Hercule Mourant
A. Belin, .
HERCULE
DÉJANIRE, épouse d'Hercule.
HILUS, fils d'Hercule et de Déjanire.
PHILOCTÈTE, compagnon d'Hercule.
IOLE, Princesse captive.
LYCHAS, esclave d'Hercule.
DIRCÉ, confidente de Déjanire.
JUPITER.
JUNON.
LA JALOUSIE.
CHŒURS de Thessaliens.
CHŒURS de Captifs.
CHŒURS de Combattants dans les Jeux Olympiques.
CHŒURS de Prêtres de Jupiter.
CHIEURS de Femmes, suivantes de Déjanire.
CHŒURS de Guerriers, compagnons d'Hercule.
CHŒURS de Divinités célestes.
ACTE I
Le théâtre représente le palais d'Hercule à Trachine.
Scène première
Dircé, voici le jour où mon sort se décide,
Le jour qui doit me rendre Alcide,
Hélas ! s'il peut m'être rendu.
Lui-même il a marqué ce terme à son absence,
Et ce jour expiré, tout espoir est perdu.
Junon le tient sous sa puissance,
Elle a prolongé ses travaux.
Dieux ! Encor des dangers nouveaux !
Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?
Il vit pour l'univers ; il ne vit plus pour nous.
Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,
Sa famille est abandonnée.
Il dédaigne les soins et de père et d'époux.
De tous les ennuis qu'il vous cause,
Sa gloire doit vous consoler.
Sa gloire ? Ah ! sans frémir puis-je me rappeler
Les périls, les combats où sa valeur l'expose ?
Je crois le voir environné
Des monstres de Némée et de ceux d'Erymante,
J'entends les sifflements de l'Hydre menaçante,
J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné ;
Et mon époux sans cesse à mes yeux se présente
Luttant contre le sort, à le perdre obstiné.
Scène II
à Hilus
Mais que vois-je ? mon fils ! en quels lieux est Alcide ?
Il revient ; Junon même à ce vainqueur rapide
Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.
Au pied du mont Olympe un saint devoir l'arrête.
A Jupiter son père il consacre une fête.
Cependant ses captifs s'avancent sur ces bords.
Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste
Attire et charme tous les cœurs.
Et quelle est cette esclave ?
Un silence modeste
Nous cache son pays, son rang et ses aïeux,
Mais, si j'en crois mon cœur, elle est du sang des Dieux.
Tout en elle intéresse, enchante.
Avec elle on gémit de sa captivité.
Ah ! que la douleur est touchante
Lorsqu'elle afflige la beauté !
Verrez-vous sans pitié cette aimable captive ?
Il est si cruel d'accabler
L'innocence faible et craintive,
Et si doux de la consoler !
Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.
Dis-moi qu'il vient tarir les larmes
Que son absence a fait couler.
Mais j'entends des chants de victoire.
Scène III
qui vient féliciter Déjanire sur le retour d'Hercule
Victoire, victoire !
Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats :
Il est précédé par la gloire,
Et la paix vole sur ses pas.
On danse.
Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,
Ton règne est le printemps du monde.
Que jamais la trompette à nos voix ne réponde ;
Que la seule musette éveille les échos.
Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,
Ton règne est le printemps du monde.
On danse.
Peuple, c'est votre appui qui revient en ces lieux :
Allons à son retour intéresser les Dieux.
Tandis que Déjanire et le Peuple se retirent, Junon paraît dans les airs poursuivie par la Jalousie.
Scène IV
N'es-tu qu'à moi seule fatale,
Jalousie infernale ?
Dans les cieux, sur la terre, attachée à mes pas,
Tu montes sur ton char, tu ne me quittes pas.
N'es-tu qu'à moi seule fatale,
Jalousie infernale ?
Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?
Vois la gloire d'Alcide, et l'éclat de son nom ;
Vois le triomphe heureux que ce rivage étale.
Jalousie infernale,
Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?
Non, non, dans la nature entière
Tous les heureux sont mes rivaux.
Je voudrais du soleil obscurcir la lumière ;
D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.
Le bonheur de Déjanire
Me révolte, me déchire :
Je voudrais l'en punir par des tourments nouveaux.
