Histoire des doctrines économiques/3-4

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CHAPITRE IV

LES THÉORIES DE L’ORGANISME SOCIAL

Un nouveau problème se dressait à mesure que l’historisme, appliqué à l’économie politique, y apportait le principe nouveau de la succession et de la relativité des lois économiques, et à mesure que ce premier axiome s’unissait au prétendu principe de la succession et de la contingence des lois morales elles-mêmes.

Ce problème, c’était celui de l’essence de la société humaine.

Il n’avait été ni envisagé directement, ni surtout approfondi par les économistes, bien que ceux-ci eussent eu besoin d’avoir une certaine opinion sur lui, avant de pouvoir s’adonner à une étude particulière de l’économie politique ou de l’économie sociale. Mais cette opinion, ils l’avaient alors prise toute faite dans le milieu spiritualiste où ils vivaient.

Puis tout a changé de face avec l’apparition de l’historisme et du socialisme d’État et avec la mission que l’on a assigné à l’État d’informer et de conduire la société tout entière.

D’après ces nouvelles théories, en effet, il n’y a plus rien d’absolu dans le monde économique ; partout il n’y a que des phénomènes contingents et successifs ; partout il n’y a que des lois aussi changeantes que les faits et les milieux. L’évolution de l’économie en tant que science et en tant qu’art suivra donc l’évolution de la société. Mais qu’est-ce que cette Société qui évolue ? Quelle unité possède-t-elle ? Quelles facultés sont les siennes ? Comment cette unité et ces facultés se concilient-elles avec l’unité psychologique et les facultés des individus ? Questions d’une importance capitale ; car il est clair que plus on donnera à la société, plus on enlèvera aux individus sous le rapport de leur unité substantielle et de leurs facultés en conflit avec l’unité et les facultés sociales, plus aussi l’on encouragera l’intervention active des pouvoirs publics, sous la forme de socialisme d’État, et plus l’on restreindra du même coup le champ d’initiative et de liberté des particuliers.

À cet égard, les anciennes données chrétiennes ou simplement même spiritualistes étaient plus favorables à la liberté.

La morale chrétienne était essentiellement individualiste[1], je ne dis pas par l’objet des devoirs qu’elle imposait — Dieu et le prochain — mais par les récompenses ou les châtiments individuels qui étaient la sanction de ces devoirs[2] ; et la philosophie spiritualiste, de quelque école que ce fût, n’avait pas imaginé davantage une âme sociale distincte des âmes individuelles.

Alors, direz-vous, il n’y avait donc point de liens entre les membres de la société ? Si, il en existait. Ces liens étaient faits des devoirs de justice et de charité que tout homme doit remplir envers les autres et à l’accomplissement desquels l’État doit veiller ; ils étaient faits aussi de la commune destinée nationale et politique qui est la conséquence de l’idée de patrie. Particulièrement dans la doctrine chrétienne, ils étaient faits de la fraternité qui unit tous les hommes comme enfants d’un même Père qui est aux cieux ; ils étaient faits de la communauté qui unit tous, les citoyens d’une même nation comme justiciables des mêmes récompenses ou des mêmes châtiments terrestres que cette nation peut s’être attirés, et comme appelés en elle au même rôle providentiel qui peut lui avoir été assigné dans les desseins éternels de l’histoire du monde ; ils étaient faits, enfin, dans la doctrine chrétienne, de la communion mystique qui rapproche tous les membres vivants de la même Église comme associés aux mêmes grâces, aux mêmes mérites et aux mêmes espérances ; et nulle part assurément ne se trouve une solidarité plus haute que celle qui nous unit en un Dieu Rédempteur. Mais en dehors de cela, c’est-à-dire dans le domaine du libre arbitre, de la conscience et de la responsabilité morale, la séparation des personnes était complète et absolue.

Il restait donc un domaine inviolable et sacré, où chacun devait se mouvoir soi-même pour être ensuite soi-même jugé d’après sa propre conduite.

Or, cette doctrine, éminemment favorable à la liberté et à la pratique individuelle de la vertu, a subi depuis un siècle et un demi-siècle les plus rudes assauts. Ils lui ont été portés, d’une part par le panthéisme hégélien, d’autre part, par les nouvelles théories de la sociologie évolutionniste, dont Comte et Spencer ont été les initiateurs.

Au point de vue économique, ce sont ces dernières théories qui nous intéressent.

Darwin avait introduit l’idée générale du transformisme dans le domaine de l’histoire naturelle. Le transformisme, c’était la loi de l’évolution de la vie dans l’ordre des espèces animales, avec la théorie de l’adaptation des facultés et des organes aux circonstances et aux besoins, théorie que Lamarck avait ébauchée déjà depuis un quart de siècle[3]. Eh bien, s’est-on dit, n’y a-t-il pas une adaptation semblable des sociétés aux milieux et aux temps ? Le phénomène intime de la vie sociale n’est-il pas le même que le phénomène apparent de la vie individuelle ? N’y a-t-il pas un être social, comme il existe des êtres individuels que nous sommes ? Cet être social, enfin, n’a-t-il pas des lois d’évolution analogues ou semblables à ces autres lois dont l’application spontanée et ininterrompue, sans cesse continuée depuis des milliers et peut-être des millions de siècles, est censée nous apparaître dans l’histoire du règne animal ?

