Fragments du journal d’Eugène Delacroix

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Fragmens du journal d’Eugène Delacroix [1]
Eugène Delacroix

Revue des Deux Mondes tome 116, 1893


FRAGMENS
DU
JOURNAL D'EUGÈNE DELACROIX[2]


Jeudi 27 janvier 1853.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je n’éprouve pas, à beaucoup près, pour écrire, la même difficulté que je trouve à faire mes tableaux. Pour arriver à me satisfaire, en rédigeant quoi que ce soit, il me faut beaucoup moins de combinaisons de compositions, que pour me satisfaire pleinement en peinture. Nous passons notre vie à exercer, à notre insu, l’art d’exprimer nos idées au moyen de la parole. L’homme qui médite dans sa tête comment il s’y prendra pour obtenir une grâce, pour éconduire un ennuyeux, pour attendrir une belle ingrate, travaille à la littérature sans s’en douter. Il faut tous les jours écrire des lettres qui demandent toute notre attention et d’où quelquefois notre sort peut dépendre.

Telles sont les raisons pour lesquelles un homme supérieur écrit toujours bien, surtout quand il traitera de choses qu’il connaît bien. Voilà pourquoi les femmes écrivent aussi bien que les plus grands hommes. C’est le seul art qui soit exercé par les indifférentes… Il faut ruser, séduire, attendrir, congédier, en arrivant et en partant. Leur faculté d’à-propos, la lucidité extrême dans certains cas, trouvent ici merveilleusement leur application. Au reste, ce qui confirme tout cela, c’est que, comme elles ne brillent pas par une grande puissance d’imagination, c’est surtout dans l’expression des riens qu’elles sont maîtresses passées. Une lettre, un billet qui n’exige pas un long travail de composition est leur triomphe.


Lundi 7 février.

Aujourd’hui l’insipide et indécente cohue de la fête du Sénat. Aucun ordre, tout le monde pêle-mêle et dix fois plus d’invités que le local n’en peut contenir. Obligé d’arriver à pied et d’aller de même retrouver la voiture à Saint-Sulpice… Que de gueux ! Que de coquins s’applaudissent dans leurs habits brodés ! Quelle bassesse générale dans cet empressement !


Mardi 15 mars.

Je retrouve sur un chiffon de papier ces lignes que j’ai écrites il y a longtemps ; j’étais alors plus misanthrope que je ne suis. J’avais plus de raisons d’être heureux, puisque j’étais plus jeune. Je ne laissais pas d’être attristé du spectacle auquel nous assistons et dont nous sommes nous-mêmes les acteurs et les victimes.

Voici la boutade : « Comment ce monde si beau renferme-t-il tant d’horreurs ! Je vois la lune planer paisiblement sur des habitations plongées, en apparence, dans le silence et dans le calme… Les astres semblent se pencher dans le ciel sur ces demeures paisibles, mais les passions qui les habitent, les vices et les crimes ne sont qu’endormis ou veillent dans l’ombre et préparent des armes ; au lieu de s’unir contre les horribles maux de la vie mortelle, dans une paix commune et fraternelle, les hommes sont des tigres et des loups animés les uns contre les autres pour s’entre-détruire. Les uns laissent un libre cours aux détestables emportemens qu’ils ne peuvent maîtriser : ce sont les moins dangereux. Les autres renferment, comme dans des abîmes sans fond, les noirceurs, la bile amère qui les anime contre tout ce qui porte le nom d’homme. Tous ces visages sont des masques, ces mains empressées qui serrent votre main sont des griffes acérées prêtes à s’enfoncer dans votre cœur. À travers cette horde de créatures hideuses, apparaissent des natures nobles et généreuses. Les rares mortels qui ne semblent laissés à la terre que pour témoigner du fabuleux âge d’or sont les victimes privilégiées de cette multitude de traîtres et de scélérats qui les entourent et les pressent. Le sort s’unit aux passions de mille monstres, pour conspirer la perte de ces hommes innocens, et presque tous rendent à ce ciel ingrat une détestable vie, en maudissant un présent si funeste : et presque également leur inutile vertu, but des attaques et des haines, fardeau volontaire, et qu’ils n’ont traîné que pour leur malheur, à travers mille maux. »


Vendredi 18 mars.


Vu, après le conseil, l’admirable Saint Just de Rubens. Le lendemain, en essayant de me le rappeler, au moyen d’une esquisse d’après la gravure, j’ai cru m’assurer que l’emploi du pinceau, au lieu de la brosse, a déterminé l’exécution lisse et plus achevée, c’est-à-dire sans plans heurtés, de Rubens. Ce mode mène à une exécution plus ronde, comme est la sienne, mais qui en même temps donne plus vite l’expression du fini. D’ailleurs, l’emploi des panneaux force pour ainsi dire à se servir de pinceaux. La touche lisse et un peu molle laisse moins d’aspérités. Avec les martres et les brosses ordinaires, on arrive à une dureté, à une difficulté de fondre les couleurs qui est presque inévitable, les traces de la brosse laissent des sillons impossibles à dissimuler.


Dimanche 27 mars.


Aux partisans exclusifs de la réforme et du contour.


Les sculpteurs vous sont supérieurs… En établissant la forme, ils remplissent toutes les conditions de leur art. Ils recherchent également, comme les partisans du contour, la noblesse des formes et de l’arrangement. Vous ne modelez pas, puisque vous méconnaissez le clair-obscur qui ne vit que des rapports de la lumière et de l’ombre établis avec justesse. Avec vos ciels couleur d’ardoise, avec vos chairs mates et sans effet, vous ne pouvez produire la saillie. Quant à la couleur qui est partie de la peinture, vous faites semblant de la mépriser, et pour cause…


Lundi 28 mars.


À Irène.


« Je suis le premier puni de mon horrible paresse à écrire, puisqu’elle me prive de recevoir souvent de vos nouvelles et de renouveler, en m’entretenant avec vous, le charme des souvenirs d’enfance. Je suis en cela d’autant plus coupable et ennemi de moi-même, qu’isolé comme je suis je vis bien plus souvent dans mon esprit avec le passé qu’avec ce qui m’entoure. Je n’ai nulle sympathie pour le temps présent ; les idées qui passionnent mes contemporains me laissent absolument froid ; mes souvenirs et toutes mes prédilections sont pour le passé, et toutes mes études se tournent vers les chefs-d’œuvre des siècles écoulés. Il est heureux, au moins, qu’avec ces dispositions, je n’aie jamais songé au mariage : j’aurais certainement paru à une femme jeune et aimable infiniment plus ours et plus misanthrope que je ne le parais à ceux qui ne me voient qu’en passant. »


À Andrieu.


« Je n’ai pas autant de mérite qu’on pourrait le penser à travailler beaucoup, car c’est la plus grande récréation que je puisse me donner… J’oublie, à mon chevalet, les ennuis et les soucis qui sont le lot de tout le monde. L’essentiel dans ce monde est de combattre l’ennui et le chagrin. Sans doute, parmi les distractions qu’on peut prendre, je pense que celui qui les trouve dans un objet comme la peinture doit y trouver des charmes que ne présentent point les amusemens ordinaires. Ils consistent surtout dans le souvenir que nous laissent, après le travail, les momens que nous lui avons consacrés. Dans les distractions vulgaires, le souvenir n’est pas ordinairement la partie la plus agréable ; on en conserve plus souvent du regret, et quelquefois pis encore. Travaillez donc le plus que vous pourrez : c’est toute la philosophie et la bonne manière d’arranger sa vie. »


1er avril.


