Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/a s. m.

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 1-3).

A s. m. première lettre et première voyelle de notre alphabet et des alphabets de toutes les langues de l’Europe moderne. Il se retrouve au même rang et avec une valeur analogue dans l’Aleph des Hébreux et l’Alpha des Grecs, d’où les Latins, qui nous l’ont transmis directement, l’avaient sans doute tiré.

L’A peut être envisagé sous deux aspects différents : comme simple son, simple voyelle, ou comme signe graphique.

Considéré comme voyelle, A est l’expression du son le plus naturel à la voix humaine, du son qui demande si peu d’effort aux organes de la parole, qu’un savant a été jusqu’à soutenir qu’il pourrait être parfaitement prononcé par quelqu’un qui n’aurait ni langue, ni dents, ni lèvres. C’est, du reste, le premier son qui sort de la bouche des enfants, et le premier aussi qui échappe à tous les hommes dans les mouvements soudains de la douleur, de la joie, de la surprise, de l’admiration. Les linguistes qui reconnaissent la source divine des langues, mais qui pensent avec une grande apparence de raison qu’il a été donné à l’homme de former lui-même sa parole à l’imitation des bruits dont il était frappé, et qu’il a l’admirable faculté d’imiter sans exception, ont remarqué qu’il n’y a point de voix naturelle plus commune et plus générale. « La voix A, dit le président De Brosses, a dû précéder toutes les autres dans la composition de l’alphabet, puisqu’elle est la première dans l’ordre de la nature. »

On a remarqué, en outre, que, dans toutes les langues, la lettre A forme les premiers mots du vocabulaire de l’enfance, et qu’elle se trouve à la tête de la liste des interjections.

Elle se fait entendre, en effet, dans tous les bruits élémentaires : dans les vagues, dans les orages, dans les cascades, dans les cataractes, dans les éclats de la foudre, dans le fracas des tempêtes, dans le feuillage des bois agités par le vent, dans la plainte éternelle d’un grand lac, dans le gazouillement, dans le ramage d’un oiseau, dans les glapissements, dans les croassements des bêtes de proie, dans les clameurs, dans les hourras, dans le brouhaha de la multitude, dans le vagissement de l’enfant qui vient de naître, etc. « La première voyelle de l’alphabet, dit un écrivain, se trouve dans presque tous les mots qui peignent les scènes de la campagne, comme charrue, vache, cheval, labourage, vallée, montagne, arbre, pâturage, laitage, etc., et dans toutes les épithètes qui ordinairement accompagnent ces noms : laborieux, gras, agreste, aimable, etc. La lettre A ayant été découverte la première, comme étant la première émission naturelle de la voix, les hommes, alors pasteurs, l’ont employée dans les mots qui composaient le simple dictionnaire de leur vie. L’égalité de leurs mœurs et le peu de variété de leurs idées, nécessairement teintes des images des champs, devaient aussi amener le retour des mêmes sons dans le langage. Le son de l’A convient au calme d’un cœur champêtre et à la paix des tableaux rustiques. L’accent d’une âme passionnée est aigu, sifflant, précipité ; l’A est trop long pour elle ; il faut une bouche pastorale qui puisse prendre le temps de le prononcer avec lenteur. Toutefois, ce son entre fort bien encore dans les lamentations, dans les larmes amoureuses et dans les naïfs hélas d’un chevrier. Enfin, la nature fait entendre cette lettre rurale dans ses bruits, et une oreille attentive peut la reconnaître, diversement accentuée, dans les murmures de certains ombrages, comme celui du tremble et du liége, dans le bêlement des troupeaux, et, la nuit, dans les aboiements du chien rustique.

— On dit : la lettre A, le son A, la voix ou la voyelle A, ou tout simplement l’A : La voix a se forme en ouvrant fort la bouche : a.a, a ; oui ! (Mol.) La lettre a, chez presque toutes les nations, devint une lettre sacrée, parce qu’elle était la première. (Volt.) La voyelle que les enfants articulent le plus aisément est l’a, parce qu’il ne faut pour cela qu’ouvrir les lèvres et pousser un son. (Buff.)

