Discussion:Laure d’Estell (1864)
- aborde le sujet de la vaccination... ? inoculer en 1802
- Le médecin que j’attendais vient d’arriver ; je vais faire inoculer mon Emma ; il faut toute la confiance que j’ai en cette opération, pour avoir le courage d’exposer ainsi mon enfant à de cruelles souffrances, … … … Ma fille est entièrement rétablie, chère amie, elle ne conservera aucune trace de sa petite vérole, et me voilà tranquille sur un point qui me donnait bien de l’inquiétude.
- sur l’inoculation https://gallica.bnf.fr/essentiels/evenement/inoculation-variole
- paris province
- Vois, ma Juliette, comme on se trompe dans ses projets ; en me retirant ici, j’ai cru me soustraire aux soins fatigants qu’entraîne la société ; j’ai cru n’avoir plus à entendre parler ni d’ambition, de fraude, ni d’amour malheureux. Eh bien, mon amie, le monde est partout le même, il n’y a que la différence d’une miniature à un tableau.
- opinion déguisée sur Mme de Genlis
- Tu n’es pas à beaucoup près du même avis que ma belle-mère sur son compte, et tu la traites bien sévèrement. Quoi ! tu prétends qu’elle met les vices en actions et les vertus en préceptes. Ah ! ma Juliette, tu n’as pas réfléchi sur toute l’étendue de cette méchanceté !
- contient la description d'un viol et de son impunité
- La surprise, la crainte, un sentiment inconnu, m’ôtèrent l’usage de mes sens, et ce moment fut celui qui me précipita dans l’abime du désespoir… Je fus longtemps à ignorer mon malheur ; mais je ne sais quel instinct m’ayant portée à fuir l’abbé, j’en reçus une lettre qui me frappa aussitôt d’une affreuse lumière. Je restai plusieurs jours dans l’anéantissement ; à la fin m’apercevant d’un changement extraordinaire dans mon état, je lui écrivis que le ciel voulait punir son crime en en laissant un fruit, et je lui demandai de chercher un asile où je pusse cacher ma honte et mourir.
- Tu sais qu’il avait dessein de dénoncer l’abbé de Cérignan à l’archevêque d’A*** pour en obtenir vengeance. Il s’est en effet présenté chez lui, quand après lui avoir remis la lettre qui accusait l’infâme suborneur, il a entendu sortir ces mots de la bouche du prélat : « — On vous a trompé, monsieur, cette lettre n’est point signée de mon neveu, et l’on a seulement contrefait son écriture. Les mœurs et la pitié du vertueux abbé de Cérignan ne sauraient être atteints de cette calomnie. Frédéric indigné d’une telle réponse, se leva aussitôt, et demanda où logeait l’abbé de Cérignan.
Personnages[modifier]
- Madame de Genlis => madame de Gercourt
Édition[modifier]
Critiques, réception…[modifier]
- 1802 : La Décade philosophique, littéraire et politique, Volume 3 [2]
LITTÉRATURE. — ROMANS.
Laure D’estell, par Mme*****. Trois vol. À Paris, chez Pougens, quai Voltaire, n° 10 ; et chez Henrichs, rue de la Loi, n° 1231.
Ce roman, dès qu’il a paru, a reçu de grands éloges dans les journaux : on doit douter, quand on lit ces sortes d’articles, s’ils sont faits par les amis ou les ennemis d’un auteur. L’homme éclairé ne voit dans ces louanges outrées qu’une partialité ridicule, et il se prévient involontairement contre le mérite réel de ce qu’on lui vante si immodérément, et celui qui se laisse séduire à cet appât prend une si haute opinion d’un ouvrage que, quel que soit le mérite de cet ouvrage, quand il le connait, il le trouve toujours au-dessous de l’idée qu’il s’en était formée. Rien ne réussit que ce qui est fait avec discernement et conséquence. Pour les éloges comme pour autre chose, il faut semer de la main et non verser du sac, suivant l’expression du vieux Montaigne ; mais c’est une mode de louer les romans comme c’en est une de les lire. La plus éphémère production de ce genre reçoit, à Paris, plus d’éloges en un jour que la Nouvelle Héloïse n’en eut depuis son immortelle existence. Il est facile de se rendre compte de cette bizarrerie : tout le monde écrit, lit, juge ; la littérature agréable est maintenant un talent de société. On fait imprimer un roman comme on exécute une sonate ; que la chose soit bonne ou mauvaise, le spectateur se croit toujours obligé d’applaudir, et l’éloge devient une monnaie courante qui se donne, se rend et passe de main en main, sans laisser plus riche celui qui l’a possédée. C’est aussi une finesse involontaire de l’amour-propre que cette manie de prôner les ouvrages de peu de conséquence. Il est doux d’être indulgent avec le talent qui ne fait point ombrage ; il semble que par-là on paie d’avance le droit d’être sévère avec celui dont on peut craindre la rivalité, et c’est ce qui ne manque pas d’arriver. Heureusement la partie saine du public ne juge pas d’après ces éloges ou ces critiques de coteries ; loin de là, ils donnent souvent, comme je l’ai déjà dit, une prévention contraire à celle qu’ils semblent devoir inspirer. C’est du moins ce qu’a éprouvé Laure d’Estell, qui d’abord a été louée sans mesure et ensuite dénigrée sans justice. Je vais tâcher, en en rendant compte, d’éviter l’un et l’autre excès.