Il restait ce dernier pas à franchir. Auguste Comte et Spencer l’ont franchi l’un et l’autre, et leurs disciples après eux.

Comte appelait la société « le plus vivant des êtres connus[4] », en reprenant, sous une forme différente et singulièrement matérialisée, la belle comparaison de Pascal, pour qui « toute la succession des hommes pendant la longue suite des siècles devrait être considérée comme un homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement ».

Spencer, de son côté, adoptait comme formule de révolution le passage de la matière d’une homogénéité indéfinie et incohérente à une hétérogénéité définie et cohérente, et il n’excluait pas les sociétés humaines de cette loi primordiale de différenciation, qui se vérifiait dans tous les êtres. « La société, disait-il, présente une croissance continue ; à mesure qu’elle croît, ses parties deviennent dissemblables et prennent des fonctions dissemblables… L’assistance mutuelle qu’elles se prêtent amène une dépendance mutuelle des parties ; enfin, les parties, unies par ce lien de dépendance mutuelle… composent un organisme formé sur le même principe général qu’un organisme individuel… Tout organisme d’un volume appréciable est une société. Dans l’un comme dans l’autre, la vie des unités continue quelque temps quand la vie de l’agrégat est subitement arrêtée ; au contraire, si l’agrégat n’est pas détruit par violence, sa vie dépasse de beaucoup en durée celle des unités. »

D’ordinaire, dans ces théories ou ces analogies biologiques, ce qui paraît former ainsi un organisme, ce n’est que la société dans son ensemble et ce n’est pas tel ou tel État : car, ainsi que le dit un des disciples fervents de Comte, si « la société est la résultante des individus comme l’individu est la résultante des cellules », cela n’est aucunement vrai de « l’Église et de l’État, simples systèmes de forces sans cellules et sans protoplasmes[5] ».

Mais la division ne tarde pas à éclater entre les sociologues, dès qu’on les presse un peu sur la nature intime de cette unité sociale.

Deux écoles se sont formées, l’école organique et l’école ethnographique : la première, tenant pour un véritable organisme social ; la seconde, au contraire, ne faisant de la comparaison entré l’agrégat biologique et l’agrégat social qu’une simple métaphore privée de toute réalité objective. — C’est à cette dernière branche qu’appartient M. Tarde, admirateur cependant et disciple de Comte. «  On ne saura jamais, dit-il, ce que ce nuage pris pour une nébuleuse le milieu social — et ce que cette comparaison prise pour une raison — l’organisme social — ont fait de mai à la sociologie en se combinant. Ontologie et biologie sociologiques mêlées : c’est vraiment trop des deux à la fois[6]… Le reproche que je fais à la thèse de l’organisme social, c’est d’être le déguisement positiviste de l’esprit de chimère. Stérile en vérités — car elle ne nous découvre rien que ce que nous savions déjà, et ce qu’elle prétend découvrir elle ne fait que nous le traduire en un langage obscur, — elle est remarquablement féconde en illusions, en discours chimériques, apocalyptiques parfois et aussi en aveuglements systématiques[7]. »

D’autres, il est vrai, n’ont pas cette même netteté d’expressions ; et quand ils combinent ensemble les deux mots de société et d’organisme, ils ne laissent pas voir s’ils parlent identité de nature ou métaphore de rhétorique. De ces derniers est M. Alfred Fouillée, puisque, tout en reconnaissant dans la société un « individu physiologique », il nie que « toute société soit psychologiquement un grand individu qui existe pour lui-même[8] ». L’Américain Giddings s’en tire en Normand. « Si la société est un organisme, dit-il, on doit le considérer « comme physiopsychique, comme essentiellement psychique, mais avec une base physique[9]. »

La prétendue école organique n’abandonne aucunement la partie. D’après un de ses adeptes les plus fervents, M. Novicow[10], cette école aurait jeté un vif éclat il y a une quinzaine d’années, à tel point que sa victoire ne semblait plus faire l’objet d’aucun doute dans le monde des sociologues. Son astre aurait pâli depuis lors[11]. Cependant on ne désespère pas de lui rendre toute sa splendeur, en achevant de dérouter où de convaincre rôle ethnographique.

