Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Danse/Courante (danse)

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Panckoucke (1p. 397-416).

COURANTE. Ancieiffle efpèce de danfe dont Vair efl lent , Ik fe note ordinairement en triple de blanches avec deux reprifes*

- La courante efl compofée d’un temps , d*un pas y d^un balancement & d’un coupé. On la danfe à deux. ’ ',

- Ceft par cette danfe qu’on commençoit les bals, anciennement. Elle eft purement fr^pçoife. Les menuets ont pris la. place de cène danfa, qu’on B*exécuie prefque plus.

, Il y a le pas de courante qu’on fait entrer dans la compofition de plufieurs danfes. , Dans. les premieos temps qu’on trouva la cou* rante , on en fautoitle pas ^ dans la fuite on oe la ; danfa que terre-à- terre.

Pas de courante. Ses mouvements, quoique la courante ne ſoit plus en uſage, ſont ſi eſſentiels qu’ils donnent une grande facilité pour bien exécuter les autres danſes.

On nomme ce pas temps, parce qu’il eſt renfermé dans un ſeul pas & un ſeul mouvement, & qu’il tient la même valeur que l’on emploie à faire un autre pas compoſé de pluſieurs mouvemems. Voici comment ce pas s’exécute.

On place le pied gauche devant, & le corps eſt poſé deſſus. Le pied droit eſt derrière à la quatrième poſition, le talon levé prêt à partir. Delà on plie en ouvrant le pied droit à côté ; & lorſque l’on eſt élevé & les genoux étendus, on gliſſe le pied droit devant juſqu’à la quatrième poſition, & le corps ſe porte deſſus entièrement. Mais à meſure que le pied droit ſe gliſſe devant, le genou gauche le détend & le talon ſe lève, ce qui renvoie avec facilité le corps ſur le pied droit, & du même temps l’on s’élève ſur la pointe. On baiſſe enſuite le talon en appuyant tout le pied à terre, ce qui termine le pas, le corps étant dans ſon repos par le pied qui poſe entièrement.

On en peut faire un autre du pied gauche, en obſervant les mêmes précautions.


COU 197

Suhe de pas & "de fauu faits en (âitn^c, Touîs les arts en général ont pour objet rimitadon de la nature. La mufique rend fes traits par l*ar-. rangement fucceiTif des fons ; la peinture ; par la mélange adroit des couleurs ; la poéfie , par le feu varié du difcours ; la danfe , par une fuite cadencée degeftes. Ceft-là l’inflitution primitive. La mufi* que qui n’exprimeroit pas j la peinture , qui ne fe-’ roît qu’un vain affemblage de couleurs ; la poéfie , qui Hoffriroit qu’un arrangement méchaoique dé mots ; la danfe, de laquelle il ne réfulteroit aucune image , ne pourroient être regardées quecomme des prodttâions biûrres , fans art , fans vie & de mauvais goût. <

Ces principes font incontèftables pour tcnfte forte de muUqut , pour quelque peinture que ce puiiâe être 4 pour touts les différents genres de dknfe. L’imitation conftitue donc Teffence tte chactiif de ces ans ; & la danfe en particulier , qui eft dès fpn origine une expreftion naïve des fenfations de l’homme , pécheroit contre fa propre nature fi elle ceftbit d’être une imitatioué

Ainfi toute danfe doit exprimer , peindre ^ rctracear aux yenx quelque «ffeâion de i’ame. Sans tettecondition, elle perd le»caraâère de fon inftîtutiotf I primitive. Elle n’eft pl«w qa’un abus de l’art.

fMaîs ce que la danfe doit toujours être , devient

encore d’une obligation plus étroite lorfqu’elle eft portée art diéitre, parce que la repréfentation fait le caraétere effentiel & diftinâif de l’art dramatique ^ dl>nt elle fait alors ’partie» . Divîfion de la danfe théâtrale.

Nous avons vu que le défaut d’aâion étoît le .vice conftant du grand ballet. Quinauh , à qui rien n’échappoit , l’avoit apperçu, & en partant de cette •expérience, il n’eut garde de laiffer la danfe oifive daiis le plan ingénieux & raifonné de fon fpeâaclc* Je trouve , dans {ci compofitions , Tindication évidente de deux objets qu’il. a cru que la danfe devoît y remplir, & ces objets font tels , que la connoiflfaace de l’art & celle de la nature a pu feule les lui fuggérer. . ,

Dans les premiers temps , avant la nsiftànce même des antres arts , la danfe fut une vive expre{^ fion de joie. Touts lés peuples l’ont hi fervir dipuis , dans les réjotiiftànces publiques , à ladémonftsation de lenr allégreffe. Cette joie fe varie ^ prend des nuances différentes , des couleurs , des tons divers , fnivant la nature des événements , le caractère des nations, la qntilité , Téducatioa , les mœurs des peuples.

Voilà la danfe fimple & un des objets de Quinault. Le théâtre lui offroit mille occafions brilJantes de 1» placer avec touts fes avantages. Les nations intéreffèes aux différentes parties de fon aftien , les itriompfaesde fes héros, les fêtes générales intreduites avec goût dans fes dénouemens, offroient ^alorsJes moyens fréquens de varier, d’embellir 59« ^OV de peindre les mouvements de joie populaire , dont chacun des infiants peut fournir à la danfe une fuite animée des plus grands tableaux.

Mais la dan(e compofée » celle qui par elle«snôme forme une aâion fuivie » la feule qui ne peut tire qu*au théâtre , & qui entre pour moitié dans le grand deflèin de Quinault , fut un des pivot $ fur lefquels il voulut faire rouler une des par* ties eflentielles de ^on enfembie.

Tout ce qui eA fans aâion eft indigne du thèâ* tre ;tout ce qui n*efi pas relatif à l*aâion devient un x>rnement fans goût & fans chaleur. Qui a fçu mieux que Quinault ces loix fondamentales de l’art dramatique i Le combat des foldats fortts du fein de la terre dans Cadmus , devoit être, félon fes ▼ues, une aâion de danfe. Son idée n^apas été fuivie. Ce morceau aui.auroit été trés-theâtral , n’eft qu*une fituarion troide & puérile. Dans Fenhautement d’Amadis par la faufle Oriane , il a été mieux entendu »& cette aâion épifodique parokra toujours , lorfqu*clle fera bien rendue » une des beautés piquantes du théâtre lyrique. Le théâtre comporte donc deux efpèces difiînâives de danfe , la fimple & la compofée ; & ces deux efpèces les raflemblent toutes. Il n*en eft point , de quelque genre qu elle puiilè être , qui ne ioit cornprife dans l’une ou Tautre de ces deux dénomtna** tions» Il n’eft donc point de danOe qui ne puifle être admife au théâtre ; mais elle n’y fçauroit produire un agrément réel , qu’autant qu’on aura l habileté de lui donner le caraâére d’imitation qui kit eft commun avec touts les beaux arts , cek^ d’expref- l fion qui lui eft particulier dans l’infiitution primi- 1 tive , & celui de repréfentation qui conftitue feul l’art dramatique*

La règle eft confiante « parce qu’elle eft puifte dans la nature , que l’expérience de touts les iîécles la confirme, qu’en l’écartant , la danfe n’eft plus qu’un ornement fans objet , qu’an vain étalage de Es , qu’un froid compofé de figures ans eiprit , ns goût & fans vie.

En fuivant » au furplus « cette règle avec fcrupule «  on a Va clef de l’art.. Avec de l’imagioatto», de l’é* tude & du difcernement , on peut fe flatter de le porter bientôt à fon plus haut point de gloire ; mais c eft fur-tout dans les opéras de Quinault qu’il auroit pu atteindre rapidement à la plus éminente per«  féâlon , parce que ce poëie n’en a point fait dans lequel il n’ait tracé, avec lecoiToii du génie, des aâions de danfe les plus nobles , Les mieux liées a» fujet , les moins difficiles à rendre. J’y vois parW teut le feu , le ptttorefquè, la fertilité des’ beamc cartons de Raphaël. Np verrons-nous jamais de pin* ceau afiez habile pour en faire des tableaux dignes du théâtre ?

Ce au’on dk ici des opérât de Quinault an fu» jet de la danfe, éft vrar a la letffe. H n’eft point d’ouvrage de cet efprit crésieiir dans lequel on 4 ne voie ,fi l’on fait voir , rindtcatbn marquée .de plufiçurs ballçtt d>âûi|i tiès^ingéniaix & tans Ûés | G OU

au Aijet principal. Il en eft de même de la décoration & de la machine. Dans chacun de {c$ opéras » on trouve des moyens de fpeâacle dont jufqu*icî il femble qu’on ne fe foit point apperçu , & qui feuls feroient capables de produire les plus grands eflets.

OhJUcUs au progris dt la danfr»

On commence à revenir des préjugés cenfurés dans cet article : mais comme ils ne font point encore entièrement détruits , nous croyons que les. réflexions contenues dans cet article ne font point encore devenues inutiles. La danfe , qui ne peint rien , ne produit fans doute qu’un plaifir très-fugitif qui laifle Vefprit & le cœur à froid. Mais dire aufll que la danfe puifle tout exprimer , c’eft le langage de l’enthoufiafme.

Les gens à talents forment , dans les arts , des eftièces de républiques dmérenies entr’elles par des uuges particuliers , & toutes refifemblames par un fanatifme d’indépendance que des caprices luccef-, iifs entretiennent, & que la raifon n’eft guères ca ? pablede refi’oidir.

Ils n’ont point de loix écrites , de règles conflan* tes, de princioes fixes* Ils fe gouvernent fur des traditions qy’ils croyenr certaines. Ils (uivent des. pratiques oue l’infuffi&nce a adoptées , & qu’ils imaginent être la perfeâion de l’art. Ils s’abandon^ nentà des routines qu’ils ont trouvées introdiùtes, fans examiner fi elles font utiles ou nuifibles. Or , pour ne parler que de la danfe du théâtre ^ je trouve dans ces inconvénients généraux de grands obftades au progrés de l’art , puifqu’îl en» réfulte le inalheur certain de ne voir jamais faire à nos danfeurs modernes que ce qui a été pratiqué, par les danfeors qui les onr précédés , & je crois avoir déjà prouvé que la danfe n’a fiiit jufqu’ici fur notre théâtre que ia moindre partie de ce qu’elle , auroit dû faire.

iMais pour fenttr tout le danger des ahns funeftes à l’art qui fe font glififés parmi nos danfeurs de théâtre « pour leur hiire connoitre à eux - mêmes La néceffité de les réformer ,’ ponr engager peut-être le public à les y contraindre , je penfe qu’il eft néceflaire de les développer fans ménage* ment. Ceft le plaifir de la mnltitude, c’eft la gloire de la multitude, c’eft la gloire d’un art agréable » c’eft Fhonneur d’un fpeâacle national que je foUi-») cite. Ce font les abus qui arrêtent fes progrès , que je défière à la fiigadté, au goâr,aki difcernement des françois,

s^ Tonte raâiott théâtcaie eft aatîpaiiqiie aux danfeurs modernes, parla feule raifon que lesactions de danfe n’ont pas été pratiquées par les gands danièurs , ou crus tels y. dont ils rempliflênc au théâtre les emplois ; comme fi le vrai talent de* voit fe donner lui-même des entraves ;. oonune s’il n’étoit pas fiiit pour s’élever tonjoun par fon aâivité au deflus des modèles quil s’eftchoifts. a^ L’opinion commune eft que la danfe doitfe cou rfcdnlre à un dércloppemcnt des belles proportions du corps, àanegnnde précâfion dins Fexëcutiofi «les airs » à beaucoup de gfâce dans ledèployemeiu àQS bras , à une légèreté extrême dads la foroiatiôn des pas* Quelques connoifleurs penfent le contraire. Le général des fpeflatcurs , touts kr datrfeurs fubalternes , lo^ peuple de Topera n*oiit de la danfe qu^b appellem noble » que Tidée (^ue je* rapporte. Aucun des auteurs qui depuis Qutnault ’ont travaillé pour le théâtre lyrique , fans excepter même la Motte, ne paroît avoir conhu la danfe eh aâion. Fufetier eft le feul qui , dans fes ballets , ait tenté de l’introduire, & avec raifon. Que penfe^ Toit-on d’un graveur qui , ayant iffet de talent pôuf rendre & multiplier à fon gré (les tableaux de Michel

  • Ange , du Correge,de Vanlo , n’employeroit

cependant fon burin qu*à répéter méchaniqyempnt un nombre borné de jolies vignettes pu quelques €uis^’lamp€ monotories i

3**. Chacun des danfeurs fe croit un être à pan & privilégié. Il veut avoir le droit de paroitrb feul deux tois dans quelque opéra qu’on mette au théâtre. Il penferoit n^avoir pas danfé , s’il n’avoit fes deux entrées pantculières. Il les ajufte toujours à fa mode , & fans aucune relation direâe ou indireâe au plan géaéral qu’il ignore, & qu’il ne s*embarrafle guéresdeconnoitre. Or, ce feul inconvénient , ’tant qu’on le laiflera fubfiflèr , fera unobftade invincible à la perfeâion. En voici les preuves* i^ Si le plan généjal de Topera eA bien fait, èomme le font, par exemple, tours ceux de Quinault , chacune des parties qui le compofent , eft relative Îl l’aâion principale. Par conféquent pour qu’il foit bien exécuté , il faut que chaque danfe prife féparément s’y rapporte & fafle ainfi , de manière oU d’autre, panie ae cette aâion. La danfe cependant , par l’abus dont je parle , deviendra dans cet endroit une partie oifive , & par cette feule raifon défeâueufe. Le plaifir réfultant de l’aâxon principale fera donc néceflatrêment moindre. La multitude peut-être applaudira le danfeur ; parce Qu’elle’ ne juge que par Timpreffion du moment. Il* n’en aura pas moins fait cependant un contre-fens infupportable aux yeux du peu de fpeâateurs qui connoiflent le prix de l’enfemble.

1**. S’il y a huit danfeurs ou danfeufes à l’opéra qui foient en droit d’avoir chacun deux entrées particulières , il 6ut ^ fi-Fon veut remplir les loix primitives de l’art ) ., imaginer feize aâions fépa-’ rées qui fe lient ou fe rapponent à Taâion principale, & fuppofer encore que ces huit fujets fe préterom à les exécutef. Ces deux conditions font moralement impo{nbles.Au(ri trouve- t-on plus court de laifler aller les chofes comme elles ont été ; moyennant quoi , depuis plus de quatre-vîhet ans , on eft encore , & Ton refte au point d’oii 1 on eft d’abord parti. ’ ; • ’

Etat aêtuel de la danfe théâtrale en France. Le perfonnage le «plus recommandaUe de la C V 399

Chmtf eft telui qui fçait une pln# pzhit qnànt ;ité’dè mots. L’éruditiQQ de ce paya n’effletwe* pas mêni* les chbfe. Uïi^îettté’^aBe fk v5ê à m :^rcf ; S arranger dans flifte <uh ribmbfè flniiiénïe de parolci ifolées ;&les fçivans de la Chine déclarent qu’il eftfçaVant. Je crois voit* uh homme tiui , ayant dans & itfain là clef du temple des muîfes ^ con- {ntûHtés Ttmrs ific roure fon adfêAef àla tourner & & la retouri^emfans ceflè ûzti la ferrut-é , ^n^ ofe> lamaîs fbiidier a« reflbrt. Tel’ eâ itàiit meilleur danftfur moderne.

