Discussion:Histoire des insignes faussetés et suppositions de Francesco Fava, médecin italien

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Je joins ici le récit du Supplement au journal de L’Estoille, dont fait mention Fournier dans ses notes. On peut lire celui de l’Esprit du Mercure de France (qui ressemble beaucoup à l’Histoire des insignes faussetés…) sur Google Books. --Levana Taylor 26 mai 2009 à 05:13 (UTC)[répondre]

Le Lundy 24e de Mars, un méchant garnement, nommé François Fava, natif de Final, près de Gènes, soi-disant Médecin et Marchand de diamans, enfermé dans les prisons de For-l’Evêque, pour vol, impostures, et autres crimes, s’est donné la mort par le poison ; et, pour réparation de ses crimes, a esté ordonné que son corps sera traîné, la face contre terre, à la voirie, et là pendu par les pieds, ce qui a esté exécuté le même jour.

Par le résultat du procès de ce misérable, il paroît qu’il avoit professé la Médecine dans la Ville d’Orta, au Comté de Novarre, où il se maria avec Catherine Oliva, fille d’un marchand d’huiles, et qu’il changea de nom dans le con1rat de mariage, en disant que son véritable nom étoit celuy de Cesar Fioti, de S.-Séverin près de Naples. Quelque tems après son mariage, il changea d’habitation et de nom, et s’établit à Castelarca, dans le Plaisantin, sous le nom de Fava, où, après avoir resté quelques mois, il quitta sa femme et ses enfans et se rendit à Naples, déguisé en abbé, où il trouva le moyen de s’introduire, sous le prétexte de quelque lettre de change dont il avoit besoin, dans la maison d’Alexandre Bossa, riche Banquier. La dextérité qu’il avoit à imiter et contrefaire toutes sortes d’écritures luy donna le moyen de contrefaire celle de Bossa et de son Epistolaire, et de découvrir les Correspondances qu’il avoit à Venise.

De Naples, il se rendit à Padoue, en habit de simple prestre, et va trouver un soir l’Evêquede Concordia, auquel il dit qu’il estoit Evêque de Venafry, au Royaume de Naples ; auquel il fit entendre que quelques Seigneurs Napolitains l’accusoient d’avoir abusé de la niéce du Duc Gaetan ; que cette accusation l’avoit obligé d’aller à Rome, pour se justifier devant le Pape, où ses ennemis l’avoient voulu empoisonner, ce qui l’avoit rendu fugitif, le suppliant de vouloir bien luy donner azile et sa protection, pour luy faire remettre à Venise dix mille ducats qu’il avoit à Naples, entre les mains du Marquis de Saint-Arme, son amy, de laquelle somme il vouloit acheter des diamans, des perles et des chaînes d’or, pour faire des présens à quelques Seigneurs, qui pouvoient terminer son affaire et le remettre en son Evêché.

Ce discours, rempli de faussetés, toucha néantmoins l’Evêque de Concordia, qui luy promit assistance, par le moyen d’Antoine Bertholoni, Marchand Banquier de Venise, son ami, sous le nom duquel il pouvoit en assurance faire faire la remise de dix mille ducats, qu’il avoit entre les mains du Marquis de Saint-Arme. Sur cette assurance, Fava feint d’avoir écrit à Naples, et laisse écouler le tems necessaire pour qu’un courrier pût aller de Padoue à Naples et retourner de Naples à Venise ; après quoi, il contrefait quatre lettres, l’une d’Alexandre Bossa, pour Ange Bossa, Banquier de Venise ; une autre du Marquis de Saint-Arme, pour l’Evêque de Venafry ; une autre pour l’Evêque de Concordia, et la troisiéme pour Antoine Bertholoni ; il met ces trois derniéres lettres dans un paquet à part, mais sous l’enveloppe d’Ange Bossa. Fava avoit avec luy un frère de sa femme, appellé Octavien Oliva, qui luy servoit de valet, auquel il donna ce paquet et le porta à Venise, comme courrier venant de Naples, et le remit à Ange Bossa, qui, l’ayant ouvert, lût la lettre qui estoit pour luy, et renvoya le paquet inclus par le même courrier à l’Evêque de Concordia, qui lût pareillement sa lettre, donna au faux Evéque de Venafry celle qui luy estoit adressée et fit venir à Venise celle d’Antoine Bertholoni, et le pria de recevoir cette somme pour un Prélat de ses amis, lorsqu’on luy envoyeroit une lettre de change.

