Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BELIN

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BELIN, Comté de BELIN ; BELINOIS, BELINOIS ; Pagus Belinus ; noms donnés à une petite contrée de l’ancien Maine, dont l’extrémité N. n’est éloignée que de 12 kilom. au S. de la ville du Mans. Le Belinois, dont le nom en Celtique veut dire faible, petit, se composait principalement de sept paroisses qui sont : Moncé, Laigné, S.-Gervais, S.-Ouen, S.-Biez, Theloché et Ecommoy, auxquelles on peut ajouter Brettes et Mulsanne ; les cinq premières prennent ordinairement le surnom d’en Belin. Ces paroisses sont toutes actuellement des communes du canton d’Ecommoy.

Suivant la tradition, et même, dit-on, d’après un ancien manuscrit, qui n’a probablement rien d’authentique, les Romains ayant établi une station dans le Belinois, y auraient construit un fort, sur une élévation, où est actuellement le château de Belin, dans le territoire de la commune de S.-Ouen. Cet ancien fort aurait même offert des inscriptions qui auraient constaté son extrême antiquité, puisqu’on y lisait le nom de César. Sans nier absolument que le château actuel de Belin, ait pu avoir été construit dans un emplacement occupé jadis par les Romains, nous pouvons assurer qu’il ne reste actuellement aucun vestige, aucunes traces de cette ancienne construction. Les ruines de ce château, encore bien conservées et bien caractérisées, offrent dans leurs nombreuses ouvertures en croix de pierre et à encadremens à moulures et à filets, tous les caractères d’une construction remontant au 12.e siècle au plus ; sa chapelle, reconnaissable à ses croisées tréflées et ogives, aux arceaux de sa voûte, semble même être postérieure d’un siècle, à l’époque que nous fixons : elle est placée au milieu de la façade nord, ce que nous avons remarqué dans la chapelle du château d’Assé-le-Riboul, auquel celui-là ressemble sous tous les rapports, si ce n’est qu’il n’est pas placé sur une motte, ou monticule construit de mains d’hommes. On assure que les Romains ont campé, pendant leur long séjour dans le pays, sur une butte assez élevée, appelée le Vieux-Mans, dominant à l’ouest le hameau de Ponthibaud et le village de Moncé-en-Belin, Mons Cesaris. Cette station était peu éloignée d’un passage de la rivière de Sarthe, qui a donné à un village situé sur sa rive gauche, le nom de Gué-Célard, mot corrompu de Gué-de-César, Vadœ-Cesaris ; elle se trouvait située entre cette rivière de Sarthe et les ruisseaux de Rhône et d’Erip ; une voie romaine, dont nous avons déjà parlé à l’article Alonnes, page 9, traversait le hameau de Ponthibaud. Il serait donc possible, en admettant l’existence de cette station, que la position du château de Belin, qui n’en est éloigné que de 5 kilom. au S. S. E., eut paru convenable pour l’établissement d’un castellum, poste de cavalerie romaine, chargé d’observer la plaine du Belinois. Le nom même de Belin, que nous avons dit signifier petit, ne pouvait-il pas être en langue du pays, la traduction du mot latin castellum, qui a aussi cette acception ? P. Renouard, Ann. de la Sarthe, pour 1815, p. 21, dit qu’on a trouvé plusieurs médailles des Antonins et un anneau d’or, dans le voisinage du château de Belin ; mais il avoue comme nous, qu’il n’y reste aucune trace de construction romaine. Quant à la présence de César dans le Belinois, et à l’inscription de son nom sur d’anciens fragmens de construction, nous ne pouvons que rappeler ce que nous avons dit à cet égard, au précis historique, page xx.

L’histoire féodale du Belinois, ne remonte pas au-delà du 13.e siècle ; mais, à son défaut, Orderic Vital, historien normand, qu’il faut toujours consulter pour l’histoire antérieure de notre pays, nous apprend que, lorsqu’au mois de juillet 1099, Guillaume-le-Roux, roi d’Angleterre, duc de Normandie et prétendant au comté du Maine, vint pour arracher cette province à Hélie de la Flèche son compétiteur, celui-ci, en se retirant au château du Loir, fit dévaster le pays et mettre le feu aux châteaux de Vaux, de Vallis, et d’Oustillé, Ostilliacum, sur la frontière du Belinois, « afin que les troupes normandes ne trouvassent rien à piller, et n’eussent pas même de maison ou elles pussent se préparer un lit pour prendre du repos. Robert de Montfort, chef de l’armée de Guillaume, marcha en avant avec cinq cents chevaliers, éteignit l’incendie du château de Vaux, et fortifia la place pour le service du Roi. » Il est bon de rendre justice à qui elle appartient : jusqu’ici on avait toujours attribué l’incendie de ces deux châteaux à Guillaume-le-Roux.