J’ai usé pour la première fois de mes entrées aux Italiens… Chose étrange ! j’ai eu toutes les peines du monde à m’y décider ; une fois que j’y ai été, j’y ai pris grand plaisir ; seulement j’y ai rencontré trois personnes, et ces trois personnes m’ont demandé à venir me voir. L’une est Lasteyrie, qui veut bien m’apporter son livre sur les vitraux ; la seconde est Delécluze, qui m’a frappé sur l’épaule avec une amabilité qu’on n’attendrait guère d’un homme qui m’a peu flatté, la plume à la main, depuis environ trente ans qu’il m’immole à chaque Salon. Le troisième personnage qui m’a demandé à venir me voir est un jeune homme que je me rappelle avoir vu, sans savoir où et sans connaître son nom ; cette distraction est fréquente chez moi.

Le souvenir de cette délicieuse musique (Sémiramis) me remplit d’aise et de douces pensées le lendemain 1er avril. Il ne me reste dans l’âme et dans la pensée que les impressions du sublime qui abonde dans cet ouvrage. À la scène, le remplissage, les fins prévues, les habitudes de talent du maître refroidissent l’impression, mais ma mémoire, quand je suis loin des acteurs et du théâtre, fond dans un ensemble le caractère général, et quelques passages divins viennent me transporter et me rappellent en même temps celui de la jeunesse écoulée.

L’autre jour, Rivet vint me voir et, en regardant la petite Desdémone aux pieds de son père, il ne put s’empêcher de fredonner le Se il padre mabbandona, et les larmes lui vinrent aux yeux. C’était notre beau temps ensemble. Je ne le valais pas, au moins pour la tendresse et pour bien d’autres choses, et combien je regrette de n’avoir pas cultivé cette amitié pure et désintéressée ! Il me voit encore et, je n’en doute pas, avec plaisir ; mais trop de choses et trop de temps nous ont séparés. Il me disait, il y a peu d’années, en se rappelant cette époque de Mantes et de notre intimité : « Je vous aimais comme on aime une maîtresse. »

Il y a aux Italiens, qui jouent maintenant, dans le désert, une Cruvelli dont on parle très peu dans le monde et qui est un talent très supérieur à la Grisi, qui enchantait tout le monde quand les Bouffes étaient à la mode.

Une chose dont on ne s’est pas douté, à l’apparition de Rossini, et pour laquelle on a oublié de le critiquer, parmi tant de critiques, c’est à quel point il est romantique. Il rompt avec les formules anciennes illustrées jusqu’à lui par les plus grands exemples. On ne trouve que chez lui ces introductions pathétiques, ces passages souvent très rapides, mais qui résument pour l’âme toute une situation, et en dehors de toutes les conventions. C’est même une partie, et la seule, dans son talent, qui soit à l’abri de l’imitation. Ce n’est pas un coloriste à la Rubens. J’entends toujours parler de ces passages mystérieux. Il est plus cru ou plus banal dans le reste, et, sous ce rapport, il ressemble au Flamand, mais partout la grâce italienne et même l’abus de cette grâce.


Dimanche 3 avril.


Retourné aux Italiens : le Barbier. Tous ces motifs charmans, ceux de la Sémiramis et du Barbier, sont continuellement avec moi.

Je travaille à finir mes tableaux pour le Salon, et tous ces petits tableaux qu’on me demande. Jamais il n’y a eu autant d’empressement. Il semble que mes peintures sont une nouveauté découverte récemment[3].


Lundi 4 avril.


Vu le soir Mme  de Rubempré dans sa nouvelle maison. J’ai été enchanté de l’habitation : il y aura de quoi s’y plaire. J’en suis heureux pour cette bonne amie. Elle raffole des curiosités des ameublemens, et elle se trouve servie à souhait. Elle me faisait, ou plutôt nous faisions ensemble, cette réflexion : que tout le bonheur vient tard. C’est comme ma petite vogue auprès des amateurs ; ils vont m’enrichir après m’avoir méprisé.


Vendredi 8 avril.


Sorti d’assez bonne heure pour aller voir les artistes qui m’avaient prié de les visiter. Que de tristes plaies, que d’incurables maladies de cerveau ! Je n’ai eu qu’une compensation, mais elle a été complète : j’ai vu un véritable chef-d’œuvre : c’est le portrait que Rodakowski[4] vient de rapporter d’après sa mère. Cet ouvrage confirme le précédent qui m’avait tant frappé à l’exposition.

Rentré très fatigué et après un sommeil presque léthargique et insurmontable, reposé tout à fait, et dîné avec Mme  de Forget. Nous avons été voir les Cerfbeer aussitôt après, et promené un peu sur les boulevards.


Mardi 12 avril.


Dîné chez Riesener avec Gautier qui a été aimable ; il me boudait depuis quelque temps.

J’ai été voir en revenant le dernier acte de Sémiramis.

Dans la journée, Mme Villot, Mme Barbier et Mme Herbelin sont venues voir mes tableaux. Cette dernière s’est affolée des Pèlerins d’Emmaüs[5], et veut l’avoir au prix que j’avais demandé.


Mercredi 13 avril.

Il faut toujours gâter un peu un tableau pour le finir. Les dernières touches destinées à mettre de l’accord entre les parties ôtent de la fraîcheur. Il faut paraître devant le public en retranchant toutes les heureuses négligences qui sont la passion de l’artiste. Je compare ces retouches assassines à ces ritournelles banales qui terminent tous les airs et à ces espaces insignifians que le musicien est forcé de placer entre les parties intéressantes de son ouvrage, pour conduire d’un motif à l’autre ou les faire valoir. Les retouches pourtant ne sont pas aussi funestes au tableau qu’on pourrait croire, quand le tableau est bien pensé et a été fait avec un sentiment profond. Le temps redonne à l’ouvrage, en effaçant les touches, aussi bien les premières que les dernières, son ensemble définitif.


Jeudi 14 avril.

Dîné chez M. Fould. Le Moniteur a envie d’avoir de ma prose : cela tombe mal au milieu de mes occupations.

Été chez R… finir la soirée pour entendre la répétition et le choix que Delsarte fait des morceaux de son concert. Cette éternelle musique primitive, sans interruption, est bien monotone ; un air de Cherubini risqué au milieu de tout cela m’a paru un foudre d’invention.


Vendredi 15 avril.

Le préfet nous dit ce matin à notre comité où on débattait une question de cimetière, qu’à propos de l’insuffisance des cimetières de Paris, il existait un projet d’un sieur Lamarre ou Delamarre, qui proposait sérieusement d’envoyer les morts en Sologne, ce qui aurait l’avantage de nous en débarrasser et de fortifier le terrain.

