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La Flore carbonifère du département de la Loire

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LA FLORE CARBONIFÈRE
DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE.

Un savant distingué, M. Grand’Eury, a fait de la flore des terrains houillers supérieurs, et notamment de ceux du bassin de Saint-Étienne, l’objet d’une nouvelle et importante étude dont les résultats, communiqués d’abord à l’Académie des sciences, ont été succinctement exposés par M. Ad. Brongniart dans un travail du plus haut intérêt[1].

Le paysage qui accompagne notre texte a été composé par M. A. Tissandier, d’après les dessins originaux de M. Grand’Eury. Les proportions, le port et la station de ces plantes y ont été rigoureusement observés ; ce dessin donne, par conséquent, une idée très-exacte de la flore houillère du bassin de Saint-Étienne. Le diagramme au trait est destiné à montrer la partie souterraine des végétaux et à en indiquer en même temps les dimensions exactes.

Le caractère essentiel de cette flore ancienne, celui qui contribue le plus à la physionomie particulière du paysage, est la prépondérance des cryptogames vasculaires qui comprennent les fougères, les lycopodiacées, les équisétacées.

Les fougères constituaient la famille la plus nombreuse en espèces, dont un grand nombre avaient des dimensions énormes. Ce que nous voyons ordinairement des Nevropteris et des Odontopteris, ne sont que les dernières divisions de feuilles qui avaient jusqu’à 5 à 6 mètres de longueur ; M. Grand’Eury a trouvé des fructifications d’Odontopteris qui permettent de ranger ce genre et le genre Nevropteris, qui en est très-voisin, dans la tribu des Marattiées.

Les Lepidodendrons, qui sont des Lycopodiacées arborescentes, manquent presque complètement à Saint-Étienne ; ils se trouvent beaucoup plus fréquemment dans les terrains houillers anciens ou moyens. Les Équisétacées, au contraire, occupent une part très-importante dans le terrain houiller du bassin de Saint-Étienne et dans la flore primitive en général. Aujourd’hui cette famille n’est plus représentée que par un seul genre composé de végétaux de petite taille connus sous le nom de prêles qui croissent dans les terrains marécageux.

Un regard sur notre gravure, dont la moitié gauche est exclusivement composée de ces prêles gigantesques, suffit pour montrer au lecteur combien ces plantes étaient variées et à quel développement elles atteignaient à cette époque. Tous ces végétaux se reconnaissent à leurs tiges marquées d’articulations dont les intervalles sont sillonnés de stries parallèles. Les travaux de M. Grand’Eury ont conduit ce savant à y établir une division entre les vraies Calamites et les Calamodendrées. Il a suivi les Calamites dans tout leur développement ; elles ont des rhizomes rampants, articulés, ou des bases de tiges dressées donnant naissance à des racines et produisant des bourgeons souterrains comme nos Équisétacées actuels (voy. la gravure au trait). Les tiges des Calamites sont droites et le plus souvent simples, mais quelquefois ramifiées, comme dans les Calamites ramosus, dont les branches se terminent par de petits rameaux qui n’ont souvent que quelques millimètres de diamètre. Les Calamites paraissent avoir été des plantes herbacées fistuleuses et se rapprochaient, par conséquent, de nos prêles, malgré leurs dimensions ; elles s’en distinguaient pourtant par l’absence de gaines et de toute espèce d’organes appendiculaires.

Les Calamodendrées sont des Équisétacées arborescentes, dont les rameaux et les jeunes tiges portent des feuilles verticillées et dont les tiges renferment un cylindre ligneux entourant une large moelle. Elles renferment deux genres distincts : les Calamodendrons, et les Arthropitys. Sous le nom provisoire de Calamophyllites, M. Grand’Eury entend des tiges portant des feuilles longues et étroites, verticillées, dressées, souvent appliquées contre la tige et qui paraissent être identiques avec les anciens Asterophyllites. Les Dicotylédonées gymnospermes (Conifères et Cycadées) paraissent avoir formé la plus grande partie des végétaux terrestres et ont beaucoup contribué à la formation de la houille. Le Flabellaria brassifolia, qu’on avait pris autrefois pour un palmier, est devenu le type du genre Cordaïtes, à côté duquel vient se placer le genre Noggerathia. Ces derniers sont rares dans le bassin de Saint-Étienne ; mais les Cordaïtes y sont très-abondants et très-variés ; ils ont des feuilles sessiles, rétrécies à la base et ressemblent aux Dammara de la végétation actuelle par leurs organes végétatifs, et, par leurs fructifications, aux Taxinées ; les rameaux sont très-divisés et forment des embranchements successifs à divisions alternes dressées ou étalées. Les arbres qui se trouvent à la droite de la gravure peuvent donner une bonne idée du port de ces végétaux. Ils avaient souvent 20 à 30 mètres et plus d’élévation ; le tronc était droit et nu, la couronne très-ramifiée et les branches se terminaient chacune par un bouquet de longues feuilles comme celles des Yucca ; ou, dans d’autres cas, plus courtes, elliptiques, comme celles des Dammara.