Lors des guerres des Anglais dans le Maine, sous Charles V, les ducs d’Anjou, comtes du Maine, donnèrent des ordres réitérés et pressans relativement à la forteresse de Belin, à laquelle ils attachaient une grande importance pour la défense du pays. En 1358, il est ordonné au sire de Belin « d’appeler et jupper de nuit les paroissiens de S.-Ouen, S.-Gervais et Moncé, pour faire guet et garde au fort de Belin, qui est près de la frontière des ennemis. » Autre ordre donné la même année aux habitans des paroisses d’Ecommoy, Theloché et Laigné, « de faire guet et reguet, garde et réparations, chacun en son rang, à la forteresse de Belin » et donné à André d’Averton, sire de Belin, plein pouvoir et autorité de contraindre tous et chacun desdits habitans par toutes voies et menaces. » Autre ordre donné en 1380, par Louis, fils de France, duc d’Anjou et comte du Maine, audit d’Averton, sire de Belin, par lequel il entend « que les habitans de S.-Ouen, d’Ecommoy, de S.-Biez, de Theloché, de S.-Gervais et de Moncé, lesquels sont sa seigneurie, fassent guet, reguet et deffense, au fort de Belin deffensable, avec deffense de contredire à venir au dit lieu pour faire guet et reguet et deffense, et pour y retraire leur biens et leurs personnes, qu’à soit ce que maintenant de monseigneur et maître soyent sur le champ grands et forts ; enjoint audit seigneur de Belin d’y faire contraindre tous les habitans par sergent ou par son capitaine, par tous les appellemens et contraintes. » Autre ordre, enfin, donné dans la même année au seigneur de Belin « de contraindre tous les habitans de S.-Ouen, S.-Biez, Ecommoy, Laigné et S.-Gervais, par prise de corps et de biens, pour réparer et fortifier le châtel et douves de Belin. »

Les plus anciens seigneurs de Belin connus, sont Baudouin et Gui de Belin, qui ayant suivi S.-Louis à la croisade de 1250, furent faits l’un sénéchal et l’autre connétable de Chypre. Guillaume d’Orne ou d’Ourne, qui leur succède en 1282, paraît avoir épousé une fille de l’un d’eux. Après lui vient André d’Averton I.er du nom, lequel était seigneur de Belin en 1312. On ne dit pas si c’est par alliance qu’André, qui tenait son surnom d’Averton, d’une paroisse du Passais Manceau, devint seigneur de Belin. Son fils André II, épouse, avant l’an 1315, une fille de Guillaume Chamaillard, sire d’Antenaise, qui était seigneur de Vaux, terre suzeraine du Belinois. En 1358, Guillaume Chamaillard donne à André d’Averton, son gendre, par perpétuelle aumône (perpétuel don), pour lui et ses héritiers, la haute justice de Belin. André II se présente en 1347, à l’assise de Jupilles, pour réclamer son droit de pacage dans la forêt de Bersay. On voit, par des aveux de 1662 et 1669, que ce droit était annexé à la terre seigneuriale d’Ourne, d’où il est aisé d’inférer qu’André I.er d’Averton tenait ce droit de Guillaume d’Ourne, nommé plus haut, dont il descendait. — Jean Ier d’Averton, sire de Belin, fait faire en 1456, une enquête pour prouver que la terre de Belin avait une haute justice, avant le don que Guillaume Chamaillard lui en avait concédé. Il résulta de cette enquête, dit Lepaige, la preuve testimoniale qu’avant 1358, le bailli de Belin avait condamné juridiquement une truie à être pendue aux fourches patibulaires de Belin, près l’étang Hay, pour avoir étranglé un enfant. L’histoire de cette truie ne put être le résultat de cette enquête, puisqu’elle confirme au contraire ce don. Lors de ce procès, Jacques de Maridort, alors châtelain de Vaux, voulut inquiéter le seigneur de Belin son vassal, pour cet acte de haute justice ; mais un accord fut fait entre eux, dont le titre était déposé dans les archives du château de Belin ; on y lit textuellement : « Ouisse que messire Jacques de Maridort dit au sire de Belin, je pense (je consens) que vous fessiez pendre cette truye, c’est votre droit, je n’y demande rien et ne pense point à le débattre, ni avoir la justice ravissante que le sire d’Antenaise vous a donnée : Petit pus, petit min', la chouse ne se récole du jour. » Les condamnations judiciaires d’animaux sont communes dans le moyen âge : on a cité un semblable jugement rendu contre un porc, pour une cause pareille, à Bailleul, département du Nord ; un autre contre un taureau, condamné à être brûlé, à Sommerville en Lorraine ; et un autre à être pendu, en 1499, dans la même province. Notre pays lui seul, fournit un second jugement semblable, rendu à Courgains, proche Mamers, où le lieu de l’exécution porte encore le nom de Gibet à la Truie.

Un fils de Jean III d’Averton, qui était Grand-Chantre de la cathédrale du Mans, devint Légat du Pape. Il plaida avec le chapitre de cette cathédrale, sur la résidence que ses confrères exigeaient de lui, et dont il se croyait dispensé par sa qualité de Légat. Une fille de Payen III d’Averton, épousa le ligueur Jacques d’Humières, gouverneur de Péronne ; et une autre, nommée Benée, Jean-François de Faudoas-Sérillac, qui prit le titre de François I.er d’Averton, seigneur et comte de Belin, qui fut aussi un ligueur célèbre, et rendit Paris, dont il était gouverneur, à Henri IV, conjointement avec le duc de Brissac : suivant Henri IV lui-même, il faudrait écrire vendit, au lieu de rendit. Ce François I.er devint la tige des comtes de Belin et d’Averton ; de la maison de Faudoas-Sérillac.

