L’Angelus des sentes (recueil)/L’Évangile

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L’Angelus des SentesBibliothèque de l’Association (p. 37-39).
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L’Évangile



 
J’errais au bois, portant des fleurs. Las de ma course
Je me suis, en passant, penché sur une source
Que cache un bosquet d’ombre, où jouent parfois des faons
Et j’ai bu son azur. Puis, elle a dit : « Enfant,
Tu prends dans tes deux mains mes étoilements d’aube
Pour qu’un peu de mon âme brille à ton luth probe
Et que ta joie se mêle aux rires singuliers
De la bacchante qui te suit dans les halliers.

Solitaire, tu sais entendre ma voix douce,
Tu comprends la pitié des feuilles sur la mousse
Et toute ta simplesse s’ouvre au roucoulis
Que frissonne en mourant la brise au cœur des lys.
Les cytises t’ont dit les odes aurorées
Dont tremble l’ombre. Mais tes roses déchirées
Par la ronce aux doigts noirs, pose-les près de moi !
Je veux, puisque tu viens me boire mon émoi,
Te confier tout bas mon amoureuse vie.
Le baiser brille au bout de mes flambes ravies,
Le chant des loriots me veille quand je dors,
Puis un satyre m’aime, et sur le sable d’or,
Ses pieds nus ont laissé d’éclatantes empreintes.
La flûte dont il joue sait les cadences saintes
Qui berçaient les bergers d’Arcadie, autrefois.
C’est le matin qu’il chante, et les vierges du bois,
Par d’étroites et verdoyantes avenues,
De ses accords charmées ! accourent toutes nues,
Et dansent sur mes bords, dans la rosée, aux sons
De son pipeau d’amour d’où sourdent les chansons.

Tu l’entendras. Il dort dans les fleurs. Sa demeure !
Un gave de houblons d’ondes pures l’effleure,
Et le néflier bleu l’abrite comme un toit.
Vite ! dans ce fourré de menthes cache-toi !
J’ai d’un clapotis clair interrompu le somme,
Et son réveil tressaille au bord des roses. Vois…
Les thyms déjà saluent sa radieuse voix.

Tu pourras répéter son évangile aux hommes ! »