Il est hors de doute que les plus grands efforts sont faits actuellement pour ranimer la croyance à l’organisme social. Comparer, identifier même là biologie et la sociologie, développer les théories qu’on appelle, en un néologisme pédant, les théories « analogico-organiques », voilà bien le souci qui domine parmi les écrivains nombreux et bruyants de toute la jeune école sociologique. « Non seulement, comme le dit M. Espinas, les sociétés sont réelles comme ensembles de phénomènes réguliers ; mais elles sont réelles encore comme consciences existant en elles-mêmes et pour elles-mêmes[12]. » Ce dernier, suivi en cela par Giddings[13], va jusqu’à considérer les sociétés humaines comme la suite des sociétés animales, de même que l’homme individuel est le successeur transformé du singe : car, ainsi que le remarque un autre sociologue (qui tient cependant cette théorie pour plus gênante que commode), « il est inadmissible qu’alors que tous les êtres, jusqu’à l’homme inclusivement, dérivent d’un type antérieur modifié, le subséquent de l’homme soit un être multiple comme la société[14]. »

Toute une littérature en a germé.

De ces nombreux auteurs qui ont creusé plus ou moins les analogies organiques, le plus illustre, sans conteste, est l’Allemand Schæffle, auteur de l’ouvrage Structure et vie du corps social, paru en 1875-1878[15]. Nous citons après lui le juif allemand Lazarus, professeur à l’Université de Berlin, qui prétendit fonder la science nouvelle de la « psychologie des peuples »[16] ; puis de Lilienfeld, qui intitulait un livre la Pathologie sociale[17] ; de Roberty[18], Novicow[19], Gumplowicz[20], de Greef[21], René Worms[22] et les nombreux auteurs de « l’Institut international de sociologie ».

M. Izoulet, dans sa trop fameuse Cité moderne (1895), a dépassé les invraisemblances de toutes ces élucubrations fantastiques, par l’invention de son grand animal « l’Hyperzoaire », être social qui résulte de notre association comme hommes. C’est l’ « Hyperzoaire » qui nous donne l’âme et la vie ; c’est lui qui nous fait une raison et une justice ; et il est à chacun de nous ce que chacun de nous, pauvre petit Métozoaire, est aux innombrables Protozoaires ou cellules primordiales dont notre être est composé et dont notre cerveau pensant est la résultante[23].

Le danger commun de toutes les théories de l’organisme social, c’est l’omnipotence du pouvoir et la ruine de la liberté. Au point de vue économique, nous n’avons pas à y chercher autre chose ; mais effectivement, à coup sûr, sous quelque face qu’on le tourne, le système de Spencer, je veux dire l’assimilation de l’organisme social à l’organisme vivant, doit mener fatalement à l’exagération des droits de l’État sur l’individu. Comme l’a dit très justement M. Tarde, M. Novicow sait bien à quelle justification de l’absolutisme et de la réglementation phalanstérienne nous conduirait tout droit l’assimilation du gouvernement au cerveau[24]. »

On sait cependant que Spencer, bien qu’il ait pour ainsi dire inventé la théorie de l’organisme social, était individualiste. La Statique sociale, l’Homme en face de l’État (The man versus the State) et la Justice marquent à des degrés divers, selon les périodes de sa vie, sa tendance à retrancher sur le domaine de l’État pour agrandir le domaine de l’individu[25]. Nous ne nous chargeons point de dissiper ou d’éclaircir cette contradiction : nous la tenons pour irréductible, et les explications que le philosophe en a tentées, ne sont pas de nature à satisfaire les logiciens tant peu rigoureux[26].

Bien plus, pour des spiritualistes ou des chrétiens, ce n’est pas la comparaison entre l’âme et l’État, entre les membres du corps et les membres de la société, qui pourrait efficacement rassurer l’individu contre le despotisme de cette société, puisque l’assimilation voudrait précisément que l’État fût le principe de nos vies individuelles, comme l’âme est le principe qui infuse la vie dans nos membres et qui la leur retire quand lui-même s’en détache, il est exact sans doute que l’idée d’un organisme social était apparue déjà dans Platon[27] et même dans Aristote[28]. Mais si ce sont là des arguments pour perpétuer l’usage d’une métaphore devenue dangereuse, il ne faut pas oublier non plus que ni l’un ni l’autre de ces deux grands penseurs n’avaient assez solidement fondé la liberté de l’individu contre la puissance de l’État.

Il reste vrai que la thèse organique, celle que M. Izoulet a poussée jusqu’à ses dernières conséquences, mais dont il n’est point l’unique apôtre, contient en germe les pires tyrannies dans tous les ordres. Que deviennent l’homme et la liberté dans cette conception d’un être social doué d’une âme analogue à nos âmes et certainement supérieure à elles ? Nous ne sommes plus rien dans le grand être collectif. L’individu, fondu et absorbé dans la pâte sociale ou humanitaire, n’a pas plus de pouvoir que nous n’en attribuons à la moindre de nos propres cellules, alors que celles-ci, dépourvues selon nous de conscience et de vie personnelle, reçoivent de notre âme même la vie et le principe du mouvement.

Les sociologues de ces écoles ont parfois la franchise de convenir de cet anéantissement du moi.