La terre de Vaux, dont le château détruit depuis longtemps, était situé dans la paroisse de Moncé, présente pour son plus ancien seigneur connu, Guillaume Chamaillard, sire d’Antenaise, baron de Pirmil, dont nous avons parlé : elle passa, après plusieurs venditions, à Guillaume Becket, parent du fameux Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, puis, par le mariage d’une fille de Guillaume, à Jacques de Maridort, de la famille des comtes de Warwic, également célèbre dans l’histoire d’Angleterre ; ensuite par acquêt, au cardinal de Richelieu qui, après y avoir ébauché la construction d’un magnifique château nommé le Plessis, la revendit à François de Faudoas, lequel délaissa le château de Belin, pour venir occuper celui-ci. La châtellenie de Vaux était, comme on l’a vu, le fief dominant de tout le Belinois ; sa réunion avec le fief de Belin, sous le titre de Comté de Belin et Châtellenie de Vaux, en faisait une terre suzeraine dont la mouvance s’étendait sur 24 paroisses environnantes, celles du Belinois, proprement dit, comprises ; et jusques dans la ville du Mans, où la châtellenie de Vaux possédait deux hôtels, situés dans une rue qui portait son nom. Depuis cette réunion, cette terre passa par alliance dans les maisons de Rochechouart, de Turpin de Crissé, de Mégrigny, d’Helmstadt ; ensuite, par acquisition, dans la famille de Rollier de Madrelle, qui, s’étant alliée avec celle de Maridort, a fait rentrer cette terre dans la famille des anciens possesseurs. M. l’abbé Rottier de Moncé, chanoine honoraire du Mans, unique héritier de ce qui reste aujourd’hui de cette terre, la transmettra à M. de Courcival, son neveu. C’est à l’obligeance et au savoir de M. l’abbé de Moncé, possesseur des titres et des anciens manuscrits relatifs à l’histoire des terres de Vaux et de Belin, que nous devons une partie des matériaux dont nous nous servons pour la rédaction de cet article et de ceux des différentes communes du Belinois, qui, sur une surface de 12 à 13 kilom. carrés, et sur un territoire assez peu fertile, offrent cependant un nombre considérable de belles propriétés, bien bâties, et ornées de dehors agréables et soignés.

Les comté de Belin et châtellenie de Vaux possédaient, comme on l’a dit, une haute justice, dont le siège tenait dans le hameau de Ponthibaud. Elle était exercée par un bailli, un lieutenant, un procureur-fiscal et un greffier, et avait une salle d’audience, des avocats, des huissiers ; une prison, un carcan, des fourches patibulaires, et nécessairement un bourreau. Il paraît que chaque tenue d’audience s’y partageait en plusieurs séances ou vacations, qui étaient interrompues par un dîner et terminées par un second repas, après lequel chacun regagnait son domicile ; de-là, sans doute, le dicton épigrammatique du pays, en parlant d’un gourmand : « Il ressemble aux avocats de Ponthibaud, il relève mangeaille.» Il y avait en outre, le notaire de la Cour ; voirie et gruerie ; droit de péage sur la route du Mans au Lude, lequel était établi à Ponthibaud ; droit de mesures, dont il reste encore, au château du Plessis, des étalons de pinte et chopine, ayant plus de 400 ans d’existence ; enfin, droits de chasse, de pêche, de fuie ; droits de quint et requint, de retrait, de rentes et de dîmes, etc., qui devaient être considérables dans une mouvance aussi étendue.

La comparaison du boisseau du Belinois, en nouvelles mesures, est de 25 litr. 60 centil. ras ; et de 30 litr. 04 cent. comble. Nous ne connaissons point la comparaison des mesures de liquides, plus grandes que toutes celles du pays, mais qui n’étaient plus en usage à l’époque de l’établissement du système décimal.

Les 8 et 15 octobre 1508, Jean d’Averton, seigneur de Belin et du bourg d’Averton, et Guillaume de Maridort, seigneur de Vaux, ce dernier tant pour lui que comme ayant le bail(la tutelle) du seigneur de Saint-Aignan, assistent à l’assemblée convoquée au Mans par le Roi, pour l’examen et la proclamation de la Coutume du Maine.

« Le seigneur de Belin doit foi et hommage à l’évêque du Mans y à cause de sa baronnie de Touvoie. Il est obligé d’aider à le porter en la compagnie de ses autres vassaux, le jour de sa première entrée dans la cathédrale, depuis l’église de S.-Ouen-sur-les-Fossés, jusqu’à l’entrée du chœur de ladite église cathédrale ; et pour ce lui appartient le drap d’or ou de soie, ou autre honnête et suffisant, duquel est couverte la chaise dans laquelle ledit seigneur évêque est porté. »