Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/PEINTRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(6p. 637-638).

PEINTRE, s. m. Celui qui emploie les couleurs avec art pour représenter toutes sortes d’objets. Pictor, delineator. Les Peintres d’histoires font plus estimés que les Paysagistes, ou que les Peintres à portraits. Le Roi a fondé à Rome une Académie de Peintres. Il y a à Paris une Académie de Peintres établie, qui leur tient lieu d’apprentissage & de maitrise. Apelles, Zeuxis & Parrhasius ont été les fameux Peintres de l’antiquité. Raphaël, le Poussin, le Brun, &c. sont de fameux Peintres modernes.

Les Maîtres Peintres ont des Statuts & Ordonnances anciennes du 12 Août 1391, & renouvellées en 1619, & ils ont des Lettres du Roi Charles V de l’an 1430, qui les exemptent de toutes tailles, subsides & subventions, guet & gardes, & autres charges. Ils ont été joints avec les Sculpteurs par Arrêt du 7 Septembre 1613 ; & enfin ils se sont unis sous le nom d’Académie Royale le 7 Juin 1651. Ceux qui ont écrit la vie des Peintres, Sculpteurs & Architectes, sont, Vasari qui vivait sous le Pontificat de Léon X, & qui étoit disciple de Michel-Ange, en trois volumes, qui ont été continués par Baglioni, & Petro Bellori. Van-Mander adonné les Peintres de Flandres ; Ridolphi, ceux de Venise ; Raphaël Soprani, ceux de Gènes ; le Comte de Malvasia, ceux de Bologne sous le titre de Felcina Pitrice, dont les premiers Maitres commencent en 1120, d’où sont sortis les trois Caraches, le Guide, le Dominiquin, le Goarchim, l’Albane, &c. Carlo Dati a recueilli tout ce que les anciens Auteurs on dit des plus fameux Peintres de l’Antiquité.

Aristide fut le premier qui représenta sur les visages toutes les passions de l’ame. Pausias de Sicyone fut le premier qui peignit des lambris & des voûtes. Jean de Bruges Flamand fut l’inventeur des peintures en huile vers le commencement du XIVe siècle.

On dit, travailler d’après le Peintre, quand on travaille en tapisserie, ou en broderie, sur un dessein ou crayon tracé par un Peintre. Piclus effigies imitari. On dit aussi d’un miroir, qui est le Peintre de la nature.

M. de la Fontaine l’a employé au féminin dans le conte des Rémois, T. II, p. 79.

L’une pourtant des tireuses de vin,
De lui sourire au retour ne fit faute.
Ce fut ta Peintre…

Cela est conforme à la décision de M. Andri, p. 228, de ses Réflex. sur l’usage présent de la Langue Françoise. Il faut dire, selon sa remarque, cette femme est Poëte, est Philosophe, est Médecin, est Auteur, est Peintre ; & non Poëtesse, Philosophesse, Médecine, Autrice, Peintresse. On doit en cela, continue-t-il, deférer à l’usage qui donne la terminaison féminme à certains mots pour le genre féminin, & qui ne la donne pas à d’autres… Il y a pourtant, (c’est toujours lui qui parle) des mots que l’usage de notre Langue n’a pas encore bien arrêtés là-dessus : en ce cas-là il faut suivre la règle que donne M. de Balzac, Liv. 6., Lett. 57. qui est de prendre conseil de l’oreille, & de choisir ce qui la choque le moins, & qui est le plus doux à la prononciation. Par exemple, dit Balzac, je dirai plutôt que Mademoiselle de Gournai est Poëte que Poëtesse, & Philosophe que Philosophesse. Mais je ne dirai pas sitôt qu’elle est Rhétoricien que Rhétoricienne, ni le Traducteur que la Traductrice de Virgile… Je crois qu’il n’auroit pas dit non plus, cette femme est Médecin, pour marquer qu’elle exerce la Médecine. S’il s’agit de la femme d’un Médecin, voici comme Richelet prétend qu’il la faut nommer. Quelques personnes se servent du mot de Médecine, pour dire, la femme d’un Médecin. Ils diront Madame la Médecine, ou Mademoiselle la Médecine est accouchée. Ces personnes parlent comme les provinciaux qui ne savent pas parler. On dit à Paris, la femme d’un Médecin. Je reviens à Peintresse, dont il y a un exemple à p. 1383, du 2 vol. du Merc. de Juin 1735, où l’on dit que le portrait du Roi de Sardaigne a été peint en petit par la Florentina, Peintresse à Turin.