Préjuges contre la danfe en oËhn. * La danfe noble ^ la belle danfe (t perd, difott-on à la cour & à la ville , lors même que nous avions ^ authéâtre de Fopéra, les meilleurs danfeurs (^iV enflent paru depuis fon établiflement. Quelle étbir donc la perte dont on fe plaignoit ? qu’avoient fait fur notre théâtre ces grands danfêtirs’ que ron rt* grettoit tant ? Jufqu’à quel point avoient-ils poné l’art 4e la danfe ?- "

Les uns marchoiem des menuets avec une no«  bleffe qu’on a beaucoup vantéb , les autres erécu-’ tdient quelques pas dé fUHes avec une mérfiocre* chaleur’ ; nul n’étoît encore aiVivé’ jùfqu’à la perfeâion que nous avonç admirée fi long- temps dans nfos chacohnes. ’Qu’âuroient été t^ Prevoft , les Subligni à côtéde Mademoifelle $allé ? Quelle exécution , du temps dufiu roi , auroit pu être comparée à celle de Mademoifelle Camargo i ’ Ce difcotirs ridiculequ’on a tenu conftamment en France depuis la mort de’Lully ,’en IVipplîquanr’ fùcceffivement à toutes les parties de la vieille machine qu’il a bâtie, & qu’on répétera par habitude ou par malignité , de gfenération en génération , juf^* qu’à ce qu’elle fe foit entièrement écroulée, n’efl qu’utt préjugé du petit peuple de l’opéra , qui s’eft’ glifle dans le monde , & qui s’y mainffent depgis plus de foixante ans , parte qu’on le trouve fous fa main , & qu’il dégfade ’ d’autant 1er ta’le’nts contem-’ porains qu’on n’eft jamais <âcf](é de tabaitTer : ’ M^is ce difcours qu’on a tenu pendant vin^t arfi fur dès fujets évideniment ; fupérieurs à ceux" qu’oa exaltoit à leur préjudice , ce préjugé qui nous eft* démontré injufle aujourd’hui à tous égards , auroic cependant ^é funefte à l’art , s’il avoit retenu le$ Dupré, les Salle , les Camargo dans les bornes* étroites de la carrière qu’avoieht parcourue leurs prédécefteun. Que nos talents modernes tirent eux-mêmes la conféquence néceffaire & fans réplique qui fuit naturellement de ce raifonnement^ umple.

Il y a une très-grande différence entre la fatuité qui perfuade un homme à talent ({u’il furpaÎTe ou’ qu’il égale le modèle qu’il a devant les yeifx , & Ta noble émulation qui lui fait efpérer qu’il^pourra régaler ou le furpaffer un .jour. Le premier feritîment eft un mouvement d’orgueil aveugle qu ! entraine l’arûfte dans le précipice ; le fécond eft un 400 G O U ànlo^r vif pour la g)ioire qui Télève tôt oti tard au jjïu^ naim Jegçéf . , ^ Mais conuni^nt adf^çttré ^u théâtre » comment croire agréable» çoiainiqnt iiippofer pbflible un genre de danfe que les grands maîtres n'ont point Î)ratiquèe, qu'ils ont peut-être, dédaignée ^ & qui ans GOute leur a paru au moins un obAâcle au. dé- yeloppement dcs«race5 , à la^précifion 4e$ moiive- ipocnts t'a la^per^Sion des figures ? ^,., Voilà lès F«irt| arguments ou plutôt les grands préjugés contre là (uinfe' en aâioQ. Il faut les dtf- cuter avec ordre & Tun après l'autre. Le propre de ces fortes d'erreurs eft de cacher la véritable route qu'on doit fuivre. Ceft un faux jour qui change les objets 9 «n leur prêtant des couleurs qu'ils n*pnt Sas«. Détruire un préjugé .qui refroidit la chaleur èsixtiâes^ eftua d<^,plu$ uùks fecours qu'on puifllb prêter à l'art* ' ^ Prewfc^^lapolfihiluldi Udanfc en aSilon. -. La parole n'eft pas plus expreflive que le gefle, l.a peinture qui retrace à.nos yeux les images les plus fortes ou l^s plus ri^ies., ne lef çom^ofe que cîçs attitudes , du.mouvemeot de^ bras ., du jeu des traits d^ yi(age,»'qui fom.les parties dQnt. k^dapfe. ^ compofèè comme elle,, >, , {. i ... Mais la ceinture n'a au*un., 'moment qu'elle' puifle exprimer* L^ danfe théâtrale a touts les mo- jnencs fuccê(iifs qu'elle veut peindre. Sa marche va ^ de tableaux en ^àblea^ix», auxquels le mouvement. épx>.jflf h viç, iro^eft. qu^infité dans la. peiot^^e. ^11 cft toujourjn^eï.dansla daftiéy j ,, , . . . ; 3 "Elle ^gitioujojirs par ia Çjature.ll ne lui mapque. fur neire tÇ^âtre qjic Itiuteption. Elle- va à droite & J-gauçhe:^elle avànce.Sç réculçi elle ^defllne des pias-ll ne faut que rarrangement de. ces mêmes chofçs pourfendre aui^.jr^ quelque aâion théâ- finale que c^p^puiffeêtre, '.L'hjftojrcjcb rari;prouv^,que les danfeup i^e gé- : n^c u'opt qw que çp (Ccùlfecapr^.ptMir. exprimer tou- tes les paifions humaines , & les, poi&bilité^ font dfin> fiovitf les temps Içs mêmes. . . En 173» % ^demoifçlle Salle repréfenta a Lon^ dkes » avec Te plus grand fucçès , deux ^Qlons dra- Viatiques complettes , l'Ariane Sf. le Pigmalion. n n'y a pa^ trente ans que feu Madame la du- chefle du Maine fit compoler des fympRoaies( par Mouvet ) fur la fcéne du quatrième aflp des Hora- cesy. dans laquelle le jeupf Horacprue Camille. Un danfçur & une danfeu(ê rèpréfentèren^ cette aâion k Sceaux ; & leur danfç la peignit avec toute la force & le pathétique dont elle eft furceptible. Nous voyons touts Us jours le bas comique rendu avec naïveté p^r la danfe. L'Italie cft en pof- féfllon de cç gçnrç ; $c il q'e point d'avion de cettç efpece qu*on ne peignç fur fes thèitres d'une ma- nière fiQon parfaite, du moins fatisfaifante. Or, ce que la danie llkit par-delà les monts dans le bas , f^ f^auTQit Ifiî êirç ipipo^iblf pn France dans ] COU le noble; pnîfqu'elle y eft ti^-fupétieare par le nombre des fujets & par la qualité des talents. On ne doit fe défier ni de fes forces ni de Tart ; lorfqu'on a rambitiow d'exceller. Ce que les Ro- mains ont vu faire à Pylade & à Batyile peut encpre çtre exécuté par de jeunes gens exercés , qui ont touts les mouvements expreffifs& faciles. La danfe, fur notre théâtre , n'a plos befoin que de guides , de bons principes, & d'une lumière qui , comme Je feu fccré , ae s'éteigne jamais. Qu'on fe perfuade que le fiècle qui a produit, dans les lettres, l'erprit des loix , la Henriade, l'hiftoire naturelle & l'en- cyclopédie , peut aller auffi loin , dansées arts , que le fiede même d'Augufle. Supériorité & avantages de la danfe en aSiofu La danfe en aaion a fur la danfr fimple , la fu- periorité qu'a un beau tableau d'hiftoire fur des de- coupures de fleurs. Un arrangement méchanique fait tout le mérite de la féconde. Le génie ordonne , diftriUie, compofe la .première. Tout le monde peut faire des découpures , il pV a nul mérite ï les faire, mçme fupéjfienremcnr. On marc^ie dans les . fenrJers difficiles qui cond^uifeat au temple de mé- moire à côté de Montejfquieu , lorfqu'on peint comme Vanloo. . Les avantages d'un gejire fur un autre, font en proportion des moyens qu'il procure de développer le talent plus fréquemment & avec moins de diffi- cuhé. . Or, le talent fuppofé dans le danfeur, la danfe en aâiôu lui fournit autant de moyens d*expreffioa qM'il y. a depaffions dans l'homme ; autant de ta* bleaux qu'il y a dans la naturç de manières d'être ; autant d occafions de les varier qu'il y a de façons différentes de feiitir & d'exprimer. Un grand peintre a commencé par aflurer fa main. L'art du deffein l'a rçglée. U a d'abord tracé

quelque partie d une figure, & fucceffivement al*

lant d études en éti}dBS , de progrès en progrés , il ' a defliné la figure entière! C'eft la danfe fimple. ^ Son iraaçiaatioo s eft écfcaufiée par les chefs» d oeuvre gui l'ont frappée ; fou talenf s'elt déve- loppé par 1 étude çonltante de la nature. U faiilt alors le pinceau. Les grands hommes renaifient , les événements mémorables fe retracent ; les cou-? leurs parlent » la toilç refpire. Ceft la danfe en ac«  tion. . . , : ^ . Jeunes talents qui entrez dans la carrière du théitr/5 , étudiez la nature , approfondifTez l'art. Vene^ Suivez la multitude qui court en foule dans Iç falloq du louvre ; mais ne regardez pas comme ellçfans voir. Jlecueillez-vous; apprenez à pein* dre , ou ne prétendez k aucune fonç de gloire. Vou^ vous arrête? ^u premier pas } Eh quoi ( di- tes-vous^ on a donc rrouvé le fecret de peindre l'efprit ! je vois dans ces portraits le caraâère , le fentiment, la vie. Dans l'arrangement jpittorefque d^ tri^its 4m pf emi^ » je dçviœ (}ue U fouvçifir i9 Digitized by Google

cou ie ce qu^ila entendu le conCole de ne fus entendre. Je découvre des étincelles de génie à traders laimable gaieté qui me féduit dans le fécond. CeA unj)hilofophe quineft férieux qu’avec fes livres. Il rit’, joue , & badine dans le monde avec les hommes. . . Un flot nous entraîne. Je vous fuis.... quelle attention I quel filence 1

Vous admirez le pinceau mâle qui met fous vos yeux la difpute de^aint Auguftin C0n^re les Donatifies. L*expre(Ilon qu il répand dans touts les traits de Saint Charles Borromée paffe jufqu au fond de Yotre cœur. Tournez là tète : parcourez ces quatre tableaux , où une allégorie fine & délicate vous re- ^ trace les arts libéraux. Que pourrroit produire de plus aimable la main même des Grâces ? Voilà les reflburces fans nombre que les images fourniflent au véritable talent. Plus la danfe , comme la peinture, embrafTera d’objets, & plus elle aura de. mo/eas fréquens de déployer les belles proponions , de les mettre dans des jours heureux , de leur imprimer le feul mouvement qui peut leur donner une forte de vie.

On ne fçauroît faire qu*un feul tableau de toutes les danfes fimples qu’a exécutées » pendant vingt ans , le meilleur danfeur moderne. Voyez que de jolis Ttnîers naiflîent chaque jour fous la main légère de Dehefle.

Rejfaurce unique des danfeurs modtmes. Un maître écrivain eft un expert qui enfeigne à faire des lettres. Un maître â danfer e(l un anifte qui montre à faire des pas. Le premier n*eA pas plus éloigné de ce que nous appelions dans la littérale un écrivain , que le fécond Teft de ce qui peut mériter au théâtre le nom de danfeur. Outre les éléments de fon art , il faut au danfeur « comme à ^écrivain , un /^yle dont Us font la matière première ; & ce ftyle eft plus ou moins l^ftiroable , félon qull rend , qu*il exprime , qu’il peint avec élégaace une plus grande quantité de ehefes eflimables , agréables , utiles. Si {étois dope chargé de la conduite d’un jeune é^Xkfempn quij’auroîs apperçude Tintelligence , quelqiue amour pour la gloire , & un véritable ta«  lent , je lut dirois : commence^ par aroir unfflyU ; mais premi garde que cefiylefoit à vous» Sçye^ ori* pnal^fi vêus a/pire^ à être un jour quelque chofe. Sans cette première condition yfoyei^fûr de 7^ être ja* jft^ais rien.

Je pafleroîs de cette première vérité à une féconde. Uart de la danfe fimple , lui dirois- je , a été poujfé de nosjoufs aujji loin quil fçit po£ihie de le porter. Nul homme ne s’efl mieux dejpné encore que Dupréi nul ne fera les pas avec plus d^élesrance ; mtl najufierafes attitudes avec plus de nebleje, N^efpéreipas de furpaj^er les grâces de Mademoifelle Salle, fous vous flatte^ % fi vous creye^ arriver jamais à une gaieté plus fianche , i une préàfion plus naturelle , que celles qui hrilloient dans Ij danfe de Mademoi-Jclle Camargo. Il femble que ces trois fujci^ aieut^ fijHUûtion , Ef crime é Danfe.

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ipuifé ces fortes de recoure t s de Vart ; mais^ parbon^ heur , U danfe en aBion vous refle. Ce(l un champ va/Uf encore en friche : ofe^le cultiver^ Fous trouvé^’ re^ dt abord quelques épines ; ne vous rebute^ pas : opinidtrei-vous, La moijfon la plus abondante ne tar* dérapas à vous dédommager de vos peines, Connoijfe^ votre fiècle : // aime les arts. Tout ce quils tentent pour lai plaire ejl fur d’être accueilli ,• tout ce qui a davantage d*y réujfir efi fur de la gloire j 6» il eft rare qu’un artifte qu*il couronne ait long-temps à fe plaindre de la fortune^ .

Des aâions convenables a la danfe théâtrale» Le théâtre lyrique eft. en poffeffion de plufieurs aâions tragiques , de quelques fujets comiques , de la padorale, de la magie , delà féerie , du merveil^ leux de la &b1e, & depuis quelque tem^ de la farce de de-là les monts.

Chacune de ces aâions a des beautés ou des agréments qui lui font particuliers , ^ le charme qui en réfuite dépend de la manière feule de les traiter.

Or le gefle peut peindre avec grâce tout ce que / la voix peut exprimer. Toutes les aâions dont le théâtre lyrique eft en pofleftion peuvent donc étr» convenables à la danfe.

Pylade & Batyle ont rendu autrefois fpr leurs théâtres la tragédie & la comédie ; touts les genres tronvés depuis ne font que dçs branches de ces deux tiges principales.

Rome , polir s’aflbcier en quelque forte à la gloire de ces deux hommes célèbres , honora leur danfe d’une dénomination nationale. Lorfqu*il s’élèvera parmi nous quelque grand talent zttet inftruit des poffibilités de Tart^ popr fe les rendre propres , fa place » n*en doutons point , lui fera marquée dans rhiftoire des artiftes fameyx , i côté des Pelades Sc des Batvles ; & fa danfe » digne feule de ce nom | fera déformais appellée la danfe françoife. Des aâions principales en danfpp

Notre tragédie & notre comédie ont une étendue & une durée qui font fourenues par les charmes du difcours» p^r la fineffe des détails, par la va* riété des faillies de Tefprit. L’aâion fe divife en aâes : chaque aâe eft partagé en fcènes ; les fcènes amènent uicceffivement les (ttuations ( ^es fituar lions» à leur tour, entretiennent la chaleur , forment le nœud , conduifent au dénouement » & la préparent.

Telles doivent être, mais avec plus de précificui encore^ les tragédies & les comédTfes en danfe ; je dis avec plus & précifion , parce que le gefieeft pkis préas que le difcours. Il faut plufieurs mots pour exprimer une penfée ; un feul mouvement peut peindre plufieurs penfées , & quelquefois la plus forte fKuation. U faut donc que l’adioii théàr traie marche toujours avec la plus grande rapidité , qu’il n’y ait point d’entrée , de figure , de pas inutiles. U«e bonne pièce de théâtre en danfe doit .401 C O Û çcrc un extrait ferré d’une exceUeme plé^e dramatique écrire.

La danfe , comme la peinture , ne retrace à nos yeux que les fituations ; & toute fituation véritablement théâtrale n efi autre chofe qu*un tableau viyant.