Laure d’Estell, veuve de Henri, qu’elle croit avoir été tué à l’armée, se décide à se retirer à la campagne de Mme de Varannes, sa belle-mère, et à s’y dévouer à l’éducation de sa fille, celle de Henri, pour qui elle a eu une tendre affection, et qu’elle croit que rien n’effacera de son cœur. Mme de Varannes a deux autres enfans ; Frédéric, jeune fou dont le cœur est bon et la tête mauvaise ; et Caroline, jeune personne sans caractère. Frédéric devient amoureux de sa belle-sœur ; mais un voisin de campagne, sir James Drimer, anglais aimable, mélancolique, et dévoré d’un chagrin dont on ignore la cause, en devient aussi épris, et lui inspire, malgré le souvenir de Henri, les sentimens les plus tendres. Cependant, par des motifs qu’elle ne comprend pas, il évite de se trouver avec elle, de lui parler, de laisser voir son amour, et paraît éprouver des combats intérieurs très-violens. Bien plus, il se trouve être l’ami, même le confident de Frédéric. Laure, de son côté, fait connaissance avec une sœur de sir James, et cette liaison amène plusieurs incidens qui donnent occasion à l’auteur de montrer sous un jour avantageux le caractère de ses principaux personnages. La situation devient de plus en plus pressante. Frédéric, jeune et étourdi, se croit aimé de Laure ; sir James même paraît se le persuader et approuver cet amour, ce qui la désespère et produit quelques situations bien filées. Enfin sir James, tour à tour indifférent, emporté, amoureux, jaloux, sans que l’on devine les motifs de sa bizarre conduite, se décide à s’éloigner ; mais la douleur de Laure, au moment de son départ, lui apprend à quel point il est aimé, et lui arrache son funeste secret. Il aime avec passion, mais son amour est coupable ; il ne peut être uni à Laure. Tout se découvre : ce n’est pas à l’armée que Henri a été tué ; c’est de la main de sir James qui l’a soupçonné, par erreur, de lui avoir enlevé une femme qui le trompait et dont il était épris. Ou peut juger de l’effet que produisent ces événemens. L’ame sensible de Laure en est frappée mortellement : aimer celui qui a ôté la vie à un époux qui lui a été cher, est une douleur trop forte pour elle ; elle tombe malade. Sir James de son côté, tourmenté par le remords, et un amour sans espoir, ne peut plus supporter la vie, et il se tue sur le tombeau d’Henri ; Laure ne lui survit que de quelques mois. Telle est l’intrigue de ce roman dont le premier volume attache, dont le second languit, et dont le troisième renferme des incidens trop inattendus. Il aurait été facile de tirer plus de parti de la situation de sir James, qui a quelque chose de dramatique ; mais cette fin funeste et tragique manque son effet faute d’être bien préparée, et ne satisfait pas le lecteur, qui d’ailleurs s’attendait à éprouver des sensations plus douces. L’auteur a soigné principalement le caractère de ses deux héros ; les autres manquent souvent de couleur et de conséquence : cependant l’ouvrage est bien conduit, naturellement écrit, et surtout exempt de ce mauvais goût qu’on reproche, depuis quelques années, à cette partie de la littérature : peut-être aurait-on desiré y rencontrer un plus grand nombre de ces pensées fines ou brillantes, de ces expressions senties, qui prouvent qu’un auteur est bien pénétré de ce qu’il écrit : mais on s’intéresse, on lit, on ne veut pas quitter avant d’avoir fini ; et c’est beaucoup pour un roman, et pour un roman qui paraît être un coup d’essai.