J’avais été, avant la séance, voir les peintures de Courbet. J’ai été étonné de la vigueur et de la saillie de son principal tableau ; mais quel tableau ! quel sujet ! La vulgarité des formes ne ferait rien ; c’est la vulgarité et l’inutilité de la pensée qui sont abominables ; et même, au milieu de tout cela, si cette idée, telle quelle, était claire ! Que veulent ces deux figures ? Une grosse bourgeoise, vue par le dos et toute nue, sauf un lambeau de torchon négligemment peint qui couvre le bas des fesses, sort d’une petite nappe d’eau qui ne semble pas assez profonde seulement pour un bain de pied. Elle fait un geste qui n’exprime rien, et une autre femme, que l’on suppose sa servante, est assise par terre, occupée à se déchausser. On voit là des bas qu’on vient de tirer : l’un d’eux, je crois, ne l’est qu’à moitié. Il y a entre ces deux figures un échange de pensées qu’on ne peut comprendre. Le paysage est d’une vigueur extraordinaire ; mais il n’a fait autre chose que mettre en grand une étude que l’on voit là près de sa toile ; il en résulte que les figures y ont été mises ensuite et sans lien avec ce qui les entoure. Ceci se rattache à la question de l’accord des accessoires avec l’objet principal, qui manque à la plupart des grands peintres. Ce n’est pas la plus grande faute de Courbet.

Il y a aussi une Fileuse[6] endormie, qui présente les mêmes qualités de vigueur, en même temps que d’imitation… Le rouet, la quenouille, admirables ; la robe, le fauteuil, lourds et sans grâce.

Les Deux Lutteurs montrent le défaut d’action et confirment l’impuissance dans l’invention. Le fond tue les figures : et il faudrait en ôter plus de trois pieds tout autour. Oh ! Rossini ! Oh ! Mozart ! Oh ! les génies inspirés dans tous les arts, qui tirent des choses seulement ce qu’il faut en montrer à l’esprit ! que diriez-vous devant ces tableaux ? Oh ! Sémiramis ! .. Oh ! entrée des prêtres, pour couronner Ninyas !


Samedi 16 avril.

Dans la matinée, on m’a amené Millet… il parle de Michel-Ange et de la Bible, qui est, dit-il, le seul livre qu’il lise ou à peu près. Cela explique la tournure un peu ambitieuse de ses paysans. Au reste, il est paysan lui-même, et s’en vante. Il est bien de la pléiade ou de l’escouade des artistes à barbe qui ont fait la révolution de 48, ou qui y ont applaudi, croyant apparemment qu’il y aurait l’égalité des talens, comme celle des fortunes. Millet me paraît cependant au-dessus de ce niveau comme homme, et, dans le petit nombre de ses ouvrages, peu variés entre eux, que j’ai pu voir, on trouve un sentiment profond, mais prétentieux, qui se débat dans une exécution ou sèche ou confuse.

Dîné chez le préfet avec les artistes qui ont peint à l’Hôtel de Ville récemment et tutti quanti. Germain Thibaut, qui était là, je ne sais pourquoi, me parlait à table de peinture, et me disait qu’il n’avait jamais pu comprendre la peinture de Decamps : il est parti de là pour faire au contraire un éloge magnifique de la Stratonice, d’Ingres.

Ensuite chez Mme Barbier. Riesener retournait prendre sa femme, et nous avons été à pied. M. Bourée, l’ancien consul à Tanger, me disait que les Yacoms, quand ils se font mordre par les serpens, lesquels sont venimeux, à ce qu’il m’a affirmé, appliquent vivement sur leur bras, par exemple, la gueule ouverte du serpent, de manière à aplatir les crochets qui contiennent le poison. J’aime mieux croire qu’ils ne risquent pas à ce point de devenir victimes d’une maladresse et que ces serpens sont moins venimeux qu’on ne le suppose.

J’ai travaillé toute la journée aux habits du portrait de M. Bruyas. J’aurai une séance demain, qui, j’espère, sera la dernière.


Dimanche 17 avril.

Sur l’École anglaise d’il y a trente ans : Lawrence, Wilkie. — Les Mille et une nuits, Reynolds, Gainsborough.

Sur Oudry et les Discours de Reynolds à l’occasion : sa prédilection pour les dessinateurs. — Lettres du Poussin.

Sur la différence de l’ébauche et de l’esquisse avec l’objet fini ; sur l’effet en général de ce qui n’est pas complet et du manque de proportions pour contribuer à agrandir.


Lundi 18 avril.

Le jour des opérations du jury. J’ai vu, après le jury, ce pauvre Vieillard, il était au lit. Je le trouve bien affaibli et j’ai beaucoup de craintes. Quand je l’ai quitté, il m’a serré fortement la main et m’a accompagné d’un regard comme je ne lui en ai jamais vu.


Mercredi 20 avril.

Après la journée fatigante du jury, qui est la troisième, et réveillé à grand’peine d’un terrible sommeil après mon dîner, je suis parti vers dix heures pour aller chez Fortoul, que j’ai trouvé au moment où son salon se vidait, et quoiqu’il fût alors près de onze heures, je n’ai pas hésité à aller voir la princesse Marcellini.

Je suis arrivé à temps pour avoir encore un peu de musique. Mme Potocka y était et assez à son avantage. En revenant avec Grzymala, nous avons parlé de Chopin. Il me contait que ses improvisations étaient beaucoup plus hardies que ses compositions achevées. Il en était pour cela, sans doute, comme de l’esquisse du tableau comparée au tableau fini. Non ! on ne gâte pas le tableau en le finissant ! Peut-être y a-t-il moins de carrière pour l’imagination dans un ouvrage fini que dans un ouvrage ébauché. On éprouve des impressions différentes devant un édifice qui s’élève et dont les détails ne sont pas encore indiqués, et devant le même édifice quand il a reçu son complément d’ornemens et de fini. Il en est de même d’une ruine qui acquiert quelque chose de plus frappant par les parties qui manquent. Les détails en sont effacés ou mutilés, de même que dans le bâtiment qui s’élève on ne voit encore que les rudimens et l’indication vague des moulures et des parties ornées. L’édifice achevé enferme l’imagination dans un cercle et lui défend d’aller au-delà. Peut-être que l’ébauche d’un ouvrage ne plaît tant que parce que chacun l’achève à son gré. Les artistes doués d’un sentiment très marqué, en regardant et en admirant même un bel ouvrage, le critiquent non-seulement dans les défauts qui s’y trouvent réellement, mais par rapport à la différence qu’il présente avec leur propre sentiment. Quand le Corrège dit le fameux : Anch’io son’ pittore, il voulait dire : « Voilà un bel ouvrage, mais j’y aurais mis quelque chose qui n’y est pas. » L’artiste ne gâte donc pas le tableau en le finissant : seulement, en fermant la porte à l’interprétation, en renonçant au vague de l’esquisse, il se montre davantage dans sa personnalité, en dévoilant ainsi toute la portée, mais aussi les bornes de son talent.


Jeudi 21 avril.

À la vente de Decamps… j’ai éprouvé une profonde impression à la vue de plusieurs ouvrages ou ébauches de lui qui m’ont donné de son talent une opinion supérieure à celle que j’avais. Le dessin du Christ dans le prétoire, le Job, la petite Pêche miraculeuse, des paysages, etc. Quand on prend une plume pour décrire des objets aussi expressifs, on sent nettement, à l’impuissance d’en donner une idée de cette manière, les limites qui forment le domaine des arts entre eux. C’est une espèce de mauvaise humeur contre soi-même de ne pouvoir fixer ses souvenirs, lesquels pourtant sont aussi vivaces dans l’esprit après cette imparfaite description que l’on fait à l’aide des mots. Je n’en dirai donc pas davantage, sinon qu’à cette exposition, comme le soir au concert de Delsarte, j’ai éprouvé, pour la millième fois, qu’il faut, dans les arts, se contenter, dans les ouvrages même les meilleurs, de quelques lueurs, qui sont les momens où l’artiste a été inspiré.