Quelques jours après, Fava feint avoir reçu un paquet de lettres, dans lequel il y avoit une lettre de change de dix mille ducats souscrite de François Bordinali et d’Alexandre Bossa ; une autre de créance d’Alexandre Bossa à Ange Bossa, trois autres du Marquis de Saint-Arme, pour l’Evêque de Goncordia, pour l’Evêque de Venafry et pour Antoine Bertholoni.

L’Evêque de Concordia, ayant vu ces lettres, persuade à l’Evêque de Venafry d’aller luy-même à Venise, et luy donne une lettre de créance pour Bertholoni ; celuy-ci, voyant cette lettre, le reçoit dans sa maison, et le traite comme un Prélat ; il porta la lettre de change à Ange Bossa pour la payer à son tems. Cependant Bertholoni acheta des diamans, des perles, des chaînes d’or et autres joyaux, dont Fava luy fit quittance, et de trois mille ducats, sous le nom de Carlo Pirotto, Evêque de Venafry. Auparavant que Fava quittât Bertholoni, il luy vola quatre cens écus d’or, qu’il avoit dans un coffre, et partit le lendemain, accompagné de Bertholoni jusques à Padoue.

Après que Fava eut remercié l’Evêque de Concordia et le Signor Antoine Bertholoni, il prit congé de luy, estant pressé, disoit-il, d’aller à Turin ; cependant il prit un autre chemin et alla à Castellarca, en sa maison, et fit entendre à sa femme, qu’ayant reçu le payement de ses débiteurs, il trouvoit bon d’aller en France pour y faire fortune.

Pendant que Fava s’achemine vers la France, Ange Bossa reçoit des nouvelles du banquier de Naples, qu’il n’avoit point baillé de lettres de change au Marquis de Saint Arme, et n’avoit jamais entendu parler de cette affaire. Alors tous les interessés dans cette affaire font courir de tous côtés pour arrêter Fava, et envoyent des billets aux Orfévres de toutes les Villes principales, avec le nombre, le prix, la qualité, les poids des pierreries et diamans que Fava avoit reçus.

Cet imposteur arriva à Paris, au commencement de cette année, dans le dessein de vendre une partie de ses diamans et de se retirer ensuite avec un de ses amis dans le Poictou : il s’adressa à un Orfevre du Pont au Change, auquel il donne quatre boetes de ces diamans, pour les vendre au plustost. L’Orfévre sort aussi-tost pour en faire la montre et chercher marchand ; mais, les ayant montrés à un marchand Joailler qui avoit reçu le mémoire envoyé de Venise, et examiné les boetes, ils ne doutèrent plus que ce ne fussent les pierreries qu’on cherchoit : surquoy ils en donnent avis au Lieutenant du Prévost, lequel se rend au lieu où Fava devoit se trouver, prend une robe de chambre, et feignant d’être marchand et de vouloir acheter une grande quantité de diamans, Fava, qui le crut sur sa parole, sortit de sa poche dix autres boetes, qui parurent estre les mêmes dont il estoit parlé dans le mémoire de Venise. Le Lieutenant, lui montrant les marques de sa charge, le saisit prisonnier de la part du Roy, se transporte dans la maison de Fava, où il trouva et saisit le reste des joyaux exprimés dans le mémoire, avec huit cens sequins d’or, et conduit le prisonnier au Fort l’Evêque, où il fust interrogé le même jour, et ne dit que des mensonges.

Le lendemain, il confessa son vol et ses, impostures, demandant miséricorde. Durant le tems qu’il fut dans la prison, il tenta plusieurs moyens de s’évader par le moyen des cordes, et puis de se donner la mort, ayant luy-même coupé avec un canif les veines de ses bras ; mais le grand froid empêcha qu’il ne perdît tout son sang, et la foiblesse le contraignit d’appeller le geolier qui luy donna du secours. Il se servit plusieurs fois de l’arsenic, mais sans effet, jusques au 24 de ce mois, qu’il en prit une si grande dose, enveloppé dans une pâte que sa femme luy avoit envoyée, et dont il mourut le lendemain matin, pendant que les Juges étoient assemblés pour le condamner à mort.