S*il arrive ionc un jour que quelque danfeur de génie entreprenne de repréfenter fur notre théâtre yrique une grande aâion , qu’il commence par en extraire toutes les fituations propres à fournir des tableaux à la peinture. Il n’y a que ces parties qui doivent entrer dans fon defieio ; toutes les autres font défeâueufes ou inutiles ; elles ne feroient que

  • Tembrafler , le rendre confus , froid & de mauvais

goût.

Si ces fituations font en grand nombre » fi elles fe fuccédent naturellement , û leur enchaînement les conduit avec rapidité à une dernière qui dénoue facilement & fortement l’afKon » le choix eft iur. A ces marques infaillibles de Teffet théâtral , on ne fçauroit le méprendre.

. Mais dans Texécution , en ne doit point s’écarter de cet objet unique. Ce ne font que des tableaux l(ucceffifs qu’on a à peindre , & qu’il faut animer de toute Texpreffion qui peut réfulter des mouvehiens paffionnés de la danfe. ^

Céfoit-là fans doute le grand fecret de Pylade ; & peut-être eA-il y pour touts les genres , la bouffole la plus (ure de l’art du théâtre. Des aSions tpifodiquts en danfe ^

L’enchantement de la faufle Oriane dans lopéra d*Amadis , eft une aâion de danfe épifodique. Elle forme par eUe-*méme une aâion complette ; mais le fujet principal auquel elle efl liée , & dont elle devient une partie par Tart du poëte » pouvoit absolument fubfiAer Uns elle. Cefl un moyen ingénieux que Quinault a trouvé pour nouer fon intrigue. Ilauroit pu lui en fubftituer un autre, fans nuire à la marche théâtrale ; & on nomme épifodique toutes les aâions de cette efpéce. Il n’y a point d’opéra de Quinault qui ne puifle fournir à la danfe un grand nombre de ces aâions toutes nobles > théâtrales , fufceptibles de la plus timable expreffion, & toutes capables par conféciuent de réchauffer lexécution générale , dont 1 expérience a démontré la foiblefle primitive. La Mothe n’a connu que la danfe fimple. Il Ta variée dans hs opéras , en lui donnant quelaues ca* raâères nationaux ; mais elle y eft amenée Uns aucune aûion néceflaire. Ce ne font par*tout que des divertiflemens dans lefquels on ne danfe que pour danfer. Les habits fon^ différens. L’intention eft toujours la même.

Mademoifelle Salle cependant qui raifonnoir tout ce qu’elle avoit à faire , avoit eu ladrefle de placer nne aâion épifodique fort ingémeufe dans la paffa-* caille de l’Europe Galante.

Cette danfeute paroiflbit au milieu de fes rivales , ] avec les grâces & les dcûrs d’une jeune Odjklifque J cou

qu) a des defleins fur le cœur de fon maître. Sx danfe étoit formée de toutes les jolies attitudes qui peuvent peindre une pareille paiBon. Elle ranimoit par degrés : jn lifoit , dans fes ezpreffions , un«  .fuite de fentimens on la voyoit flottante tour- àtour entre la crainte &refpérance ; mais au moment où le fultan donne le mouchoir à la fultane favorite , fon vifage , fc$ regards , tout fon main* tien prenoient rapidement une forme nouvelle* Elle s’arrachoit du théâtre avec cette efpéce de défefpoir des âmes vives & tendres , qui ne s’expriment que par un excès d’accablement. Ce tableau plein d’art & depafCon étoit entière* ment de Tinvention de la danleufe. Elle avoit em* , belli le defiein du pcëte, & dès-tors elle avoit franchi le rang où font placés les fimples artîAes , pour s’élever jufqu’à la daife rare des talens créateurs. Je fçais que nos danfeurs ont fur ce point ime excufe quiparoit plauûble. Les occaiions femblenc leur manquer dans la plupart de nos opéras ; mais lorfqu’on a de l’imagination & une noble envie de fortir des routes communes , les difficultés s applaniflent, Scies moyens fe multiplient. On fupplée^ avec duraient , du goût & de l’efprit » aux lacunes d’un ouvrage. Un danfeur, un maître de ballets quioiltdesidées^fçavent toujours faire naître les occafions de les bien placer ; auffi eA-ce moins à eux qu’aux jeunes poètes qyi voudront tenter à Tavcnir la carrière du théâtre 4yrique , que j’ofe adreflfer le peu de mots que je vais écrire. Dans un opéra» genre foiblemem eflimé, fore peu connu , & de touts les genres de poéfie dramatique lé plus difficile , les plus petites parties , ainf] que les plus grandes , doivent être dans ua mouvement continu.

On eA dans l’habitude de ne regarder la danfe au théâtre lyrique nue comme un agrément ifolé. Il eft cependant indilpenfable qu’elle y foit toujours intimement liée à l’aâion principale , qu’elle n’y faflc qu’un feul tout avec elle , qu’elle s’y enchaîna avec lexpofition , le nœud & le dénouement* Si jufqu’au dernier divertiffément , qui feul peut n’être qu’une fête générale , il y a une entrée de danfe, qu’on peut en ôter fans nuire à l’économie totale > elle pèche dès-lors contre les premières lois du deffein.

Si quelqu’un des diveniflcmens’ n’efl pas formé de tableaux d*aâions relatifs à laâion principale 8e vraiment néceflaires à fa marche ^ il n’eft plus qu’un agrément déplacé contraire aux principes fondamentaux de l’art du théâtre.

Si quelque danfeur entre ou fort fans néceffité» l^les chœurs de danfe occupent la fcène ou la quittent , fans que l’aâion qu’on repréfente l’exige , touts leurs mouvements , quelque bien ordonnés

?|u’ils foient d’ailleurs , ne font que des cpntrcens 

que la raifon réprouve , & qui décèlent le mauvais goût. /• •

Ainfi dans un opéra , quelque brillante en foi que pùiiTe être une danfe inutile ^ellc doit toujoun G ou • être regardée comme ces froids tècits et tr»é ; dfies , ou Tapeur feœble difparoître pour ne laiflcr . voir que Fauteur.

Tel eft toutefois Taitrait de la danfe en aSîon , que nous Tavons vu , il n*y a pas longtemps , charnier la cour & la ville , quoiqu’elle fut évidem* ment déplacée, ’,

DdTns raâe des jeux olympiques des fêtes Grec- 4ques & Romaines, lorfque 1 aâion commence , les jeux font (înis. lAlçibiade ne paroit qu’après avoir remporté le prix qu’Afpafie eft chargée de lui donner. Un combat de lutteurs faif^ntparrie des jeux olympiques déjà terminés , eft cependant alors Taâion de danfe qu*on repréfente par un déplacement inconcevable.

Qu’il foît permis de le dire « le charme du moment a prévalu cette fols fur la jfifteffe ordinaire des fpeâateurs ; & tout Paris n’a applaudi dans cette occafion, qu*à un contre-fens que la réflexion’ démontre parfaitement abfurde. Tant il eft vrai que la danfe en aâion caufe une émotion û vive , lorfqu’elie eft habilement exécutée, nue le fpeâateur le plus éclairé n*eft plus en état dexaminer,& ne peut s’occuper que du plaifir de fentir. Dans U fcène troifieme, dès qu*Alctbiade paroit fur le théâtre , Amiotas lui dit : Dans vos yeux fatîs faits on lit votre vîéioire : Fous ave^ de nos jeux remporté tout C honneur. Les jeux font donc tout-à-fait terminés. L’aâe roule en effet fur ce point qui y eft partout très-bien établi.

Ce divertiftement compofé des Athlètes qui «voient difputé le prix de la lutte , du cefte , de la courfe , devoit donc fe réduire à des hommages de çaraâére au vainqupur. Il ne pouvoit plus être queftion de combattre pour le pnx j puifqu’il étoit reiliporté.

Règles générales à ohferver dans Us oHions de danfe ^ Toute repréfentatron théâtrale doit avoir trois parties eflentielles.

Par un dialogue vif » ou par quelque événement adroitement amené , on fait connottre au fpeâateur le fujet qu’on va retracera fesyeux, le caraâère , la qualité , les mœurs des perfonnages qu’on va Élire agir ; c’eft ce qu’on a nommé lexpofidon^ Des circonftances « des obftades qui naiftent du fond du /ujet , Tèmbrouillent & fufpendeot la marche fans rarrèter. Il fe forme une forte d’embarras dans le jeu des perfonnages qui intrigue la curiofité du fpeâateur , à qui la manière dont on Eurra le débrouiller eft inconnue ; c’eft cet em«  rras qu’on appelle U nœud.

De cet embarras , on voit fucceflivement Tortir des dartés qu’on n*atteadoit point. Elles développent Taâion , & la conduifent par des degrés infenfibles à une conclufion ingénieufe ; c’eft ce qu’on nomme le dénouement.

Si quelqu’une de ces trois panies eft défeâueufe, cou 4QX

Taâîon théâtrale eft imparfaite. Si elles font toutes les trois dans les proportions convenables , Taâion eft complette , & le charme de la repréfentatioa infaillible.

lA danfe théâtrale , dés-lors qu’elle eft une ra^ préfentatîon , doit donc être formée de ces trois parties y qui feules la conftituent. Ainfi elle fera Îjlus ou moins parfaite » félon que forî expofition era plus ou moins préci(e » ion nœud plus ou moins ingénieux , fon dénouement plus ou moins bien amené.

Cette divifion n’eft pas la feule qu’il faut connottre & pratiquer. Un ouvrage^dramatique eft com«  pofé de cinq aAes, de trois ou d’un feul ; & un aâe eft compofé de fcénes en dialogue ou en monologue. Or , chaque aâe , chaque icénedoit avoir fon oçpofition » fon nœud & fon dénouement ^ tout comme Taâion entière dont ils font les parties. Il en eft ainfi de toute repréfentation de danfe«  Les trois parties dont on parle font le commencement , le milieu & la fin , qui conftituent tout ce qui eft aâion. Sans leur réunion, il n’en eft point de parfaite. Le vice ou le défaut de l’une fe répand fur les autres. La chaîne eft rompue ,& le tableau , quelque beauté qu’il ait d’ailleurs , eft fans aucun mérite théâtral.

Il y avoit donc , dans le pas des lutteurs des fôtes Grecques & Romaines que le public a fi conffamment applaudi, une faute de compofition bien importante, piyfqu’il étoit fans dénouement. Les deux Athlètes , en fe défiant» expofoient très-bien le fujet : leur combat formoit le nœud de cette belle aâion ; mais comment fé dénouoit-elle ? quelle en étoit la fin ? lequel des deux combactans étoit le vainqueur ou le vaincu ? Je fais cette critique fans craindre de rabaifter le maître des ballets qui a compofé cette entrée ; on pcHt relever les diftraâions des talens fupérieurs , fans craindre de les blefler ni de leur nuire. J’ai choîfi d’ailleurs « de propos délibéré , cette aâion >de danfe , que fon fuccés doit avoir gravée dans le fouvenir du oublie & dans refprit de nos jeunes danfeurs, ann de donner plus de poids, par un exemple frappant , à une régie qui ne fçauroit être trop fcrupuleufement obfervée.

Outre les loix du théâtre qui deviennent com«  munesàladanfe»dès qu’elle y eft portée, elle y eft aftujettie encore à des réeles panîctiliëres qui dérivent des principes primitin de l’art. La danfe doit peindre par les geftes* Il n’eft donc rien de ce nui feroit rejette par un peintre de bon goût , qu’elle puîfife admettre ; & par la raifon des contraires , tout ce qui feroit choifi par ce même peintre , doit être faifi , diftrtbuè, placé dans un ballet en aâion.

^ Voici fur ce point une règle auflî filre que fimple* Il faut que la nature foît en tout le guide de Cart ^ 8^ que l’art cherche en tout à imiter la nature, ,.Âu furplus, c’eft toujours au talent feul qu’il». ’ Eeeij ■ * ’

'A04 C O Û appartient At finîr dans la pratique ce que les préceptes de la théorie ne peuvent qu’ébaucher. Copias monotones des froides copies qui vous ont précédé , fujets communs qui n’êtes qu’un compofé méchanique & fans ame , de pieds , de jambes & de bras , ]e n*ai point écrit pour vous. On peut faire tout ce qne vous avez fait , & tout ce que vons pouvez faire» fans avoir befoin de fçavoir lire. Continuez de vous defSner d’après des modèles que vous n’atteindrez jamais. Croyez toute votre vie aaiE opiniâtrement qu’un Dervis turc » qu’une pirouette bien foutenue eâ le chef-d’œuvre de l’art» V«ui remplirez votre vocation /je vous en loue. Mais vous que la nature a comblé de fes dons , jcunefTe vive 6i brillante qui êtes l’ornement du théâtre , l’amour du public & l'efpoir de l'art > ouvrez les yeux & liiez. Apprenez ce que le grand talent peut produire. Sçaviez-vous que Pylade eût cxifté ? Vous avoit-on parlé de Tymele & d’Empafe ?


On ne vous a montré jufqu’icî que d’anciennes rubriques , de vieilles routines qui ne font pas dignes de vous. Un champ plus vaAe & moins flérile s’offre aujourd’hui à vos regards. Ofez y futvre la route que le goût vous indique. Ecoutez la voix de la gloire qui vous appelle. La carrière eft ouverte : courez au but que l’art vous propofe. Confidérez le prix ineftimable qui vous attend. AnobUiTez vos travaux. Etudiez les paillons , connoifTez leurs effets , les métamoTphofes qu’elles •pérent dans les caraâères, les impreffions qu’elles font fur les traits , les mouvements extérieurs ^’elles excitent.

Habituez votre ame à fentir ; vos geftes feront bientôt d’accord avec elle pour exprimer. Pénétrez-vous alors jufqu’à l’enthoufiaiTme du fujet que vous aure ? à repré(enter. Votre imagination échauffée vous en retracera les différentes fittiations par des tableaux de feu. Déffinez-vous ; deffinez-les d’après elle :on peut yous répondre d’avance qu’ils feront une imitation de la belle nature. A^rès ces principes fur la danfe en général » & fur-tout la danfe théâtrale, écoutons M. Noverre 4offlier -des leçons fur fon art*

De texécutioTu

La danfe eft trop contpoiée , & le mouvement fymmétrique des bras trop uniforme, pour que les tableaux qu’elle repréfente puiffem avoir de la vaviéié, de Pexpreflion & du naturel ; il faudroit doiK 9 fi nous voulons rapprocher notre art de la vérité , donner moins d’attention aux jambçs & plus de foin aux bras. r abandonner le*s cabrioles |K)ur rîntérét desgeftes ; faire moins de pas difKciles & jouer davantage de la phyfionomîe ; ne pas mettre tant de force dans l’exécnKion » mais y mé-Ter plus d’efprit ; s’écarter avec grâce des règles étroites de Técoîe , pour fuivre les impreffions de la nature & donner à la danfe l’ame & Faâion qu’elle doit avrà- pour intéreffer. Je n^emeods COU

i>oint au refle ^ar le mot ^aaioriy celle qui ne éùtËfi iftequ*àfe remuer, à fe donner de la peine » à faire des effons & à fe tourmenter comme un for«  cené y pour fauter ou pour montrer une ame que l’on n’a pas.

LaBion en matière de danfe eft l’art de âiire paf- >, fer par l’exprenion vraie de nos mouvements • de • nos geftes èi de la phyfionomie , nos fentimens & nos palfions dans lame des fpeâateurs. LaBion n’eft donc autre chofe que la pantomime. Tout doïc peindre , tout doit parier chez le danfeur ; chaque gefte , chaque attitude , chaque port de bras doic avoir une expreftion différente. La vraie pantomimm fuit b nature dans toiues fes nuances ; s’en écarte* t-elle un inftant, elle fatigue » elle révolte. Que le^ danfeurs qui , commencent , ne confondent pas cette pantomime noble dont je parle , avec cette exprei&on baffe & triviale que les bouffons d’kalie ont apponée en France , & que le mauvais goût femble avoir adoptée.

