Les Salaziennes/01

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Première

Salazienne.



L’ÉTOILE DU MATIN.


Lorsque tu souris à la terre,
Brillante étoile du matin,
Amant du calme et du mystère,
Que de fois je viens solitaire
Rêver à ton rayon lointain.

Marchant silencieux dans l’ombre,
Loin de tous les regards jaloux,
J’erre au hasard ainsi qu’une ombre,
Au reflet pâlissant et sombre
Dont se revêt ton front si doux.

Que j’aime à baigner ma paupière
Dans la molle et faible clarté,
Dans la vaporeuse lumière,
Dont tu remplis en ta carrière
Le vide de l’immensité !

Quand mon triste regard se lève
Pour te voir dans le firmament,
Dans mon sein ta lumière élève
Le vague enchantement d’un rêve,
Dont s’abreuve mon cœur aimant.

Je crois voir la celeste image
D’un ange au front candide et pur,
Comme une sylphide volage,
Se bercer au sein d’un nuage
Dont ses pieds effleurent l’azur.

Je crois voir l’amoureux Zéphyre
Sur ses pas divins voltiger ;
Et, plein du charme qui l’attire,
La caresser dans son délire
De son souffle doux et léger ;

Puis, de son haleine amoureuse,
Soulevant des plis onduleux,
Fuir sous sa robe vaporeuse,
Que l’étoile mystérieuse
Blanchit mollement de ses feux.

Descends, descends, forme angélique,
Descends, bel ange de bonheur,
Et sur mon front mélancolique
Viens ouvrir ton aîle pudique
Et te reposer sur mon cœur !

C’est l’heure où le zéphyr s’envole
Et se balance auprès des fleurs,
Pour murmurer dans leur corolle
Sa voluptueuse parole
Et s’enivrer de leurs odeurs.

C’est l’heure où la brise plaintive
Caresse les rameaux des bois ;
Où l’onde errante et fugitive,
Baisant le gazon de sa rive,
Élève une amoureuse voix ;

Où la timide tourterelle,
D’un œil entr’ouvert et charmé,
Regarde sommeiller près d’elle
Et voile du bout de son aile
Le front blanc de son bien-aimé ;

Où, s’appuyant calme et charmante
Sur ses bras mollement posés,
Ivre d’amour, la jeune amante
Répand sur une bouche aimante
Le plus doux miel de ses baisers.

C’est l’heure où l’onde qui murmure,
Où le Zéphyr et la beauté,
Où la fleur odorante et pure,
Où tout enfin dans la nature
Semble frémir de volupté.

Et moi dont l’âme surabonde
D’un céleste parfum d’amour,
Je n’ai pas un cœur dans ce monde
Où reposer ma tête blonde,
Qu’inclinent les ennuis du jour !

Descends, descends, forme angélique,
Descends, bel ange de bonheur ;
Et sur mon front mélancolique
Viens ouvrir ton aile pudique
Et te reposer sur mon cœur !