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Histoire des églises et chapelles de Lyon/Adoration-Réparatrice

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (tome Ip. 316-320).

ADORATION-RÉPARATRICE

La chapelle de l’Adoration-Réparatrice est un édifice construit avec toutes les ressources de l’art moderne et qui mérite d’attirer l’attention. Avant de l’étudier de près, il importe d’entrer dans quelques détails sur la communauté qu’elle abrite, d’autant plus que cette congrégation, fondée tout récemment, a pris un essor considérable, et que cette chapelle est des plus fréquentées par les Lyonnais.

L’institut de l’Adoration-Réparatrice a été établi par Mlle Théodelinde Dubouché, qui naquit à Montauban, le 2 mai 1809. Elle fonda, poussée par l’esprit de Dieu, et à la suite de diverses circonstances, le tiers-ordre de la Réparation, le 6 août 1848. Elle fit profession l’année suivante, et reçut, le jour de Pentecôte 1849, le nom de Marie-Thérèse. Bientôt elle se rendit à Lyon, et établit une modeste communauté, dans le quartier Saint-Jean, rue Tramassac, ancien hôtel du baron des Adrets : c’était le 3 janvier 1851.

À la suite de quelle inspiration pensa-t-elle à fonder l’Adoration-Réparatrice ? On ne saurait mieux le dire qu’en lisant les lignes qu’elle a tracées elle-même pour rappeler cet important événement. C’est une page profondément mystique, qui manifeste l’intensité de sa vie intérieure, prête à produire bientôt des fruits de vie active et extérieure.

« Étant à la messe, mon âme fut toute ravie en Dieu. Je ne voyais que son éclatante immensité. Mes facultés intellectuelles n’agissant pas plus que mes sens, j’étais dans un état absolument passif. Dans cet espace et au sein de cette lumière, je vis surgir un peuple nouveau au milieu des chrétiens. Ces saints étaient de tout sexe et de toute condition ; rien ne les caractérisait que leur grande sainteté. Ils étaient religieux mais formaient plutôt une société de personnes pratiquant, dans leur pureté parfaite, les conseils évangéliques qu’une communauté régulière ayant forme de monastère.

« Ce que je voyais surtout, c’était la gloire qu’ils rendaient à Dieu en répandant la vie de N.-S. Jésus-Christ au Saint-Sacrement. Je voyais ce peuple toujours prosterné au pied du trône eucharistique, et les prêtres de cet ordre propageant l’amour divin dans tous les cœurs. Je Aboyais ces nouveaux apôtres de la charité de Jésus vivre au milieu du monde dans un état si angélique, si plein de dignité et de simplicité, en un mot, si conforme à Jésus-Christ même, et la société entière imiter si parfaitement la sainte Famille à Nazareth que je ne pus supporter l’excès de mon bonheur ; je crus mourir de joie et je tombai entièrement défaillante à la chapelle. On me crut évanouie, on m’emporta à la sacristie : c’était la première fois qu’il paraissait en moi quelque chose d’aussi extérieur. »

Par cette fondation, rue Tramassac, proche de l’église Primatiale, la famille religieuse de sœur Marie-Thérèse devint la première congrégation en France ayant le privilège de posséder l’exposition perpétuelle du Saint-Sacrement ; elle prit ainsi l’initiative d’un mouvement que tant d’autres devaient suivre plus tard. D’autres fondations, la maison-mère de Paris, la maison de Châlons, etc., ont répandu en France l’œuvre réparatrice qui reste dans sa réalisation ce qu’elle fut dans sa conception. Bientôt l’institut obtint de Rome un bref laudatif, en attendant l’approbation canonique que la mère Marie-Thérèse prépara par un voyage à Rome. Ces sollicitudes et ces travaux n’étaient que le cadre d’une vie intérieure active et élevée. On a conservé les traces des relations spirituelles que la mère fondatrice entretint avec Mgr Luquet et Mgr Morlot. Autant dans ces relations que dans les autres manifestations de sa vie spirituelle, la mère Marie-Thérèse se montra animée de l’esprit des saints. On le vit notamment, lors de l’incendie de la chapelle de Paris, où elle fut retirée des flammes à demi brûlée : sa foi et son énergie en cette circonstance n’eurent d’égales que ses souffrances. Elle abdiqua peu après, fit élire une autre supérieure générale, et mourut le 30 août 1863.