. Je crois que l’art du gefte eft refferré en des bor* nés trop étroites pour produire de grands effets , la feule aâîon du bras droit que l’on pone en avanr pour décrire un- quart de cercle, pendant que le bras gauche , qui étoit dans cette pofition, rétrograde par la même route pour s’étendre de nouveau & former l’oppofition avec la jambe , n’eft pas fufE» faute pour exprimer des paffioas ; tant qu on ne Variera pas davantage les mouvements des bras, ils n’auront jamais la force d’émouvoir & d’affeâer. Les anciens étoiem nos maîtres à cet égard, ils connoiffoient mieux que nous l’art du gefte ; & c’eft dans cette partie (eule de la danfe qn ils l’emportoient fur les modernes. Je leur accorde avec plaifir ce qui nous manque & ce que nous pofféderons , lorfqu’il plaira aux danfeurs de fecouer der règles qui s’oppofeat à la beauté & à ^’efprit «de leur art.

Le port des bras devant être auflt varié que les différens fentimens que la danfe peut exprimer , les régies reçues deviennent prefque munies ; il faudroit les enfreindre & s’en éca’rter à chaque inf* tant, ou s’oppofer, en les fuivant exaâemem , aux mouvements de l’ame, qui ne peuvent fe limiter par un nombre déterminé de geftes. Les paflions varient & fe dtvifent à TmCni : il faudroit donc autant de préceptes qu^l y a chez elles de modifications. Où eft le maitre qui voulut entreprendre un tel ouvrage

Le gefte eft un trait qui part de Tame ; ii doit faire un prompt eftet & toucher au but lorfqu’il eft vrai.

laftruit des principes fondamentaux de notre art , fuivons les mouvements de notre ame , elle ne peut nous trahir lorsqu’elle fent vivemem ; & fi dans ces infiants elle entraîne le bras à tel ou tel gefte, il eft toujours auflî jufte que correâcmetit deffiné,& fon effet eft (En Les paflions font les refforts qui font jouer b machine ; quels que foieos les mouvements <^ en réiulteat» ils me peuYCdt Cou itanquerd^StrecTpreffifs. Il faut conclure d^apris krela que les préceptes Aèriles de Técole doivent (difparoitre dans la danl’e en aâion , pour faire place au fenciment de la nature.

Rien n’eft fi difficile aménager que ce qu’on appelle bonne grâce ; c’efi au goût à remployer, & c*eft un défaut que de courir après elle & aen répandre également par-tout. Peu de prétention à en montrer , une négligence bien entendue à la dérober quelquefois , ne la rend que plus piquante & lui prête un nouvel attrait. Le goût en efl le diftributeur , c*eft lui qui donne aux eraces de la valeur & qui les rend aimables ; marchent-elles fans lui , elles perdent leur nom , leurs charmes & leur effet ; ce a*eft plus que de la minauderie dont la fadeur devient infupportable ;

Il n’appartient pas à tout le monde d’avoir du goût. La nature feult le donne ; l’éducation le raffiné & le perfeâionne ; toutes les règles que l’on établiroit pour en donner feroient inutiles, il eft né avec nous , ou il ne Tefi pas ; s’il l’efi , il fe manifeftera de lui-même ; s’il ne l’efi pas , le danfeuf fera toujours médiocre.

Il en efi de mêmie des mouvements des bras ; la bonne grâce eft à ces derniers , ce que le goût eft à la bonne grâce ; on ne peut réuffir dans CaBion fantomimt fans être également fervi par la nature ; lorfqu’elle nous donne les premières leçons , les progrés font toujours rapides*

(Joncluons que l’aâion de la danfe eft trop reftreinte ; que l’agrément & l’efprit ne peuvent fe communiquer également à tous les êtres ; que le goût & les grâces ne fe donnent point* En vain cherche-t-on à en prêter à ceux qui ne font point nés pour en avoir , c’eft femer fon grain fur un terrein pierreux ; quantité de charlatans en vendent ; une plus grande quantité de dupes en achètent ; mais le profit eft au vendeur ,& la fottife à l’acheteur.

Les Romains avoient cependant des écoles où Ton enfeignoit l’art de la faltation , ou , ii vous le boulez , celui du gefte& de la bonnç^ grâce ; mais les maîtres étoient*ils contents de leurs écoliers } Rofcius ne le fut que d*un feul , que la nature fans doute avoit fervi ; encore y trouvoit-il toujours quelque chofe à reprendre.

Que les maîtres de ballets fe perfuadent que l’entends par geftes les mouvemens expreftlfs des bras foutenus par les caraâères frappans & variés delà phyfionomie. Les bras d’un danfeur auront beau parler, fi fon vifage ne joue point, fi l’altération que les paffions impriment fur les traits n’eft pas fenfîble , fi fes yeux ne déclament point & ne décèlent pas la Situation de fon cœur j ion expreffion dés-lors eft fau^Te , fon jeu eft machinal , & YçSct qui en réfulte pèche par le défagrément & par le défaut de vérité & de vraifemblance. Je ne puis mieux le comparer qu’à ce que Ton voit dans des bals mafqués où il y a des jeux puiblics 9 mais principalemem^ Venue pendant le car-. ■ î

c o ir 401

naval. Fîgifrex* vous autour d*uné fable îmmenfe une quantité de joueurs portant tous des màfques plus ou moins grotefques , mais en général tous rians. En ne regardant que les phyfjonomies , tous les joueurs ont l’air contens & fatisfaits ; on diroic

![ue tous gagnent ; mais que vos regards fe fixen* 

ur leurs bras , leurs attitudes & leurs geftes , vous voyez d’un côté l’attention immobile de Tincerti* tude » de la crainte ou de Tefpérance ; de lautre «  le mouvement impétueux de la fureur & du dépit ; là , une bouche qui fourit & un poing fermé qui menace le ciel ; ici, vous entendez lortir d’une bouche qui femble rire aux éclats, des imprécations terribles ; enfin cette oppofition de la figure avec le gefte produit un effet étonnant , plus facile à concevoir qu’à décrire. Tel eft le danfeur dont la figure ne dit rien, tandis que fes geftes ou fcs pas expriment le fentiment vif dont il eft agité. On ne peut fe diftinguer au théâtre que lorf^ ju’on eft aidé par la nature ; c’étoit le (entîTicnt

!e Rofcius, Selon lut y dit Quintilien , Tart du pan« 

tomime confifte dans la bonne erace 6c dans Texpreffion naïve des afie^ions de l’ame ; elle eft au-defius des régies & ne fe peut enfeigner ; la nature feule la donne.

Pour hâter les progrès de notre art & le rapprocher de la vérité, il faut faire uniâcrifice de tous leS pas trop compliqués ; ce que Ton perdra du côtédeS jambes fe trouvera du côté des bras. Plus les pas feront fimples , & plus il fera facile de leur aftbcier de l’expreâion & des grâces. Le goût fuit toujours les difiicultés , il ne fe trouve jamais avec elles ; que les artifles les réfervent pour l’étude , mais qu’ils apprennent a les bannir de l’exécution ; elles ne plaiient point au publie , elles ne font même qu’un plaifir médiocre *à ceux qui en fentent le prix. Je regarde les difficultés multipliées de la mu<fique &de la danfe comme un jargon qui leur eft abfolument étranger ; leurs voix doivent être tOu«  chantes , c’eft toujours au cœur qu’elles doivent parler ; le langage qui letu- eft propre eft celui du fentiment ; il féduit univerfellement , parce qu’il eft entendu univerfellement de toutes les nations. Tel violon eft admii^ble , me dira-t-on ;. cela fe peut , mais il ne me fait aucun plai/îr , il ne me flatte point , & il ne me caufe aucune fenfation. Ccft qu’il a un langage , me répondra lamateur, que vous n’entendez point ; c’eft une converfation qui n’eft pas à la portée de tout le monde , continuera-t-il, mais elle eft fublime pour quiconque peut la comprendre & la fentir ; & fes Tons font autant de fentimens qui féduifent & qui afteâent lorfque l’on conçoit fon langage.

Tant pis pour ce grand violon^ lui dirai- Je, fi fon mérite ne fe borne uniquement qu’à plaire au petit nombre. Les arts font de touts les pays ^ qu*ifs empruntent la voix qui leur eft propre , ils n’auront pas befoin d’interprète, & ils affefleront également & le connoifleur & l’ignorant ; leur efe n^e fc borne-tU au contraire quà frapper les yeux fans 3i

ïôs cou toucher lé cœur, fans remuer les paffions ,’ ^«^s ébtanlerraine,il$ceffent dès-lors d’être aimables & de plaire ; la voix de la nature & Texpreffiôn fidelle du fentiment porteront toujours Témotion dans les âmes les moins ienfibles ; le plaifir eil un tribut que le coeur ne peut refufer aux chôfes qui le flattent & qui rintércffent.

Un grand vio/a ;z dltalie arrîve-t-il à Paris, tout le monde le court & perfonne ne Tentend ; cependant on crie au miracle. Les oreilles n*ont point été flattées de fon jeu , {es fons n*ont point touché , mais les yeux fe font amufés ; il a démanché avec adrefle , fes doigts ont parcouru le manche avec légèreté ; que dis je , il a été jufqu’au chevalet ; il a accompagné ces difficultés de plufieurs contorfions ~^m étoient autant d’invitations , & qui vouloient re : Meffieurs y regardi^^moi » mais ru m’écoute^ pas ; ce pajfage eft diabolique ; il ncfiatura pas votn oreille , quoiqu’il fajfe grand bruit ; mais il y a vingt ans que je Vétudie, L’applaudiflement part ; les bras &’les doigts méritent des éloges ; & on accorde à Thomme-machine & fans tête , ce nue Ton refufera conftamment de donner à un violon françois qui réunira au brillant de la main Texpreffion» Tefprit » le eénie & les grâces de fon art.

Les danfeurs Italiens ont pris depuis quelque temps le contre- pied des muiiciens. Ne. pouvant occuper agréablement la vue, & n’ayant pu hériter de la gentillefle de Foflan , ils font beaucoup de bruit avec les pieds en marquant toutes les notes ; de forte qu’on voit jouer avec admiration les violons de cette nation , & qu’on écoute danfer avec plaifir leurs pantomimes. Ce n’efl point-là le but ue les beaux arts fe propofent ; ils doivent peinre, ils doivent imiter ^m^is avec des moyens naturels , fimples , ingénieux Le goût n’efl pas dans les dif&cultés ; il tient de la nature fes agrémens. Tant que Ton facrifiera le goût aux difHcultés , que Ton ne raifonnera pas, que l’on fera confifler la danfe en tours de force , en voltiger , Ton fera un métier vil d’un art agréable ; la danfe , loin de faire des progrés , dégénérera & rentrera dans l'ol>fcu-Tité , & j’ofe dire dans le mépris oii elle étoit il n*y a pas un fîècle.

Ce ne feroit pas m’entendre que de penfer que je cherche à abolir les mouvements ordinaires des Dras , toutsles pas difficiles & brillans , & toutes les pofttions élégantes de la danfe ; je demande plus de variété & d’exprefSon dans les bras , je Toudrois les voir parler avec plus d’énergie ; ils peignent le fentinient & la volupté, mais ce n’efl £as afTez ; il faut encore qu’ils peignent la fnreur ,’ i jaloufie , le dépit , l’inçonflance , la douleur, la vengeance , l’ironie , toutes les paflions de Thom* mè, & que , d’accord avec les yeux , la phyfionomie & les gefles , ils me faiïent entendre le fentiment de la nature. Je veux encore que les pas foient placés avec autant d’efprit que d’art , & qu’ils répondent à l’adion & aux mouvements de l’ame du danfcur ; j’exige que dans une cxpreffion vive on 3 ;

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ne forme poînt de pas lents ; que dans une fcètt^ grave on n’en fafle point de légers ; que dans des mouvements de dépit on fâche éviter touts ceux qui , ayant delà légèreté , trouvcroient place dans un mouvement d mconfîance ; je vondrois enfin que Ton ceflat , poûrainfi dire » d’en faire dans les inftants de défefpoir & d’accablement ; c’cfl au vifagçfeul à peindre ; c’cfl aux yeux à parler ; les bras même doivent être immobiles ; & le danfeur , dans ces fortes de fcénes , ne fera jamais auflî excellent que lorfqu’il ne .danfera pas , ou que fa danfe. n’aura pas l’air d/en être une. Ceft-làou l’art & l’imaginaiion du maître de ballets doivent agir : qu’il fuive toutes mes vues , toutes mes idées , qu’à fe fafTe un genre neuf ; il verra alors qi4.e tout ce que j’avance peut fe mettre en pratique 6i réunir tout$ les fuflrages.

Quant aux pofttions , tout 1| monde fait qu’il y en a cinq ; on prétend même qu’il y en a dix , divi- &QS afTez fmgulièrement en bonnes ou en mauvais fes, en faufles ou en vraies. Le compte n’y fait rien , ôcjene le conteflerai point ; je dirai fimplement que ces pofitions font bonnes à fç«voir,.& meil* leures encore à oublier, & qu’il eil de l’an du grand danfeur de s’en écarter agréablement. Au refle, tou* tes celles oii le corps eft ferme & bien defïïné font excellentes ; je n’en connois de mauvaifcs que lorfquc le corps efl mal groi^tpé , «m’il chancelé , & que les jambes ne peuvent le foutenir. Ceux qui font attachés à l’alphabet de leur profeffion « me traiteront d’innovateur & de fanatique ; mais je les ren^ verrai à l’école de peinture & de fculpture , & je leur demanderai enfuite s’ils approuvent ou ^ïh condamnent la pofltion du beau Gladiateur & celle ; de l’Hercule i les défapprouvent-ils i j’ai gain de caufe , ce font des aveugles ; les approuvent-ils ? il^ ont perdu y puifque je leur prouverai que les portions de ces deux flatues , chefs-d’œuvre de l’antiquité , ne Çom pas des pofitions adoptées dans les principes de la danfe.

La plus grande partie de ceux qni fe livrent aa théâtre » croient qu’il ne faut avoir que des jambes pour être danfeur, de la mémoire pour être comédien « & de la voix pour être chanteur. En partant d’un principe auffi faux , les uns ne s appliquent qu’à remuer les jambes , les autres qu’à faire des efibrts de mémoire , & les derniers qu’à poufler des cris ou des fons ; ils s’étonnent , . avec plufieurs années d’un travail pénible » d’être ju^és dètefbblés ; mais il n’efl pas poffible de téufUr dsins ua art fans en étudier les principes , fans en connoitre l’efprit & fans en fentir les effets. Un bon ingénieur ne s’emparera pas des ouvrages les plus foibles d’june place , s’ils font commandés par des hauteurs capables de les défendre & de l’en déloger. L’unique flaoyen d’afTurer fa conquête » efl de fê rendra maître des principaux ouvrages & de les emporter ; parce que ceux qui leur font inférieurs ne feront plus alors qu’une foible réfiflance » ou fe rendront d’eœ^mémJes• Il en efl des arts comme d«s places ^ cou 9c des «rtifies comme des ingénieurs ;îl ^^ ’*^K>^ pas d’effleurer, il faut approfondir ; ce neftpas affez que . de connoitre le$ dH&cultés , U faut tes combattre & les vaincre. Ne s’attache-t-on qu’aux petites parties , ne fatfit on que la fuperficie des chofes r On lansuit dans la médiocrité & dans robfcurité*

Je ferai d’un homme ordinaire uo danfeur çommê il y en a mille » pourvu qu*il foit paflablcment bien fait ; je lui enfeisnerai à remuer les bras Scies jambes & à tourner la tête ; ]t lui’ donnerai de la fermeté » du brillant & de la viteffe ; mais ]e ne pourrai le douer.de ce feu, de cet efprit, de ces Kces & de cette expreflîon de fendment qui eA ne.de la vraie pantomime ; la nature fut toujours au-deflfus de rart ;il n^appartient qu*à elle de.faire des miracles.