« Ce que la sociologie entreprend — dit un des plus renommés d’entre eux, M. Gumplowicz — ce n’est au fond pas moins que de changer fondamentalement les opinions : de l’homme sur son propre moi intellectuel. Déjà l’insignifiance complète de l’individu dans la marche de révolution humaine est une thèse qui ne peut que médiocrement plaire à l’individu qui se croit seigneur et couronnement de la création. Cette insignifiance complète de l’individu — sa libre volonté comprise — est un pilier fondamental de la sociologie… Celle-ci enseigne que l’homme pense et agit… uniquement dans le sens de son groupe, et que le groupe mène sa vie propre, sur laquelle l’individu n’exerce aucune influence[29]. »

Au point de vue pratique, tous ces systèmes ont le grave défaut d’enfanter des « théories d’irresponsabilité », comme des socialistes sont eux-mêmes obligés d’en convenir. Alors c’est dans la contrainte socialiste qu’ils sont amenés à se rejeter, ne trouvant guère autre chose, d’ailleurs, que de grands mots et de grandes phrases pour prédire l’universel accomplissement des devoirs d’altruisme[30]. Non, ce n’est pas avec cela que l’on entraîne des volontés hésitant entre le devoir et l’intérêt ; et la morale, quoi qu’on dise, restera individualiste ou bien disparaîtra.

Nulle théorie philosophique n’avait rêvé un plus dégradant esclavage. Il n’est, hélas ! que le juste châtiment de ceux que leur orgueil avait portés à se révolter contre la vieille philosophie et la vieille foi. C’est en elles pourtant qu’on aime à se réfugier pour garder la conscience de sa liberté, le sentiment de sa responsabilité et la certitude non moins encourageante de l’action qu’on peut exercer autour de soi pour le bien des autres.

L’économie politique libérale ne pourra donc jamais frayer avec la sociologie évolutionniste, puisque le triomphe de cette sociologie serait la ruine de toute liberté.

Nous nous étonnons même, quant à nous, que des auteurs, parmi les catholiques sociaux, aient accepté aussi complaisamment qu’ils l’ont fait, les théories et les formules de l’organisme social[31]. Même cette expression « organisme social » nous semble imprudente et dangereuse, non seulement parce que l’évolutionnisme matérialiste et spencérien l’a mise en grande faveur, mais aussi parce qu’elle implique logiquement, comme on l’a vu plus haut, une véritable similitude entre l’âme et l’État, similitude qui est ou bien radicalement fausse ou bien inconciliable avec la liberté morale et civile des individus, c’est-à-dire inconciliable avec leur personnalité. L’âme est une substance pensante : l’État n’est ni pensant, ni substance.

Par malheur aussi, ceux des chrétiens sociaux qui se sont prononcés si énergiquement pour la thèse de l’organisme social, ne l’ont fait que pour y trouver des arguments d’analogie en faveur d’un accroissement des pouvoirs et des devoirs de l’État. Ils l’ont bien montré, en effet, quand ils ont proclamé que « l’idée chrétienne de l’organisme moral de la société et son application pratique absolue sont le secret du salut social[32] ». Or, l’État est le seul rouage visible de la société, comme il en est le seul mandataire apparent, de telle sorte que dans la pratique le socialisme d’État soit fatalement au bout de la formule de l’organisme social.

Mais nous devons nous demander si ceux des évolutionnistes qui adoptent cette formule et qui, eux, ne sont pas modérés, comme les chrétiens sociaux, par leurs croyances religieuses, ne doivent pas être emportés d’un bond jusqu’au socialisme sans épithète. Plus généralement, est-ce que les darwinistes, quels que soient d’ailleurs leurs liens avec l’école organique ou bien avec l’école ethnographique, ne doivent pas passer au socialisme révolutionnaire ?

Il y a eu sur ce point un grand débat au congrès des naturalistes tenu à Iéna en 1877. Virchow y soutenait que l’évolutionnisme darwinien mène au socialisme ; Hæckel défendait l’opinion contraire.

Qui des deux avait raison ?

Comme Virchow, M. Enrico Ferri, professeur à l’Université de Rome et socialiste plus encore que sociologue, croit à la fatalité de la marche vers le socialisme par la puissance des idées darwiniennes[33]. Nous sommes de son avis. Nous croyons, bien que ce soit au rebours de toute logique, à une filiation morale, quoique non intellectuelle, qui rattache le socialisme démocratique, considéré comme une doctrine économique, au darwinisme et à l’évolutionnisme spencérien, considérés comme des systèmes de philosophie. Aussi l’organe officieux des socialistes allemands, le Sozial-Demokrat, faisait-il une œuvre de justice en proclamant en 1882, au moment de la mort du célèbre naturaliste, que « le prolétariat qui lutte pour l’émancipation, se fera toujours un honneur et un devoir d’honorer la mémoire de Charles Darwin[34] ». Est-ce que la moralité absolue du struggle for life, salué comme la loi suprême de la nature, ne légitime pas forcément toutes les violences et toutes les conquêtes de la foule, si cette foule a seulement l’intelligence de s’unir pour la lutte des classes ? Les masses ne comprendront jamais les illogismes d’une théorie, jusqu’au point de faire fléchir leurs passions devant eux.

