Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Prépuce

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Éd. Garnier - Tome 20
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PRÉPUCE[1].

Il est toujours question de prépuce dans le livre des Juifs. Le passage le plus embarrassant, touchant le prépuce, est celui du premier chapitre des Machabées. L’auteur parle de plusieurs Juifs qui demandèrent permission au roi Antiochus de vivre à la grecque, permission qu’on leur accorda très-facilement. Ils étaient honteux, dans les bains publics et dans les exercices où il fallait paraître nus, de montrer aux Grecs les marques de leur circoncision. Le texte dit qu’ils se firent des prépuces, et qu’ils violèrent le saint Testament. Fecerunt sibi præputia, et recesserunt a Testamento sancto.

Comment se fait-on un prépuce ? il ne revient point comme les ongles. Cela n’est à la vérité qu’un très-petit bord du capuchon du gland qu’on a coupé ; mais ce bout de chair ne renaît pas plus que le bout du nez.

Les rabbins ont prétendu qu’il y a une manière de faire rétablir ce prépuce ; mais ils ont raisonné en rabbins. En vain le médecin Bartholin a voulu soutenir cette opinion ridicule. Il y a seulement une manière assez aisée de déguiser un peu l’amputation du prépuce : c’est de le lier un peu par le bout avec un fil, quand la verge n’est pas dans son intumescence ; mais un tel palliatif ne pourrait se prolonger longtemps. Au reste on coupe si peu de chair aux Hébreux et aux musulmans, qu’il faut de bons yeux pour s’apercevoir de ce qui manque.

On n’a pas eu moins de peine à expliquer un passage de Jérémie assez singulier :

« Je visiterai quiconque a le prépuce coupé, l’Égypte, Juda, Édom, les enfants d’Ammon et de Moab, et tous ceux qui ont les cheveux courts et qui habitent le désert, car toutes ces nations ont leur prépuce ; mais les Israélites sont incirconcis de cœur. »

On a cru que le prophète Jérémie se contredisait, puisqu’il est clair que la plupart des peuples dont il parle étaient circoncis ; aussi les opinions sont-elles fort partagées sur le sens de ce passage.

Dans les premiers temps du christianisme, c’était une question très délicate s’il fallait abolir ou conserver la circoncision. Jésus-Christ avait été circoncis. Les frères reprochèrent à saint Pierre d’avoir communiqué avec ceux qui possédaient leur prépuce : Quare introisti ad viros præputium habentes ? (Act. Apost., cap. ii.) Saint Paul dit : la circoncision est utile si tu as accompli la loi ; mais si tu prévariques la circoncision devient prépuce. (Épist. ad Rom., cap. i.) Et ces paroles sont encore un sujet de dispute. Saint Paul et ses compagnons à l’apostolat avaient des disciples circoncis, et d’autres qui ne l’étaient pas. Les chrétiens ont, depuis longtemps, la circoncision en horreur ; cependant les catholiques se vantent de posséder le prépuce de notre Sauveur : il est à Rome, dans l’église de Saint-Jean de Latran, la première qu’on ait bâtie dans cette capitale ; il est aussi à Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne ; dans Anvers ; dans l’abbaye de Saint-Corneille, à Compiègne ; à Notre-Dame de la Colombe, dans le diocèse de Chartres ; dans la cathédrale du Puy-en-Velai ; et dans plusieurs autres lieux. Il y a peut-être un peu de superstition dans cette piété mal entendue.


  1. J’ai publié cet article en 1821, d’après l’original écrit de la main de Wagnière, secrétaire de Voltaire ; mais cet article avait déjà été imprimé, trois ans auparavant, dans le tome XXVI de l’édition en quarante-deux volumes. (B.)


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