Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALOYER ou CALOGER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 181-182).
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CALOYER ou CALOGER, ERE. s. m. & f. Moine, Religieux (ou Religieuse) Grec, qui suit la règle de Saint Basile. Les Caloyers habitent particulièrement le mont Athos ; mais ils desservent presque toutes les Eglises d’Orient, dont ils sont la gloire & l’ornement. Ils font des vœux comme les Moines en Occident. Il n’a jamais été fait de réforme chez eux ; car ils gardent exactement leur premier institut, & ont conservé leur ancien vêtement. Ils menent un genre de vie fort austère & fort retirée ; ils ne mangent jamais de viande, & outre cela ils ont quatre Carêmes, & observent plusieurs autres jeûnes de l’Eglise Grecque, avec une extrême régularité. Ils ne mangent du pain qu’après l’avoir gagné par le travail de leurs mains. Dans la dernière nécessité ils n’obtiennent pas même dispense de manger du beurre, du poisson, des œufs & de l’huile. Il y en a qui ne mangent qu’une fois en trois jours, & d’autres deux fois en sept, pendant leur sept semaines de Carême. Ils passent la plus grande partie de la nuit à pleurer, & à gémir pour leurs péchés, & pour ceux des autres : on ne peut pas porter plus loin les obligations de la vie Monastique. Tavernier. Le nom se donne particulièrement aux Religieux qui sont vénérables par leur âge, par leur retraite, & par l’austérité de leur vie. Il y a à Athènes trois Monastères de Calogeres. La Guill. Il est bon de remarquer ici que quoiqu’en France on comprenne tous les Moines Grecs sous le nom de Caloyers, il n’en est pas de même en Grèce. Il n’y a que les freres qui s’appellent ainsi ; car pour ceux qui sont Prêtres ils se nomment Jétomonaches. Lettr. Edif. et Cur, Tom. X, p. 346, 347. Les Turcs donnent aussi quelquefois le nom de Caloyers à leurs Dervis, ou Religieux Turcs. Ce mot Caloger (car c’est ainsi qu’il le faut écrire, mais il faut prononcer Caloyer, les Grecs eux-mêmes le prononcent ainsi, ayant adouci le son du γ Grec, ou du G, non-seulement dans ce nom, mais généralement dans routes les dictions où il se trouve ;) ce mot dis-je, Caloger, ou Caloyer, vient du mot grec καλόγερος, & il tire son origine de καλὸς, & γέρων ; c’est-à-dire, bon vieillard. Les Moines Grecs, dit le P. Goar, s’appellent les uns les autres Caloger, qui est la même chose que καλοὺς γέροντας, bons vieillards, comme viellissans dans la vertu, in virtute consenescentes. Voyez sur les Caloyers le P. Helyot, T. I, c. 19, 20.

On appelle aussi Calogeres chez les Grecs de certaines Religieuses qui vivent en communauté. Elles suivent la règle de S. Basile, & sont renfermées dans des Monastères, ayant à la tête de leur Communauté une des plus sages Religieuses qui leur tient lieu d’Abbesse. Cependant ces Monastères de femmes dépendent toujours de quelque Abbé. Ces Religieuses portent toutes un même habit, qui est noir, & un manteau de même couleur ; cet habit est de laine simple. Elles ont les bras & les mains couvertes jusqu’au bout des doigts. Elles ont de plus la tête rasée ; & chacune a une cellule séparée, où il y a de quoi se loger. Celles qui sont les plus riches ont des servantes, & elles nourrissent même quelquefois de jeunes filles pour les élever à la piété. Après qu’elles se sont acquittées de leur devoir ordinaire, elles font des ouvrages à l’aiguille. Les Turcs qui ont quelque respect pour ces Religieuses viennent jusque dans le leurs Monastères pour acheter des ceintures de leur façon. Les Abbesses ouvrent volontiers les portes de leur Couvent aux Turcs qui viennent acheter le travail de ces bonnes filles, & retournent à leur appartement aussi-tôt qu’elles ont vendu leur marchandise. Le sieur de Moni, qui a fait cette description des Calogères, ou Religieuses Grecques, après Allatius, ajoute en même temps qu’il a lu une relation manuscrite de Constantinople, où il n’est pas parlé si avantageusement d’elles. Les Calogères de Constantinople, dit l’Auteur de cette relation manuscrite, sont des veuves, dont quelques-unes ont eu plusieurs maris, & elles n’embrassent cette profession, que lorsqu’elles sont avancées en âge. Elles ne font point de vœux : toute leur fainteté consiste à prendre un voile noir sur leur tête & à dire qu’elles ne veulent plus se marier. La plupart demeurent en leurs maisons, où elles prennent le soin de leur ménage, & même de leurs parens. Cet Auteurt avoue néanmoins qu’il y en a quelques-unes qui vivent en communauté mais que celles-ci sont plus misérables que les premières ; que les unes & les autres vont par-tout où il leur plaît, & qu’enfin elles ont plus de liberté sous cet habit de Religieuses, qu’elles n’en avoient auparavant ; on pourroit ajouter encore à cela, que les Evêques défendent à leurs Prêtres, sous peine d’interdit, d’entrer dans les Monastères des Calogères.