Va, répands dans son sein les feux qui me consument,
Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.
Déjanire aime son époux ;
Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,
Va signaler ta rage en servant mon courroux.
Noirs soupçons, tourments des jaloux,
Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,
Venez percer son cœur des plus sensibles coups.
ensemble
Que le désespoir, la fureur,
Embrasent, dévorent son âme,
Qu'elle immole, dans son erreur,
Le fatal objet de sa flamme ;
Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur.
ACTE II
Le théâtre représente les jardins du Palais d'Hercule sur le bord de la mer.
Scène première
seule
Quelle voix suspend mes alarmes ?
Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?
En parcourant ces vastes mers
Mes yeux ne versent plus de larmes.
Que dis-je ? Mon exil, mes malheurs me sont chers.
Pour moi l'esclavage a des charmes.
Un calme heureux succède au tumulte des armes ;
Et j'oublie en ces lieux les plus cruels revers.
Quelle voix suspend mes alarmes ?
Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?
Scène II
Venez, fille des rois, il est temps de paraître.
Le rang où le ciel vous fit naître
N'est plus ignoré dans ces lieux.
Moi-même, avant de la connaître,
J'ai lu vos destins dans vos yeux.
L'amour vous a soumis un cœur dont il est maître.
La beauté pour régner n'a pas besoin d'aïeux.
Laissez gémir une victime.
Nos cœurs sont-ils faits pour l'amour ?
Et puis-je pardonner au sang qui vous anime
Sans révolter celui qui me donna le jour ?
Hilus, mon père est mort.
Il est mort avec gloire.
C'est le crime de la victoire,
Et non pas celui du vainqueur.
Mais, faut-il vous venger en me perçant le cœur ?
Frappez.
Vous n'êtes point coupable.
Pourquoi donc m'accabler d'une injuste rigueur ?
Hélas ! À travers ma douleur
Voyez-vous éclater une haine implacable ?
Non, non, vous n'êtes point coupable.
Héros sensible et généreux,
Vous serez assez malheureux,
Sans que ma haine vous accable.
Si vous m'aimez, quel bien manquerait à mes vœux ?
Ah ! Je frémis des maux que l'amour nous prépare.
Mais dois-je révéler ce mystère fatal ?
Ah ! parlez. Quel effroi de mon âme s'empare !
Perfide époux, tyran barbare, Alcide ose m'aimer.
Mon père est mon rival !
Fille de Palénor, j'ai vu la flamme errante
Répandre dans nos murs sa fureur dévorante.
J'ai vu le vainqueur inhumain
Dans les fers me traîner mourante ;
Et je l'ai vu m'offrir sa main
Qui du sang de mon père était encore fumante.
Ô dieux ! Qu'ai-je entendu !
Son amour criminel
Vient m'attacher à lui par un nœud solennel.
Ô mère infortunée ! Ô malheureuse épouse !
Tremblez que sa fureur jalouse
Ne le rende encor plus cruel.
De nous voir et de nous entendre
Fuyons, s'il se peut, le danger.
Un regard, un soupir est facile à surprendre ;
Le mystère en amour est un voile léger,
Et tout peut trahir un cœur tendre.
De nous voir et de nous entendre
Fuyons, s'il se peut, le danger.
ensemble
La plaisir de mêler nos larmes
N'adoucira plus nos malheurs.
La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.
Oubliez mes alarmes,
Cachez-moi vos douleurs.
La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.
Iole sort.
Scène III
vivement
Mon fils, que tes vaisseaux, avant la fin du jour,
Soient prêts à s'élancer sur la plaine liquide.
Chargé de mes présents, vole au devant d'Alcide,
Va lui porter l'hommage et les vœux de l'amour.
Scène IV
De mon bonheur puis-je douter encore, Dircé ?
J'aime un héros que l'univers adore,
Le digne sang des dieux, l'exemple des mortels,
Un fils dont Jupiter s'honore,
Qui doit lui-même un jour partager ses autels.
Puisse le tendre amour dont vous brûlez sans cesse
Ne jamais vous coûter de pleurs !
Avec mille vertus Alcide eut sa faiblesse.
