Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe
Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Loup plaidant contre le renard par-devant le singe.
III
LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR-DEVANT LE SINGE
Un loup disait que l’on l’avait volé :
Un renard, son voisin, d’assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
Devant le singe il fut plaidé,
Non point par avocats, mais par chaque partie.
Thémis n’avait point travaillé,
De mémoire de singe, à fait plus embrouillé.
Le magistrat suait en son lit de justice.
Après qu’on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempesté,
Le juge, instruit de leur malice,
Leur dit : Je vous connais de longtemps, mes amis ;
Et tous deux vous paierez l’amende :
Car toi, loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ;
Et toi, renard, as pris ce que l’on te demande.
Le juge prétendait qu’à tort et à travers,
On ne saurait manquer, condamnant un pervers.