Les Amours de Tristan/L’Incrédulité punie

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Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 140-141).


L’INCREDVLITÉ PVNIE.

STANCES.



L’Obiect eſt bien puny qui ne me croyoit pas
Lors que ie luy iurois en loüant ſes apas,
Que ſa ieune beauté par vne ſeule œillade,
        M’auoit rendu malade.

Pour voir ſi i’en parlois auecque verité,
L’imprudente obſtinée en ſa temerité,
Courant vers vn Miroir auec impatience,
        En fit l’experience.

Des feux refléchiſſants du criſtal dans ſes yeux,
Embraſerent ſoudain ce cœur audacieux,
Qui pour me ſecourir quand ie demandois grace,
        N’auoit que de la glace.

La chaleur eſtrangere a ſon ſang alteré ;
Et le haut mouuement du poux immoderé
Monſtre que ce beau corps recelle autant de flame,
        Que i’en ay dans mon ame.

De la pointe d’vn traict Amour ouure ſon bras,
Et faiſant rejallir des rubis ſur ſes dras,
Tire afin que le mal de la Belle s’alege,
        Du feu de cette neige.

Petit Barbier, de grace, espargne ce beau ſang ;
Crains-tu pour Amarante ? elle n’eſt point du rang
De ces freſles Beautez de qui les Deſtinées
        Ont borné les années.

La Mort n’a point d’empire où règne ſa beauté,
Tandis que le Soleil aura de la clarté,
Ses yeux qui m’ont rauy ma liberté premiere
        Auront de la lumiere.