À l’aspect du Très-Haut sitôt qu’Adam parla,
Ce fut apparemment l’a qu’il articula.       Pus.

— Dans quelque acception que ce soit, l’A ne prend jamais la lettre s au pluriel. On dit : De grands a, de petits a, des a longs, des a brefs. La manière la plus sûre de distinguer l’édition originale de Boccace de 1527 de celle qui est contrefaite, c’est de prendre garde aux a qui ont la tête en pointe dans la première. (Cailleau.) Homère ne s’assujettit pas à cette règle de l’harmonie qui rejette le concours des voyelles, et surtout des a. (Volt.)

— Cette lettre, a donné lieu à quelques opinions bizarres, que la plupart des Encyclopédies ont recueillies avec soin, et que nous ne reproduisons ici que pour montrer les écarts d’imagination auxquels les savants mêmes peuvent se livrer.

L’opinion la plus étrange est celle de l’espagnol Covarruvias, qui prétend qu’en naissant les garçons font entendre le son A, parce que c’est l’initiale du nom d’Adam, et les filles le son È, parce que c’est l’initiale du nom d’Ève.

Un hébraïsant moderne, Fabre d’Olivet, nous apprend que la lettre A est le signe de la puissance et de la stabilité ; qu’elle renferme les idées de l’unité et du principe qui la détermine. Court de Gébelin va plus loin encore ; il dit que le son A désigne l’état dont est affecté ce qui nous est propre, par conséquent ce qu’on possède, ce dont on jouit, de même que la domination et la priorité. Ce profond érudit ne s’arrête pas en si beau chemin ; il ajoute que le son A fut placé à la tête de l’alphabet comme le plus haut des sons et comme désignant l’homme, chef de tout. Selon lui encore, l’A est l’un des sons les plus éclatants, celui que l’on entend de la plus grande distance.

Quelques savants ont cherché dans la forme de la lettre A la figure de la disposition des organes vocaux dans l’émission de cette lettre. Le Hollandais Van-Helmont s’est imaginé trouver cette représentation exacte dans la forme de l’Aleph hébraïque, et l’abbé Moussaud prétend la reconnaître dans l’A majuscule latin : suivant lui, l’A est l’angle formé par l’écartement des lèvres vues de profil , et a l’ouverture de la bouche vue de face. Cette explication peut paraître bizarre, mais elle vaut bien, ce nous semble, celle de l’auteur de la Némésis, qui, dans un petit poëme sur l’orthographe, a dit :

L’A, qui de l’Angle aigu porte la ressemblance,
Ainsi qu’un chevAlet sur ses pieds se balance.
Barthélemy.

Lemare, voulant apprendre à un jeune enfant le nom et la forme de la lettre A, lui tient ce raisonnement : « Un homme se heurte la tête contre un tronc d’arbre incliné, et une branche horizontale située à la hauteur du ventre lui fait une profonde blessure ; la douleur lui arrache ce cri, A, et le dessin de cette lettre est le calque exact de l’homme, du tronc et de la branche ; » et le savant grammairien ne paraît pas éloigné de croire que c’est à un accident de cette nature que la lettre A doit son nom et sa forme. Puis, comme lorsqu’on prend du galon, on n’en saurait trop prendre, Lemare appliquait aux figures de toutes les autres lettres ce genre d’explication.

Plutarque dit que la première lettre des Égyptiens représentait un ibis. Quelques-uns s’imaginant, on ne sait pourquoi, que cet oiseau était, dans l’alphabet hiéroglyphique, représenté portant le bec à ses jambes, ce qui aurait, en effet, figuré une sorte de triangle, ont voulu y voir l’origine de l’A majuscule, tout en admettant pour le minuscule l’origine phénicienne.

Chez les Grecs, le son de la lettre A, proféré par les prêtres pendant le sacrifice, était regardé comme de funeste présage, parce que c’était par cette lettre, initiale d’ara (malédiction), que commençaient les formules imprécatives.