Le Josué, de Decamps, m’a déplu au premier abord, et quand je le regardais de près, c’était une mêlée confuse et des indications de formes lâches et tortillées ; à distance, j’ai compris ce qui faisait beauté dans ce tableau : la distribution des groupes et de la lumière touche au sublime.

Le soir, dans le trio de Mozart, pour alto, piano et clarinette, j’ai senti délicieusement quelques passages, et le reste m’a paru monotone. En disant que des ouvrages comme ceux-là ne peuvent donner que quelques momens de plaisir, je n’entends pas du tout que ce soit toujours la faute de l’ouvrage, et quant à ce qui concerne Mozart, je suis persuadé que c’était de la mienne. D’abord, certaines formes ont vieilli, été ressassées et gâtées par tous les musiciens qui sont venus après lui, première condition pour nuire à la fraîcheur de l’ouvrage. Il faut même s’étonner que certaines parties soient restées aussi délicieuses après tant de temps (le temps marche vite pour les modes dans les arts) et après tant de musique, bonne ou mauvaise, calquée sur ce type enchanteur. Il y a une autre raison pour qu’une création de Mozart saisisse moins par cette abrupte nouveauté que nous trouvons aujourd’hui à Beethoven ou à Weber : premièrement, c’est qu’ils sont de notre temps, et en second lieu, c’est qu’ils n’ont pas la perfection de l’illustre devancier. C’est exactement le même effet que celui dont je parlais à la page précédente : c’est celui de l’ébauche comparée à un ouvrage fini, de la ruine d’un monument ou de ses premiers rudimens, au monument terminé. Mozart est supérieur à tous par sa forme achevée. Les beautés comme celles de Racine ne brillent point par le voisinage de traits de mauvais goût ou d’effets manqués ; l’infériorité apparente de ces deux hommes les consacre pourtant à jamais dans l’admiration des hommes, et les élève à une hauteur où il est le plus rare d’atteindre. Après ces ouvrages, ou à côté si l’on veut, sont ceux qui réellement offrent des négligences considérables ou des défauts qui les déparent peut-être, mais ne nuisent à la sensation qu’à proportion du plus ou moins de supériorité des parties réunies. Rubens est plein de ces négligences ou choses hâtées. La sublime Flagellation d’Anvers, avec ses bourreaux ridicules, le Martyre de saint Pierre, de Cologne, où on trouve le même inconvénient, c’est-à-dire la figure principale admirable et toutes les autres mauvaises. Rossini est un peu de cette famille.

Après la nouveauté qui fait souvent tout accepter d’un artiste, ainsi qu’on l’a fait avec lui, après le temps de lassitude et de réaction où l’on ne voit presque que ses taches, arrive celui où la distance consacre les beautés et rend le spectateur indifférent aux imperfections. C’est ce que j’ai éprouvé avec Sémiramis.


26 avril.

Je disais hier à R… au bal des Tuileries, à propos du mariage d’un auguste personnage, que l’un des plus grands inconvéniens du caractère français, celui qui a plus contribué peut-être que quoi que ce soit aux catastrophes et déconfitures dont notre histoire abonde, c’est l’absence, chez toutes les têtes, du sentiment du devoir. Il n’y a pas un homme ici qui soit exact à un rendez-vous, qui se regarde comme lié absolument par une promesse ; de là, cette élasticité de la conscience dans une foule de cas. L’imagination place l’obligation dans ce qui nous plaît ou nous porte intérêt. Chez la race anglaise, au contraire, qui n’a pas au même degré cette force d’impulsion qui entraîne à tout moment, la nécessité du devoir est sentie par tout le monde. Nelson, à Trafalgar, au lieu de parler à ses matelots de la gloire et de la postérité, leur dit simplement dans sa proclamation : « L’Angleterre compte que chaque homme fera son devoir. »

En sortant de chez Boilay, ce soir à minuit et demi, je cours jusqu’aux Italiens pour trouver une glace, car tous les cafés étaient fermés. J’en trouve au café du passage de l’Opéra, sur le boulevard. J’y vois M. Chevandier qui m’accompagne chez moi, il me raconte, entre autres particularités sur Decamps, d’abord son impossibilité de travailler d’après le modèle dans ses tableaux ; en second lieu, ce qui me paraît la conséquence de cette disposition, sa timidité extrême, quand il travaille d’après nature. L’indépendance de l’imagination doit être entière devant le tableau. Le modèle vivant, en comparaison de celui que vous avez créé et mis en harmonie avec le reste de votre composition, déroute l’esprit et introduit un élément étranger dans l’ensemble du tableau.


Mercredi 27 avril.

Dîner chez la princesse Marcellini avec Grzymala. Délicieux trio de Weber, qui a malheureusement précédé un trio de Mozart : il fallait intervertir cet ordre. J’avais une grande envie de dormir, qui a été tenue en respect par le premier morceau, mais je n’ai pas pu tenir devant le second. La forme de Mozart, moins imprévue, et, j’ose le dire, plus parfaite, mais surtout moins moderne, a vaincu mon attention, et la digestion a triomphé.


Jeudi matin 28 avril.

Il faut une foule de sacrifices pour faire valoir la peinture, et je crois en faire beaucoup, mais je ne puis souffrir que l’artiste se montre. Il y a pourtant de fort belles choses qui sont conçues dans le sens outré de l’effet : tels sont les ouvrages de Rembrandt, et chez nous, Decamps. Cette exagération leur est naturelle et ne choque point chez eux. Je fais cette réflexion en regardant mon portrait de M. Bruyas[7] ; Rembrandt n’aurait montré que la tête ; les mains eussent été à peine indiquées ainsi que les habits. Sans dire que je préfère la méthode qui laisse voir tous les objets suivant leur importance, puisque j’admire excessivement les Rembrandt, je sens que je serais gauche en essayant ces effets. Je suis en cela du parti des Italiens : Paul Véronèse est le nec plus ultra du rendu, dans toutes les parties ; Rubens est de même, il a peut-être dans les sujets pathétiques cet avantage sur le glorieux Paolo, qu’il sait, au moyen de certaines exagérations, attirer l’attention sur l’objet principal, et augmenter la force de l’expression. En revanche, il y a dans cette manière quelque chose d’artificiel qui se sent autant et peut-être plus que les sacrifices de Rembrandt, et que le vague qu’il répand d’une manière marquée sur les partis secondaires. Ni l’un ni l’autre ne me satisfait, quant à ce qui me regarde. Je voudrais, — et je crois le rencontrer souvent, — que l’artifice ne se sentît point, et que néanmoins, l’intérêt soit marqué comme il convient ; ce qui, encore une fois, ne peut s’obtenir que par des sacrifices, mais il les faut infiniment plus délicats que dans la manière de Rembrandt, pour répondre à mon désir.

