefois,
Vous que l’Orient compte entre ses plus grands Rois.

Racin.

Autrefois, signifie aussi, un autre temps. Je ne puis faire cela maintenant, ce sera pour une autrefois.

☞ Dans cette phrase, autrefois n’est pas un seul mot, comme l’adverbe dont nous parlons. Ce sera pour une autre fois. Voyez Fois.

Autrefois. s. m. Un temps passé. Tempus præteritum. On fait cet adverbe substantif, comme quelques autres.

Je vous crus autrefois, cet autrefois n’est plus.

P. le M.

AUTREHIER. s. m. Vieux mot. Avant-hier. Nudius tertius.

Ha ! quand j’oui l’autrehier, il me souvient,
Si fort crier la corneille en son chêne,
C’est un grand cas, dis-je lors, s’il n’advient
Quelque malheur bientôt en cetui règne. Marot.

AUTREMENT. adv. D’une autre manière. Aliter, alio modo, alià ratione. Il ne faut point être bourru, ni vivre autrement que les autres.

N’ayez pour vos avis aucun entêtement ;
Laissez la liberté de penser autrement. S. Evr.

Autrement, se met quelquefois pour servir de condition, ou de menace. On résigne des Bénéfices avec réserve d’une telle pension, & non autrement, ni d’une autre manière. Il faut vivre dans l’ordre, autrement on s’en repent. A l’égard des vérités chrétiennes & des promesses générales de Dieu, il faut avoir une certitude entière, parfaite, être infailliblement assuré qu’on est dans la voie du salut ; autrement ce ne seroit plus religion & foi divine, mais opinion & connoissance humaine. Peliss.

Autrement, se dit aussi pour marquer de la médiocrité. Jusqu’ici pour obtenir des licences, il ne falloit pas être autrement savant en Droit. Il n’est pas fort en usage en ce sens, si ce n’est dans le discours familier. ☞ Dans cette acception il est toujours précédé de la négative pas. Il n’est pas autrement malade, il n’est pas autrement content. Il n’est guère content.

AUTRESI. adv. Vieux mot. Semblablement, pareillement.

AUTRETANT. adj. Vieux mot. Autant.

AUTRETEL. Vieux mot. De même.

A tous disoit que sa fille erre,
Autretel disoit la Bregière.

AUTRICE. s. f. Mot que l’usage n’admet pas, pour signifier celle qui a composé un ouvrage d’esprit. J’avois déjà lu plus d’une fois, Mademoiselle, la lettre sur les bons mots, insérée dans le Mercure du mois d’Avril dernier, lorsque Madame la Marquise de la S. ** me dit que vous en êtes l’autrice. Mercur. Juin 1726. Il falloit dire l’auteur, suivant le bon usage & la décision de l’Académie Françoise.

AUTRICHE. Austria. Province d’Allemagne. Les Allemans l’appellent Oesterrich, ou Osterrich. Elle doit son nom à sa situation, car elle est la partie d’Allemagne la plus orientale, & ost signifie orient. Voyez ce que nous avons dit au mot Austrasie. Les bornes de l’Autriche sont au levant la Hongrie, au nord la Moravie & la Bohème, au couchant le Duché de Bavière, & l’Archevêché de Salzbourg ; & au midi la Stirie. La capitale de l’Autriche est Vienne. Il y a la haute & la basse Autriche. La haute Autriche, Austria superior, ou Cisdanubiana, est la partie d’Autriche qui est au midi, ou à la droite du Danube, & la basse Autriche, Austria inferior, ou Transdanubiana, est celle qui est au nord, ou à la gauche du même fleuve. D’autres disent que la haute Autriche est la partie orientale de cette Province, & ils appellent la partie occidentale la basse Autriche. Voyez Maty.

L’Autriche n’a eu d’abord que des Comtes, qui n’étoient même que des Gouverneurs envoyés par les Empereurs, ensuite elle a eu des Marquis, puis des Ducs, & enfin des Archiducs ; on ne sait pas bien quand ceux-ci ont commencé. On dit que c’est l’Empereur Maximilien I, qui en 1495, donna le titre d’Archiduché a l’Autriche.