Les plaisirs sur ses pas ont répandu des fleurs ;
Ils ont égaré sa jeunesse.
Le charme est enfin dissipé.
Il s'éloigne d'Omphale, il me tient sa promesse,
Il vient me rendre un cœur de moi seule occupé.
Scène V
Marche dansée, pendant laquelle les Captifs présentent les tributs de leurs climats. Pendant la marche, Iole reste au fond du théâtre.
Épouse d'un héros qui des dieux est l'image,
L'amour et l'effroi des humains ;
Des cœurs qu'il a soumis recevez l'humble hommage.
Sa valeur n'eût jamais enchaîné que des mains ;
Sa démence a fait davantage.
Que de ces fers on les dégage.
On danse.
Je trouve mes dieux
Partout où l'on aime.
Pour tous, en tous lieux
L'Amour est le même.
Vaincus et vainqueurs,
Sous sa loi suprême
Il tient tous les cœurs.
Nous trouvons nos dieux
Partout où l'on aime, etc.
Parmi les lauriers,
À l'ombre d'un hêtre,
Bergers, ou guerriers,
Nous n'avons qu'un maître.
Aimé dans les fers
L'esclave croit être
Roi de l'univers.
Nous trouvons nos dieux
Partout où l'on aime, etc.
On danse. Iole s'avance pour rendre hommage à Déjanire.
à Iole
Princesse, au gré de la victoire
Les trônes tour à tour sont détruits ou fondés.
Le sort vous a trahie, et nous a secondés ;
Mais à vaincre le sort un grand cœur met sa gloire.
Vos droits vous sont rendus dans cet heureux séjour.
Du fils de Jupiter la cour est votre asile.
Le malheur fuit l'éclat du jour,
Il ne veut qu'un oubli tranquille.
Non, non, si mes vœux sont remplis,
Vous ne gémirez plus du malheur qui vous presse.
Dans ces lieux, pour vous embellis,
A vos destins tout s'intéresse.
à part
Et pour elle et pour moi quel horrible avenir !
à Déjanire
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,
De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.
Laissez-moi retourner aux lieux de ma naissance,
Y pleurer mes malheurs.
Non ; je veux les finir.
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,
De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.
C'en est assez. Alcide en ces lieux va venir ;
Et vous êtes sous sa puissance.
Iole se retire.
Scène VI
vivement
Est-ce à vous de la retenir ?
Apprenez qu'Alcide l'adore.
Dieux, qu'entends-je !
On dit plus encore.
Au mépris de vos feux l'hymen va les unir.
Et qui t'a révélé le crime du perfide ?
L'esclave favori d'Alcide,
Lychas a publié ce mystère odieux.
Daignez l'interroger.
Moi ! rougir à ses yeux !
Hélas ! pour m'accabler en faut-il davantage ?
Je n'en ai que trop entendu.
Cette esclave est tremblante et veut fuir ce rivage ;
J'ai vu mon fils lui-même interdit, confondu.
Du crime de l'ingrat leur trouble est le présage.
La honte, la douleur, le désespoir, la rage
Déchirent mon cœur éperdu.
C'en est fait, mes enfants, vous avez tout perdu.
L'opprobre et l'abandon, voila votre partage.
Père barbare !... Ô dieux qui me l'avez rendu,
Dans les pleurs ne l'ai-je attendu,
Que pour lui voir briser le saint nœud qui l'engage ?
Est-ce là le prix qui m'est dû ?
Non, je ne puis survivre à ce dernier outrage.
La honte, la douleur, le désespoir, la rage
Déchirent mon cœur éperdu.
Pour ramener l'ingrat n'avez-vous point encore
Ce tissu précieux, ce présent du Centaure ?
Ah ! Dircé, quel recours ! je rougis d'y penser.
Vous laisserez-vous offenser ?
Dans ce voile enchanté l'amour cache sa flamme.
C'est un charme puissant pour attendrir son âme :
Nessus vous l'a prédit expirant à vos yeux.
Je ne me connais plus... je tremble, je frissonne...
Au trouble de mes sens ma raison m'abandonne.
Je le vois préparer cet hymen odieux...
Je périrai moi-même avant qu'il s'accomplisse.
