Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BRENAILLE

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BRENAILLE, nom d’une petite contrée et d’un ancien château qui y était situé, sur le territoire de la commune de Montaillé, du canton de S.-Calais, à 8 kilom. au N. O. de cette ville, au-dessous des Trois-Fontaines ou des sources de l’Anille (v. ce mot), entre cette petite rivière et les bois des Loges, de la commune de Condrecieux. Suivant la tradition locale, Gajan ou Gaïan, Gajanus, que l’on croit avoir commandé pour les Romains dans cette partie de la Gaule Celtique, tenait de leur munificence un bénéfice militaire, qui s’étendait de Savigny-sur-Braye, au S. E., où il avait un château appelé Madoallo, jusqu’à Coudrecieux et Semur, au N. O. Un autre château aurait été construit par ce même Gaïan, sur les bords de l’Anille, soit comme place de défense, soit comme demeure de l’un de ses officiers de justice; car sa résidence propre étant où est aujourd’hui Saint-Calais, un juge de ses domaines, nommé Maurus, habitait le château de Madoallo : d’où l’on infère qu’un officier inférieur à Maurus pouvait résider dans celui de Brenaille. Quoiqu’il en soit, ce dernier, construit sur le coteau qui domine le cours de l’Anille, était défendu par un fort élevé sur une tombelle ou motte artificielle, qui pouvait avoir été édifiée par les Gaulois, pour servir aux cérémonies de leur culte. Ce fort était entouré de larges fossés, excepte vers le N., ou l’escarpement de la colline le rendait inaccessible. Une chaussée et une digue, qui retenaient les eaux de l’Anille, les élevait de manière à rendre le fort inaccessible du côté de l’E. Il ne reste plus que des vestiges bien peu apparents de toutes ces constructions. On a cru que ce lieu avait été une ville, parce que les cours, l’entrée du château et ses environs ont été pavés en grosses pierres, comme l’est encore le petit hameau des Bourdignières, qui en est tout voisin. La tombelle ayant été creusée dans l’espoir si souvent déçu, mais que les déceptions ne peuvent éteindre, d’y trouver un trésor, on n’en a retiré que des cercles et des perches de bois, et quelques morceaux de ferraille insignifians. Il existe au même endroit, en partie sur le terrain de l’ancien château de Brenaille, une chapelle dédiée à S.-Christophe, construite dans le 6.e siècle, rebâtie en 1463, et dont il ne reste plus que les quatre murs : sa longueur est de 15 mètres, sa largeur de 5 1/3. Tous les ans, le mardi de Pasques, un religieux de l’abbaye de S.-Calais, assisté des curés des environs, allait y dire une messe, à laquelle une foule de peuple assistait. Il s’y tenait une espèce d’assemblée, connue sous le nom de foire de l’œuvée de la Bourdignière, du nom du hameau qui s’y trouve, et de l’usage des œufs de Pasques, qu’on y mangeait sans doute à foison. Longtemps avant 1789, ce pèlerinage et la foire de l’œuvée avaient cessé.

On sait que le culte de l’Hercule-Gaulois, dont les statues étaient placées ordinairement au bord des eaux, fut remplacé, lors de l’établissement du christianisme, par celui de Saint-Christophe. Cet Hercule étant représenté les pieds dans l’eau, il parut tout simple, en plaçant l’enfant Jésus sur les épaules de cette statue colossale, de lui donner le nom grec de cristophos, qui signifie Porte-Dieu. Ainsi, la rencontre dans ce lieu boisé et sur les bords d’un cours d’eau, d’une tombelle, monument druidique dédié à Mars, ou consacré à son culte ; et d’un autre monument dédié à l’Hercule-Gaulois, ne peut laisser de doute que le culte druidique n’y ait été en honneur. Les traces de l’établissement romain qu’on suppose y avoir existé, laissent beaucoup plus à désirer. La chapelle de S.-Christophe, fut aussi appelée chapelle des seize, parce que, dit-on, des personnages appartenant à cette odieuse faction, vinrent s’y retirer lorsqu’elle fut vaincue par l’abjuration d’Henri IV. Il paraît y avoir eu aussi un hospice dans le voisinage, sur lequel on ne sait autre chose que le nom de l’Hôpitau, que porte une ferme près de la chapelle de S.-Christophe. On a pensé que le nom de Brenaille, pouvait venir du celtique bren, qui veut dire chef, demeure d’un chef, gaulois ou romain : il est plus probable qu’il signifie un lieu boisé, comme l’était et comme l’est encore en partie toute cette petite contrée.

On appelle aussi brenaille, un petit ruisseau qui prend sa source près de ce lieu, au N. de Montaillé, se dirige à l’E., et se jette dans l’Anille, après 1 kilomètre 1/2 de cours.