Dictionnaire de l’Académie française/2e éd., 1718/Epitre

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NOUVEAU

DICTIONNAIRE

DE

L’ACADÉMIE

FRANÇOISE

DEDIÉ AU ROY.

TOME PREMIER


A PARIS

Chez Jean-Baptiste Coignard, Imprimeur & Libraire ordinaire du Roy,
& de l’Académie Françoise, ruë saint Jacques, à la Bible d’or.
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M. D. CC. XVII.
AVEC PRIVILEGE DE SA MAJESTÉ.

AU ROY,






S

IRE,




Vostre auguste Bisayeul LOUIS LE GRAND a bien voulu joindre le titre de Protecteur de l’Académie Françoise à ceux de Conquerant & de Pacificateur ; & par son exemple, qui engage les Rois ses successeurs à faire le mesme bonneur à nostre Compagnie, il a eternisé nostre gloire. Vous avez herité, SIRE, de sa Couronne, & ce qui est encore plus, de ses qualitez Royales, qui à travers les nuages de la premiiere jeunesse, se developpent tous les jours en Vous. Nous y voyons desja la majesté du Monarque temperée de douceur & d’affabilité ; nous y admirons, nous y aimons les premices de toutes les vertus. Ce souvenir si tendre, que vous conservez des services qu’on vous a rendus pendant vostre enfance, ne nous laisse pas douter que le zele & l’affection de vos Sujets ne trouvent tousjours dans vostre cœur leur plus precieuse recompense. Cette compassion si vive, que vous faites paroistre pour les malheureux, nous respond d’une vigilance attentive à prevenir les malheurs de vos peuples, ou à les reparer. Dans vos moindres actions, SIRE, on remarque dequoy fonder les plus grandes esperances : & nous goustons par avance le bonheur qu’elles nous presagent. Mais ce qui nous regarde plus particulierement, nous y entrevoyons le goust des beaux Arts & l’amour des Lettres.

Quelle satisfaction pour nous, SIRE, d’offrir aujourd’huy nostre Dictionnaire à un Protecteur, dont le glorieux avenir nous est desja present. Ce Dictionnaire a esté donné au Public sous les auspices de LOUIS LE GRAND ; mais nous pouvons dire que c’est un Ouvrage nouveau : il a pris une nouvelle forme, & il a acquis une plus grande perfection. Il fera sentir toutes les beautez de nostre Langue, en marquant la juste signification des mots qui la composent, & en rectifiant les fausses idées, que les hommes y attachent quelquefois. Ils se trompent, par exemple, sur la signification du mot de Gloire, quand ils en restraignent le sens à la reputation brillante qu’on acquiert par les armes. Ils doivent l’estendre à cet esclat que produit le concours de toutes les vertus ; & c’est une idée plus noble & plus juste. Un Prince n’a de veritable gloire qu’autant qu’à la valeur heroique, qui attire l’admiration des hommes, il sçait joindre la justice & la bonté, qui gagnent si seurement leur amour. Voilà, SIRE, la gloire que vous aimerez & que vous serez jaloux d’obtenir ; nous en avons pour garants vos heureuses inclinations, & les conseils de ces grands Hommes à qui vostre education a esté confiée.

Ils vous diront qu’un Roi est responsable à ses peuples de tous les moments de sa vie ; qu’il n’est leur Maistre que pour estre leur Pere ; qu’il ne doit faire la guerre pour les defendre ; & que dans le sein mesme de la victoire il ne doit aspirer qu’à leur procurer la paix : maximes sacrées, que les dernieres paroles du Roi vostre Bisayeul ont gravées pour jamais au fond de vostre cœur. Dans l’attention, qu’ils ont à tout ce qui peut augmenter la gloire de la France, ils ne vous laisseront pas oublier la protection particuliere que vous devez aux Lettres. Ce sont elles, SIRE, qui cultivent l’esprit, qui esclairent la raison, qui forment les mœurs, & c’est par leur secours que se perfectionnent les Arts & les Sciences. Comme les excellents Escrivains de l’antiquité nous ont transmis les actions memorables des Hommes illustres des siecles passez, de mesme ceux qui escriront sous vostre Regne transmettront à la posterité les grands exemples que vous luy devez. Nous nous flattons, SIRE, que penetré de ces importantes veritez, vous en ferez gouster les fruits à vos peuples ; & qu’aprés que le grand Prince qui pendant vostre minorité gouverne avec une capacité superieure, & avec une application continuelle, vous aura remis entre les mains un Royaume florissant, vous ne songerez qu’à le rendre encore plus heureux. Le bon ordre, que vous trouverez tout establi dans vos Estats facilitera les moyens de l’y entretenir. Aimé de vos peuples vous serez tousjours craint de vos ennemis ; ils sçavent qu’un Roi de France est le Monarque du monde le plus puissant quand il a le cœur de ses Sujets.

Nous sommes avec un tres profond respect & une fidelité inviolable,





SIRE,



DE VOSTRE MAJESTÉ




Les tres-humbles, tres-obeïssants, & tres-fidelles sujets
& serviteurs
Les Académiciens de l’Académie Françoise.