Mon souvenir ne me présente pas dans ce moment, parmi les grands peintres, un modèle parfait de cette perfection que je demande. Le Poussin ne l’a jamais cherchée et ne la désire pas ; ses figures sont plantées à côté les unes des autres comme des statues ; cela vient-il de l’habitude qu’il avait, dit-on, de faire de petites maquettes pour avoir des ombres justes ? S’il obtient ce dernier avantage, je lui en sais moins de gré que s’il eût mis un rapport plus lié entre ses personnages, avec moins d’exactitude dans l’observation de l’effet. Paul Véronèse est infiniment plus harmonieux (et je ne parle ici que de l’effet), mais son intérêt est dispersé. D’ailleurs, la nature de ses compositions, qui sont très souvent des conversations, des sujets épisodiques, exige moins cette concentration de l’intérêt. Ses effets, dans ses tableaux où le nombre des personnages est plus circonscrit, ont quelque chose de banal et de convenu. Il distribue la lumière d’une manière à peu près uniforme, et à ce sujet, on peut chez lui, comme chez Rubens et chez beaucoup de grands peintres, remarquer cette répétition outrée de certaines habitudes d’exécution. Ils y ont été conduits, sans doute, par la grande quantité de commandes qui leur étaient faites ; ils étaient beaucoup plus ouvriers que nous ne croyons, et ils se considéraient comme tels. Les peintres du XVe siècle peignaient les selles, les bannières, les boucliers, comme des vitriers. Cette dernière profession était confondue avec celle du peintre, comme elle l’est aujourd’hui avec celle des peintres en bâtimens.

C’est une gloire pour les deux grands peintres français, Poussin et Lesueur, d’avoir cherché, avec succès, à sortir de cette banalité. Sous ce rapport non-seulement ils rappellent la naïveté des écoles primitives de Flandre et d’Italie, chez lesquelles la franchise de l’expression n’est gâtée par aucune habitude d’exécution, mais encore ils ont ouvert dans l’avenir une carrière toute nouvelle. Bien qu’ils aient été suivis immédiatement par des écoles de décadence chez lesquelles l’empire de l’habitude, celle surtout d’aller étudier en Italie les maîtres contemporains, ne tarda pas à arrêter cet élan vers l’étude du vrai, ces deux grands maîtres préparent les voies aux écoles modernes, qui ont rompu avec la convention, et cherché à la source même les effets qu’il est donné à la peinture de produire sur l’imagination. Si ces mêmes écoles qui sont venues ensuite n’ont pas exactement suivi les pas de ces grands hommes, elles ont du moins trouvé chez eux une protestation ardente contre les conventions d’école, et par conséquent contre le mauvais goût. David, Gros, Prud’hon, — quelque différence qu’on remarque dans leur manière, — ont eu les yeux fixés sur ces deux pères de l’art français ; ils ont, en un mot, consacré l’indépendance de l’artiste en face des traditions, en lui enseignant, avec le respect de ce qu’elles ont d’utile, le courage de préférer, avant tout, leur propre sentiment.

Les historiens du Poussin, — et le nombre en est grand, — ne l’ont pas assez considéré comme un novateur de l’espèce la plus rare. La manie au milieu de laquelle il s’est élevé et contre laquelle il a protesté par ses ouvrages s’étendait au domaine entier des arts, et, malgré la longue carrière du Poussin, son influence a survécu à ce grand homme. Les écoles de la décadence en Italie donnent la main aux écoles des Lebrun, des Jouvenet, et plus loin encore, à celle des Vanloo et de ce qui les a suivis. Lesueur et Poussin n’ont pas arrêté ce torrent. Quand le Poussin arrive en Italie, il trouve les Carrache et leurs successeurs portés aux nues et les dispensateurs de la gloire… Il n’y avait pas d’éducation complète pour un artiste sans le voyage en Italie, ce qui ne voulait pas dire qu’on l’y envoyait pour étudier les véritables modèles, tels que l’antique et les maîtres du XVIe siècle. Les Carrache et leurs élèves avaient accaparé toute la réputation possible, et ils étaient les dispensateurs de la gloire, c’est-à-dire qu’ils n’exaltaient que ce qui leur ressemblait, et ils cabalaient avec toute l’autorité que leur donnait l’engouement du moment contre tout ce qui tendait à sortir de l’ornière tracée. La vie du Dominiquin, issu lui-même de cette école, mais porté par la sincérité de son génie à la recherche des expressions et des effets vrais, devient l’objet de la haine et de la persécution universelles. On alla jusqu’à menacer sa vie, et la fureur jalouse de ses ennemis le força à se cacher et presque à disparaître. Ce grand peintre joignait à la vraie modestie presque inséparable des grands talens la timidité d’un caractère doux et mélancolique ; il est probable que cette conspiration universelle contribua à abréger ses jours.

Au plus fort de cette guerre acharnée de tout le monde contre un homme qui ne se défendait pas, même par ses ouvrages, le Poussin, inconnu encore, étranger aux coteries……

Cette indépendance de toute convention se retrouve fortement chez Poussin, dans ses paysages, etc. Comme observateur scrupuleux et poétique en même temps de l’histoire et des mouvemens du cœur humain, le Poussin est un peintre unique !…


Vendredi 29 avril.

Au conseil de bonne heure, pour la sotte affaire du bois de Boulogne. Le préfet me demande de faire tout de suite le rapport. Je l’ai lu à la fin de la séance et il a été adopté.

Revenu à l’Exposition avec E. Lamy pour informations ; de là chez Decamps, que j’ai trouvé dans un atelier bouleversé ; il m’a montré des choses admirables. Il y avait là la répétition plus grande de son Job pour le ministère, aussi beau que le petit, et, je crois, plus avancé. Il m’a fait voir un Samaritain dans l’auberge : le malade est porté pour être introduit dans l’hôtellerie ; on emmène sur le devant les chevaux qui ont porté le malade et son bienfaiteur ; les gens de la maison mettent la tête à la fenêtre, enfin tous les détails caractéristiques. Effet de soleil toujours le même et toujours séduisant. Cette force constante d’impression dans la monotonie est un des grands privilèges du talent.


Autre tableau ébauché dans ce genre : Intérieur d’un potier en Italie.

Sur le chevalet, une grande Fuite de Loth, que je n’approuve pas autant. Puis, petite esquisse charmante de l’Agonie du Christ, millier de figures, effet charmant.

Mais ce qui passe tout, pour moi, aujourd’hui, c’est son David en déroute fuyant devant Saül et rencontré par un partisan de ce dernier égaré dans les solitudes et qui, de l’autre côté d’un torrent, l’injurie et lui jette des pierres : le site, la composition, admirables ; la description s’arrête devant mon souvenir.


Samedi 30 avril.

Ébauché le Christ dans la tempête, pour Grzymala. — Avancé le Christ montré au peuple, esquissé Mme Herbelin, et quelques touches à celui de M. Roche ; tout cela avec assez de succès, quoique dans une mauvaise disposition de corps et d’esprit… Qu’est-ce que cette inquiétude, pour une raison tantôt fondée, tantôt vague et ne se prenant à rien ?

Dîné chez Chabrier avec son ami Chevigné, dont il me vante les talens en poésie : il n’a pas celui de l’éloquence, il ne s’exprime point comme tout le monde et il cherche ses mots pour la moindre phrase. Ce dîner à quatre n’était pas suffisamment animé.

Le soir, Mme L.. m’a plu, quoiqu’elle ne soit pas jeune. Elle était près de Mme de F…, en grands frais de toilette. Le mari de Mme de F… est un homme charmant. Il s’étonne que je n’aille pas en Italie ; il me cite les lacs du nord de l’Italie, comme des merveilles qu’il faut voir absolument, et qu’on voit très facilement ; on peut même faire son excursion en deux fois, s’il le faut : une fois, Florence, Rome et Naples ; une autre fois, Milan, Venise, etc.


