Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Antigone, tragédie de rotrou

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 2p. 442).

Antigone, tragédie de Rotrou, représentée à Paris en 1638. L’Antigone de Sophocle et les Phéniciennes d’Euripide, furent les deux tragédies grecques dans lesquelles Rotrou puisa son sujet. La simplicité antique se prétait peu à la multitude d’incidents qui surchargeaient alors la scène française. Non content de ces deux modèles, qui ne lui parurent pas suffisants, Rotrou emprunta encore quelques traits de la Thébaïde de Sénèque ; en général, cependant, ce fut Euripide qu’il imita le plus fidèlement, surtout dans la première moitié de sa tragédie, tout en altérant le caractère primitif des héros. Euripide fait porter l’intérêt du spectateur sur Polynice, en représentant sous le caractère odieux d’un tyran, Etéocle, qui exerce alors la puissance. Les deux auteurs français, au contraire, ont donné à Etéocle des sentiments d’humanité, tandis que Polynice est présenté comme le type du tyran. On plaint Polynice dans Euripide ; on le hait dans les deux tragédies françaises.

Rotrou, dans le troisième acte, ayant épuisé les Phéniciennes d’Euripide, commence alors, au milieu de cet acte, le sujet de l’Antigone de Sophocle, qui conduit sa pièce jusqu’au dénoûment. Ce double élément refroidit l’action et détruit tout l’intérêt au moment où il devrait être le plus fort.

Malgré les nombreux défauts de l’Antigone de Rotrou, cette tragédie obtint un grand succès devant un public que la représentation du Cid avait rendu plus délicat, le parterre ne fut pas insensible aux beautés de détail dont Antigone est remplie. Rotrou s’y élève souvent à la hauteur des poëtes grecs ses modèles, dont il fut le premier interprète sur la scène française. Racine, dans sa préface de la Thébaïde, lui rend à cet égard une entière justice.