— On a calculé que le douzième des mots français commence par A. Cette lettre est une des finales les plus communes dans les idiomes du midi de l’Europe, l’italien et l’espagnol, par exemple, et aussi dans le russe et dans le sanscrit. Elle forme en quelque sorte le fond du patois auvergnat. Quand on a voulu désigner les habitants et le langage de cette province par un mot bien significatif, on a dit : Ce sont des charabias ; c’est du charabia.

Prononciation de l’A. Si nous n’avons plus les croyances superstitieuses qui attribuaient à la manière seule de prononcer une lettre des effets plus ou moins merveilleux, nous sommes encore dans un temps où il est nécessaire de donner à la lettre A, comme à toute autre voyelle, l’intonation qui lui est propre. On évitera ainsi la confusion du genre de celle dont il est question dans l’anecdote suivante, que nous empruntons à un de nos critiques : « Un bon bourgeois campagnard, devenu vieux, invité à aller rendre visite à un nouveau voisin assez éloigné, répondit : Je marche difficilement, mais mon âne me conduira. — Monsieur, j’ai un cheval à votre service. — Mais, monsieur, c’est de ma fille que je parle. — Pardon, monsieur, j’ignorais que mademoiselle votre fille portât le nom… d’Anne. » Si le bon bourgeois avait bien prononcé le son A, il eût épargné une méprise à son interlocuteur. En effet, considéré sous le rapport de son intonation, l’A ne représente pas un son constamment identique. Il a, dans notre langue, deux sons parfaitement distincts, que l’on trouve l’un et l’autre dans le mot amas. Le premier est aigu ; le second est grave.

L’A aigu, tel que celui qui se trouve dans les mots acacia, bal, falbala, Canada, nectar, abattre, rat, fat, plat, patte, escadre, etc., communique une grande douceur au langage ; aussi voit-on qu’il peut être reproduit jusqu’à trois ou quatre fois dans le même mot sans que l’oreille soit le moins du monde blessée de cette répétition.

L’A grave se remarque dans les mots pas, mât, diable, sable, fable, plâtre, bas, gras, Lucas, sabre, cadre, etc. Trop multiplié, cet A donnerait quelque rudesse au langage ; il faut donc qu’il soit ménagé avec art, et alors il rompt l’uniformité de l’A aigu, et contribue ainsi à la variété des sons.

— Il est impossible d’établir des règles générales pour fixer la prononciation de l’A ; c’est l’usage seul qui peut apprendre exactement ces différences ; toutefois les deux règles suivantes ont peu d’exceptions :

1o L’à marqué de l’accent grave a toujours le son aigu ; à, là, çà, déjà, holà, etc.

2o L’â surmonté de l’accent circonflexe a presque toujours le son grave : bât, pâte, âme, etc. Il faut excepter les formes verbales analogues à celles-ci ; qu’il allât, nous allâmes, vous allâtes, etc., où l’A, quoique surmonté de l’accent circonflexe, n’est que faiblement grave.

Des combinaisons de la lettre A. L’A conserve l’intonation qui lui est propre partout où il n’est pas combiné, soit avec les voyelles i, o, u soit avec les consonnes nasales m, n, soit avec l’y. Nous allons le montrer, du reste, dans toutes ses combinaisons.

— AA. Lorsque deux A sont placés de suite au commencement d’un mot, on n’en fait entendre qu’un, ainsi que cela a lieu dans Aalen, Aar, Aarau, Aarbourg, Aarrhus, etc., qui se prononcent comme s’il y avait alen, ar, arau, arbourg, arrhus. Il en est de même d’Aaron en poésie ; mais en prose les deux A se font légèrement sentir. Au milieu d’un mot, les deux A forment deux syllabes distinctes : Baal, Isaac ; prononcez Ba-al, Isa-ac.