Dimanche 1er mai.

J’ai été mené le soir par M. et Mme Mancey chez M. Gentié, où j’ai vu la belle Mariette Lablache, et entendu de la musique assez choisie, mais surtout vu la belle Mariette. Elle diminuait tout autour d’elle, comme une déesse au milieu de simples mortelles. Toutes ces natures du Nord étaient bien chétives, en comparaison de cette splendeur méridionale. Rentré très tard, et sorti sans que ce fût fini.

Je recopie ces lignes que je trouve écrites anciennement : « On n’est jamais long, quand on a dit exactement ce qu’on a voulu dire. Si vous devenez concis, en supprimant un que ou un qui, mais qu’en même temps vous soyez obscur ou embarrassé, vous manquez le but de l’art d’écrire, qui est d’exprimer, de faire comprendre ses pensées au moyen du langage : soyez long, s’il le faut, pourvu que vous disiez des choses intéressantes. Le style d’Hugo[8] est le brouillon d’un homme qui aurait du talent : il dit tout ce qui lui vient. »


Lundi 2 mai.

Boissard me dit qu’il a vu à Florence Rossini, qui s’ennuie horriblement.

Ce jour, dîné chez Pierret avec Riesener, son ami Lassus, Feuillet, Durieu. J’en ai rapporté cette triste impression, qui dure encore le lendemain et que le travail a pu seul atténuer, celle de la secrète inimitié de ces gens-là pour moi. Il y a là-dessous une ioule de sentimens, qui, par momens, ne prennent pas seulement la peine de mettre un masque… Je suis isolé maintenant au milieu de ces anciens amis !… Il y a une infinité de choses qu’ils ne me pardonnent point, et en première ligne, les avantages que le hasard me donne sur eux.

— Le protégé de David se nomme Albert Borel-Roget, fils d’Emile Roget, graveur en médailles, de talent, mort sans fortune. Il a obtenu le 1er février 1852 une demi-bourse d’élève communal au lycée Napoléon, sa mère ne peut payer les cinq cents francs de surplus et demande une bourse entière.

— « Voltaire, dit Sainte-Beuve prenant Gui Patin sur l’ensemble de ses lettres, l’a jugé sévèrement et sans véritable justice. » Voici ce qu’en dit Voltaire : « Il sert à faire voir combien les auteurs contemporains qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour sont des guides infidèles pour l’histoire. Ces nouvelles se trouvent souvent fausses ou défigurées par la malignité ; d’ailleurs, cette multitude de petits faits n’est guère précieuse qu’aux petits esprits. »

« Petits esprits, ajoute Sainte-Beuve, je n’aime pas qu’on dise cela des autres, surtout quand ces autres composent une classe, un groupe naturel ; c’est une manière commode et abrégée d’indiquer qu’on est soi-même d’un groupe différent. »

Je crois, pour ma part, que Sainte-Beuve, qui fait partie de ce groupe d’anecdotiers antipathiques à Voltaire, a tort de lui en vouloir de ce qu’il attaque, dit-il, un groupe. Certes, les sots forment un groupe qui n’est pas plus respectable pour être plus nombreux. Il est naturel qu’on attaque ce qu’on n’aime pas, sans considérer si ce quelque chose forme un groupe ou non. Je suis, pour moi, de l’avis de Voltaire : j’ai toujours détesté les collecteurs et raconteurs d’anecdotes, celles surtout de la veille et qui sont précisément de la nature de celles qui déplaisaient à Voltaire. Le pauvre Beyle avait le travers de s’en nourrir. C’est un des faibles de Mérimée et qui me le rend ennuyeux. Il faut qu’une anecdote arrive comme autre chose dans la conversation ; mais ne mettre d’intérêt qu’à cela, c’est imiter les collectionneurs de choses curieuses, autre groupe que je ne puis souffrir, qui vous dégoûtent des beaux objets pour vous en crever les yeux par leur abondance et leur confusion, au lieu d’en faire ressortir un petit nombre en les choisissant et en les mettant dans le jour qui leur convient.


Mardi 4 mai.

Invité par Nieuwerkerke à aller entendre au Louvre un discours sur l’art ou les progrès de l’art d’un sieur R…

Grande réunion d’artistes, de moitié d’artistes, de prêtres et de femmes. Après avoir attendu convenablement l’arrivée d’abord de la princesse Mathilde et ensuite très longtemps encore celle de M. Fould, le professeur a commencé d’une voix altérée, avec un accent légèrement gascon. Il n’y a que les gens de ce pays-là pour ne douter de rien et faire un discours comme celui dont je n’ai, du reste, entendu que la moitié. Ce sont des idées néo-chrétiennes dans toute leur pureté : le Beau n’est qu’à un point donné, et il ne se trouve qu’entre le XIIIe et le XVe siècle presque exclusivement ; Giotto et, je crois, Pérugin, sont le point culminant ; Raphaël décline à partir de ses premiers essais ; l’antique n’est estimable que dans une moitié de ses tentatives ; il faut le détester dans ses impuretés ; il le querelle à propos de l’abus qu’on en a fait dans le XVIIIe siècle. Les saturnales de Boucher et de Voltaire qui, à ce que dit le professeur, ne préférait décidément que les peintures immodestes, suffisent pour faire haïr tout ce côté malheureusement inséparable de l’antique, des satyres, des nymphes poursuivies et de tous les sujets érotiques. Il n’y a pas de grand artiste sans l’amitié d’un héros ou d’un grand esprit dans un autre genre. Phidias n’est aussi grand que par l’amitié d’un Périclès… Sans le Dante, Giotto ne compte pas. Quelle affection singulière ! Aristote, dit-il en commençant, met en tête ou à la fin de ses traités d’esthétique que les plus beaux raisonnemens sur le Beau n’ont jamais fait et ne feront jamais rencontrer le Beau à personne. Tout le monde a dû se demander ce que venait alors faire là le professeur. Après avoir parlé de l’opinion de Voltaire sur les arts, il cite à son tribunal le pauvre baron de Stendhal, qui lui en eût répondu de bonnes, s’il avait pu lui répondre. Ce pauvre baron, selon lui, ne voit l’avènement du Beau moderne que quand le gouvernement des deux chambres aura fait le tour de l’Europe, et que la garde nationale sera installée chez tous les peuples. Ç’a été la plaisanterie capitale de la séance et qui a excité cette explosion de gaîté de sacristie particulière aux gens d’Église, dont on voyait çà et là les robes noires dans cet auditoire fort mélangé.

Je m’en suis allé peut-être un peu scandaleusement après cette première partie, dont je ne donne qu’un pâle résumé. J’y ai été encouragé par l’exemple de quelques personnes qui se sont trouvées, ainsi que moi, suffisamment édifiées sur le Beau.

De là, j’ai été à pied trouver Rivet, par un temps magnifique et avec une grande jouissance de remuer les jambes en liberté, après ma captivité de tout à l’heure.


Vendredi 6 mai.

J’étais invité par le ministre d’État à assister ce soir à une représentation du Conservatoire donnée par des élèves.