Je n’ai pas cru devoir interrompre cet extrait pour parler de deux caractères épisodiques, dont Mme *** a voulu enrichir son sujet. L’un est un abbé qui séduit l’esprit et la personne de Caroline, et dont l’obscure scélératesse n’ajoute rien au mérite de l’ouvrage ; et l’autre, une Mme de Gercourt, espèce de savantasse, qui par ses opinions sur l’éducation et la religion, donne lieu à l’auteur d’entrer dans plusieurs discussions sur quelques systèmes modernes : ces discussions sont d’autant plus déplacées dans ce roman, qu’elles ne peuvent y être traitées qu’en passant, et qu’elles sont semées de mots âcres qui présentent des applications également injurieuses et injustes, sur une femme célèbre par son talent et ses nombreux écrits. Il est, pour le moins, hors de propos d’introduire dans les ouvrages, ces personnalités, ces caractères étrangers à l’action, qui blessent le lecteur déljcat, et font toujours le désagréable effet d’un portrait placé entre plusieurs têtes de fantaisie. Peut-être Mme *** a-t-elle cru donner, par-là, plus de célébrité à son roman ; mais elle s’est trompée : on est las d’entendre dénigrer ; la malignité commence à s’user, et bientôt ce sera, en rendant justice au mérite que l’on se fera remarquer. Qu’elle renonce donc à ces ressources équivoques, elle a assez de talent pour intéresser ses lecteurs, sans que ce soit aux dépens de personne. Qu’elle me permette de lui donner encore un conseil : si elle fait un autre ouvrage, et que cet ouvrage soit un roman, qu’elle cherche à le rendre moral ; qu’elle se pénètre de quelque grande vérité qui devienne le centre auquel viendront aboutir tous les ressorts qu’elle fera mouvoir. Comme alors tout devient intéressant et s’arrange de soi-même ! quelle supériorité une production de ce genre, si faible soit-elle, n’a-t-elle pas sur les brillantes fictions, ou les écarts d’une imagination oisive ! Le roman moral est l’histoire du cœur humain, l’autre n’en est que la fable : ce sont les enfans que l’on amuse avec des fables, et ce sont les hommes qu’il est glorieux d’intéresser.
C. P.
- Sainte Beuve
Laure d’Estell, publiée en l’an X (1802) par Mme***, en trois volumes, laisse beaucoup à dire, mais il y a déjà des parties assez distinguées. Une jeune femme, orpheline et veuve à vingt ans, se retire dans un château, chez sa belle-sœur, pour s’y livrer à son deuil d’Artémise auprès du mausolée de son époux, et s’occuper de l’éducation de sa fille. Elle y trouve, ainsi que dans un château voisin, une société qui lui donne occasion de développer par lettres à une amie ses principes et ses maximes. Madame de Genlis y est fort maltraitée : elle figure dans ce roman sous le nom de madame de Gercourt, sentencieuse, pédante, adroite et flatteuse, visant à une perfection méthodique, fort suspecte de mettre « les vices en action et les vertus en préceptes. » L’héroïne du roman, Laure, s’y félicite de partager l’antipathie de madame de Gercourt « avec deux femmes d’un grand mérite, dont les opinions, dit-elle, ont quelque rapport avec les miennes. » Ces deux femmes sont, la première, madame de Staël ; et la seconde, je crois, madame de Flahaut. En contraste de madame de Gercourt et d’un abbé de sa connaissance, qui joue un fort vilain rôle dans le roman, l’auteur place un curé tolérant dans le genre de celui de Mélanie, plus occupé de la morale que du dogme : cette morale, il faut en convenir, à l’examiner de près, paraîtrait un peu relâchée, et madame de Genlis, si elle avait répondu, aurait pu prendre sa revanche.
Les scènes mélodramatiques de la fin et les airs de mélancolie répandus çà et là dans l’ouvrage sont la marque du temps ; ce qui est bien déjà à madame Gay, c’est le style net, courant et généralement pur, quelques remarques fines du premier volume ; par exemple, lorsque Laure dit qu’en se retirant du monde pour vivre à la campagne, partagée entre les familles des deux châteaux voisins, elle avait cru se soustraire aux soins, aux tracas, aux passions, et qu’elle ajoute : « Eh bien, mon amie, le monde est partout le même ; il n’y a que la différence d’une miniature à un tableau. »
Ce premier pas fait, Mme Liottier publia dans la même année (1802) une œuvre d’imagination, Laure d’Estell, qui lui fournit l’occasion de développer ses opinions littéraires et politiques, de proclamer ses antipathies et ses amitiés, en mettant en scène, sous des noms supposés, Mme de Genlis, à laquelle elle donne le mauvais rôle, et, en opposition, Mme de Staël et Mme de Flahaut. D’après M. Sainte-Beuve, ce roman de Laure d’Estell n’aurait été écrit et publié par Sophie que pour venir au secours d’un oncle et d’une tante, M. et Mme B… de L…, qui se trouvaient sans ressources au retour de l’émigration.
- Francesco SCHIARITI : LA NOSTALGIE DE LA CIVILISATION -- Les représentations de l’Ancien Régime dans les romans sensibles, les romans historiques, les vies romancées et les vies édifiantes (1789-1847) (Thèse de doctorat es lettres) => fait partie du corpus, précise que la dédicace Mme N* est madame Necker