— Æ. Placé devant la lettre E, à laquelle il s’incorporait sous la forme d’un signe particulier, Æ, l’A ne représentait plus alors que le son pur de l’E. L’Æ s’est longtemps conservé dans les mots tirés du grec et du latin, qui nous l’avaient donné ; mais depuis plusieurs années, les dictionnaires remplacent Æ par E, excepté dans quelques noms scientifiques, et dans plusieurs noms d’hommes ou de lieux. Cependant lorsque l’A est détaché de l’E et ne figure pas avec lui un signe unique, chacune de ces voyelles appartient à une syllabe différente, comme dans Israël, Raphaël, aérien, aérolithe, aéronaute, etc. Il n’y a d’exceptés que les mots Caen et Staël, qui se prononcent Can, Stal, parce que le premier de ces mots vient de Cadomus ou Cadomum, qui a un O étymologique et non pas un E, et parce que la dernière syllabe du second mot est brève et non accentuée dans la langue à laquelle il appartient.

— A, joint à i, forme ordinairement la voyelle ou fausse diphthongue ai, qui équivaut tour à tour à l’è ouvert, comme dans plaine, plaisir, j’aimais, etc., et à l’é fermé, comme dans j’irai, j’allai, j’aimai, quai, geai, etc. Sa prononciation est donc très-variable, et l’usage seul peut l’enseigner. L’i est nul dans douairière, et l’a peut ne pas se faire sentir dans daine.

Mais toutes les fois que l’A est suivi d’un i surmonté d’un tréma, a et i se prononcent séparément, comme dans Achaïe, Adélaïde, Adonaï, aïe, aïeul, archaïsme, biscaïen, caïmacan, caïman, Caïn, camaïeu, Caraïbe, Danaïdes, Ephraïm, faïence, gaïac, glaïeul, haïr, hébraïque, Isaïe, judaïque, laïc, Laïs, Laïus, maïs, mosaïque, naïade, naïf, païen, pharisaïque, prosaïque, Sinaï, Tanaïs, Thébaïde, Zaïm, Zaïre, Zoraïde, etc.

— AO. A, suivi de O, conserve presque toujours l’intonation qui lui est propre, et l’o s’en détache pour former une autre syllabe : Cacao, chaos, Pharaon, Laodicée, Laocoon, etc. ; prononcez caca-o, cha-o, Phara-on, La-odicée, La-ocoon. Mais l’O est nul dans faon, faonner, Laon, paon, paonne, paonneau, Craon, que l’on prononce fan, fanner, Lan, pan, etc. Au contraire, c’est l’A qui est nul dans taon, saint Laon, août, aoûteron, Saône, curaçao, qui se prononcent ton, Lon, etc. Néanmoins l’A se fait sentir dans aoûter, aoûté, et l’usage est partagé quant à la prononciation du mot aoriste, que les uns prononcent oriste, et les autres a-o-riste.

— AU. Devant U surmonté du tréma, l’A conserve son intonation propre, comme dans Archélaüs, Capharnaüm, Danaüs, Esaü, Saül, Emmaüs, etc., qui se prononcent Archéla-üs, capharna-üm, Dana-üs, Esa-ü, Sa-ül, Emma-üs, etc. Partout ailleurs au ou eau forme une fausse diphthongue qui équivaut tout à fait à o, et prend deux inflexions différentes, l’une forte, comme dans aune, étau, berceau, jaune, haut, heaume, paume, peau, pause, sceau, saule, saut, etc. ; l’autre douce, comme dans aurore, automne, j’aurai, taureau, laurier, etc.

De l’A nasal. L’A subit souvent une transformation plus considérable devant les consonnes m et n. Il s’incorpore avec elles et devient un nouveau son simple que notre alphabet ne peut représenter autrement. Il forme alors ce qu’on appelle une voyelle nasale, parce que le son qu’il produit passe un peu par le nez.