Dîné chez Mme de Forget avec le jeune X.., et promené le soir : j’ai renoncé à la partie. J’avais passé ma journée à faire mes paquets pour aller à Champrosay ; j’ai tait des provisions énormes de couleurs et de toile, et malheureusement cet article maudit que je me suis engagé à faire me fera renoncer à toute peinture pendant mon séjour.


Samedi 7 mai.

Parti hier à huit heures et demie pour Champrosay. Enfermé dans le compartiment avec M. X.., que j’ai cru reconnaître d’abord, et auquel je n’ai pas parlé, m’étant ensuite convaincu que ce n’était pas lui. Ensuite, à Juvisy, il m’a adressé la parole, et nous avons regretté de n’avoir pas plus tôt renouvelé connaissance. Je ne l’ai vu que deux fois, et très peu de temps, encore était-ce le soir.

Broklé est venu avec nous poser les glaces et nous a rendu toutes sortes de services. Je suis heureux du plaisir qu’a eu ce brave homme à jouir de la bonne réception qu’on lui a faite.

J’ai été un instant dans la forêt et me suis couché de très bonne heure et fatigué.


Dimanche 8 mai.

L’homme est capable des choses les plus diverses…

La Bruyère dit : « C’est un excès de confiance dans les parens d’espérer tout de la bonne éducation de leurs enfans, et une grande erreur de n’en attendre rien et de la négliger… » Et plus bas : « Quand il serait vrai ce que plusieurs disent, que l’éducation ne donne pas à l’homme un autre cœur ni une autre complexion, qu’elle ne change rien dans son fond et ne touche qu’aux superficies, je ne me lasserais pas de dire qu’elle ne lui est pas inutile. »

Je suis tout à fait de son avis, et j’ajoute que l’éducation dure toute la vie ; je la définis : une culture de notre âme et de notre esprit par l’effet de soins et par celui des circonstances extérieures. La fréquentation des honnêtes gens ou des méchans est la bonne ou mauvaise éducation de toute la vie. L’esprit se redresse avec les esprits droits ; il en est de même de l’âme. On s’endurcit dans la société des gens durs et froids, et s’il était possible qu’un homme de vertu seulement ordinaire vécût avec des scélérats, il faudrait qu’il finît par leur ressembler, pour peu qu’il n’en soit pas éloigné dès le premier moment.

Essayé pendant toute cette journée de débrouiller mon article du Poussin. Je me persuade qu’il n’y a qu’un moyen d’en venir à bout, si toutefois j’y parviens : c’est de ne point penser à la peinture, jusqu’à ce qu’il soit fait. Ce diable de métier exige une contention plus grande que je ne suis habitué à en mettre à la peinture, et cependant j’écris avec une grande facilité ; je remplirais des pages entières sans presque faire de ratures. Je crois avoir consigné dans ce cahier même que j’y trouve plus de facilité que dans mon métier. La peine que j’éprouve vient de la nécessité de faire un travail dans une certaine étendue, dans lequel je suis obligé d’embrasser beaucoup de choses diverses ; je manque d’une méthode fixe pour coordonner les parties, les disposer dans leur ordre, et surtout, après toutes les notes que je prends à l’avance, pour me rappeler tout ce que j’ai résolu de faire figurer dans ma prose.

Il n’y a donc qu’une application assidue au même objet qui puisse m’aider dans ce travail. Je n’ose donc point penser à la peinture, de peur d’envoyer tout au diable. Je ne fais que rêver a un ouvrage dans le genre de celui du Spectateur : un article court de trois ou quatre pages et de moins encore, sur le premier sujet venu. Je me charge d’en extraire ainsi à volonté de mon esprit, comme d’une carrière inépuisable.

Promenade le soir assez insipide dans la plaine ; traversé la route qui va au pont ; été jusqu’au terrain de Delarche, et revenu par la ruelle avec Jenny, qui avait voulu aussi régaler Julie de la promenade pour son dimanche.


Lundi 9 mai.

J’ai été le lendemain, vers dix ou onze heures, me promener vers les coupes nouvelles qu’on a faites le long des murs des propriétés de Quantinet et de Minoret, etc. Matinée délicieuse.

Arrivé au chêne d’Antain que je ne reconnaissais pas, tant il m’a paru petit ; fait de nouvelles réflexions, que j’ai consignées sur mon calepin, analogues à celles que j’ai écrites ici, sur l’effet que produisent les choses inachevées : esquisses, ébauches, etc.

Je trouve la même impression dans la disproportion. Les artistes parfaits étonnent moins à cause de la perfection même ; ils n’ont aucune disparate qui fasse sentir combien le tout est parfait et proportionné. En m’approchant, au contraire, de cet arbre magnifique, et placé sous ses immenses rameaux, n’apercevant que des parties sans leur rapport avec l’ensemble, j’ai été frappé de cette grandeur… J’ai été conduit à inférer qu’une partie de l’effet que produisent les statues de Michel-Ange est due à certaines disproportions ou parties inachevées qui augmentent l’importance des parties complètes. Il me semble, si on peut juger de ses peintures par des gravures, qu’elles ne présentent pas ce défaut au même degré. Je me suis dit souvent qu’il était, quoi qu’il pût croire lui-même, plus peintre que sculpteur. Il ne procède pas, dans sa sculpture, comme les anciens, c’est-à-dire par les masses ; il semble toujours qu’il a tracé un contour idéal qu’il s’est appliqué à remplir, comme le fait un peintre. On dirait que sa figure ou son groupe ne se présente à lui que sous une face : c’est le peintre. De là, quand il faut changer d’aspect comme l’exige la sculpture, des membres tordus, des plans manquant de justesse, enfin tout ce qu’on ne voit pas dans l’antique.

Les soirs, je me promène avec Jenny ; je dîne de bonne heure et suis bien forcé de me coucher de même : cela fait la nuit trop longue. Plus je dors, moins je veux me lever le matin… Toujours triste dans ce moment-là… Il faut le travail pour secouer cette mauvaise disposition, qui est purement physique.


Mardi 10 mai.

Les matins, je me débats avec Poussin. Tantôt je veux envoyer tout promener, tantôt je m’y reprends avec une espèce de feu. Cette matinée n’a pas été trop mauvaise pour le pauvre article.

Après avoir commencé à disposer clairement sur de grandes feuilles de papier, et en séparant les alinéas, les objets principaux que j’ai à traiter, je suis sorti vers midi, enchanté de moi-même et de mon courage à monter à l’assaut de mon article.

La forêt m’a ravi : le soleil se montrait, il était tiède et non pas brûlant ; il s’exhalait des herbes, des mousses, dans les clairières où j’entrais, une odeur délicieuse. Je me suis enfoncé dans un sentier presque perdu, environ au coin du mur du marquis ; je désirais trouver là une communication entre cette partie et l’allée qui remonte de la route pour rejoindre celle qui va au chêne prieur : j’ai livré bataille aux ronces, aux arbrisseaux qui se croisaient devant mes pas, et je n’ai pas réussi néanmoins à atteindre mon but. Je suis retourné par un sentier plus facile, mais très couvert, à travers la partie de bois qui dépend, je crois, de la maison du marquis.

En retournant, je me suis assis le long des murs de son enclos, mais sur la partie qui mène à l’entrée de la forêt, et j’ai fait un croquis d’un chêne, pour me rendre compte de la distribution des branches.