Le défaut de lumières & de goût qui régne parmi la plupart des danfeura, prend fa fouifede la mau* vaîfe éducation au’ils. reçoivent ordinairement. Us fe livrent au théâtre » moins pour s*y difiinguer que pour fecouer le joug de la dépendance ; moins pour fe dérober à une profeffion plus tranquille que pour )outr des plaifirs qu’ils croient .rencontrer à chaque inflant dans celle qu’ils embraffent ; ils ne .voient y dans ce premier moment d*enthoufiafme , que les rofes du talent qu’ils veulent acquérir. Ils apprennent la danfe avec fureur ; leur goût fe railentit à mefure que les difficultés fe font fentir & qu’elles fe multiplient ’, ils ne faifiifent que la partie groiliére de l’art ; ils fautent plus ou moins haut ; ils s^attachent à former machinalement une multi* ,tude de pas ; & femblables i ces enfans qui difent beaucoup de mots fans idées & fans. fuite , ils font ^beaucoup de pas fans motifs , fans goût & fans grâces.

Ce mélange innombraUe de pas enehsunés plus ou moins mal , cette exécution difficile , ces mou* vements compliqués , ôtent » pour ainfi ^re , la pa*. rôle à la danle. Plus de (implicite » plus de douceur & de moelleux dans les mouvements pro* , cureroit au danfeur la facilité de peindre’ & d>Xjpri«  mer» Il pourroit fe panager entre le méchaniime des pas & les mouvements qui font propres à rendre les paffions ; la danfe alors délivrée des petites chofes , pourroit fe livrer aux plus grandes. U eft conftant que Tefloufflement qui rénilre d’un tra- . vail fi pénible, ôte les moyens au danfeur ;’que les entrechats & les cabrioles altèrent le caraâére de la belle danfe ; & qu’il eft moralement impoffible de mettre de l’ame , de la vérité & de l’expreffion dans les mouvements» lorfque le corps eft fans^ cefle ébranlé par des fecoufles violentes & réitérées , & que refprit n’eit exaâement occupé qu’à le préferver des accidents » des chûtes qui le menacent à chaque inAant.

’ On ne doit pas s*étonner de trouver plus d’intelligence & de facilité à rendre le fentimem parmi les comédiens que parmi les danfeurs. La plupart des premiers reçoivent communément plus d’éducou • 407

cation que les derniers. Leur état d’ailleurs hs Knc à un genre d’étude propre à donner , avet fage du monde & p ton de la bonne compagnie , l’envie de s’inftruire & d’étendre leurs con* noiftances au-delà des bornes du théâtre ; ils s’atta* chent à la littérature’ ; ils connoiftent les poètes , les hiftoriens^Sc plufieurs d’entre eux ont prouvév» Ear leurs ouvrages^ qu’ils joignoient au talent de ien dire , celui de compoier agréablement. Si toutes ces connoiflances ne font pas exaâement analogues à leur profeflloij , elles ne laiiTent pas de contrmuerà la perfeâion à laquelle Us parviennent. De deux aâeurs également fervis par la nature» celui qui fera le plus éclairé fera , fans contredit , celui qui mettra le plus d efprit & de légèreté dans fonjeu. ,

Les danfeurs devroient s*attacher» ainfi que les comédiens, à peindre & à fentir y puifqu’ils ont le même objet à remplir. S’ils ne font vivement af* feâés de leurs rôles » s’ils n’en faifi^Tentle caraâéreavec vérité , ils ne peuvent fe flatter de réuffir & de plaire ’, ils doivent également enchaîner le public par la force de Tillufion , & lui faire éprouver touts les mouvements dont ils font animes. Cet^p vé«  riié , cet enthoufiafme qui caraâérife le grand ac* teur & qui eft l’ame des beaux arts , eft , fi j’ofe m’exprimer ainfi , l’image du coup éleârique ; c’eft un feu qui fe communique avec rapidité , qui em«  brafe dans un inftant l’imagination des fpe dateurs» qui ébranle leur ame & qui ouvre leur cœut^à la (enfibilité*

Le cri de la nature » ou les mouvements vrais de Taâion pantomime , doivent également toucher ; le premier attaque le coeur par l’ouie» le dernier par la vue i ils feront l’un & l’autre une ,impreâion auffi forte « fi cependant les images de Iz pantomime font auffi vives , auffi frappantes & auffi animées que celles du difcours.

Il n’eft pas poffible d’imprimer cet. intérêt en récitant machinalement de beaux vers & en faifant tout Amplement de beaux pas ; il fautaue Vzme , la phyfionomie » le gefte & les attituaes parlent toutes i^Ia^fois , & qu’elles parlent avec autant dé* nergieque de vérité. Lefpeâateur fe mettra-t-il à la place de Taâeur , fi celui-ci ne fe met à celle du héros qu’il repréfente ? Peut-il elpérer d’attendrir & de faire verfer des larmes > s’il n’en répand lui- . même ? Sa fituation touchera-t-elle , s’il ne la rend touchante , & s’il n’en eft vivement affeâé i Vous me direz peut-être que les comédiens ont funles danfeurs l’avantage de la parole , la force & l’énergie du difcours. Niais ces derniers n’ont-ils pas les geftes , les attitudes » les pas & la mufique , que l’on doit regarder comme l’organe & rinter^r prête des mouvements fucceffifs du danfeur ? Pour que notre art parvienne à ce degré de fu^ blimité’que je demande & que je lui fouhaite , il eftindifpenfablement néceflaire que les danfeurs partagent leur temps & leurs études entre l’efprii & le corps, & que touts les deux foient eafemblc 4o8 COU Tobjet de leur application ; mais on donne malheurcufement tout au dernier, & Ton refufe tout à Tautre. La tête conduit rarement les jambes ; & comme refprit & le goût ne réfident pas dans les .pieds , on s*égare fouvent ; l’homme intelligent dif- {^arott ; il n’en refie qu’une machine mal combinée ivrée à la ftérile admiration des fots & au juftç mépris des connoifleurs.

Etudions donc ; ceiTons de reflembler à ces niaribnnettes , dont les mouvements dirigés par des 6Is groffiers n^amufent & ne font illufion (ju’au peuple. Si notre ame détermine le jeu Çc Taâion de pos^ reflbrts , dès-lors les pieds , les jambes » le corps, la phyfionomie & les yeux feront mus dans lies fens juftes , & les effets réfultants de cette harinonie & de cettp intelligence » intérefferont également le cpsur ^ refprit.

Des qualités phyjîques 4h iafifcur^ Il eft rare , pour i ?e pas dire impoflible , de trouver des hopmies ezaâement bien faits ; & par cette raifpn , il eft très-commun de rencontrer une foule de danfçurs confiruits défagréablement ^ & fdans lefquéls on n*apperçoit que trop fouvènt des défauts de conformation qye toutes les reflburces de lart ont peine à déguifçr. Seroit-cç par une fatalité attachée à la nature humaine, que nous nous éloignons toujours de ce qui convient , & que nous nous propofons ti communément de courir une c^rriçre dans laquelle nous ne pouvons ni marcher ni nous fouienir ? Ceft cet aveuglement , c’eft cçtte ignorance dans laquelle x ?oiis fommes 4^ nous-’ luêmes , aiji produit la foule immenfe de mauvais poctes , aè peintres médiocres , de plats comédienj , de muficiens bruyans , de danleurs ou de baladins d^teflables ,.que fais- je , d’hommes infupportables d^ns tpms les genres. Ces mêmes hommes placés où ils devrbient être , auroient été utiles ; mais f ?ors du lieu & du rane qui leur étoient * pffignés , é]r véritable talent eft enfoui , & celui d’être à Tenvi plus ridicules )es uns que les autres m eft fubftitué.

La première confidératlon à faire loHfqu’on fe deftine à la danfe dans un âge du moins où l’on eft capable de réfléchir , eft celle de fa^conflcuâion. ibu les vices naturels qu’on obferve en foi font tels que rien ne peut y remédier ; en ce cas il fout perdre fur-le-champ & totalement de vue l’idée que l’on s’étoit formèjB de l’avantage de concourir aux plaifirs des autres ; ou ces vices peuvent être réfor- {i)és par une application , par une étude conftaute , & par les confeils & les avis d^un maître inftruit & éclairé ; & dès-lors il importe efltntieHement de ne négliger aucun des efibrts qui peuvent remédier à des imperfeâions dont on triomphera . fi on prévient le tçmpB où les parties ont acquis leur dernier degré de force & de confiftance , où l’a nature a pris fon pli, & où le défaut à vaincre s’eft fortifié par ’ pne habitude trop lonçue Çc trop invétérée pour pouvoir être détrujtj

COU

Malheureufemem il eft peu de danfeufs capable^ de ce retour fur eux-isêmes. Les uns, aveuglés par lamour propre , imaginent être fans défouts ; le» autres ferment , pour ainfi dire , les yeux fur ceux que l’examen le glus léger leur feroit découvrir ^ or , dés qu’ils ignorent ce que tout homme mi a auelques lumières eft en droit de leur reprocner » n’eft pas étonnant qu’ils manquent leur but. L’arrangement difproportionné des parties s’oppoie fans cefte en eux au jeu des reflbrts , & à l’harmonie (}ui devroit former un eufemble ; plus de liaifoa dans les pas ; plus de moelleux dans les mouve-* ments ; plus d’élégance dans les attitudes & dans les oppofitions ; plus de proportion dans les diplo’u» mens , & par conféquent plus de fermeté ni d’a^ plomb. Voilà où fe réduit 1 exécution des danfeurs. qui s’aveuglent fur leur conformation , & qui crai-4 gnent de s’envifager eux-mêmes dans le momeoA de leurs étu4es & de leurs exercices. Nous pouvons fans les ofienfer , & en l^ur rendant la juftice qui leur eft due , les nommer mauvais danfeurs* Vraifemblablemem fi les bons makres étoientf plus communs , les élèves ne feroient pas fi rares ; mais les maîtres qui font en état d’enfeigner ne don* nent point de leçons , & ceux qui en devroien» prendre ont toujours la fureur d’en donner aux au«  très. Que dirons-nous de.leur négligence & de Tuaiformité avec laquelle ils enfeignent ? La vérité n’eft qu’une, s’écriera- t-on. J’en conviens ; mais n’eft-il ou’une manière de la démontrer & de û faire pajÛTer aux écoliers auxquels on s’attache , 6C ne^ doit -on pas néceflâirement les conduire au’ même but par des chemins diflférens ? Pavoue que pour y parvenir il faut une faeacité réelle ; car (ans réflexion & fans ét^de, il n’eft pas poffible d’appli«  quer les principes félon les genres divers de conv formation & les degrés différens d’aptitude ; on ne peut faifir d’un coup-d’odl ce qui convient à l’un , ce qui ne fauroit convenir à l’autre , & l’on ne varie point enfin fes leçons à proportion des diverfités que la nature ou que l’habitude , fouvent plus re--’ belle que la nature même , nous offre & nous pré^ fente.

C’eft donc eflentiellemept au maître aue le foin de placer chaque élève dans le genre qui lui eft pro«. pre çft réfervé. Il ne s’agit pas à cet effet de poffé* der feulement les connoiffances les plus exaaes de. l’art. Il faut encore fe défendre foigneufement de ce vain orgueil qui perfuade à chacun que fa ma* niêre d’exécuter eft l’unique & la feule qui puiffe plaire ; car un maître qui fe propofe toujours com<^ mç un modèle de perfe£Kon , & qui ne s’attache à faire de fes écoliers qu’une copie dont il eft le bon ou le mauvais original, ne réuftira à en former de payables que lorlqu’il eu rencontrera qui feront doués des mêmes difpofuiops que lui , & qui auront la même taille, la même conformation & la même intelligence , enfin la même aptitude. Parmi les défauts de conftruâion , j’en remar-’ qiiç communément deux nrinpipaux : l’un eft àètip jarrçtç^

cou étrrett^ & l’autre crétre areiué. Ces deux vîces de conformation font prefque généraux , & ne difEèrent que du plus au moins ; auffi voyons-nous très-peu de danfeurs qui en foient exempts. Nous difons qu un homme eft arretc , lorfque fes hanches font étroites (k en-dedans , Tes coifles rapprochées Tune de l’autre , fes genoux gros & fi ferrés qu’ils fe touchent & fe coltent étroitement, quoique fes pieds foient diftans Tun de lauvre , ce ^ui forme à-peii-prés la figure d*un triangle depuis l<es genoux jufqu’aux pieds ; )’obferve encore un volume énorme dans la partie intérieure de fes cherilles , une forte élévation dans le cou-de-picd , ^ le tendon tt Achille tHi non- feulement en lui grêle & mince , mais il eO fort éloigné de l’articulation^^ Le danfeur arqué eft celui en qui on remarque le défaut contraire. Ce défaut régne également depuis la hanche jufqu*aux pieds ; car ces panies décrivent une ligne qui donne en quelque forte la figure d*un arc ; en efiet , les hanches font évafées , & les cuifles & les genouv font ourens » de manière que le jour qui doit fe rencontrer naturellement entre quelques unes de ces portions des extrémités inférieures Iorfqu*elles font jointes , perce dans la tonalité & paroit beaucoup plus conodérable qu*tl ne devroit l’être. ; Les personnes ainfi conftruites ont d’ailleurs .le pied long & piar,la cheville extérieure Taillante , & le tendon d Achille gros & rapproché de Tarticulation. Ces deux défauts, diamétralement «ppofés l’un à Taurre , prouvent avec plus de force que coûts les difcours , que les leçons qui conviennent au premier (éroient nuifibles au fécond , & que rétude de deux danfeurs aufli difTérens par la taille & par la forme , ne peut être la même. Celui qui eft jarreté doit s’appliquer continuellement à éloigner les parties trop reâTerrées ; le premier moyen pour y réuf&r en de tourner les cuifles en dehors , & de les mouvoir dans ce fens , en profitant de la liberté du mouvement de rotation du fémur dans la cavité cotyloïde des os des hanches. Aidés par cet exercice, les genoux fuivront la même direâion & rentreront , pour ainfi dire « dans leur place. La rotule , qui femble defiinéeà limiter le rejet du genou trop en arrière de l’articulation , tombera perpendiculairement fur la pointe du pied ; & la cuiue oc la jambe ne fortant plus de la ligne, en décriront alors une droite qui aiTurera la fermeté 8e la flabilité du tronc.

Le fécond remède à employer eA de conferver «lie flexion continuelle dans Tarticulation des ge* noiu , & de paroicre extrêmement tendu fans l’être en effet ; c’en-là l’ouvrage du temps & de Thabitude ; lorfqu’elle eft fortement contraâée ^ il eft tomme impoifible de reprendre fa pofition naturelle & vicieufe fans des efFons qui caufent dans ces panies un engourdiftement & une douleur infupportable, . J’ai connu des danfeurs qui ont trouvé l’ait de dérober ce défaut à tel point qu’on ne s’en fefoit jamais apperçu y fi l’entrechat droit & les lemps trop forts ne les avoicot décelés. En voici la Mqmation , ^f crime if Danfe.