Revenons à la fondation de Lyon : la maison de la rue Tramassac fut abandonnée en 1867 ; les religieuses se rendirent alors rue de la Charité, puis, quatre ans plus tard, rue du Plat, et, de là, rue Henri IV où elles possèdent une vaste et belle chapelle, construite sur les plans de M. Sainte-Marie Perrin. La première pierre en fut posée, en avril 1876, par Mgr Thibaudier, auxiliaire de Mgr Ginoulhiac, archevêque de Lyon. Le cardinal Caverot bénit solennellement l’édifice le 14 septembre 1877, et le lendemain le Saint-Sacrement fut apporté de la rue du Plat en grande pompe. C’est une des dernières processions qui aient eu lieu dans les rues de notre cité.

En pénétrant dans la chapelle, essayons d’en saisir le sens symbolique.

« Figurer à l’aide d’arcs surbaissés les longues et flottantes draperies d’une tente, résumer dans quelques signes caractéristiques la préparation de l’Eucharistie, rendre la pensée de la Réparation, tel est le but mystique que l’architecte s’est proposé d’atteindre et de réaliser en construisant la chapelle de la rue Henri IV. Un premier arc surbaissé portant une croix d’or avec une inscription latine (comme toutes celles qui seront citées plus bas) dont le sens est : « Pardonnez, Seigneur, à votre peuple », s’appuie sur deux colonnes, et donne naissance à une seconde voûte sous laquelle se trouve l’autel.

Exposition et ostensoir dans la chapelle de l’Adoration-Réparatrice.

Les parois de la muraille racontent l’histoire de l’Ancien Testament. Tout en haut, incrustées sur des panneaux de porphyre rouge, l’arche de Noé et l’arche d’alliance, à gauche et à droite la table des holocaustes et la table des pains de proposition ; en dessous, de chaque côté, sur des panneaux de matière précieuse, le palmier oriental ; puis, au pied de l’arbre, d’une part, un champ d’épis avec l’inscription : « Il a nourri son peuple de froment » ; de l’autre, quelques ceps de vigne et ces mots : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments. » La dernière voûte fait ciborium, tandis qu’un troisième arc, plus surbaissé encore, prépare cette dernière voûte en abside. Au milieu, une petite rosace, avec un agneau immolé et tout autour cette inscription : « L’agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance et la divinité, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction. »

« Aux quatre angles, les emblèmes des évangélistes, c’est-à-dire à droite, le lion ailé et l’aigle au regard perdu dans le ciel ; à gauche, le bœuf ailé, et l’ange qui contemple le Saint-Sacrement ; au milieu de ces personnages, des étoiles qui, par leur forme singulière, rappellent les mondes qu’entrevit saint Jean dans l’Apocalypse. Cet arc majestueux, qui repose sur deux colonnes de marbre vert que supportent deux culs-de-lampe dorés, se recommande particulièrement à l’attention par une frise avec palmettes et rosettes ornementées de pierres fines.

« Là, quatre parties bien distinctes : une sorte d’avant-voûte sur laquelle se détachent, encadrés dans six bandes de couleur, ces mots : « Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées », et dont le haut présente, sur une mosaïque étincelante, le Jéhovah des Hébreux ; la voûte elle-même composée de nervures entre chacune desquelles se détachent, sur une mosaïque de Venise à fond d’or, des tiges vertes de lis aboutissant à une colombe placée au sommet de la coupole ; plus bas des nervures, neuf anges en adoration rappelant les neuf chœurs de la cour céleste ; et plus bas enfin, une splendide peinture qui forme manteau royal et présente, dans chaque pli, un nom du Seigneur. Chacun de ces noms, gravé en bleu sur fond or, trouve, dans la partie inférieure du pli du manteau, le commentaire dont il peut avoir besoin.

« Devant la table d’autel, on lit ces quatre mots, écrits en caractères du xiie siècle, lettres rouges sur fond or : « Son tombeau sera glorieux. » Ce tombeau n’est pas vide ; sous la pierre, exposée à tous les yeux, repose le corps du Christ, sculpté en marbre blanc par le grand artiste lyonnais Fabisch.