La voyelle AM ou AN est nasale toutes les fois que la consonne finale qui concourt à la former est suivie d’une consonne de nature différente, comme dans pancarte ; elle se décompose, au contraire, toutes les fois que cette consonne est suivie d’une voyelle, comme dans panier, ou qu’elle est doublée, comme dans panneau. À la fin des mots, les exceptions sont rares ; elles ont lieu dans quelques noms propres de personnes ou de lieux. En effet, dans les mots Jéroboam, Siam, etc., les deux lettres finales ont chacune leur valeur distincte. Hors de là, à la fin des mots, c’est toujours la voyelle nasale AN qui se fait entendre, comme dans un camp, des camps, un franc, cent francs, etc. Mais si le M ou le N sont suivis d’une voyelle, l’A redevient ouvert, parce que le N et le M ne sont plus de la même syllabe : pané, manoir, trame, famé, etc. La même prononciation a lieu si la consonne nasale a été doublée par une règle de grammaire : paysan, paysanne, prononcez pai-i-sane.

— AIM, AIN, forment la voyelle nasale in, qui est indifféremment représentée dans l’écriture par im, ein, hein ou en. Mais ils se décomposent, et ai prend le son de l’è ouvert, quand ils sont suivis de voyelles, comme dans certaine, j’aime, etc.

— Combiné avec l’Y, l’A se prononce généralement comme un é, ainsi qu’on peut le remarquer dans balayer, payeur, layette, etc., que l’on prononce baléyer, péyeur, léyette, etc. Cependant dans quelques noms propres, tels que Bayeux, Bayonne, l’A conserve le son qui lui est naturel.

— L’Académie prétend à tort que l’A de ouate doit se prononcer comme è ouvert dans ouate, et comme un É fermé dans ouater. Toutes les personnes qui parlent bien font sentir l’A dans ces mots. Aussi un poëte a-t-il eu raison de faire rimer ouate avec agate :

La blanche porcelaine est d’un blanc bien moins pur
Que son col transparent et ses tempes d’agate ;
On dirait de la lune en sa robe d’ouate.
   Th. Gautier.

— Cependant, dans les mots où les anglomanes affectent d’adopter l’orthographe et la prononciation anglaises, si antipathiques au génie de notre langue, l’A a la valeur de l’e, comme lady, milady, que l’on prononce lédy, milédy, etc.

— Considéré comme signe graphique, l’A prend différentes formes, soit dans l’écriture, soit dans l’impression : on distingue l’a majuscule et l’a minuscule. En outre, dans l’écriture et dans l’impression, il subit de nombreuses modifications suivant que le caractère est de l’anglaise, de la ronde, de la bâtarde, de la coulée, ou du romain, de l’italique, de la normande, de l’égyptienne, etc.

A s’écrit de trois manières : 1o sans accent ; 2o avec l’accent grave ; 3o avec l’accent circonflexe.

Il s’écrit ordinairement sans accent, qu’il soit employé comme lettre initiale, médiale ou finale : Analogue, tabac, abattre, marasme, Galba, quinquina, etc.

Il est surmonté de l’accent grave, signe purement spécifique, dans les mots çà, là, deçà, holà, voilà, etc.

Il est surmonté de l’accent circonflexe pour indiquer la suppression d’une voyelle, comme dans âge, bâiller, qu’on écrivait autrefois aage, baailler, ou la suppression du S, comme dans âne, appât, bât, dégât, mât, crâne, âpre, etc., qui s’écrivaient autrefois asne, appast, bast, aspre, etc.

— A, simple mimologisme du son naturel qui représente le cri le plus propre à l’homme, s’est pris comme exclamation dès les premiers temps de la langue, mais il n’a pas tardé à recevoir une autre orthographe. V. Ah.

— L’A sert aussi à cataloguer des livres, des tableaux : Le Salon est classé par ordre alphabétique : l’a et le z sont placés à l’Ouest dans les deux salles du fond, et les autres lettres se développent vers les salles de l’Est. (Didier de Monchaux.)

A désigne quelquefois, dans un dictionnaire, la série, l’ensemble des mots commençant par cette lettre : Venons d’abord, monsieur, à ce dictionnaire que l’Académie va faire imprimer. Vous aurez votre t dans un mois ou six semaines. Vous n’attendez pas après le t quand vous êtes à l’a. (Volt.)