Et cependant ces illogismes peuvent bien exister ! Nous croyons même que M. Otto Ammon, darwiniste et néanmoins réactionnaire convaincu, en a fait une démonstration suffisante[35].

En effet, si tout ce qui existe s’est formé progressivement et s’est naturellement adapté aux besoins (ce qui est la théorie darwinienne), comment se fait-il donc que l’ordre social soit la seule chose qui se soit formée sur de fausses bases et qui doive être reconstruite complètement à nouveau, d’après un plan délibéré et systématique (ce qui est bien la théorie socialiste)[36] ? L’argument, on le voit, ne manque pas de force. Et Ammon, dont l’œuvre originale mérite une sérieuse attention, tire du darwinisme et de l’histoire toute une série de propositions pour démontrer que les inégalités individuelles, même celles qui existent dans la jouissance des biens, sont indispensables au bien-être et au progrès de la collectivité tout entière, parce que « la formation des classes, en limitant la panmixie, favorise la production plus fréquente d’individus supérieurement doués ; parce que l’isolement des classes favorisées rend possible une éducation plus soignée de leurs enfants ; parce que la supériorité de l’alimentation et l’absence de préoccupations dans ces classes stimulent l’activité des facultés psychiques supérieures ; enfin, parce que le bien-être matériel de ces classes plus élevées excite les classes inférieures à déployer le meilleur de leurs forces par la concurrence, pour participer à leur tour à ces conditions d’existence plus favorables[37].

Il est difficile, en effet, de contester l’opposition entre les théories évolutionnistes, d’une part, et les théories égalitaires et socialistes d’une autre. Et cela, non pas seulement en ce qui concerne le struggle for life de Darwin, c’est-à-dire la concurrencé ou l’élimination des plus faibles par les plus forts, mais aussi en ce qui concerne les lois d’hérédité et de différenciation que Lamarck et Milne-Edwards ont formulées. Suivant eux, les qualités des individus s’incrustent pour ainsi dire dans leur race ; et ainsi les éléments des organismes vont se spécifiant sans réserve et sans retour. Or, s’il était vrai que les mêmes règles régissent à la fois révolution, des sociétés et l’évolution de la vie, comment le terme de l’évolution sociale serait-il une société socialiste dont tous les membres seraient égaux et semblables en facultés et en aptitudes, pour pouvoir être égaux en droits ? M. Bouglé, tout en reconnaissant que « la différenciation, l’hérédité et la concurrence sont les inflexibles gardiennes du progrès universel[38] », n’a que la ressource de présenter ces lois comme « moins inflexibles et moins impératives qu’on n’essayait de nous le faire croire[39] », en ajoutant que si l’intervention des naturalistes était « utile pour réagir contre l’orgueil insolent du spiritualisme[40] », leurs lois n’en ont pas moins à s’incliner devant les « exigences croissantes de la conscience publique, qui reconnaît de plus en plus ce droit à toutes les personnalités[41] ». Il s’ensuit tout simplement, selon lui, la preuve de « l’incompétence de la morale scientifique[42] ».

La théorie de Spencer sur le progrès par la différenciation des éléments constitutifs n’est pas moins inconciliable avec l’égalitarisme démocratique. Il est parfaitement vrai que les êtres vivants comparés les uns aux autres sont d’autant plus parfaits que leur, composition est plus hétérogène, et que leurs cellules ou leurs organes sont moins semblables entre eux. Aussi reste-t-il difficile, de concevoir qu’une société, tout à l’inverse, puisse être d’autant plus parfaite que les individus, qui en sont les éléments constitutifs, y seront plus égaux entre eux, plus interchangeables, et qu’ils y pourront être plus facilement substitués les uns aux autres dans leurs fonctions sociales.

L’idéal, a-t-on essayé cependant de nous dire, serait de rendre possible cette substitution mutuelle de tous à tous.

Eh bien, non, il n’en saurait être assurément ainsi. Historiquement, les sociétés qui-sont le moins éloignées de ce prétendu idéal, sont les sociétés les moins avancées et les peuplades les plus sauvages, dans lesquelles, en effet, l’on ne constate guère d’autres différences que celles de l’âge et du sexe. Chacun s’y livre aux mêmes travaux, chacun y cumule les mêmes professions, et personne n’y sait plus que les autres, parce que personne n’y sait rien. La différenciation marque tout au contraire le progrès, au sein de l’ordre et de la hiérarchie. Donc, sur ce terrain encore, les théories naturalistes sont logiquement hostiles aux prétentions de la démocratie.