Les Sigillaria, qui paraissent devoir se classer parmi les Dicotylédonées gymnospermes, à côté des Cycadées, avec leurs racines connues sous le nom de Stigmaria, sont également assez fréquents à Saint-Étienne. M. Grand’Eury divise le système stéphanais en divers étages établis sur des différences notables de flore et de végétation ; dans les couches inférieures, ce sont les Cordaïtes qui prédominent ; dans les couches moyennes, les fougères sont les végétaux les plus abondants et les plus variés ; les Calamites, les Calamodendrons, les Annularia caractérisent plus particulièrement l’étage supérieur. Grâce à ses persévérantes recherches, de véritables richesses fossiles sont sorties des bassins houillers de Saint-Étienne, et la science de la flore antédiluvienne s’est accrue de documents nouveaux, que nous sommes heureux de faire connaître à nos lecteurs.

L’époque houillère, à laquelle correspondent les dépôts immenses de charbon qui sont devenus pour l’industrie moderne une nécessité et une source, pour ainsi dire, intarissable de richesses, présente un intérêt non moins grand pour celui qui veut étudier la nature des végétaux de cette époque et qui les compare à ceux qui couvrent aujourd’hui la surface du globe.

La flore de l’époque houillère remonte, en effet, jusqu’à l’origine du règne végétal ; les végétaux dont on trouve les restes dans les terrains de transition qui précèdent les terrains houillers sont peu nombreux et ne diffèrent guère des végétaux de l’époque houillère ; ceux-ci peuvent donc être considérés comme la végétation primitive.

Au commencement, les terres émergées nourrissaient un certain nombre de plantes ; cette végétation, faible et peu nombreuse d’abord, a augmenté progressivement et n’a atteint son maximum de développement que vers la fin de l’époque houillère, où nous la trouvons représentée par des forêts immenses qui couvraient une bonne partie de la surface des terres émergées.

M. Élie de Beaumont a calculé la quantité de carbone que produisent annuellement nos forêts actuelles ; d’après ces calculs, il ne pourrait se former sur l’étendue des dépôts houillers que 0m,016 de ce combustible en un siècle. Dumont a compté à Liège 85 couches de houille, dont quelques-unes ont 2 mètres et au delà d’épaisseur ; admettons, pour ces couches, une épaisseur moyenne de 0m,60 : nous aurons un dépôt pour la formation duquel il aurait fallu à peu près 300 000 ans de nos forêts.

La flore carbonifère des houillères de la Loire.

Un premier examen de cette flore si ancienne nous met en présence de deux faits d’une importance capitale : malgré la différence qui existe entre ces végétaux anciens et ceux qui couvrent actuellement notre globe, les lois générales d’organisation végétale n’ont nullement changé et les formes qu’on y rencontre se rattachent plus ou moins directement à quelques-unes des formes qui existent encore de nos jours.

La flore houillère nécessitait un climat chaud et des conditions de température et d’humidité uniformes ; la proportion considérable d’acide carbonique dont l’atmosphère était chargée peut expliquer en partie la force et l’exubérance de cette végétation, dont le principal effet consistait à fixer une grande quantité de carbone en purifiant l’atmosphère.

On a reconnu parmi les formations carbonifères anciennes trois positions géologiques différentes auxquelles correspondent trois flores qui présentent des différences très-prononcées. Les terrains houillers les plus anciens de France sont ceux de l’Ouest, compris dans les départements de Maine-et-Loire et de la Loire-Inférieure. Ceux des départements du Nord, qui paraissent être contemporains de ceux de la Belgique, de l’Angleterre et de la plupart de ceux de l’Allemagne, viennent ensuite. Enfin ceux qui entourent le plateau central de France sont les plus récents.

Reconstruction de la flore houillère du bassin de Saint-Étienne (d’après les découvertes de M. Grand’Eury).

Les admirables travaux que nous venons de passer en revue jettent un jour nouveau sur l’histoire des plantes fossiles des houillères, en même temps qu’ils apportent au penseur et au philosophe de nouveaux sujets de méditations sur les évolutions du globe terrestre.

Comme l’a dit l’illustre Cuvier, « si l’on met de l’intérêt à suivre dans l’enfance de notre espèce les traces presque effacées de tant de nations éteintes, comment n’en mettrait-on pas aussi à rechercher dans les ténèbres de l’enfance de la terre les traces de révolutions antérieures à l’existence de toutes les nations ? Nous admirons la force par laquelle l’esprit humain a mesuré les mouvements du globe, que la nature semblait avoir pour jamais soustraits à notre vue ; le génie et la science ont franchi les limites du temps ! »


  1. Annales des sciences naturelles ; Botanique ; 5e série t. XVI.