— Parfois la lettre A se dit de la première personne venue, que son nom commence par A ou par Z : Que la qualité des parties ne vous impose pas ; jugez entre le prince et le lord comme vous jugeriez entre a et b. (L. Gozlan.) Ces lettres sont employées ici par réminiscence de l’algèbre et de la géométrie.

— Quelquefois l’A s’emploie, par plaisanterie, comme point de comparaison, pour exprimer l’extrême grosseur d’un objet : Son nez avait pris le développement et la forme d’un a majuscule corps de canon. (Balz.)

— Prov. : Depuis a jusqu’à z, pour Du commencement à la fin, sans omettre aucun détail : Vous ne lui ferez rien comprendre, si vous ne lui expliquez depuis a jusqu’à z. (Acad.)

— Par ext., cette même locution signifie aussi Depuis les pieds jusqu’à la tête, du tout au tout, complètement : Il faudrait vous reprendre et vous changer depuis a jusqu’à z, pour vous amener à me comprendre. (G. Sand.)

— On s’est aussi servi d’une locution analogue pour désigner les dictionnaires en général : Il y a des livres qui commencent par a et qui finissent par z. (La Bruy.)

— Prov. : Ne savoir ni a ni b, Ignorer les premiers éléments de l’instruction commune ; se dit d’une personne qui ne sait pas même lire, et, par extens., qui ignore les premiers éléments d’une science, d’un art, d’une chose quelconque, qui ne sait absolument rien, qui est ignorante en toutes choses : Puisque tu ne sais ni a ni b, comment enseignerais-tu les autres et moi ? (Raynouard.) On compte à Rome une douzaine de savants illustres, et cent mille ignorants qui ne savent ni a ni b. (About.)

Au joli jeu d’amour ne sachant a ni b.
La Fontaine.
Ci-dessous gît monsieur l’abbé
Qui ne savait ni a ni b.               Ménage.
Et je veux un mari……………
Qui ne sache a ni b, n’en déplaise à madame ;
Qui ne soit, en un mot, docteur que pour sa femme.
Molière.

— On dit aussi dans le même sens, N’y entendre ni a ni b, N’y rien comprendre :

Mais en latin le bon abbé
N’y entendait ni a ni b.        Du Bellay.

— Prov. C’est un homme marqué à l’a, Se dit d’un individu d’une probité de bon aloi, d’un noble caractère, d’une intelligence distinguée. Ce proverbe est emprunté des monnaies fabriquées à Paris, et qui sont marquées de la lettre a : Il est des bons, il est marqué à l’a. (H. Estienne.)

— Prov. : Démontrer, prouver une chose par a plus b, c’est-à-dire la Démontrer, la prouver avec toute l’évidence d’une démonstration mathématique : Le prix fut adjugé à un savant du Nord, qui démontra par a plus b, moins c, divisé par z, que le mouton devait être rouge et mourir de la clavelée. (Volt.)

Cette allusion aux formules de l’algèbre a été quelquefois exprimée par nos écrivains en signes algébriques, comme suit : Démontrer, prouver une chose par a + b. Il me paraît absurde de faire dépendre l’existence de Dieu d’a + b divisé par z. (Volt.)

Cette orthographe, si l’on peut appeler ainsi l’usage extensif de certains signes de convention, qui n’ont d’ailleurs aucun rapport avec notre langue, est à sa place dans un livre de science ; mais il est mieux d’écrire, en toutes lettres, par a plus b, au lieu de par a + b, dans les ouvrages ordinaires qui ne sont pas composés expressément pour les savants. Et puis, il n’est peut-être pas bien établi, comme le fait observer un critique, que cette locution proverbiale soit empruntée à l’algèbre, dont l’intelligence est si peu répandue, plutôt qu’à l’alphabet lui-même, dont l’intelligence est si vulgaire.

