Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/atmosphère s. f. (supplément)

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Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 247).

* ATMOSPHÈRE s. f. — Encycl. C’est en se basant sur l’observation du crépuscule qu’on avait évalué à 70 kilomètres au plus la hauteur de l’atmosphère, et que MM. de Humboldt et Boussingault avaient même cru devoir réduire cette hauteur à 43 kilomètres. Mais M. Coulvier-Gravier, partant de cette donnée que les étoiles filantes brillent à plus de 880 kilomètres, et qu’elles ne peuvent s’enflammer que dans l’atmosphère, a depuis prétendu qu’on devait encore trouver de l’air, quelque raréfié qu’on veuille le supposer, à cette hauteur de 880 kilomètres. Il divise l’atmosphère en plusieurs zones, et c’est dans la plus élevée que se montrent les météores volants, au nombre desquels il range les étoiles filantes. Nous ne savons si les idées de M. Coulvier-Gravier seront confirmées par les observations et par les calculs de l’avenir.

L’air atmosphérique, malgré sa transparence, intercepte sensiblement la lumière et la refléchit ; cependant les particules, extrêmement ténues, qui le composent ne sont visibles que réunies en grande masse. Alors les rayons qu’elles nous transmettent nous paraissent bleus, et cette couleur devient de plus plus en plus foncée à mesure qu’on s’élève, soit en ballon, soit en gravissant les montagnes. Quand on arrive à un point où l’air a perdu une grande partie de sa densité, il n’envoie presque plus à l’œil de rayons réfléchis ; nous ne recevons guère que la lumière qui vient directement du soleil, et l’observateur placé à l’ombre peut voir les étoiles en plein midi.

Il résulte des discussions qui ont eu lieu récemment sur les ferments et sur la génération spontanée, que des corpuscules de nature diverse voltigent en grand nombre au milieu de l’atmosphère. On a donné à ces corpuscules le nom de poussières atmosphériques, et M. Pouchet a fait un travail spécial sur l’examen microscopique de ces poussières. De son côté, M. Gaston Tissandier a entrepris des expériences sur le même objet. Le résultat de ces expériences est exposé dans le passage suivant, que nous empruntons à l’Année scientifique de 1874 :

« Pour recueillir les poussières répandues dans l’air, M. Gaston Tissandier se sert d’un aspirateur à eau. Il fait passer l’air extérieur, bulle à bulle, dans un tube à boules de Liebig, lequel contient de l’eau pure, ensuite à travers un tube en U renfermant un tampon de coton-poudre. On connaît le volume de l’air aspiré en jaugeant l’aspirateur. Quant aux poussières, elles restent dans l’eau distillée, et on peut en prendre le poids. M. Tissandier a effectué à Paris le dosage des poussières atmosphériques dans la rue Michel-le-Comte, à 3 mètres au-dessus du sol. Voici le résultat de cette détermination :

Au mois de juillet 1872, après une pluie abondante, on a trouvé dans 1 mètre cube d’air un poids de 6 milligrammes de poussières. Après huit jours de sécheresse, pendant le mois de juillet 1872, on a trouvé 23 milligrammes de ces corpuscules. Enfin, dans des conditions atmosphériques normales, de juin à juillet 1870 et d’avril à novembre 1872, on a trouvé, en moyenne, de 6 à 8 milligrammes de corpuscules par mètre cube d’air. D’après ces résultats, la quantité de matières solides contenues dans 1 mètre cube d’air, à Paris, peut varier de 6 à 23 milligrammes. Pour apprécier la valeur de ces nombres, en prenant le minimum (6 milligrammes), si l’on considère une masse d’air de 5 mètres d’épaisseur reposant sur le Champ-de-Mars, dont la superficie est de 50 hectares, on trouve que cette masse d’air renferme 15 kilogrammes de corpuscules,

M. Tissandier a mesuré les dimensions des poussières de l’air avec un micromètre divisé en centièmes de millimètre. Il a trouvé que les dimensions de ces poussières varient entre un sixième et un millième de millimètre.

Les corpuscules atmosphériques sont maintenus en suspension par l’agitation de l’air. On reconnaît, en effet, qu’il se fait, à chaque instant, un dépôt de ces matières sur le sol, quand l’air est tranquille. M. Tissandier a fait des expériences à Paris et aux environs pour recueillir ces poussières sur une surface exposée à l’air : une feuille de papier de 1 mètre carré de surface était maintenue horizontalement sur un châssis ; on plaçait ce papier sur un toit bien isolé, à une hauteur de 10 à 15 mètres, et on l’y laissait séjourner pendant une nuit calme. Le lendemain matin, on réunissait, à l’aide d’un pinceau fin, les corpuscules qui s’étaient déposés sur le châssis de papier. On en recueillait ainsi de 1 milligramme et demi à 3 milligrammes et demi par nuit. Si l’on prend pour moyenne 2 milligrammes de sédiment, tombant sur 1 mètre carré en douze heures, on trouve 2 kilogrammes de ces corpuscules pour une surface égale à celle du Champ-de-Mars, en vingt-quatre heures.

Ces poussières ayant été analysées, on a trouvé 25 à 34 pour 100 de matières organiques et 66 à 75 pour 100 de matières minérales (cendres). Les sels de ces cendres sont en partie solubles dans l’eau ; ils contiennent du chlore, de l’acide sulfurique, des traces d’acide azotique. Les matières solubles dans l’acide chlorhydrique renferment très-souvent du fer et toujours de la chaux et de la silice. Les poussières recueillies sur des monuments ont été également analysées. Dans une des tours de Notre-Dame, à 60 mètres de hauteur, et dans des parties de l’édifice où personne n’avait pénétré depuis quelques années, les marches étaient recouvertes d’une couche de poussière grisâtre très-ténue, ayant au moins 1 millimètre d’épaisseur. Ces poussières, qui proviennent de l’air qui s’engouffre à travers les ouvertures des fenêtres, sont un mélange de matières organiques et de substances minérales. L’analyse, opérée sur 5 grammes, donne un poids de 32 pour 100 de matières organiques. Quant aux matières minérales, elles sont les unes solubles dans l’eau, les autres solubles dans l’acide chlorhydrique, les autres enfin insolubles dans cet acide. Leur poids total était de 68 pour 100 du poids des poussières. Ainsi, les poussières aériennes sont formées d’environ un tiers de substances organiques et de deux tiers de matières minérales. Le fer s’y rencontre en proportion notable. »