Avec ces dernières considérations nous rentrons dans des vues d’un ordre plus nettement économique. En tout cas, au moment de nous engager dans l’étude du socialisme, nous avons pensé qu’un rapide aperçu des principales idées sociologiques, dans leurs points de contact avec des questions économiques, ne devait pas être sans utilité pour expliquer les effrayantes conquêtes que le socialisme a faites sous nos yeux dans le monde de la science et de la philosophie contemporaines.




    et en pratique, des principes socialistes » (P. Pachtler, le But du socialisme et les idées libérales, trad. franc., 1893, pp. 44 et 56). — C’est évidemment d’un tout autre libéralisme qu’il devrait s’agir. Précisément les économistes libéraux de France et d’Angleterre ont toujours été et sont toujours les plus grands adversaires de l’action de l’État ; et en proclamant la force invincible des lois naturelles avec la fatalité des conséquences économiques de tout acte humain de cet ordre, ils nient aussi complètement que possible l’omnipotence de l’État. Ceux qui croient à l’omnipotence de l’État, ce sont bien plutôt ceux des chrétiens sociaux qui redemandent, comme le R. P. Lehm-Kühl (Theologia moralis, 3e édition, p. 715, citée par Claudio Jannet dans Capital, spéculation et finance au XIXe siècle, pp. 199-203), la « taxation universelle des salaires et des produits ». — Le reproche fait à l’école libérale d’avoir enfanté le socialisme et de l’avoir pour ainsi dire renfermé dans ses formules, inspire en partie les Éléments de science sociale du P. Antoine (voyez surtout op. cit., pp. 281 et s.). Le P. Antoine faisait même grief à l’école libérale d’avoir fomenté le socialisme avec la formule par laquelle s’ouvre la Richesse des nations : « Le travail d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation », etc., sans remarquer que cette phrase avait passé tout entière, et comme en traduction, dans l’Encyclique Rerum novarum de Léon XIII, § 41 : « Non aliunde quam ex opificum labore gigni divitias civitatum » (P. Antoine, Éléments de science sociale, 1893, p. 388).

    pp. 467 et s.). — Nous nous garderions cependant d’admettre d’une manière générale les opinions de M. Michel, qui est un adepte du socialisme d’État et dont les idées historiques sur la Révolution ne sauraient être acceptées.

