L’Angelus des sentes (recueil)/École buissonnière

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L’Angelus des SentesBibliothèque de l’Association (p. 47-48).
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École Buissonnière


À Albert Perrin

 
Bercé par les bouleaux, j’ai dormi cette nuit
Les cheveux dans les fleurs. Et je m’éveille au bruit
Que font les fleurs en s’éveillant. Dans la hêtrée,
La trompette des nids sonne une joie sacrée,
Et ce matin m’est doux comme un baiser de toi.
Les myrtils ploient leur front sous l’odorante loi
D’une brise qui prit son rire aux chèvrefeuilles.
Et je marche, les yeux fouettés de vertes feuilles,

Sous un dais de rayons et je ne pense à rien.
Je bois, comme un vin frais, l’amour aérien
Qui de chaque brin d’herbe émerveillé s’élève.
La candide forêt s’est parfumée de sève.
Elle épand des éclairs sous mes pas buissonniers
Et sa voix chante, avec la voix des chataîgniers,
L’éternelle douceur d’adorer et de vivre.
L’azur lave son front. Des tourterelles ivres
Se querellent de joie dans les lambrusques d’or.
Et le rameux sentier m’entr’ouvre un corridor
Que constellent les yeux des jacinthes qui jasent ;
Car toutes les clartés balbutient des extases
Et m’illuminent l’âme avec de tendres voix.
Des lys me tendent leurs calices et je bois,
Et m’attarde, enlacé de ramures aimantes,
Aux rires d’une églogue blonde dans les menthes…