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raifon : la contraôion des mufcles dans les efforts du faut roidit les articulations ,& force disque partie à rentrer dans fa place & à revenir a fa fonne naturelle ; les genoux ainfi forcés fe portent donc en-dedans , ils reprennent leur volume ; ce volume met un obftacle aux battements de l’entrechat ; plus ces parties fe joignent , plus celles qui leur font inférieures s’éloignent ; les jambes ne pouvant ni hattre ni erojfer ^ reÛQnt comme immobiles au moment de l*aaion des genoux qui roulent défagréablementlun fur l’autre, & l’entrechat n’éiant ni coupé y m battu ^ ni eroifc par le bas , ne fauroit avoir la vîteffe & le brillant qui en font le mérite. Rien n’eft fi difficile è mon fens que de mafquer les défauts 9 fur-tout dans les inftants d’une exécution forte , oii toute la machine eft ébranlée , où elle reçoit des fecoufles violentes & réitérées , & où elle fe livre à des mouvements contraires & à des efforts continuels & variés. Si l’art peut alors l’emporter fur la nature, de quels éloges le danfeur ne fe rend-il pas dignes ? ^

Celui qui fera ainfi conftruit renoncera aux entrechats , aux cabrioles & à tous temps durs & compliqués , avec d’autant plus de raifon qu’il fera infailliblement fotble ; car fes hanches ét.*nr étroites , ou pour parler le langage des anatomiftes , les os du baffin étant en lui moins évafés , ils foumiffent moins de jeu aux mufcles qui s’y attachent, & dont dépendent en panie les mouvements du tronc ; mouvements & inflexions beaucoup plus aifés , lorfque ces mêmes os ont beaucoup plus de largeur, parce qu’alors les mufcles aboutirent ou partent d un point plus éloigné du centre de gnrvite. Quoi Qu’il en foit , la danfe noble & terre-à" terre eft la leule qui convienne à de pareils danfeurs. Au’refte , ce que les danfeurs jarretés perdent du côté de la force, ils femblent le regagner du <ôté de l’adrefle. J’ai remarqué qu’ils étoient moelleux , brillans daiis les chofes les plus fimples , aifé^ dans les difficultés qui ne demandent point d’efforts propres dans leur exécution , & que leur cercuffion eft toujours opérée avec grâce , parce qu’ils fe fervent & qu’ils profitent & des pointes & dés reflTorts qui font mouvoir le cou^de-pîed ; cçs qualités les dédommagent de la force qui leur manque. Ceux qui font arqués ne doivent s’attacher qu’à rapprocher les parties trop diftantes , pour diminuer le vuide qui fe rencontre principalement entre les genoux ; ils n’ont pas moins befoin que les autres de l’ej^ercice qui meut les cuifies en dehors , & il leur eft même moins facile de déguifer leurs défauts. Communément ils font forts & vigoureux ; ils ont par conféquent moins de foupleffe dans les mufcles t& leurs articulations jouent avec moins d’aifance. On comprend au furplus que fi ce vice de conformation provenoit de la difformité des os tout travail feroit inutile & les efforts de Part impuifians. J’ai dit que les danfeurs jarretés doivent conferver une petite flexion dans Texécutiôn j ceux-ci y par la raifon contraire » doivent être eiao* 4fo COU tement tendus , & croifer leurs temps t)S«n ]^iis étroitement, afin que la réunion des parties putfle diminuer le jour ou Tintervalle qui les fépare natu* rellement. Us font nerveux , vifs & brillans dans les chofes qui tiennent plus de la force que de IV drefTe ; nerveux & légers , attendu la direâion de leurs fdïfceaux mufcuieux , & vu la confiftance & la réfiftance de leurs Ugamens articuîaircs ; vifs , .parce qu’ils croi/^nr plus du bas que du haut» & .qu’ayant , par cette raifon , peu de chemin à faire pour battre les temps , ils les pajftnt avec plus de Titefle ; brillans , parce que le jour perce entre les parties qui fe croifent & fe décret fint. Ce jour cft exaâement U’cUir-ob/cur de la danfe ; 4 :arfi les temps de Tentrechat ne font ni coupés oi htius , & qu’ils foiem au cotnraire frottés & roulés Tun fur lautre , il n*y aura point de clair qui faffe valoir les ombres, & les jambes trop réunies n*offrir6nt 3u*une maife îndiÔin^e & fans effet. Us ont peu ’adreffe , parce qu’ils comptent trop fur leurs foi^ ces , & que cette même fprce s’oppofe en eux à la foupleffe 8l à Taifance. Leur vigueur les abandonne- t-elle un inAant , ils font gauches ; ils igno*reHt Tart de dérober leurs fituations par des temps fimples qui » n’exieeant aucune force , donnent .toujours le temps cTen reprendre de nouvelles ; ils ont de plus trés-peu d’éladicité & percute&t rarement de la pointe.

Je aois en découvrir la véritable raifon lorfqut je confidert la forme longue & plate de leurs pieds. .Je compare cette partie à un levier dans lequel le foids eil entre l appui & Upuiffanu , tandis que appui â» la puijfimce font è fes extrèflaités. Ici le .point fixe ou l’appui fe trouve à rextrimîtè du piedjaréfiftance ou le poids du corps pcMtte fur le coude-pied , & la ptfiiuince qui élève & foutiem ce poids , eft appliquée au talon par ie moyen du teridon d Achille ; or , comme le kvier eft phis grand dans un pied long& plat , le poids du corps eA i Î>lus éloigné ^’ùpoint d^ appui & plus prés de Ift purfance ; donc la pefanteur du corps doit augmenter, 1 & la force du tendon iT Achille diminuer en propor- * tion égale. Je dis donc que cette pefanteur n*étam ’ Îias dans une proportion auffi exeâe dans les dan- , èurs )arretés qui ont eicraordinaiiement le coudepied élevé & fort , ces premiers ont néceflaîrement moins de facilité âfe haufler fur l’extrémité ’ des pointes.

J*ai obfervé encore une les dé&uts qui fe rencontrent depuis les hanches îufqu’aux pieds , it font fentir depuis l’épaule jufqu’à k main ; le plus fou-Yent l’épaule fuit la < :onformatton des hanches ; le coude, celle du genou ; le poignet, celle du piet*. Une légère attention vous convaincra de cette vérité, & vous verrez qu’eu général les défams de conformatioa provenant de rarrangemem vicieux de quelques articulations, s*éteoden< à toutes» Ce priiKCipe pofé, Tartifie doit fuggérer, relativement aux bras » des mouvements proportionnés k leur longueur j les bras longs ne peuvent perdre de leur cou

étendue que par les rondeurs qu*on leur donne* L’art confiile à tirer parti de ces imperfcâions , & je connois des danfeurs qui 9 par le moyen des effactmens du corps , dérobent habilement la longtieur de leur bras ils en font fuir une partie dans Tombre.

J ai dit que les danfeurs jarretés étoient foibIe« , il» font minces & déliés ; les danfeurs arqués , plus vigoureux , font gros & nerveux. On penfe aiTez communément qu’un homme gros & trapu doit être lourd ; ce principe eft vrai quaiu au poids réel du corps , mais il eft faux en ce qui concerne la danfe ; car la légèreté ne naît que de la force des mufcles. Tout homme qui n’en fera aidé que fol* blement tombera toujours avec pefanteur. La raifon en eft fimple : les parties foibles ne pouvant rcfifter dans Tinftantde la chute aux plus fortes, c*eft-àdire au poids du corps 1 qui acquiert à proportion de la hauteur dont il tombe, un nouveau degré de pefanteur , cèdent & fléchiffent ; & c’eft dans ce moment de relâchement & de flexion que le bruit de la chute fe fait entendre , bruit qui diminue coniidérablement » & qui peut même être fenfible quand le corps peut fe maintenir dans une ligne exaâement peipendicuiaire , & lorfque les mufcles & les reflbrts ont la force de s’oppofer à la force même , & de réûfter avec vigueur au choc qui pourroit les faire fuccomber.

La nature n’a point exempté les femmes des înv perfeâions dont je vous ai parlé ; mais l’artifice & la mode des jupes heureufemeot viennent au fecours de nos danfeufes. Le panier cache une multicude de défauts , & l’oeil curieux des critiques ne morne pas aflez haut pour décider. La plupan dentre elles danfent les genoux ouverts comme fi elles étoient naturellement arquées. Grâce à cette manvaife habitude & aux jupes , elles paroiflent plus brillantes que les hommes , parce que, comme je l’ai dit t ne hattant que du bas de la jambe , elles paffènt leurs temps avec plus de vitefle que nous > oui ne dérobant rien au fpeâac^ur , fopimes obligés de les Satire tendus^ de les laire partir primordia* lemeotde la hanche ; & vous conprenez qu’il faut plus de temps pour remuer un tout qu’une partie. Quant au briUam qu’elles ont| la vivacité y contribue , mais cependant bien moins que les jupes ^ qui 4 en dérobant la loiif ueur des parties , £xem plus attentivement les regards & les frappent davantage ; tout le feu des kattements^ étaiK » pour ainfi dire, réuni dans un point » paroit plus vif & plus brillant ; l’œil 1 embrafle tout entier ; il eft moins partagé & moins diôraic à proportion du peu d*efpace qu il a à parcourir.

D’ailleurs une jolie phvfionomie » de beaux yeux , une taille élégante oc des bras voluptueux font des écueils inévitables contre lefquels la criti- 2ue va fe brifer, & des titres puiââasàrîAdulgence u fpeâateur , dont l’imagination fiibftitue au plaiiir qu’il n*a pas » celui qu’il peunoit avoir Korlde la fcène.

cou .^ Kîen a^çA fi nècèflaîra cjue le tour de k cumt en dehors pour bieo danfer ; & rie» n’eft fi naturel aux hofnmes que la pcfuiOQ contraire ; nous naifions siveç elle ; il eA inutile , pour vous convaincre de cette vérité , de vous citer pour exemple les Levantins , les Africains & touts les peuples qui danfent , ou plutôt qui fautent & qui fe meuvent fans principes. Sans aller fi loin » confidérez les enfans ; jetiez les yeux fur les habitans de la campagne, & vous verrez que to«is ont les pieds en-dedans, La fituation contraire eft donc de pure convention ;& une preuve non équivoque que ce défaut n*eft quaniaginaire, c*eâ qu*un peintre pécheroit autant contre la nature que contre les règles de fon art » s*il plaçpit fon modèle les pieds tournés comme ceux d’un danfeur. Ainfi pour danfer avec élégance Biarcher avçc grâce & fe préfenrer avec nobWflW , il faut abfoiument renverier Tordre des chofes & contraindre les parties , par une application auflî longue que pénible, à prendre une toute autre fituation que celle qu’elles ont primordialeaieix reçue.

On ne pf ut parvenir à opérer ce changement 4*unj9 néceflî^ abfolue dans notre art , qu en entreprenant de le produire dés le temps de Tenfance ; ^*eft le feul moment de réuffir , parce qu^alors toutes les parties font fouples > & qu’elles fe prêtent facilement à la direâi^n qu’on veut leur donner. Un jardinier habile ne s’aviferott Purement pas de mettre un . y ieux arbre de pUin-vtnt en efpalier ; ies branches trop dures n*obéiroient pas , & fe bri-Ceroient plutôt que de céder à la contrainte qu^on voudroîtleur impofer. Qu’il prenne un jeune ar«  briiTeau , il parviendra facilement à lui donner telle forme qu’il voudra ; fes branches tendres . fenlieront & fe placeront à fon gré ; le temps , en tortifilfsnt fes rameaux» fortifiera la pente que la main du makre aura diriffée » & chacun d’eux s’aflujettirs^ pour toujours ài’impreffion & à la direflion que Tan lui aura prefcrtte*

Voilà donc la nature changée ; mais cette opération une fois faite , il n’efl plus permis à l’art de faire un fécond miracle , en rendant à l’arbre fa première forme. La nature, dans ceruines parties , ne ïe prête à des changements qu’autant qu’elle eft foible encore. Le temps lui a-t-il donné des forces , elle réfifte , elle eft imdomptable. • Concluons de-là que les parens font , ou du moins devroient être les premiers maîtres 4e leurs enfans. Combien de défeâuofités ne rencontrons-nous point chez eux lorfqu’on nous les confie f Ceft , dira-t-on , la fsiute des nourrices. Raifons foibles , excufe frivole , qui , loin de juflifier la né--jligence des pères & des mères, ne fervent qu’à es condamner. En fuppofant que les enfans aient été mal emmaillotés , c’eft un motif de plus pour exciter leur attention , puifqu’il eft certain que deux ou trois ans de négligence de la p ;irt des nourrices , ne peuvent prévaloir fur huit ou neuf années des foins paternels.

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cou 411

Mais revenons à la pofition en-dedans. Un danfeur c/i-ifi/j«j eft un danfeur raal-adroic& défagréable. L’attitude contraire donne de l’aifance bc du brillant ; elle répand des grâces dans les pas , dans les développemens » dans les positions & dans les attit ;:des.

On réuftlt diftîcilement à fe mettre tn-dthors , parce qu’on ignore fouvent les vrais moyens qu’il faut employer pour y parvenir. La plupart des jeunes gens qui fe livrent à la danfe fe perfuadent qu’ils parviendront à fe tourner , en forçant uniquement leurs pieds à fe placer en-dehors. Je fais nue cette partie peut fe oréter à cette direâion par (a foupleue , & la mobilité de fon articulation avec la jambe ; mais cène méthode eft d*autant plus faufte , qu’elle déplace les chevilles , & qu’elle n’or père rien fur les genoux ni fur les cuiftes. Il eft encore impoiTible de jetter les.première^ de ces parties cn-iehors fan^ lefecours desfecon* des. Les geuQux en effet n’ont que deux mouvez ments , celui de flexion & celui d’extenfion ; lun détermine la jambe en arriére , & l’autre la déter* mine en avant ; or ils ne pourroient fe porter en» dchçrs d’eux-mêmes ; & tout dépend eftentieller ment de la cnifte , puifque c*eft elle oui commande fouverainement aux parties qu’elle domine & qui lui font inférieures, ^lle les tourne conféquemmeiu au mouvement de rotation dont elle eft douée ; Se dans quelque fens qu’elle fe meuve, le genou « la jambe & le pied font forcés à la fuivre. H ne-parlerai point d’une machine que Ton nomme tourne-hanche , machine mal imaginée Si mal combinée, qui, loin d’opérer efHcacement ^ eftropieceux qui s en fervent p en imprimant dans la ceinture un défaut beaucoup plus défagréable que celui qu’on veut détruire.

Les moyens les plus fimples & les plus naturel^ font toujours ceux que la raifon & le bon fetis doivent adopter, lorfqu’ils font ûiffifàns. Il ne faut donc, pour fe mettre en-dehors , qu’un exercice modéré , mais continuel» Celui des r.onds ou tour^ de jambes en-dedans ou en dehors , & des grand^ hatumens tendus partant de la hanche , eft l’unique Ça le féul à préférer. Infenfiblèment il ctonne du jeu , du reftbrt & de la fouplefle , au lieu que la boite ne follicite qu^à des mouvements qui te reffentem plutôt de la contrainte que de la liberté qui doit les faire naître.

En gênaQt les doigts de quiconque joue d^un înftrume ; it , parviendra-t-on à lui donner un jeu vif & i)ne cadence brillante ? Non fans doute ; ce n’eft que Tuiage libre de la main & des jointures qui peut lui procurer cette yXttfft , ce brillant & cette préçiûon qui font l’ame de l’exécution. Comment donc un danfeur réuftîra-t-il à avoir toutes ces perfections , s’il pafte la moitié de fa vie dans des entraves ?

Oui, l’ufage de cette machine eft pernicieux. 

Ce n’eft point par la violence que l’on corrige un défaut inné , c’eft Touvrage du temps , de l’étude éc de Tappllcation. . .