Cette locution, dans sa forme algébrique, peut aussi s’employer substantivement, ainsi que le prouve suffisamment le passage suivant : Une de nos méthodes ordinaires, lorsque nous saisissons quelque effet dans la nature, c’est de nous y arrêter d’abord par faiblesse, d’en tirer ensuite par vanité un principe universel. Si, après cela, on trouve le moyen, qui n’est pas difficile, de lui appliquer un théorème de géométrie, un triangle, une équation, seulement un a + b, en voilà assez pour le rendre à jamais vénérable. (B. de St-P.)

Il arrive très-souvent qu’on emploie A et B sans y joindre le mot plus ou sans le signe +. Il obéit à une loi secrète dont la démonstration mathématique sera peut-être donnée par un de vos chimistes, et que le siècle suivant trouvera dans une formule pleine d’x, d’a et de b entremêlés de petites fantaisies algébriques, de barres, de signes et de lignes qui me donnent la colique. (Balz.)

Une panse da. C’est ainsi qu’on appelle la première partie du corps d’un petit a dans l’écriture ordinaire. On dit figurém. : Faire une panse d’a, pour Faire une petite partie d’un travail quelconque, y mettre la main :

A-t-il fait une panse d’a,
Tout le monde de crier : Ah !
d’Assoucy.

Cette locut. prov. se prend le plus souvent dans le sens négatif, et alors n’écrire, ne faire une panse d’a, signifie Ne rien faire du tout, ne pas toucher à un travail quelconque, ne pas s’en occuper : Il a peut-être écrit depuis ? Pas seulement une panse d’a. (MMe  de Genlis.) Si je voulais recevoir tous les ans vos quatre mille livres, sans faire une panse d’a ni œuvre quelconque de mes mains pour votre service, vous seriez l’homme le plus propre à me laisser faire. (Voiture.)

On dit aussi Ne savoir panse d’a, et cela signifie Ne savoir rien du tout, être d’une ignorance crasse :

Un Belge très-épais de sens et de structure,
Ne sachant panse d’a, franc âne de nature,
Voyant son avocat les besicles aux nez….
Dourneau.

Pas une panse d’a signifie aussi, par extens., Pas la moindre partie : Ces deux soucis terribles qui feraient pâlir bien des gens, ne nous enlèveraient pas un iota, pas une panse d’a de notre gaieté. (Legendre.)

De l’A employé comme signe abréviatif. Aucun caractère n’a servi à former un plus grand nombre d’abréviations. Nous n’indiquerons ici que les principales :

Dans les assurances de la propriété, de la navigation, A est l’abréviation du mot assuré.

En parlant des princes, A se met pour Altesse. Ainsi S. A., V. A. signifient Son Altesse, Votre Altesse.

En style de commerce, A est pour accepté ; A. C. pour année courante ; A. P. pour année passée ou à protester.

Sur les monnaies de France, A désigne la ville de Paris, considérée comme la première fabrique de l’État.

Dans les formules chimiques, AG veut dire argent ; AL, alumine ; AR, arsenic ; AU, or ; AZ, azote.

En chimie et en médecine, la lettre A est souvent employée comme signe indicatif. Chez les chimistes, A, AA ou AAA, signifie amalgamer ou amalgame. En médecine, A ou AA, se met par abréviation dans les ordonnances pour ana, mot grec qui signifie de chaque. Ainsi A ou AA ou encore ANA signifient, dans les ordonnances ou prescriptions, qu’il faut mettre des parties égales de chaque ingrédient.

Ces mêmes signes sont employés par les ingénieurs dans les nivellements de terrain, et indiquent une coupe, une démolition et un nivellement projetés, quand ils sont barrés à leur pointe droite ou gauche.

En algèbre, A et les premières lettres de l’alphabet désignent ordinairement des quantités connues, comme les dernières lettres X, Y, Z, désignent des quantités inconnues.

En géométrie, A indique l’une des parties d’une figure qui sert à quelque démonstration : l’angle A, l’angle B d’un triangle, etc.

Dans l’ancien calendrier des Romains, A était la première des huit lettres nundinales qui servaient à désigner les jours de marché. D’après un usage analogue, cette lettre est devenue, depuis, la première des sept lettres dominicales, et elle sert à désigner les dimanches, dans les années qui commencent par ce jour de la semaine.

