La Muse gaillarde/La Cage

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La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 221-223).
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LA CAGE


Ma tête est une étrange cage
Où dorment mille oiseaux siffleurs ;
Ils sont jolis comme des fleurs,
Sous leur divertissant plumage.

Si je veux troubler leur sommeil
Et faire chanter des l’aurore
Cette cage multicolore,
je bois un peu de vin vermeil.

Aussitôt commence la fête :
Fauvettes, merles et pinsons

M’assourdissent de leurs chansons
Et tourbillonnent dans ma tête.

Le rossignol donne le la,
Il possède toute la lyre ;
Et l’alouette tirelire
Tirelire lire lan la.

Le vif courcaillet de la caille
Se mêle aux trilles du linot,
Et le misérable moineau
Y va de son refrain canaille.

C’est un vacarme s’il en fut,
À peine si je m’entends vivre ;
Ces bougres-là me rendent ivre
Avec leur terrible raffut.

En tout cas ils sont gais, les pauvres,
Ils sifflent, d’après leurs aïeux,
Les dialectes merveilleux
Que l’on parle dans les Hanovres.

Ce sont mélanges assortis
De volapük et de kabyle,
Où le cochon le plus habile
Ne trouverait pas ses petits,

D’indéchiffrables ulalumes !
Il n’est pas jusqu’au perroquet

Qui ne jappe comme un roquet,
Le détestable singe à plumes !

Pépiez, gringottez en chœur
Dans ce désordre mémorable,
Faites un tapage du diable,
Chers petits oiseaux de mon cœur ;

Pour vous sortir de la nuit noire
Et vous voir naître à la gaîté,
Grâce à ce vin fait de clarté,
Je passerais mon temps à boire.