Viens. À la perfide opposons l'artifice :
C'est le dernier espoir que me laissent les dieux.
ACTE III
Scène première
Le lieu de la scène est un amphithéâtre, au-delà duquel on voit le temple de Jupiter.
seul
Trompeuse image de ma gloire,
Cachez ma honte à l'univers.
Destructeur des tyrans de la terre et des mers,
Je ne puis sur mon cœur remporter la victoire ;
Et dompté par l'amour, je languis dans ses fers.
Trompeuse image de ma gloire,
Cachez ma honte à l'univers.
Scène II
Au pied du monte Olympe, une illustre jeunesse
Vient célébrer les jeux que tu fais publier.
Puissent-ils me faire oublier
Les charmes que j'évite et que je vois sans cesse !
Je ne t'ai point caché ma nouvelle faiblesse :
La beauté fut toujours l'écueil de ma vertu.
On succombe aisément au danger que l'on aime.
Ton cœur ne connaît pas ce qu'il peut sur lui-même.
Il eût vaincu l'amour, s'il avait combattu.
Vois Déjanire dans les larmes ;
Vois du plus tendre hymen les fruits abandonnés.
A la honte, à l'oubli les as-tu condamnés ?
Rompras-tu sans remords des nœuds si pleins de charmes ?
Trop indigne des noms et de père et d'époux,
Je veux bien t'avouer la fureur qui m'anime.
J'immolerais mon fils pour première victime,
Si je m'abandonnais à mes transports jaloux.
Hilus !
Il a su plaire à l'objet qui m'enflamme.
La haine et la pitié, la nature et l'amour
Partagent tour à tour
Et déchirent mon âme.
Tous les monstres encor ne sont pas terrassés.
L'amour est dans mon cœur une hydre renaissante.
vivement
Ranime contre lui ta force languissante.
Je le veux, mais en vain.
Tu le veux, c'est assez.
Une Symphonie guerrière annonce l'arrivée de combattants.
Mais j'entends dans les airs la trompette éclatante.
Les jeux sont annoncés.
Scène III
portant des trophées, composés de dépouilles des tyrans et des monstres qu'il a dompté.
se tournant vers le Temple de Jupiter
Arbitre des destins, ô toi dont la puissance
Remplit l'immensité des cieux !
Dieu souverain de tous les dieux !
Reconnais un mortel qui te doit la naissance.
J'ai puni comme toi le crime audacieux ;
Comme toi j'ai vengé la timide innocence ;
De ton sang immortel suis-je digne à tes yeux ?
Arbitre des destins, etc.
Chantons Alcide et ses combats.
vivement et avec reconnaissance
Chantez, chantez le dieu terrible
Qui donne la force à mon bras.
Chantons Alcide et ses combats.
Les tyrans sont domptés, et la terre est paisible.
Chantez, chantez le dieu terrible
Qui donne la force à mon bras.
A sa valeur rapide il n'est rien d'impossible.
Et partout la victoire a volé sur ses pas.
Chantons Alcide et ses combats.
Chantons.
Chantez le dieu qui me rend invincible.
Chantons Alcide et ses combats.
Chantons le dieu terrible
Qui donne la force à mon bras.
Les jeux commencent par le combat de la lutte : le prix est la peau d'un tigre. Le vainqueur, après l'avoir reçue des mains d'Hercule, exprime son triomphe en dansant. Le prix du chant est une Lyre. On présente en dansant des couronnes aux vainqueurs.
Volez, amours, sur le char de la gloire.
Pour les héros les doux loisirs sont faits.
L'aimable paix embellit la victoire,
Et les plaisirs embellissent la paix.
Dans les combats voyez Mars en colère,
Il fait frémir l'univers alarmé.
Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,
Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé.
Volez, amours, sur le char de la gloire.
Pour les héros les doux loisirs sont faits.
L'aimable paix embellit la victoire,
Et les plaisirs embellissent la paix.
Dans les combats voyez Mars en colère,
Il fait frémir l'univers alarmé.
Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,
Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé.
Les peuples et le compagnons d'Alcide se retirent sur une fanfare.