Fffij

4ï* COU • Il eft encore des personnes qui commencent trop tard, & qui prennent la danfe dans Tâge où l’on doit fonger à la quitter. Vous comprenez que dans cette circonflance les machines n*opérent pas plus efficacement que le travaik J*ai connu des hommes qui fe donnoient une quedion d’autant plus douloureuie, que tout en eux étant formé « ils étoient privés de cette foupleffe qui fe perd avec la jeuneiTs ; un défaut de trente-cinq ans eft un vieux défaut ; il n*eft plus temps de le détruire ni de le pallier.

Ceux qui naiflent de Thabitude font en grand nombre ; je vois touts les enfans occupés en quelque force à déranger & à défigurer leur conAruction. Les uns fe déplacent les chevilles par Thabi-* tude (qu’ils contraâent de n’être que fur une jambe , & de jouer , pour ainfi dire, avec Tautre , en portant continuellement le pied fur leuuel le corps n*eA point appuyé, dans une pofition aéfagréable & forcée , mais qui ne les fatigue point , parce que la foiblefle de leurs ligamens & de leurs mufcles fe prête à tontes fortes de mouvements ; d autres feuffent leurs genoux par les attitudes qu’ils adoptent de préférence à celles qui leur font naturelles. Celui-ci y par ime fuite de Thabitude qu’il prend de fe tenir de travers & d’avancer une épaule, fe déplace une omoplate ; celui là enfin » répétant à chaque inftant un mouvement & une fituation contraire , jette fon corps tout d’un coté , & parvient à avoir une hanche plus groâe que l’autre. Je ne finirois poim fi je vous parlois de touts les inconvénients qui prennent leur fource d*un mauvais maintien. Touts ces défauts » mortifians pour ceux qui les ont contraâés , ne peuvent s’efiacer 3 ne dans leur commencement. Uhabîttide qnî natt e l’enfance fe fortifie dans la^eunefle, s’enracine dans l’âge viril, elle eftindeftruâtble dans la vieilleffe.

Les danfeurs devroiem furvre le même régime Sue les Athlètes, & ufer des mêmes précautions ont ils fe fervoient lorfqu’Hs allotent lutter & combattre ; cette attention les préferveroit des ac* cideiits qui leur arrivent jouritellement ; accidents auffi nouveaux furie théâtre que les cabrioles , & qui fe font multipliés à mefure que Ton a voulu outrer ta nature , & la contraindre à des aâions le plus fouventaudeiTus de fes forces. Si Bdtte art exige avec les qualités de TefprSt la foire & l’agilité du corps , quels foins ne devrions-nous pas apporter pour nous former un tempéramment vigoureux !

Pour être bon danfeur , il faut être fobre ^les 

chevaux anglois (qu’on me permette la comparai^ fon ), deflinés aux courfes rapides , auroient-ils cette vitefle & cette agilité qui les difHngue & qui leur fait donner ta préférence fur les autres chevaux , s’ils étoient moins bien foignés ? Tout ce qu’ils mangent efl pefé avec ta plus grande exaâitûde ; tout ce qu’ils boivent eft fcrnpuleufement mefuré ; le temps de leur exercice eîfl fixé, ainfi que celui de leur repos. Si ces précautions opéreoc cou

efficacement fur des animaux robuftes , combien une vie fage & réglée n’infleurott-elle pas fur àt$ êtres naturellement foibles , mais appelles à un exercice violent& pénible , qui exige h complexîon la plus fone & la plus robufie i

La rupture du tendon d Achille & de la jantbe , le déboitement du pied, en un mot , la luxation des parties quelconques , (ont communément occafionnés dans un danfeur par trois chofes ; l^ par les inégalités du théâtre , par une trappe mal auurée , ou par du fuif ou quelque chbfe femblable qui , fe trouvant fous fon pied , occafionnent fouvent fa chute ; 2^. par un exercice trop violent & trop immodéré qui , joint à des excès d un autre genre , afibiblifient & relâchent les parties ; dès-lors il y a peu de foupleffe ; les refforts n’ont qu’un jeu forcé ; tout eft dans une forte de defféchement. Cette rigidité dans les mufcles, cette’ privation des fucs & cetépuifement, conduifent infenfiblement anxac** cidens les plus funeftes. 3*. Par la maUadrefie & Far les mauvaifes habitudes aue Toncontraâe dans exercice ; par les pofitions oéfeâuenfes des pieds qui , ne fe préfentant point dïreâement vers la terre lorfque le corps retombe , tournent , ptoiem 8e fuccombent fous le poids qu’ils reçoivent. La plante du pied eft la vraie bafe fur laquelle porte toute notre machine. Un fculpteuf courrok rifque de perdre fon ouvrage , s’il ne Tétayoît que fur un corps rond & mouvant ; la chute de fa ftatue feroit inévitable ; elle fe romproit & fe briferoit in«  failliblement. Le danfeur, parla même raifon, doit fe fervir de touts les doigts de ïts pieds , comme d*auunt de branches , dont Vécantmeia fur le fol augmentant Tefpace de fon appui , affermit & maintient fon corps dans l’équilibre fufte & convenable ; s’il néglige de les étendre, s’il ne/»0ri/enauelque façon la planche ^ pour fe crampoiMier & le tenir ferme, il s’enfuivra une foule d’accidents. Le pied perdra fa forme naturelle ; il s’arrondira & vacilr fera fans ceffe & de côté , du petit doigt au pouce, & du pouce au petit doigt : cette efpéce de roidU occafionné par la forme convexe que l’extrémité du pied prend dans cette pofition , s’oppofeà toute fiabilité^ les chevilles chancélenr& te déplacent , & Ton fent que , dans le temps où la maffe tombe»* ra d’une certaine hauteur, & ne trouvera pas dans fa bafe un point fixe , capable de la recevoir & de terminer fa chute ; toutes les articulations feront biefi^s de ce choc & de cet ébranlement ; & l’inftant oii le danfeur témera de chercher une pofition ferme, & où il fera tes plus violents efforts pouf fe dérober au danger, fera toujours celui où il fuccom* bera , foit enfuite d’une entorfe, foit enfuite de la ruptiii^ de la jambe ou du tendon. Le paffage fubic du relâchement à une forte tenfion , & de la flexion à uneextenfion violente, eft donc l’occafion d’une foule d’accidents y qui feroiem fans d(nite moins fréquents , fi l’on fe prétott , pour ainfrdire , à b chute, 6c fi les parties foibles ne lentoienr pas de réfifter contre un poids qu’elles ne peuvent nt fou- cou tenir ni vaSocre ; & l’on ne fauroit trop Ce précaii* tîonner contre lès hufks pofitions , puifque les fuites en font fi funefles. ’

Les chûtes occafionnées par les inégalités du théâ* tre, & autres chofes feinbla blés 9 ne fauroient être attribuées à notre mal-adrefle. Quant à celles qni proviennent de notre foiblefTe U de notre abattement après un excès de travail , & enfuîte d*un genre de vie qui nous conduit à rèpuifement , elles ne peuvent être prévenues* que par un changement de conduite 9 & par une exécution proponionnée aux forces qui nous reftenr. L ambition de cabrioler eft une ambition folle qui ne mène à rien. Un bouffon arrive d’Italie : fur-le-champ le peuple danfant veut imiter ce fauteur en liberté ; les plus foibles font toujours ceux qui font les plus grands efforts Jour l’égaler & même pour le furpaifer. On diroit, voir pgoner nos danfeurs, qu’ils font atteints d*une maladie , oui demande , pour être guérie , de grands fauts 9 d’énormes gambades. Je crois voir la Î Grenouille de la fable : elle crève en faifant des eforts pour s’enfler 9 & les danfeurs fe rompent & s’eflropient, en voulant imiter l’Italien fort & nerveux.

Il eft un auteur , dont j’ignore le nom » & qui s*efl trompé groffièrement « en faifanr inférer dans un livre » qui fera toujours autant d*hoBoeur à notre nation qu’à notre fiéde 9 que la flexion des genoux & leur extenfion étoit ce qui élevoit le corps. Ce principe eft totalement (aux, & vous ferez con* Taincu de rimpoflibilité phyfique de TefFet annoncé par ce fyflâme aoti-naturel 9 fi vous pliez les genoux & fi vous les étendez enfuite. Que l’on fafle ces divers mouvements , foit avec célérité , foit avec lenteur 9 foit avec douceur , foit avec force ; les pieds ne quitteront point terre ; cette flexion & cette extenfion ne peuveni élever le corps 9 fi les parties eflentielles a la reaSion ne jouent pas de concert. Il auroit été plus fage de dire 9 que 1 aâion de fauter dépend des reflbrts du cou- de-pied, des snufcles de cette partie & du jeu du ttndon itAchil^ Uj s*ils opèrent une /iercii^o/2 ; car on parviendroit’^ tnpercutant , à une légère élévation fans le fecours de la flexion 9 & par conféquent de la détenu des genoux.

Ce feroit encore une autre erreur, que de fe perfuader qu’un homme fort & vigoureux doit s’élever davantage , qu’un homme fbible & délié : l’expé" TÎence nous prouve touts les jours le contraire. Nous voyons d’une part des danfeurs qui coupent leurs temps avec force , oui les battent avec autant de vigueur que de fermeté 9 & qui ne parviennent cependant qu à une élévation perpendiculaire fort médiocre ; car Télévation oblique ou de côté doit être diflinguée. Elle eft , fi j’oie le dire , feinte & ne dépend entièrement que de iadrefl*e. D un autre côté, nous avons des hommes foibles,. dont l’exé COU 413

formation , à la longueur du tendon 9 à fon éUflicité , que Ton doit primitivement l’élévation du corps ; les genoux , les reins & les bras coopèrent unanimement & de concert à cette adion. Plus XzpreJJion. eft forte 9 plus la réaRion eft grande , & par confé* quent plus le faut a d’élévation. La flexion àa^ genoux & leur extenfion participent aux mouvements du cou - de - pied & du tendon ii Achille , que l’on doit regarder cpmme les reflbrts les plus effentiels. Les mufcles du tronc fe prêtent à cette opération & maintiennent le corps dans une ligne perpendiculaire, tandis aue les bras qui ont concouru imper* ceptiblement à Teffort mutuel de-toutes les parties «  fervent , pour ainfi dire , d’ailes & de contre-poids à la machine. Confidérons les oifeaux quif ont le tendon mince & allongé , les cerfs , les chevreuils » les moutons , les chats , les finges , &c. ; vous Ver* rez que ces animaux ont une vîtefle & une facilité, à s’élever , que les animaux diflféremment conftruits ne peuvent avoir.

^ on peut aflez communément croire quç les jambes battent les temps de l’entrechat , lorfque le corps retombe. Je conviens que l’œil qui n’a pas le temps d’examiner , nous trompe fouvent ; mais la rai fon & la réflexion nous dévoilent enfuîte ce que la vî-» teffe ne lui permet point d’analyfer. Cette erreur naît de la précipitation avec laquelle le corps defcend. Quoi qu’il en foit , l’entrechat eft fait lorfque le corps eft parvenue fon degré d’élévarion ; les jambes, dans l’inftant imperceptible qu’il emploie à retomber, ne font attentives qu’à recevoir le choc . & l’ébraolement , que la pefanteur de la mafle leur prépare ; leur immobilité eft abfolument néceflàire ; s il n’y avoir pas un intervalle entre les battements &la chute , comment le danfeur retomberoit-il , & dans qu^elle pofition fes pieds fe troiiveroient - ils ? En admettant la poflibilité de battre en defcendant on retranche l’intervalle néceflàire à la préparation de la retombée : or il eft certain que fi les pieds rencontroient la terre dans le moment que les jambes battent encore , ils ne feroient pas dans une direction propre à recevoir le corps , ils fuccomberoient feus le poids qui les écrafcroit , & ne pourroient fe fouftraire à l’entorfe ou au déboîtement. Il eft néanmoins beaucoup de danfeurs qui s’ima«  gînent faire l’entrechat en defcendant, Scconfé- 3[uemment bien des danfeurs errent & fe trompent, e ne dis pas, qu’il foit moralement impoflible de faire faire un mouvement aux jambes par un effort violent de la hanche ; mais un mouvement de cette efpèce ne peut être regardé comme un temps de lentrechat ou de la danfe. Je m’en fuis convaincu par moi - même , & ce n’eft que d’après des expé«  •riences réitérées, que je hafarde de combattre une idée à laquelle je ne feroîs point attaché , fi la plus grande partie des danfeurs ne s’appliquoit unique-* ment qu’à étudier les yeux.

Je hiis monté en effet & phifieurs fois fur une planche dont les extrémités étoicnt élevées de terre. * Lorfque je m’appercevois du coup que l’on aUoit 4M COU donner à la planche pi>ur la dérober de deflbus mes pieds» la crainte alors m’en^ageoit à faire un mouvement qui , efquivant la chute » fli*élevoic un peu au - deâus de la planche » & me faifoit parcourir 4ine ligne oblique au lieu d’une ligne droite. Cette aâion , en rompant la chute » donnoità mes jambes la facilité <ie fe mouvoir , parce que je m etois élevé au-deflus delà planche ,& qu*un demi-pouce d’clé* vation , lorfqu^on a de la vltefTe , fufHt pour battn remrechat.

. Mais fi , fans être prévenu » on caflbit ou on déro* boit la planche , alors je tombois perpendiculaire-» suent ; mon corps s’affaidbit fur les parties inférieures , mes jambes étoîent immobiles * & mes pieds tendant direâement vers la terre, étoient fans moih yement » mais dans une pofition propre à recevoir & à foutenir la mafle.

Si Ton admet de la force dans Tinflant que lecorps tombe } & que Ton crote qu*il lui foit pouible d’opé^ rer une féconde fois , fans un nouvel effort & un nouveau point d’appui , contre lequel les pieds puiffent lutter , par une preffion plus ou moin» forte ; îe demanderai pourquoi le même pouvoir n’exifle pas dans un homme qui s’élance pour fauter un fef-H i D*où vient ne peut- il paffer le but qu’il a fixé ? D’oïl vient , dis - je , ne peut - il changer en Tair la combinaifon qu*il a faite de la diAance oc de la force qu’il loi falloit pour la franchir ? Pourquoi enfin , eelui qui a combinèmal- adroitement , & qui fe voit prêt à tomber dans l’eau , pour n’avoir pas fauté deux pouces plus loin, ne peui-ii réitérer l’effort , & porter (on corps , par une féconde (ecouffe , audelà du foffé ?

S’il y a de rimpoffibilité à faire ce mouvement , combien p !us y en aura-t-il à en faire un autre qui exige de la grâce , de Taifance & de la tranquillité ) Tout danfeurqui fait Tentrechat , fait à combien -lie temps il ïe paffera ; Tunagination derance toujours les jambes : on ne peut le battre à hultiû Hntention n*étoii que de lepaffèrâfix , fans cette précaution , il y auroit autant de chûtes que de pas. Je foutiens doncque le corps ne peut opérer deux (bis en l’air , lorfque les raiforts de la machine ont )Oué , & que leur effet efi déterminé. Den ;c défauts s’oppofent encore aux prc^rès de notre art ; premièrement , les dlfproportions qui ré* Ênent communément dans les pas ; fecondement, ) peu de fermeté des reins.