Je me suis mis à lire le journal en rentrant. La littérature a eu le dessous, mais, au demeurant, je ne m’ennuie pas, c’est l’essentiel.

Vers quatre heures, au lieu de sortir, j’ai fait le vitrier, et j’ai peint une vieille glace.

Le soir, promenade avec Soizy. Descendu par une ruelle qui m’a conduit dans des endroits très solitaires et assez attrayans ; j’ai fait amitié à un chat angora charmant qui me suivait et qui s’est laissé caresser.


Jeudi 12 mai.

J’ai beaucoup travaillé au damnable article. Débrouillé comme j’ai pu, au crayon, tout ce que j’ai à dire, sur de grandes feuilles de papier. Je serais tenté de croire que la méthode de Pascal, — d’écrire chaque pensée détachée sur un petit morceau de papier, — n’est pas trop mauvaise, surtout dans une position où je n’ai pas le loisir d’apprendre le métier d’écrivain. On aurait toutes ses divisions et subdivisions sous les yeux comme un jeu de cartes, et l’on serait frappé plus facilement de l’ordre à y mettre. L’ordre et l’arrangement physique se mêlent plus qu’on ne croit des choses de l’esprit. Telle situation du corps sera plus favorable à la pensée : Bacon composait, à ce qu’on dit, en sautant à cloche-pied ; à Mozart, à Rossini, à Voltaire, les idées leur venaient dans leur lit ; à Rousseau, je crois, en se promenant dans la campagne.

Habituellement, promenade avant dîner, après avoir secoué les paperasses et l’encre, et aussi après le dîner, pour chasser le sommeil. Mais comme je dîne toujours entre cinq heures et cinq heures et demie, la soirée ne peut aller sans de grandes difficultés, jusqu’à neuf heures.


Vendredi 13 mai.

J’ai essayé de l’article ; et après avoir écrit quelques lignes que je veux mettre en tête de la première partie ; car j’ai envie de le faire en deux fois, une partie biographique, une autre sur l’examen du talent et des ouvrages. Après avoir écrit ces quelques mots, une mauvaise disposition m’a saisi et je n’ai fait que lire et même dormir jusqu’au milieu de la journée, où j’ai emmené Jenny, par le plus beau temps du monde auquel nous n’étions plus accoutumés, faire une grande promenade dans la forêt. Nous avons suivi l’allée de l’Ermitage jusqu’au grand chêne, au pied duquel nous nous sommes reposés ; nous étions entrés auparavant à l’Ermitage, dont une partie est à vendre. C’est un manoir comme cela qu’il me faudrait ! Le jardin, qui n’est qu’un potager, est charmant : il est encore rempli de vieux arbres qui ont donné leurs fruits aux environs. Ces troncs noueux, tordus par les années, se couvrent encore de magnifiques fleurs et de fruits, au milieu de ces bâtimens ruinés, non par le temps, mais par la main des hommes. On est attristé devant ce spectacle inhumain de la rage stupide de démolition qui a signalé les époques de nos discordes.

Abattre, arracher, brûler, c’est ce que le fanatisme de liberté sait aussi bien faire que le fanatisme dévot ; c’est par là que l’un ou l’autre commence son œuvre, quand il est déchaîné, mais là s’arrête l’impulsion brutale… Élever quelque chose de durable, marquer son passage autrement que par des ruines, voilà ce que la plèbe aveugle ne sait point faire ; et, en même temps, je remarquais combien les ouvrages qui sont dus à l’esprit de suite, conçus dans une grande idée de durée et exécutés avec le soin nécessaire, apportent un cachet de force jusque dans des débris qu’il est presque impossible de faire disparaître complètement. Ces corporations anciennes, les moines surtout, se sont crus éternels, car ils semblent avoir fondé pour les siècles des siècles. Ce qui reste des vieux murs fait honte aux ignobles bâtisses plus modernes qu’on leur a accolées. La proportion de ces restes a quelque chose de gigantesque en comparaison de ce que des particuliers font tous les jours sous nos yeux.

Je pensais, en même temps, qu’il en était un peu de même pour l’ouvrage d’un homme de talent… Pour la sculpture, c’est incontestable, car les restaurations les plus maladroites laissent encore apercevoir clairement ce qui appartient à l’original ; mais dans la peinture elle-même, toute fragile qu’elle est, et quelquefois toute massacrée qu’elle est par des retouches inhabiles, la disposition, le caractère, une certaine empreinte ineffaçable, montrent la main et la conception d’un grand artiste. ………………………………………

  1. Ces fragmens sont extraits du Journal inédit d’Eugène Delacroix, commencé en 1823 et continué pendant plus de quarante ans. Nous en devons la communication à l’obligeance des éditeurs, MM. E. Plion, Nourrit et C°, qui en préparent la publication complète.
  2. Ces framens sont extraits du Journal inédit d’Eugène Delacroix, commencéen 1823 et continué pendant plus de quarante ans. Nous en devons la communication à l’obligeance des éditeurs, MM. E. Plon, Nourrit et Cie, qui en préparent la publication complète.
  3. Le 14 avril 1853, Delacroix écrivait à M. Moreau père : — « Eh bien, oui, cher ami, c’est vraiment à n’y pas croire et, pour ma part, je n’y comprends rien. Il semble maintenant que mes peintures soient une nouveauté récemment découverte, que les amateurs vont m’enrichir après m’avoir méprisé. » — Dans une précédente note, et à propos de toiles vendues par le maître à des marchands ou à des amateurs, nous avons fait quelques rapprochemens de chiffres, qui, par eux-mêmes, sont assez éloquens. Delacroix ne s’en montrait pourtant pas mécontent. Il n’était pas exigeant à ce point de vue. Souvent, dans sa correspondance, il demande à l’amateur qui désire une de ses œuvres d’en fixer lui-même le prix. À cinquante-cinq ans, après trente années de production ininterrompue, c’est un sentiment de surprise qu’il éprouve à constater que le succès lui vient !
  4. Henri Rodakowski, peintre polonais, né à Lemberg. Il fut élève de Léon Coigniet. Il envoya au Salon de 1852 un beau portrait de Dembinski, qui lui valut une première médaille. Il exposa ensuite le portrait de sa mère, en 1853, et celui de Frédéric Villot, en 1855.
  5. Cette admirable toile a figuré récemment à l’Exposition des cent chefs-d’œuvre, à la salle Petit, avec la Fiancée d’Abydos. Le prix en question était 2,000 francs.
  6. Cette Fileuse figurait à l’Exposition universelle de 1889.
  7. M. Bruyas est représenté assis dans un fauteuil et vu jusqu’à mi-corps. Ce portrait figure à la galerie Bruyas à Montpellier.
  8. Dans une longue conversation ou plutôt un monologue de V. Hugo sur Delacroix, rapporté par Ch. Hugo, celui-ci prête au poète ces paroles : — « Il a toutes les qualités moins une ; il lui manque une des plus grandes, il lui manque ce qu’ont toujours cherché et trouvé les artistes suprêmes, peintres ou poètes, la Beauté. Il n’y a pas, dans toute l’œuvre de Delacroix, en exceptant l’apparition des Anges au Christ dans le Jardin des Oliviers, et le torse de femme du Massacre de Scio, une seule femme vraiment belle. Il a l’expression, mais il n’a pas l’idéal. » — (Voir Hugo en Zélande ; Michel Lévy, 1868.)