Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Beauté de femme

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Beavté de femme. XIX.


ELle eſt peinte nuë, auec vne Guirlande de Lys & de Violettes, vn Dard en vne main, en l’autre vn Miroir, & vn Dragon eſpouuentable ſous elle.

On la couronne de Lys, à cauſe que cette fleur naturellement blanche, agreable, & ferme en ſes fueilles, eſt vn ancien Hieroglyphe de la Beauté ; bien que toutesfois elle ſe paſſe plus viſte que ne font les Violettes, qui pour cela ſont iointes à ſa Guirlande.

Le Dard dont elle bleſſe les cœurs, ne fait d’abord qu’vne bien legere playe, qui s’accroiſt neantmoins inſenſiblement, pource que la fléche s’enfonce peu à peu ſi auant, qu’il eſt difficile de la retirer. Par où il eſt demonſtré, Que les bleſſures d’Amour ſemblent douces au commencement, mais que le temps les enuenime, & les rend quelquefois incurables, tant s’en faut qu’il les gueriſſe.

Quant au Miroir qu’elle tient en main, c’eſt la Beauté meſme ; où plus vn Amant ſe regarde, & plus il ſe plaiſt à aimer l’objet qui luy eſt repreſenté, ſi bien que le plaiſir qu’il y prend luy en fait deſirer la joüiſſance.

Le Dragon ſur qui elle eſt aſſiſe, apprend aux Amans à ſe tenir ſur leurs gardes, pource qu’où la Beauté ſe rencontre, c’eſt là qu’ordinairement l’excez de l’Amour ſe meſle au venin de la Ialouſie.

Ie ne parle point de ſa nudité, qui veut dire que les Femmes, quelque mine qu’elles faſſent, ſe picquent ſi fort des beautez du corps, que pour les faire admirer, les moins honneſtes d’entr’elles, comme dit vn ancien Poëte, en eſtalleroient volontiers toutes les parties, ſi elles n’eſtoient retenuës par la honte, ou par la timidité qui eſt naturelle à leur ſexe.