Dans la philosophie scolastique, la lettre A indiquait une proposition générale affirmative.

Dans la philosophie allemande, A s’emploie pour désigner l’absolu. La formule A = A est l’expression de l’identité absolue.

Comme note de musique, A servit à désigner, et il désigne encore aujourd’hui, pour les Allemands et les Anglais, le sixième ton de la gamme diatonique naturelle, auquel Gui d’Arezzo a donné le nom de la. ‖ Écrit sur une partition, il indique l’alto.

En typographie, A sert à indiquer la première feuille d’un volume, ou le premier renvoi aux notes placées au bas des pages ou à la fin du volume. Aujourd’hui, pour indiquer la première feuille d’un volume, on préfère employer le chiffre 1.

En astronomie, A sert à désigner la principale étoile d’une constellation.

Sur les anciennes gravures, A. P. D. R. signifient avec privilége du roi.

Dans l’antiquité, quand un juge romain voulait se prononcer pour l’acquittement d’un accusé, il traçait sur une petite tablette de buis enduite de cire la lettre A, initiale de son vote (Absolvo, j’absous).

A privatif. Préfixe qu’à l’imitation des Grecs, nous employons dans la composition de certains mots français pour marquer absence. Il répond, en général, à la prépos. sans, ou à une négation, comme dans acéphale, qui veut dire sans tête ; achromatique, qui signifie sans couleur ; acaule, sans tige, etc.

A augmentatif. Préfixe qui s’emploie dans la composition de plusieurs mots français, où il marque augmentation, continuité, progression : abétir (rad. bête), rendre plus bête ; adoucir (rad. doux), rendre plus doux ; agrandir (rad. grand), rendre plus grand ; alourdir (rad. lourd), rendre plus lourd, etc., etc.

Quand nous avons emprunté des mots au latin, nous leur avons ordinairement fait subir des modifications. Ainsi, par exemple, la lettre A a subi les permutations suivantes :

A devenu e : Amarus, amer ; balare, bêler ; Claromontium, Clermont ; carus, cher ; clavis, clef ; faba, fève ; frater, frère ; gratum, gré ; latus, lé ; mare, mer ; mortalis, mortel ; mater, mère ; nasus, nez ; pratum, pré ; peccatum, péché ; pater, père ; pala, pelle ; qualis, quel ; sal, sel ; talis, tel ; sacramentum, sacrement.

A devenu ai : Acutus, aigu ; ala, aile : amare, aimer ; axilla, aisselle ; aranea, araignée ; caro, chair ; clarus, clair ; dama, daim ; fames, faim ; facere, faire ; granum, grain ; macer, maigre ; manus, main ; nanus, nain ; panis, pain ; sanus, sain, salarium, salaire ; vanus, vain.

A devenu e muet : Caballus, cheval ; capillus, cheveu ; capreolus, chevreau ; granatum, grenade ; granarium, grenier ; jactare, jeter ; alga, algue ; ansa, anse ; arca, arche ; barba, barbe ; causa, cause ; forma, forme ; gloria, gloire ; luna, lune ; musca, mouche ; pluma, plume ; rosa, rose ; vena, veine.

A devenu au : Alba, aube ; alter, autre ; calvus, chauve ; falx, faux ; falsus, faux ; Gallia, Gaule ; malva, mauve ; psalmus, psaume ; salix, saule ; salvare, sauver ; salmo, saumon ; saltus, saut ; talpa, taupe.

A devenu o : Damnagium, dommage ; Arausio, Orange ; phiala, fiole ; articulus, orteil.

A devenu oi : Madidus, moite ; armarium, armoire ; dolabra, doloire.

A devenu i : Avellana, aveline ; cerasum, cerise ; jacens, gisant.

A devenu ie : Canis, chien ; gravis, grief.

A devenu u : Saccharum, sucre.

A devenu ou : Aperire, ouvrir.

Dans la dérivation, a est quelquefois ajouté au commencement de quelques mots : Vivula, avives ; tragacanthum, adragant.