  1. « Le christianisme, dit M. d’Eichtal, a péché par l’exagération qu’il a donnée à la personnalité individuelle » (Eugène d’Eichtal, Socialisme et problèmes sociaux, 1899, p. 188). — Cette opinion est actuellement très répandue parmi nos adversaires de toutes les écoles socialistes, ignorants volontaires des œuvres merveilleuses que notre charité chrétienne, fondée sur la notion du devoir individuel, a été seule capable d’imaginer et d’accomplir là où l’altruisme et la solidarité demeuraient impuissants et stériles.
  2. M. G. Palante (Précis de sociologie, Paris, 1901, p. 174) donne cette définition : « L’individualisme est une doctrine qui, au lieu de subordonner l’individu à la collectivité, pose en principe que l’individu a une fin en lui-même ; qu’en fait et en droit il possède une valeur propre et une existence autonome ». — Si cette définition est aussi exacte qu’elle est étymologique, il est bien difficile de contester le caractère individualiste du dogme et de la morale évangélique. Nous nous gardons bien d’ailleurs de le contester. On peut consulter, sur le caractère essentiellement personnel et individualiste de la morale chrétienne, notre travail le Christianisme et la Solidarité ? paru dans la revue l’Université catholique, n° de mars 1906.
  3. Monet, chevalier de Lamarck (1744-1829), auteur de nombreux ouvrages de botanique et notamment de la Philosophie zoologique, parue en 1809. C’est là que se trouvent les éléments de cette théorie.
  4. Auguste Comte, Cours de philosophie positive, t. IV, passim. — Item, Système de politique positive, 1851, pp. 329, 335, etc.
  5. Tammeo, professeur à l’Université de Naples, la Statistica, 1896, p. 67.
  6. Tarde, Études de psychologie sociale (le Transformisme social), 1898, p. 99. — M. Tarde, chef de bureau au ministère de la justice, est l’auteur de la Logique sociale, des Transformations du droit, des Lois de l’imitation, etc.
  7. Tarde, Études de psychologie sociale, (l’Idée de l’organisme social), p. 126.
  8. Alfred Fouillée, Science sociale contemporaine, pp. 110 et 227.
  9. Giddings, Principes de sociologie, trad. franç., 1897, p. 358. — Contre la théorie organique, voyez aussi M. Hauser, l’Enseignement des sciences sociales, 1903.
  10. Novicow (professeur à l’Université d’Odessa), Conscience et volonté sociales, 1897, p. 1.
  11. Parlant des efforts de M. René Worms pour rajeunir la thèse de l’organisme social, M. Tarde (Études de psychologie sociale, p. 120) le félicite ironiquement « d’avoir, voulu rendre à la sociologie ce service entre bien d’autres, de pousser à bout cette vieille métaphore qui date des Grecs, à tel point que la science sociale en soit débarrassée définitivement… Ce n’est, ajoute-t-il, que la dernière flammèche d’une lampe qui s’éteint. »
  12. Espinas, les Sociétés animales, p. 540. — Voyez dans Henri Michel (l’Idée de l’Etat) les justes critiques dirigées contre M. Espinas (Op. cit.,
  13. Principes de sociologie, tr. fr., p. 190.
  14. Combes de Lestrade, p. 7 de la préface aux Principes de sociologie de Giddings.
  15. Bau und Leben des socialen Koerpers, Tübingen, 1875-1878. — Nous retrouverons plus tard Schæffle à propos du socialisme scientifique.
  16. Soutenue par la Zeitschrift fur die Voelkerpsychologie (1860-1870). — Lazarus est aussi l’auteur de Das Leben der Seele.
  17. Lilienfeld, auteur aussi de Gedanken über die Socialwissenschaft der Zukunft, 1871. — « La condition sine qua non, dit Lilienfeld, pour que la sociologie puisse être élevée au rang d’une science positive, c’est que la société humaine soit considérée comme un organisme vivant réel, composé de cellules à l’égal des organismes individuels de la nature » (Lilienfeld, Méthode d’induction ou méthode organique appliquée à l’étude des phénomènes sociaux, dans les « Annales de l’Institut international de sociologie », t. I, 1896, p. 45). — C’est le même Lilienfeld qui soutient — sans rire ! — que « l’homme de l’avenir sera moins salace ( ?) et moins prolifique », parce que, grâce à la « capitalisation continue des énergies psychophysiques », le développement de la raison sera beaucoup plus précoce sans que celui des passions le soit davantage. Donc on n’aura plus à s’inquiéter de l’overpopulation qui effrayait Malthus (Ibid., pp. 114-115).
  18. Auteur de la Sociologie.
  19. Novicow, Conscience et volonté sociales, ouvrage déjà cité.
  20. Gumplowicz, professeur à l’Université de Gratz, auteur du Précis de sociologie, de Sociologie et politique, etc., etc.
  21. De Greef, professeur à l’Université de Gand, auteur de l’Introduction à la sociologie et du Transformisme social, 1895.
  22. René "Worms, « secrétaire général de l’Institut international de sociologie ». — M. Worms en est revenu. Obligé d’opter entre « l’organisme » et le « contractualisme », M. Worms avoue qu’il avait été un « organiste » et même intransigeant (Philosophie des sciences sociales, t. I, 1903, pp. 47 et s.) : mais il s’est rallié à la « doctrine transactionnelle » de M. Fouillée et se prononce maintenant pour un « superorganisme » (Ibid., p. 55).
  23. Izoulet, professeur de philosophie au lycée Condorcet, puis professeur au Collège de France. — Voyez la critique que nous avons faite de la Cité moderne dans la Revue catholique des Institutions et du Droit, nos de novembre et décembre 1897.
  24. Tarde, Annales de l’Institut international de sociologie, t. IV, 1898, p.253. — Voyez la réfutation par Novicow, même publication, t. V, 1899, p. 103.
  25. Sur « l’individualisme sociologique » de Spencer, voyez Schatz, l’Individualisme, IIe partie, ch. vin, pp. 429 et s.
  26. Voyez sur cette difficulté Henri Michel, l’Idée de l’État, 1896, pp. 462 et s.
  27. Platon, République, 1. II, III et IV, passim ; — Lois, 1. VIII.
  28. Aristote, Politique, 1. I, ch. xi. — Voyez sur ce point Souchon, Théories économiques dans la Grèce antique, pp. 59-61.