Scène IV
Quoi ! mon fils de retour ?
présentant la robe envoyée par Déjanire
De l'amour le plus tendre
Recevez l'offrande et les vœux.
Rendez à Déjanire un époux glorieux.
Venez tarir les pleurs que vous faites répandre.
Ah ! que n'avez-vous pu l'entendre !
Que n'avez-vous pu voir éclater ses transports !
Son cœur s'élançait vers ces bords,
Impatient de vous attendre.
Seigneur, venez jouir d'un spectacle si doux.
Déjanire est tremblante, et n'ose croire encore
Que le sort apaisé lui rende son époux.
Les dieux même, les dieux que l'univers adore
Ne sont pas aimés comme vous.
bas
Entre un coupable amour et la plus belle flamme,
Alcide, à quoi te résous-tu ?
Le crime et la vertu se disputent ton âme ;
Vas-tu céder au crime et trahir la vertu ?
bas
Je le craindrai ce cœur trop long-temps combattu.
haut, à Hilus
Vous ne me parlez point de la jeune captive ?
La reine, qui la plaint, daigne essuyer ses pleurs.
Est-ce assez d'adoucir, de plaindre ses malheurs ?
Dans un humble esclavage est-ce assez qu'elle vive ?
Le ciel l'a mise au rang des rois
Mon fils, du diadème il faut ceindre sa tête ;
Et pour la couronner c'est vous dont j'ai fait choix.
Moi ? Seigneur !
Vous l'aimez, je vous cède mes droits,
Et je vous remets ma conquête.
aux pieds d'Alcide
Mon père ! Ah ! Ce bienfait m'est plus cher que le jour.
vivement
Enfin je reconnais Alcide.
La vertu dans mon cœur te devra son retour ;
Et sans l'amitié qui me guide
Je me laissais encore égarer par l'amour.
Avant de quitter ce rivage
Allons à Jupiter présenter notre hommage.
Viens, Lychas, porte-moi ce voile précieux :
Puis-je m'en revêtir pour un plus digne usage
Que pour sacrifier au souverain des dieux.
ACTE IV
Le théâtre représente le vestibule du temple de Jupiter, à Trachine.
Scène première
éperdue
Qu'ai-je fait ! Ô Nessus, ta fureur m'a trompée.
Reine, qui peut vous alarmer ?
Juge du coup mortel dont mon âme est frappée.
Le sang où la robe est trempée,
A mes yeux vient de s'enflammer.
Tremblante au bord du précipice,
J'avais craint d'employer ce funeste artifice :
Tu m'en as inspiré le coupable dessein ;
Ou plutôt c'est l'enfer qui l'a mis dans mon sein.
traversant les airs
Oui, c'est la Jalousie, compagne et tyran de l'Amour.
Ciel !
Je servais Junon, et Dircé m'a servie.
Pleure Alcide expirant ; tu le perds sans retour.
Dircé s'éloigne désespérée, et la Furie disparaît.
Scène II
seule
Dieu, grand Dieu ! sois sensible à ma douleur profonde.
Protège un héros cher au monde :
Hélas ! il est ton sang, il est digne de toi.
Les femmes de Déjanire accourent à ses cris ; le temple s'ouvre et les Prêtres paraissent.
Scène III
Ministres des autels, partagez mon effroi.
De ce héros, l'espoir, le vengeur de la terre,
D'Alcide en ce moment les jours sont menacés :
Attirez sur moi le tonnerre ;
Qu'Alcide vive, c'est assez.
Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;
Protège un héros cher au monde.
De tes autels j'approche en frémissant.
Mon crime m'a rendu ton temple redoutable.
Hélas ! ma main seule est coupable,
Et mon cœur, tu le sais, mon cœur est innocent.
Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;
Protège un héros cher au monde.
On danse.
Père d'Alcide, à tes genoux,
Pour lui nos vœux se font entendre.
Veille sur lui comme il veille sur nous
Rends lui les biens qu'il prend soin de répandre.
Les Prêtres préparent le sacrifice. La danse exprime les vœux des femmes de Déjanire. L'autel tremble et le tonnerre gronde.
Le temple est ébranlé ! Quels éclats menaçants !
Fuis, tremble, épouse criminelle.
Le ciel avec horreur rejette ton encens.
