Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/2/Le Serpent et la Lime

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XVI.

Le Serpent & la Lime.



On conte qu’un ſerpent voiſin d’un Horloger,
(C’eſtoit pour l’Horloger un mauvais voiſinage)
Entra dans ſa boutique, & cherchant à manger

N’y rencontra pour tout potage
Qu’une Lime d’acier qu’il ſe mit à ronger.
Cette Lime luy dit, ſans ſe mettre en colere,
Pauvre ignorant ! & que pretends-tu faire ?
Tu te prends à plus dur que toy,
Petit Serpent à teſte folle,
Plutoſt que d’emporter de moy
Seulement le quart d’une obole,
Tu te romprois toutes les dents.
Je ne crains que celles du temps.

Cecy s’adreſſe à vous, eſprits du dernier ordre,
Qui n’eſtant bons à rien cherchez ſur tout à mordre,
Vous vous tourmentez vainement.

Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils ſont pour vous d’airain, d’acier, de diamant.