La Maison d’Autriche est une Maison illustre d’Allemagne, qui descend de Rodolphe, Comte d’Hapsbourg, qui fut élu Empereur en 1299. Rodolphe qui avoit été, à ce que l’on dit, domestique d’Ottocare, Roi de Bohème, lui enleva l’Autriche en 1273, & la donna à son second fils Albert duquel sont descendus les deux branches de la Maison d’Autriche, dont l’une tient l’Empire depuis long temps, & l’autre a régné en Espagne depuis Charles I, jusqu’à Charles II. Rodolphe Comte d’Hapsbourg a commencé la grandeur de la Maison d’Autriche, & a transmis à ses descendans le nom d’Autriche, en leur en donnant le duché qu’il conquit sur Ottocare Roi de Bohème, dont on dit qu’il avoit été domestique, Magister aulæ. De la Chapp. Voyez Lymnæus, Jus publicum Imperii L. II sur l’Autriche, & la maison d’Autriche, & Imhoff, Notitia Procer. Imp. Lib I, cap. 5.

Les pays héréditaires de la Maison d’Autriche, Domûs Austiacæ patrimonium, ou ditiones hæreditariæ, sont le Cercle d’Autriche, le marquisat de Burgaw, le Landgraviat de Nellembourg, le Brisgaw, l’Ornaw, & les Villes forestières, qui sont les pays que la Maison d’Autriche possède par droit de succession. L’Empire & le royaume de Hongrie sont électifs, & celui de Bohème prétend l’être ; ainsi ils ne sont pas proprement, ou point du tout, pays héréditaires. Le Cercle d’Autriche, Circulus Austriacus, est une des neuf grandes Provinces qui composent l’Empire. On divise ce Cercle en deux parties : l’Autriche intérieure, qui comprend l’Autriche, la Stirie, la Corinthie & la Carniole ; l’Autriche extérieure, qui n’est autre chose que le Tirol.

Autriche, s’est dit aussi autrefois de la Franconie, qu’on appeloit encore France Teutonique, & qui par rapport à la France est Autriche, c’est-à-dire, orientale.

L’AUTRICHE. s. f. Sorte de laitue. Lactuca austriaca. L’Autriche se plante au mois d’Avril, & ne monte pas si aisément en graine que d’autres laitues.

AUTRICHIEN, ENNE. s. m. Astrius, Austriacus. Ce nom a trois significations aujourd’hui en François. 1°. Il signifie, qui est d’Autriche, les peuples qui habitent l’Autriche. 1°. Il se prend pour les Princes de la Maison d’Autriche. Les Autrichiens ont régné environ 200 ans & plus en Espagne. Que les Autrichiens sont éloignés d’arriver à l’une ni à l’autre de ces deux fins d’une guerre si furieuse ! De la Chapp. 3°. Autrichien se prend pour partisan de la Maison d’Autriche. Charles, disent les Autrichiens, a-t-il dû, a-t-il pû changer dans la domination Autrichienne, ce que son Seigneur, son pere, avoit sagement réglé ? Id. Il est aussi adjectif. Un Régiment Autrichien. Les Princes Autrichiens. La ligue Autrichienne. On a dit Autrichois, il n’est plus en usage.

AUTRUCHE. s. f. Struthio camelus. Grand oiseau qui a les ailes courtes, fort estimé pour ses plumes, qui servent d’ornement aux chapeaux, aux lits, aux dais, &c.

L’Autruche a quelque chose de l’oie, mais est beaucoup plus grande. Elle a les jambes fort longues, & le cou de 4 ou 5 palmes de longueur. Marm. Liv. I, ch. 23. Les autruches se chassent en Afrique. Elles sont si communes au Pérou, qu’elles vont par troupes comme le bétail. Les Sauvages en mangent la chair ; & leurs œufs sont bons, quoique de difficile digestion. Les femelles sont presque toutes mêlées de gris, de noir & de blanc. Les mâles sont blancs & noirs, & sont bien plus estimés, parce que leurs plumes sont plus larges & mieux fournies, leurs bouts plus touffus, & leurs soies plus fines. On ne les chasse qu’après leur mue, & lorsque leur plumage est sec. Ce sont des oiseaux fort vîtes qu’on chasse avec des barbes harpés comme lévriers, qui les attrapent à la course. L’autruche se sert de ses ailes non pas pour voler, mais pour aider à la course, lorsque le vent lui est favorable ; car alors elle s’en sert comme un navire fait de ses voiles. Marmol dit qu’elle s’en sert à courir, parce qu’elle s’en fouette en courant, & qu’elle se pique aussi de quelques ergots ou éperons pour s’animer davantage. Xénophon rapporte que l’armée de Cyrus trouva proche de l’Euphrate beaucoup d’autruches ; qu’on leur donna la chasse avec les chevaux de l’armée les plus vites, sans pouvoir jamais les atteindre.