Le temple se ferme.
Scène IV
Ah ! mon fils !
éperdu
Dieux ! Qu'entends-je ? Et quelle voix m'appelle ?
Tu méconnais ta mère ! Arrête.
Laissez-moi.
Ce nom me fait frémir d'effroi.
Allez, allez cacher dans la nuit éternelle
Un forfait qui vous rend l'horreur de l'univers.
Quand je crois présenter les dons d'une main chère,
C'est votre fureur que je sers !
Vous rendez votre fils le bourreau de son père !
Puis-je à ces traits affreux reconnaître ma mère ?
Hélas ! C'en est donc fait.
La plus grand des humains,
Alcide, votre époux, l'auteur de ma naissance
A reçu la mort de mes mains.
Injustes Dieux ! cruels destins !
C'est vous qui dans le crime entraînez l'innocence.
Alcide expire, consumé
Du feu que dans son sein vous avez allumé.
Couvert de la robe fatale,
Il marchait à l'autel ; une flamme infernale
Tout à coup pénètre ses sens.
Il veut de la douleur étouffer les accents,
Mais il n'en peut dompter l'horrible violence,
Et par les cris les plus perçants
Il rompt ce farouche silence.
Son corps fumant exhale une noire vapeur
A ses flancs embrasés le voile affreux s'attache
Il le déchire avec fureur ;
Mais en lambeaux sanglants c'est en vain qu'il l'arrache,
Et le poison rapide a coulé dans son cœur.
Il tombe, il se débat en mordant la poussière :
Des pleurs mêlés de sang inondent sa paupière :
Il se relève avec effort,
Il embrasse l'autel, il implore la mort.
Tout frémit : la terreur l'environne et nous glace.
Il me voit, il m'appelle, et j'approche éperdu.
Malheureux, m'a-t-il dit, ton erreur m'a perdu ;
Mais elle est innocente, et ta douleur l'efface.
Traîne-moi loin de ces autels
Que ma faiblesse déshonore ;
Fuyons, puisque je vis encore,
Et cessons d'exciter la pitié des mortels.
Vous l'allez voir.
Après mon crime,
Le voir ! Ah ! je vais le venger.
De mes transports jaloux ton père est la victime.
Par un charme inconnu j'ai voulu l'engager ;
Ce charme est un poison funeste
Qu'une furie a préparé.
La rage des enfers, la colère céleste,
Rien n'excuse l'erreur de mon cœur égaré.
Qu'Alcide en mourant me déteste ;
Que de tout l'univers mon nom soit abhorré.
Mais en fermant les yeux de ton malheureux père,
Peins-lui le désespoir de ta coupable mère ;
Et dis-lui que mon cœur l'a toujours adoré.
ACTE V
Le théâtre représente le Mont Aetna environné d'épaisses forêts.
Scène première
élevant son bûcher
Alcide au tombeau va descendre.
Qui méritait mieux des autels ?
Hélas ! du plus grand des mortels
Il ne va rester que des cendres.
Scène II
se traînant sur le bûcher
Enfin je succombe à ma rage.
L'excès de la douleur a vaincu mon courage.
à Philoctète
Cruel, à mes tourments veux-tu m'abandonner ?
De ta gloire à jamais ce seul instant décide.
Ose souffrir la vie, ose la couronner
Par une mort digne d'Alcide.
Quelle mort ! sous les coups d'une femme perfide !
Oui, je veux lui survivre ; oui, je veux de ma main
Arracher son cœur inhumain.
Qui la dérobe à ma vengeance ?
Quoi ! mon fils avec elle est-il d'intelligence ?
Il me fuit.
Tu le vois dans la douleur plongé.
Scène III
à Hilus
Approche. Hé bien, suis-je vengé ?
Viens-tu d'immoler ma victime.
Elle est ma mère.
Après son crime,
Peux-tu la nommer sans horreur ?
Hélas ! Connaissez mon erreur :
Pour vous rendre à ses vœux, dans ses tendres alarmes
Elle a cru n'employer qu'un secours innocent.
Nessus l'avait trompé ; et ce venin puissant
Est le sang du perfide infecté par vos armes.
