Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AZAMOGLAN

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 676-677).
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AZAMOGLAN. s. m. Terme de Relation. C’est le nom qu’on donne chez les Turcs à ceux des enfans de Tribut, qui ne sont point choisis pour servir dans le Sérail, mais rejetés pour être employés à des office plus vils. Vilius Imperatoris Turcici Mancipium, Azamoglanus. Le Grand-Seigneur ayant fait la revue des enfans de tribut, retient dans son Sérail ceux qu’il juge avoir le plus de disposition aux bonnes choses, & renvoie les autres qu’il en croit incapables, pour être mis par l’Agha des Janissaires entre les mains de trois ou quatre Officiers, qui ont soin de les mettre en service auprès de quelqu’un, ou de les distribuer en Natolie & en Grèce dans les maisons des paysans Turcs, qui leur apprennent à parler, à labourer la terre, & à cultiver les jardins. La condition de ces misérables enfans en cet état est une véritable servitude ; aussi ceux à qui on les donne à élever, n’en tirant pas moins de service que d’un esclave, au lieu d’en demander pension, en font pour chacun 25 aspres de rente par an à celui dont ils les ont reçus, parce qu’il n’a point d’autre revenu de la commission.

Ces enfans que les Chrétiens nomment ordinairement Janisserots, ayant passé deux, trois, quatre & six ans, les uns plus, les autres moins, dans cette laborieuse école, en sont tirés par celui qui les y a mis, & l’Agha des Janissaires en ayant fait de nouveau la revue, les remet sous la discipline d’un autre Agha qui lui est inférieur, & qui les emploie aux bâtimens, aux bois, & aux jardins, comme aides à Maçons, Bûcherons, & Jardiniers : ce glorieux emploi leur donne la qualité d’Adgiamy Oglan, qu’on dit par abus Azamoglan, c’est-à-dire, Enfans buses. Leur travail est salarié par jour d’un aspre, ou deux pour vivre, & pour s’entretenir ; & afin que cela leur suffise, ils sont ordinairement 25 ou 30 en une chambre, commandés par un Bulak Bachi, c’est-à-dire, Chef de troupe.

Ils en élisent un d’entre eux pour faire la cuisine, pour nettoyer leurs souliers & leurs habits, & pour blanchir leur linge, lequel, pour la peine de son service, est exempt de contribuer à la dépense de bouche ; ils lui donnent chacun 25 aspres par mois pour la provision nécessaire de ris, de beurre, de bois & de chandelles, & ce qui leur reste d’argent, sert à leur acheter des souliers de trois mois en trois mois, ayant du Grand-Seigneur tous les ans une veste bleue de gros drap de Saloniki, & de la toile pour les chemises. Ils portent un bonnet jaune & pointu. Quelques-uns de Azamoglans sont mis dans les Arsenaux pour apprendre la marine. Ceux qu’on destine au service des jardins du Grand-Seigneur, apprennent à ramer aux trajets de mer, parce qu’ils voguent sur son Caïque, quand ils sont Boustangis du Sérail de Constantinople. On leur donne alors deux ou trois aspres de paye par jour, qui seroient bien peu pour des gens qui approchent tous les jours de leur Prince, s’ils n’en avoient souvent des présens. Ces Jardiniers avec les Eunuques & les muets sont les plus assidus courtisans du Grand Seigneur. Les Vizirs, les Pachas, & les autres principaux Officiers de son Empire ne viennent le voir que quand ils sont appelés, ou par son ordre, ou pour des affaires pressantes mais ceux-ci en ont toujours l’occasion. Du Loir. Voyage du Levant, p. 99, & suiv. Quelques-uns disent Agémoglan, mais Nicolay & Du Loir disent Azamoglan. Voyez Agémoglan. C’est la même chose. Azamoglan est plus ordinaire.