  29. Gumplowicz, Sociologie et politique, trad. franc., pp. 138-139.— M. Penjon, professeur de philosophie à l’Université de Lille, dans son mémoire l’Énigme sociale (1902), publié aux frais et par les soins de l’Université de Lille, enseigne que le conflit entre là cupidité des uns et les besoins des autres ne procède que de la fausse idée que nous nous faisons de nous-mêmes, en nous imaginant « que nous sommes des substances, ou des personnes » (Op. cit., p. 5). « Le vrai progrès viendra, dit-il encore, lorsque nous aurons répudié cette idée de personnes et de substances qui est le principe de l’égoïsme » (Ibid., pp. 93-98).
  30. M. Durkheim le fonde sur la division du travail. C’est cette division du travail qui « crée entre les hommes tout un système de droits et de devoirs les liant les uns aux autres d’une manière durable » (De la Division du travail social, 2e édition, 1902, pp. 267 et 403). — M. Fournière, ne croyant plus au « frein ni à la sanction d’une religion que la raison rejette », ni à la « vitesse acquise des morales religieuses », qui bientôt « n’auront plus aucune efficacité », ni à la « morale pure » ; qui n’a pas de « bases », en appelle à l’unique socialisme. « Le socialisme vient à point, dit-il, avec ses justices, ses réparations réelles, donner à l’utilité sociale toute sa force moralisante, non en paroles et en préceptes, mais en action…Il n’est pas téméraire de prévoir un temps où l’individu sentira vivre suffisamment en lui l’espèce pour que toute notion de droit, de devoir, et conséquemment de morale contraignante se fonde en un sentiment très simple et très harmonieux » (Théories socialistes au XIXe siècle, 1904, p. 48). Nous rappelons que M. Fournière a été chargé de professer cette morale socialiste à l’École polytechnique.
  31. Citons entre autres les Principes fondamentaux de la sociologie chrétienne, par le R. P. Meyer, S.J. (tr. fr., 1893). « On n’a pas besoin, dit-il, d’être philosophe pour percevoir la frappante analogie qui établit une parfaite similitude entre l’organisation sociale et l’existence individuelle et personnelle de l’homme, sans supprimer pour cela les différences essentielles… À proprement parler, il y a, dans la société organisée, deux organismes moraux, qui sont toutefois substantiellement unis entre eux comme l’âme et le corps. L’un est constitutif, l’autre gouverne ou administre. Le premier est pour ainsi dire la matière organique de la société ; il commence, croit, se forme, se développe en même temps que la société et ne fait qu’un avec elle. Il forme les os et les nerfs du corps social. Aussi c’est d’abord sur lui que, dans toute société, doit se baser la formation du droit. Le droit est, en effet, le système des tendons et des muscles… L’organisme administrateur a son siège dans l’autorité. Ce second organisme présuppose le premier ; qu’il doit reconnaître, protéger et favoriser, de même que l’âme reconnaît, protège et favorise l’organisme du corps qu’elle gouverne… » (Il a été expliqué plus haut (op. cit. p. 40) que « chaque partie de l’organisme naturel, une fois animée par le principe vital, a son activité propre et intrinsèque, parfaitement différente du moteur central » )… « Ce principe, quêta structure organique propre à l’homme individu se produit pour ainsi dire similairement dans la structure naturelle de l’être social, est un fait péremptoirement démontré tant par la nature que par l’histoire… Saint Thomas pose directement l’idée de l’organisme vivant de la société comme fondement de la sociologie et du droit public. » Ici le R. P. Meyer invoque les livres III et IV du traité De regimine principum. Mais les allusions que ces livres III et IV font l’un à l’élection d’Albert d’Autriche en 1298, et l’autre à l’expédition de Charles VIII, roi de France, en Italie, en 1495, ne permettent pas d’attribuer à saint Thomas d’Aquin (mort en 1274) cette partie du De regimine principum (Voyez Meyer, Principes fondamentaux de la sociologie chrétienne, trad. franc., § 10, pp. 36, 41, 42, 43, 49). — Au contraire, le R. P. Castelein, S. J., dit textuellement ceci : « Il est faux que saint Thomas pose directement l’idée de l’organisme vivant de la société comme fondement de la sociologie et du droit public » (Institutiones philosophim moralis et socialis, p. 645 en note). — La question est judicieusement discutée dans un opuscule du R. P. Calmes, l’État, sa nature et ses fonctions, 1903.
  32. R. P. Meyer, op.cit., § 10, pp. 48 et s.
  33. Ferri, Socialismo e scienza positiva, Rome, 1894.
  34. Cité par Ferri, op. cit.
  35. Ammon, l’Ordre social et ses bases naturelles, Essai d’une anthroposociologie, trad. fr., Paris, 1900.
  36. Op. cit., p. 9.
  37. Op. cit., p. 129. — « Les darwinistes et les économistes, avait dit M. de Laveleye, qui prétendent que les sociétés humaines sont régies par des lois naturelles auxquelles il faut laisser libre cours, sont les vrais et seuls adversaires logiques à la fois et du socialisme et du christianisme… On ne peut comprendre par quel étrange aveuglement les socialistes adoptent les théories darwiniennes, qui condamnent leurs revendications égalitaires, et repoussent le christianisme d’où elles sont issues et qui les légitime » (De Laveleye, le Socialisme contemporain, introduction, 10e édition, pp. xviii et xix). — Nous nous expliquerons sur ce prétendu lien entre le christianisme et le socialisme : mais, si Laveleye a raison sur l’antagonisme logique du darwinisme et du socialisme, il est difficile de se tromper plus grossièrement qu’il ne fait quand il affirme l’inconciliabilité du christianisme et d’une théorie des lois naturelles. — Otto Effertz (les Antagonismes économiques, 1906, pp. 469-470) essaie une transaction : le darwinisme, dit-il, est en opposition avec le socialisme par sa « pointe sociologique », qui est le « capitalisme » ; mais sa « pointe métaphysique » est « l’athéisme et le mortalisme », et c’est, elle qui a séduit les socialistes. L’idée est juste, si par ailleurs la forme est prétentieuse autant que bizarre.
  38. Bouglé, la Démocratie devant la science, Études critiques sur l’hérédité, la concurrence et la différenciation, 1904, p. 283.
  39. Op. cit., p. 284.
  40. Ibid., p. 289.
  41. Ibid., p. 290.
  42. Ibid., p. 292.