« Le tabernacle et les degrés qui l’entourent ont des incrustations en marbre du Mexique, encadrées dans une brillante mosaïque, avec l’alpha et l’oméga symboliques. Deux colonnes en marbre de Constantinople supportent le chapiteau du tabernacle, lequel présente, au milieu, un cœur en onyx rayonnant, et au-dessous, la porte du tabernacle en bronze doré et émaillé, dessinée par Bossan. Enfin, sur le rétable en mosaïque, s’étagent par degrés inégaux, quatre gradins en marbre blanc avec ce texte : « Par lui, avec lui et en lui tout honneur et toute gloire, ô Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit. »

« Sur ces gradins, l’exposition. Quatre anges en bronze doré dont deux sont debout, vêtus de la dalmatique du diacre, les ailes dressées, soutiennent, au-dessus de l’ostensoir, une couronne faite de lis d’or et de pierreries. Les deux autres anges sont prosternés et supportent la pierre d’onyx où repose l’ostensoir. De ces merveilles, Dufraisne a façonné les moules, Tissot a été l’habile fondeur, et Christophe a doré les œuvres que le talent de ses confrères lui rendaient doublement recommandables et dignes d’être soignées. On arrive à l’exposition par deux escaliers, ménagés de chaque côté de l’autel. Avant d’atteindre l’abside, on lit ces mots gravés en lettres d’or sur le mur de face : « Je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. »

Deux écussons, fixés au fond des basses nefs, près du chœur, portent les armes de Pie IX et du cardinal Caverot qui a béni la chapelle. De chaque côté du chœur se trouvent deux chapelles dédiées, l’une à la Sainte-Vierge dont l’autel est surmonté d’une statue de la mère de Dieu par Fabisch, l’autre, du côté de l’épître, sous le vocable de saint Joseph. Du même côté, dans une annexe, s’ouvre la chapelle du Sacré-Cœur décorée <l’une belle statue par le même artiste.

« La tribune supérieure, établie contre le mur de la façade, est éclairée par un vitrail qui dessine une gloire autour de la croix triomphante. Les mots suivants se détachent sur «ne banderole qui contourne le sommet du vitrail : Ici flotte l’étendard du roi et resplendit le mystère de la Croix. Deux anges, appuyés sur la rampe de la tribune, montrent le crucifix qui se dresse au milieu de la tribune inférieure, ils le désignent du geste et du regard et portent sur des banderoles ces mots : Regardez, ô Dieu, notre protecteur, la face de votre Christ. Six vitraux éclairent la chapelle, un à chaque travée. Ce sont de vastes rosaces, sorties des ateliers de Miciol, artiste lyonnais, jadis grand prix de Rome. Voici l’exacte description des sujets représentés. Les deux premières verrières expriment le mot adorer : ils représentent la touchante histoire de Jésus au puits de Jacob et l’Adoration des Mages. Les deux suivantes rappellent que l’adoration se fait en union avec Jésus-Hostie. D’une part, Notre-Seigneur consacre le pain, qui est, en effet, le trait d’union entre lui et les âmes ; de l’autre, l’apôtre saint Jean donne Jésus à Marie et lui répète le mot du Calvaire : Femme, voilà votre Fils. Cette scène est en partie la reproduction d’une toile conservée au grand séminaire de Lyon. Les derniers vitraux achèvent de préciser la pensée réparatrice : Marie, au pied de la croix, fait face à Notre-Seigneur au jardin de Gethsémani. L’artiste s’est inspiré de Paul Delaroche et de la fresque de Flandrin à Saint-Germain-des-Prés ».

Dans la chapelle se trouvent deux bons tableaux : une Mater Dolorosa et une sainte Face, reproduction de toiles peintes par la fondatrice. Sous les tribunes, les statues de trois personnages de l’Ancien Testament : Melchisédech offrant le pain et le vin ; Abraham avec le couteau et la flamme du sacrifice, et Moïse descendant du Sinaï avec les tables de la loi.

Une porte pratiquée dans la muraille de gauche porte ces mots : Chemin de croix. Devant nous un Ecce Homo, puis, de chaque côté, sous une voûte d’aspect claustral, les quatorze scènes de la passion enchâssées dans le mur et dues, comme la statue de l’Homme-Dieu, au ciseau de Fabisch. Ces groupes sont pleins de mouvement et remarquables de vie. Au fond, noyée dans une grisaille, une croix rouge surmontée d’un diadème royal.