Chansons rouges/Fermez la porte

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Maurice Boukay (
Ernest Flammarion, éditeur (p. 101-106).


FERMEZ LA PORTE


À Léon Blanchot.
Un révolté chante :

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  \key ees \major
  \time 2/4
  \tempo "Allegretto."
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R2*4 \bar "||" 
bes4 \( g8 g | ees ees f f | bes,4 \) r \break
bes'4 g8 g | ees ees f f | g4 g8 r | bes4 g8 g \break
ees ees f f | bes,4 r | bes' d,8 ees | f g bes ees, \break
f4 f8 r | b4 c8 d | ees d c g | bes4 r \break
aes bes8 c | c g g bes | bes4 bes8 r | b4 c8 d \break
ees d c ces | bes4~ bes8 bes | bes4. bes8 | bes4 bes | aes2 | aes4 r
 \bar "|."
}
\addlyrics {
Je vou -- drais dire aux doigts cal -- leux,
Pour qui le chô -- mage est un cri -- me,
Que tout mon cœur est a -- vec eux
Con -- tre l’ar -- gent qui les op -- pri -- me.
Je vou -- drais qu’on bri -- sât l’im -- pôt
Que le tra -- vail tout seul sup -- por -- te.
J’en -- tends le four -- gon du dé -- pôt
A -- mis, fer -- mez la por -- "te !"
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I

Je voudrais dire aux doigts-calleux,
Pour qui le chômage est un crime,
Que tout mon cœur est avec eux
Contre l’argent qui les opprime.
Je voudrais qu’on brisât l’impôt
Que le travail tout seul supporte.
J’entends le fourgon du dépôt :
Amis, fermez la porte !

II

Je voudrais dire aux meurt-de-faim.
Vieillards que la justice oublie :
« Tout homme infirme a droit au pain,
Sans que mendier l’humilie ! »
Riche, à quoi sert ton superflu ?
N’attends pas que la faim l’emporte !
Mille damnés pour un élu,
C’est trop. Fermez la porte !

III

Je voudrais dire aux sans-foyers,
Enfants martyrs sous camisole :
« Fuyez la trique, dévoyés,
Fuyez le mur qui vous isole ! »

Si le gardien dit : « C’est trop tard »
Répondez : « Trop tard ! que m’importe ?
Laissez-moi donc vivre en bâtard !
Et puis fermez la porte ! »

IV

Je voudrais dire au bon curé
Qui prêche les mots d’indulgence :
« Le sang de ton Dieu torturé
Au fond des cœurs clame : Vengeance !
Prends le marteau du Charpentier !
Brise les croix de toute sorte !
Donne l’or de ton bénitier ! »
Et puis fermez la porte !

V

Je voudrais dire à mes amis,
Sculpteurs d’idéal et de rimes,
Que s’enfermer n’est plus permis,
Lorsqu’au dehors grondent les crimes.
Chantons la justice et l’amour !
Le peuple va nous faire escorte.
Poète, descends de ta tour !
Et puis ferme ta porte !