Acarete Biscayen, dans la Relation de ses voyages dans la rivière de la Plata, & de-là par terre au Pérou, dit qu’il y a une grande quantité d’autruches aux environs de Buenos-Ayres ; que lorsqu’elles couvent, & que leurs oeufs sont prêts à éclore, elles en cassent quatre qu’elles portent aux quatre coins du lieu où elles couvent ; qu’ils se corrompent, & qu’il s’y engendre bientôt une grande quantité de vers, dont les petits de l’autruche se nourrissent, quand ils sont éclos, & que cela leur suffit, jusqu’à ce qu’ils puissent aller chercher leur nourriture. Cela confirme ce que dit Ælien, que l’autruche nourrit ses petits d’une partie de ses œufs ; mais il ajoute que c’est de ceux qui ne se trouvent pas bons à couver. On a vu vers le Cap de bonne Espérance des œufs d’autruche si gros, qu’un seul suffit pour donner à manger à sept hommes. On a fait la dissection de plusieurs autruches dans l’Académie des Sciences : la plus grande étoit de sept pieds & demi de haut depuis la tête jusqu’à la terre. L’autruche a l’œil comme l’homme en ovale, ayant de grands cils, & la paupière d’en-haut mobile, contre l’ordinaire des oiseaux, avec une paupière au-dedans, comme l’ont la plûpart des brutes. Son bec est court & pointu, sa langue petite, & adhérente comme aux poissons ; ses cuisses grosses, charnues & sans plumes, couvertes d’une peau blanche un peu rougeâtre, rayée par des rides qui représentent un reseau dont les mailles pourroient laisser entrer le bout du doigt. Ses jambes sont couvertes par-devant de grandes écailles en table, les pieds fendus, & composés seulement de deux doigts fort grands, & aussi couverts d’écaille, avec des ongles aux grands doigts, & non pas aux petits. Elle n’a pas des plumes de diverse sorte, comme les autres oiseaux, qui en ont de molles & lanugineuses pour leur servir de fourrure, & d’autres dures & fermes pour voler. Celles de l’autruche sont toutes molles & éfilées comme le duvet. Elles ne servent ni à voler, ni à les vêtir. Elles ont le tuyau justement au milieu de la plume : c’est pourquoi les Egyptiens représentoient la Justice par une plume d’autruche. La peau de son cou est de chair livide, couverte d’un duvet blanc clair-semé & luisant, qui tient plus du poil que de la plume. Son corps est couvert de plumes noires, blanches & grises. Celles qu’on voit d’autre couleur, sont seulement teintes. Les grandes qui sortent des ailes & de la queue, sont ordinairement blanches. Celles du rang d’après sont noires. Celles qui garnissent le dos & le ventre, sont noires ou blanches. Ses flancs n’ont point de plumes, non plus que les cuisses, & le dessous des ailes. Au bout de chaque aile il y a deux espèces d’ergots longs d’un pouce, creux & ressemblans à de la corne, à peu-près semblables aux aiguillons d’un porc-épic. Quant au dedans, on y a trouvé cinq diaphragmes ou cloisons qui divisent le tronc en cinq parties, dont quatre ont la situation droite de haut en bas, & un cinquième situé en travers. Ses ventricules ont été trouvés remplis de foin, d’herbe, d’orge, de fèves, d’os, & de cailloux, dont il y en avoit de la grosseur d’un œuf de poule. On a trouvé dans un jusqu’à 70 doubles, la plûpart usés