Son cœur n'est point coupable !
Ah ! croyez-en mes larmes
Et la douleur qu'elle ressent.
dans l'éloignement
Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !
Qu'entends-je ? Quel cri gémissant !
Scène IV
en s'approchant
Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !
à Iole
La reine ?...
Elle n'est plus.
Ô mon père !
À nos yeux
Elle vient d'expirer, en demandant aux dieux
D'épuiser leur rigueur sur elle.
Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !
Nos malheurs sont comblés.
Il faut les soutenir.
Venez, trop aimable captive.
Pour essuyer vos pleurs que mon fils me survive.
En mourant je dois vous unir.
Je dois de Palénor calmer l'ombre plaintive.
à son fils
Tous mes maux vont finir : mon fils, embrasse-moi...
Non, non, arrête, éloigne-toi ;
Ah ! crains de respirer le feu qui me consume :
Avec plus de fureur je sens qu'il se rallume.
Quel accès ! quel supplice ! ô dieux qui m'éprouvez,
Qui vous offrit jamais plus d'encens, de victimes ?
Et si tel est le sort que vous me réservez,
Quel sort destinez-vous au crime ?
Il succombe.
Viens, mon fils, sois témoin de l'excès de mes maux.
Peuples heureux par mes travaux,
Est-ce là le bras invincible,
Ce bras sous qui tombaient les lions étouffés ?
Desséché, consumé d'une flamme invisible,
Le reconnaissez-vous dans cet état horrible ?
Hercule est abattu : tyrans vous triomphez.
Il se lève.
Au défaut de mes mains tremblantes
Hâtez-vous me secourir.
Je souffre mille morts, et je ne puis mourir.
Déchirez, dispersez mes dépouilles sanglantes.
Arrachez de mon sein mes entrailles brûlantes.
Lâches, vous frémissez, vous m'abandonnez tous.
Où sont-ils, ces brigands dont j'ai purgé la terre ?
Ils seraient moins cruels que vous.
Dieux ! accordez-moi le tonnerre.
Il retombe sur le bûcher.
Il expire dans les tourments.
Alcide ! ... Quels gémissements !
Il se relève.
Mes yeux appesantis vont perdre la lumière.
Hilus, jure-moi d'accomplir
La volonté d'un père à son heure dernière.
Ordonnez.
Jure-moi que tu vas la remplir.
J'en atteste les dieux.
Il monte sur le bûcher.
Viens délivrer mon âme
De son infernale prison.
Au bûcher de ton père ose porter la flamme.
épouvanté
Moi !
Frémis du parjure et de la trahison.
Vous voulez que je sois l'horreur de la nature !
Les dieux me puniraient si je n'étais parjure.
Obéis, tu le dois.
Je ne puis.
Je le veux.
Mon père !
Alcide.
Ah ! Malheureux !
La foudre tombe sur le bûcher et l'allume, Hercule est enveloppé par les flammes. Tout à coup le bûcher se transforme en un char, sur lequel Hercule paraît triomphant.
Scène dernière
sur son Trône, environné de sa cour céleste
à Hercule
Viens, mon fils, viens jouir de ta gloire nouvelle,
La flamme a consumé ta dépouille mortelle ;
Triomphe du trépas, affranchi toi des lois.
Dieux, il est votre égal. Terre, il est mon image.
Mondes qui m'adorez, rendez-lui votre hommage.
Astres brillants des cieux, retracez ses exploits...
Le Char d'Hercule s'élève jusqu'au pied du Trône de Jupiter.
Que tout l'univers soit son temple
Il est rempli de ses bienfaits.
Que sa gloire soit à jamais
Des vertus l'espoir et l'exemple,
Et l'épouvante des forfaits.
les Divinités célestes descendent et forment des danses. Cette fête est l'apothéose d'Hercule.
en s'élevant aux cieux
Peuples, recevez mes adieux.
à Philoctète
Digne ami, c'est à toi que je laisse mes armes.
à Hilus
Mon fils, j'aurai sur vous les yeux.
à Iole
Princesse, embellissez la terre par vos charmes ;
Mais tournez quelquefois vos regards vers les cieux.
Un divertissement général termine l'opéra