Humour et humoristes/Paul Gavault
PAUL GAVAULT
Blond, si blond et si pâle, les yeux bleus, si bleus, couleur de myosotis, si ronds, si doux et si rêveurs, le corps un peu penché, un peu lassé, M. Gavault descend vers le boulevard. Barbouchat le suit, caniche noir, presqu’ourson, et comme il pleut, Barbouchat se précipite sur les passants, et par amusement les couvre de boue. M. Gavault regarde et sourit.
Ce sourire et ce regard symbolisent tout son talent. Comme ce sourire, son ironie est légère, et gaîment s’amuse de ceux qu’elle pique et d’elle-même. Comme ce regard, elle se voile cependant d’une tristesse discrète. M. Gavault semble rougir de notre pauvre humanité et la plaindre en même temps qu’il se divertit à la piloriser. Snobisme de naïfs jeunes gens provinciaux qui viennent chercher et pensent trouver à Paris, dans les lettres, gloire et richesse ; sécheresse de cœur, hypocrisie et avarice des vieux oncles riches et célibataires : M. Gavault ressent pour ces vices ou ces ridicules de la pitié et du dédain, et se plaît aussi à en tirer pour lui plus encore que pour les autres quelques sujets de joies tranquilles. J’imagine qu’il collectionne des railleries internes, et qu’aux heures d’ennui, il se distrait à les éveiller et à les savourer, dans la pénombre d’un cabinet silencieux.
Blond, si blond et si pâle, les yeux bleus, si bleus, couleur de myosotis, si ronds, si doux et si rêveurs, M. Gavault descend vers le boulevard. Barbouchat se précipite sur les passants.