Les dlfproportions dans Us pas prennent leur tburcede Fimitation & du peu de caifooneinept des danfeurs. Les déploUmtms de la jambe fk les umps ouverts convenoient fans doute à Dupré ; l’élégance de fa taille & la longueur de fes membres s’affocioieni à merveille zun temps développés Si aux pas bordis de û, danfe ; mais ce qui lui ailoit , ne peut ^re propre aux danfeurs d’une uille médiocre ; cependant touts vouloient l’imiter : les jambes les plus courtess’efforçoientde parcourir les mêmes efpaces Bl de dbcmç les mêmes cercles que celles de ce çécou

lèhre danfeur ; dés-lors plus de fermeté ; les hanches n’étaient famats à leur place, le corps vaciiloit fans ceffe , & l’exécution étoit ridicule. L’étendue & la longueur des parties doivent déterminer les contours & les déploiements» Sans cette précauâon , plus d’en/érable , plus d’iiarmonie , plus tt tran quillità & plus de grâces ; les parties lans ceiïe défunies & toujours disantes jetteront le corps dans des pofitlons fauffes & défagréables ; 6l la danfe dé* nuée de fes jufles proportions , reffemblera à laâioB de ces pantins y dont les mouvements ouvens & dif* loques n’offrent que la charge groffiére des mouvements harmonieux que les bons danfeurs doivent avoir.

Ce défaut cR fort à la mode parmi ceux qui danfent le férieux ; & comme ce genre régne à Paris plus que par- tout ailleurs , il eiï très commun dy voir danfer-le nain dans des proportions gîgantef-

?[ues & ridicules ; j’ofe même avancer que ceux qui 

ont doués d’une taille majeflueufe , abufent queU quefois de l’étendue de leurs membres & de la facilité qu’ils ont d’arpenter le théâtre & de détacher leurs temps : ces déploiements outrés altèrent Je ca«  raâère noble & tranquille que la belle danfe doit avoir , & privent l’exécution de Coa moèUeux & de fa douceur.

Le contraire de ce que je viens de vous dire , efi un défaut qui n’efl pas moins défagréaUe. Des pas ferrés , des temps maigres & rétrécis , une exécution enfin trop petite , choquent également le bon goûf«  C’ef» donc , je le répète , la taille & la eonfor matioii du danfeur , qui doivent hvtt & déterminer 1 éten* due de fes mouvettaents , (k Us proportions que fes pas & fes attitudes doivent avoir , pour écre deffinés correâement & d une manière brillante. On ne peut être excellent danfeur , £ins être fer* me fur fes reins ^ eut - on même toutes les qualités effentielles à la perfeâioo de cet art. Cette force eft fans contredit tm don de la nature. N efl-eUe pas cultivée par les foins d’un maître habile i dUt ceffe dés - lors d’être utile. Nous voyons journellefflent des danfeurs fort vigoureux , qui n’ont ni aplomb ni fermeté > & dont l’exécution ef) déhanchée. Nous en rencontrons d’autres au contraire qui , n’étant point nés avec cette force , font pour ainfi dire affis folidement fur leurs hanches , qui ont b ceinture affurée & les reins fermes. L’art chez eux a fuppléé à la nature , parce qu’ils ont eu le bonheur de rencontrer d’excellents maîtres » qui leur ont démontré que , lorfqu’on aJiaudontte Us reins , il e& impoffible de fe foutenir dans une l^ne droite & perpen-^ diculaire ; que l’on fe defline de mauvais goût ; que la vacillation & l’inflabilité de cette partie s’oppofent à Vaplomb 8c à la fermeté ; qu’ils impriment un défaut défagréable dans la ceinture ; que l’affaiffement du corps ôte aux parties inférieures la libené dont elles onthefoin pour fe mouvoir avec aifance ; que lecorps , dans cette fituation , efi comme indéterminé dans fes pofitions ; qu’il en traîne fouvent les jambes ; qu’iLperdà chaque inftant le cemre de&r»- z' cou vUè , 8c qu'il ne retrouve enfin fon équilibre qu*a- . prés des efforts & des cotitorfions , qui ne peuvent j « aHocier iu< mouvements gracieux de la danfe. Voilà le »bleau fidèle de rexécution des cianfeurs qui n*ont point de reins , ou qui ne s'appliquent pointa faire un bon ufage de ceux qu'ib ont. Il fiaut 9 pour bien danfer , que le corps Toit ferme & cran- quille , qu'il foit immobile & inébranlable dans le temps des mouvements des jambes. Se pr^te-t-il au contraire à 1 aâion des pieds ? il fait autant de gri- maces & de contorfions, qu'il exécute de pas clif- férents : Texécution dés-lors cù dénuée de repos , AenfembU ^ d'harmonie, de préciilon , <ie ferme- té, d'aplomb & d'éouilibre ; enfin elle efl privée des t;races & de la noblefle , qtii font les qualités fans efquelles la danfe ne peut plaire. Quantité de dajfeurs s'imaginent, qu'il n'eft quedion que de plier les genoux très-bas , pour être liant & moilUux ; mais ils fe trompent à coup fôr , car )à flexion trop outrée donne de la fécherefTe à la danfe. On peut être très-dur, èifaccadtr touisç$ mouvements , en pliant bas , comme en ne plient pas. La raifon en efl fimple , naturelle & évidente , lorfque Wn confidère, que les temps & les mouve* nients du danfeur font exaâement uibordonnés aux temps & aux mouvements de la mufique. En par? taht de ce principe , U n'eft pas douteux que , flé-> chifTant les genoux plus bas qu'il ne le faut , relati- vement à Pair fur lequel on danfe , la mefure alors traîne , languit & fe perd. Pour regagner le temps, Ijue la flexion lente & outrée a fait perdre , & pour le rattraper , il faut que l'extenfion loit prompte ; & c'efl ce pafTage fubi t & foudain de la flexion à rexten- fk>n , qui donne à l'exécution une fécherefTe & une dureté tout aiifli choquantes & auffi défagréables , que celles quiréfultent delaroideur. Le moelleux dé^rend en partie de la flexion pro- portionnée des eenoux ; mais ce mouvement n'eft pas fuififant : il faut encore que les cou - de - pieds fafTenc reffort , & que les reins fervent , pour ainfl dire , de contre-poids à la machine , pour que ces fefTorts baiflent Se haufTent avec douceur. C'efl cette harmonie rare dans tbuts les mouvements , qui a fnerité au célèbre Dupré le titre de dieu de la danfe. En efiet , cet excellent danfeur avoit moins Talr

  • d'un homme que d'une divinité ; le liant , le moel-

leux & la douceur qui régnoient dans touts fes moii- . vemems , la cbrrefpondance intime qui fè rencon- troit dans le jeu de fes articulations , offroient un tnfembU admirable ; enfemhte qui réfulte de la belle conformation , de l'arrangement jufte , de la propor- riop bien combinée des parties , & qui , dèpenoant bien moins de l'étude & du raifonnement que de la l^ature , ne peut s'acquérir que lorfi^ Ton efi fervi par elle. Si les danfeurs , même les phit médiocres , font en oofTeflion d'une grande quantité de pas ( mai courus à la vér't ^ , & liés la plupart à contre* fens & de mauvais goût ) , il efl moins commun de rencon- trer chez eux cette précifion d'oreille « avantage cou 4«5 rare , mais itmé , qui caraâérife la danfe , qui donne de refprii & de la valeur aux pas , àc qui répami fur touts les mouvements Un fel qui les anime Ik qui les vivifie. U y a des oreilles faufles & Infenfîbles aux moi»- vemems les plusfimples &les plus faillants ; il y en a de moins dures, qui fentent la mefure, mais qui ne peuvent' en faifîr les finefles ; il y en a d'autres en«- fin qui fe prêtent naturellement & avec facilité aux mouvements des airs les moins fenfibles. Mademoi*- felle Camargo & M. Lany jouifToient de ce taâ pré- cieux & de cette précifion exaâe , qui prêtent a la danfe un efprit , une vivacité & une gaieté , que l'on ne rencontre point chez les danfeurs qui ont moins de feniibilité & de finefTe dans cet organe. Il efl ce^ pendant confiant, que la manière de prendre les temps , en contribuant à la vîtefTe , ajoure en quel«  que forte à la délicatefle de l'oreille ; je veux dire, que tel danfeur oeut avoir un très- beau taâ, & ne le pas rendre fenfible aux fpeâateurs , s'il ne po^ède l'an de fe fervir avec aifance des reffons qui font mouvoir le cou-de-pied. La mal-adrefle s'oppofe donc à la lufleffe ; & tel pas qui auroit été faillant, & qui auroit produit fon effet , s'il eût été pris avec promptitude & à l'extrémité de la mefure , parok froid & inanimé , fi toutes les parties opèrent à U fois. U faut plus de temps pour mouvoir toute la machine , qu'il n'en faut pour en mouvoir une par* tie« La flexion & l'extenfion du cou- çlè- pied efl bien plus prompte & bien plus fenfible que la flexion & l'extenfion générale de toutes les articulations* Ce principe pcSe , la précifion manque à celui qui , ayant de l'oreille , ne fait pas prendre fes temps avec vitefle. L'élafUcité du cou - de- pied & le jeu plus ou moins aâif des refforts , ajoutent à la fenfi- DîHté naturelle de l'organe , & prêtent à la danfede la valeur & du brillant. Ce charme qui nait de l'har-* monie des mouvements 4e la mufique & des mou* vemems du danfeur, enchaîne ceux même oui ont l'oreille la plus ingrate & la moins fufceptiole des impreflions de la mufique. Il efl des paysott les habîtans jouiflfent générale* ment de ce taâ inné qui ierott rare en France , fi nous ne comptions au nombre de nos provinces la Provence , le Languedoc & l' Alface. Le Raiatinat de winemberg, la Saxe , Je Bran* debourg , F Autriche & la Bohême , foumiffent aux orcheflres des orinces Allemands une quantité d'excellens muficiens fie de grands compoTiteurs. Les peuples de la Germanie naiflentavecun goûc vif À déterminé pour la mufique; ils portent en eux le germe de l'harmonie î & il ttt on ne peut pas plus commun d'entendre dans les rués & dans tes boutiques des artifans , des concerts pleins de jufleflfe & de précifion. Chacun chante fa partie & compte fes pas avec exaditudè ; ces concerts dtâés par la fimple nature & exécutés par les gens les phis vils , ont uii enfemhU que nous avons de la peine il faire faifir à nos muficiens françob , malgré 4e bâ«  ton de inefure & les comorfions de celui qui en «fl Digitized by Google

4i6 COU armé. (îet înftrament , ou pour mieux dire cette efpèce de férule, décèle l’école , & retrace la foibleffe & l’enfance dans laquelle notre mufique étoit plongée il y a foixante ans. Les étrangers accoutumés à entendre des orcheftres bien plus nombreux que les nôtres, bien plus variés en in(lruments& infiniment plus riches en mufique favante & diffi- <ultueufe, ne peuvent s’accoutumer à ce bâton , liceptre de l’ignorance , qui fut inventé pour conduire des talens naînfans. Ce hochet de la mufique au berceau paroît inutile dans Tadolefcence de cet art. L’orcheûre de Topera eft , fans contredit , le centre & la réunion des musiciens habiles ; il n’eft plus néceflaire de les avertir comme autrefois qu’il yz deux dièfes àla clef. Je crois donc que cet inftrument , fans doute utile dans les temps d’ignorance , ne Ve(k plus dans un fiècle oii les beaux ans lendent à la pcrfei :}ion. Le bruit défagréable & diffonnant qu’il produit, lorfque le préfet de la mufi* que entre dans i’enthoufiafme & qu’il brife le pupitre, diftrait l’oreille du fpeâateur , coupe l’harmonie , altère le chant des airs , & s’oppofe à toute imprefiîon.

Ce goût naturel & inné pour la mufique entraîne après lui celui de l»danfe. Ces deux ans font frères oc fe tlcnnenwpar la main ; les accents tendres & harmonieux de l’un excitent les mouvements agréables & expreffifs de l’autre ; leurs effets réunis offrent aux yeux & aux oreilles des tableaux animés ; ces fens portent au cœuf les images intérelTantes qui les ont affeâés ; le cœur les communique à lame ; & le plaifir qui réfulte de l’harmonie (k d^ lïntelligence de ces deux ans , enchaîne le fpeâateur & lui fait éprouver ce que la volupté a de plus ieduifanr.

La danfe eft variée à l’Infini dans toutes les provinces delà Germanie. La manière de danfer qui règne dîins un village, ei| prefque étrangère dans le hameau voifin. Les airs mêmes deftinés à leurs réjouifiances ont un caraâèro & un mouvement différent , quoiqu’ils portent tous celui de la gaieté. Leur danfe eft féduifante, parce qu’elle tient tout de la nature, leurs mouvements ne refpirentque la )oie & le plaifir ; & la précifion avec laquelle ils exécutent donne un agrément particulier à ’leurs attitudes, à leurs pas & à leurs geftes. Eft-il aueftion de £auter ? cent perfonnes autour d’un cnéne ou d’un pilier prennent leurs temps dan^ le même inftant, s’élèvent avec la même juftefTe , & retombent avec la même exaâitude. Faut il marquer la mefure par un coup de pied ? tous font d’accord pour le frapper eni^mble. Enlèvent-ils leurs femmes ?

on les voit toutes en l’air à des hauteurs égaler , 

& ils ne les laiffent tomber que fur la note fenfible de la mefure*

. Le CQntrc’poUi , qui fans contredit eft la pi^erre de touche de l’oreille la plus délicate , eft pour eux ce qu’il y a de moins difficile ; auflî la danfe eft-elle flrtiimée, & la fineffe de leur organe jette- t-elle dans ^ur BiiUïi^re de fy mouvoir une gaieté & une va< cou

rîété que Ton ne trouve point dans dos contredan* fes françoifes.

Un danfeur fans oreille eft l’image d’un fou qui parle fans ccfTe , qui dit tout au hafard , qui n*cb«  i’erve point de fuite dans la converfation , & qui n’articule que des mots mal confus & dénués de fens commun. La parole ne lui fert qu’à indiquer aux gens fenfés fa folie & fon extravagance. Le danfeur fans oreille , alnfi que le fou, fait des pas mal combinés , s’égare à chaque inftant dans fon exécution , court fans cefTe après la mefure & ne rattrape jamais. Il ne fcnt rien ; tout eft faux chez lui ; fa danfe n’a ni raifonnement ni expreffion ; Çc la mufique qui devroit diriger fes mouvemenjts , fixer fes pa$& déterminer fes temps, ne fert qu’à déceler ion infuf&fance & fes imperfeélions. L’étude de la mufique peut , comme je vous l’ai déjà dit , remédier à ce défaut , & donner à l’organe moins d’infenfibilité & plus de juftefiTe. Je ne ferai pas une longue defcription de tonts les enchaînements de pas donr la oanfe eft en poffeifion. Ce détail feroit immenfe ; il eft inutile d’ail* leurs de m’étendre fur le méchanifme de nion art ; cette partie eft portée à un fi haut degré de perfeç* tion , qu’il feroit ridicule de vouloir donner de nou* veaux préceptes s|ux arciftes. Une pareille diftermtion ne pourrpit manquer d’être froide & de vou^ déplaire ; c’eft aux yeux & non aux oreilles que le$ pieds & les jamj)es doivent parler ? Je me contenterai donc de dire que ces enchaî«  nements font innombrables , que chaque danfeur a fa manière particulière d’allier & de varier fes temps. Il en eft de la danfe comme de la mufique, & des danfeurs comme des muficiens ; notre art n’eft F as plus riche en pas fondamentaux que la mufique eft en notes -, mais nous avons des oâaves , des rondes , des blaiiches , des noires ., des croches , des temps à compter & une mefure à fuivre ; ce mélange d’un petit nombre de pas & d’une petite quantité de notes offre une inultitude d’enchaînements & de traits variés ; le goût & le génie trouvent toujours unç fource de nouveautés en arrangeant & en retournant cette petite pordon de notes oc de pas de mille fens & de mille manières différentes ; ce font donc ces pas lents & foiitenus , ce$. pas vifs , précipités , & ces temps plus ou moim^ ouverts , ^ui forment cettp diverfité continuelle.