Œuvres de Vadé/La Canadienne
LA
CANADIENNE
LA MARQUISE.
LA COMTESSE, sa sœur.
DORIMONT, père de Julie.
JULIE, sous le nom de Zinca.
LE CHEVALIER, fils de la marquise.
LISETTE, suivante de la Marquise.
FRONTIN, valet du chevalier.
BRIGANTIN, maître-d’hôtel de la marquise.
Scène première
De bonne foi, Monsieur, vous donnez là-dedans ?
Moi qui n’ai pour esprit que fort peu de bon sens ;
Je ne croirais jamais de telles impostures ;
Car, tenez, ces diseurs de bonnes aventures
Finissent toujours mal. S’ils, devinaient enfin ;
Ils sauraient se prédire une meilleure fin.
De ces gens quelquefois la science est bornée :
Mais celui qui fans fard m’apprit ma destinée,
Sur le passé si bien a su me définir,
Que mon esprit frappé le croit sur l’avenir.
C’est lui qui m’a prédit qu’une Canadienne,
Par sa flamme, bientôt allumerait la mienne,
Et ferait mon bonheur. J’en suis certain.
C’est-à-dire, qu’il faut vous suivre en Canada ?
Ma foi, votre valet. Qui voudra partir, parte.
Si j’aime à voyager, ce n’est que sur la carte :
On y voit sans danger les Indes, le Pérou :
Mais courir jusques-là ? Je ne fuis pas si fou
Voir cent originaux, ne connaître personne ;
Des voleurs en chemin, qui veulent qu’on leur donne
Habit, bourse, cheval… Oh ! J’en suis dégoûté.
Mais du moins sur la carte on marche en sûreté.
Qui te parle, dis-moi, de faire ce voyage ?
La marquise, à mon goût s’oppose.
Vous ne vous piquez pas de trop lui ressembler.
C’est une mère unique.
De bontés, de bienfaits.
Remplissez son attente ;
Et croyez un peu moins madame votre tante,
Qui vous entretenant dans cette vision,
Vous rendra ce qu’elle est… Oui… si l’expression
De folle n’était pas un tant soit peu trop sotte,
Je risquerais le mot.
Faquin…
Mais la voici. Filons doux à ses yeux.
Scène II
Ah !… j’espérais trouver la marquise en ces lieux.
Eh bien ! A-t-on gagné quelque chose sur elle ?
(À Frontin.)
Que fais-tu là, toi ?
Moi ? Comme un valet fidèle ;
Je tâchais d’exhorter mon maître à son devoir,
D’obéir à sa mère.
Chevalier, tenez bon ; que votre complaisance
N’aille pas sur le sort emporter la balance.
Suivez le vôtre, enfin, puisqu’on vous l’a prédit ;
Les devins savent tout, je vous l’ai déjà dit.
Moi-même, sans pourtant être bien curieuse,
J’ai su tout d’une femme à mon gré merveilleuse ;
Dont presque tout Paris fut très-longtemps coiffé ;
On lisait son destin dans du marc de café.
À l’article frappant des tendres anecdotes,
Les plus prudes souvent devenaient les plus sottes ;
Les unes par dépit, les autres par regret :
Mais la femme et l’amour étant seuls du secret,
On prenait aisément son parti sur le reste.
Ma curiosité ne peut m’être funeste,
Puisqu’on m’a présagé les plus heureux liens.
On peut être crédule ainsi que les anciens.
Ah ! Si les anciens croyaient aux balivernes,
Ce goût n’a pas gagné la plupart des modernes,
Qui, quoique leurs travers soient partout attestés,
Ne daignent seulement pas croire aux vérités.
Les fous ne veulent pas, encor que l’on leur prouve,
Convenir qu’ils le sont.
Que tu prends avec nous un ton bien familier.
C’est que…
C’est que… Va-t-en.
Je sors, crainte de voir mal payer ma franchise.
Mais vous n’y perdrez rien, car voici la Marquise.
Scène III
Hé bien, mon fils ! Peut-on sur votre entêtement
Vous dire encore un mot ? Quoi ! Raisonnablement
Pouvez-vous renoncer à l’aimable Julie,
Et vous livrant en proie à votre fantaisie,
Préférer votre erreur au plus tendre lien ?
Je veux votre bonheur, vous détruisez le mien.
Je vous dois tout, madame ; et ma reconnaissance…
Paye tant de bienfaits par une extravagance.
Ma Sœur, ménagez-le…
Que de suivre son goût, ou plutôt son destin.
Je le sais, comme vous, Julie est jeune, aimable,
Riche… Mais je me forge une idée agréable
D’être aimé d’un objet, qui, changeant de climat,
Croira me devoir tout, son bonheur, son état…
Si je puis parvenir à la rendre sensible…
Madame, vous riez : mais rien n’est moins risible ;
Mon projet est charmant. Un cœur simple et sans art
Est si rare à Paris, qu’on le croit un hasard.
Ainsi donc je tiendrai des mains de la nature
Ce qu’un autre souvent ne doit qu’à l’imposture.
Votre prévention ne voit que d’un œil faux.
Sachez qu’en tout pays, les vertus, les défauts
Sont, de même qu’ici, des femmes le partage :
Que tout climat est pur à qui veut être sage :
Qu’une fille à Paris, qu’on élève avec soin,
Possède la vertu, sans la chercher si loin ;
Et que celle qui vient du plus lointain rivage,
À contre elle souvent les hasards du voyage.
Qu’en pensez-vous, ma sœur ?
Vous ne me verrez point blâmer son sentiment.
Vous ne me blâmez point ?
Sa façon de penser est dans mon caractère.
Vous êtes fort sensée, après un tel aveu !
Eh ! Mais si par la tante on juge du neveu,
Tant mieux pour lui, ma sœur.
Ce serait fort bien fait ; c’est à quoi je l’excite :
Mais qu’il écoute moins la singularité.
C’est par-là qu’il me plaît, et c’est le beau côté.
Du goût national il fronde les chimères.
J’aime les étrangers, et lui les étrangères.
Cette conformité me le rend précieux.
Mon époux, le feu comte, avec moi fut heureux,
Non parce qu’en effet il méritait de l’être,
Aimable de l’esprit, bien fait, point petit-maître…
C’est par ces qualités qu’il fut de vous chéri ?
Non ; c’est qu’il était né près de Pondichéri.
Fort bien ! Il ne manquait, pour flatter sa manie,
Que l’imprudent aveu d’une telle folie.
(Haut.)
Loin de me seconder, votre indiscrétion
Se plaît à le soustraire à la soumission.
Oh ! La soumission ! Voilà comme vous êtes ;
Il faut donc s’immoler à tout ce que vous faites ?
Et parce que sur lui vous avez du pouvoir,
Est-ce assez pour qu’il soit victime du devoir ?
Ma sœur, en fait de choix, le devoir doit se taire.
On ne peut que louer un si beau commentaire.
Mais, répondez, mon fils, que dira Dorimont ?
Le croyez vous d’humeur à souffrir un affront ?
Et vous-même, ma sœur, me proposez sa fille,
Alliance honorable, en qui la vertu brille.
Julie et Dorimont, ici reçus tous deux,
Y restent à dessein de combler tous ses vœux :
Et Monsieur n’écoutant qu’une humeur fantastique,
Est épris, sans le voir, d’un objet chimérique !
Quand je vous proposai cet hymen, j’ignorais
Les raisons d’un refus qu’en tel cas je ferais,
Vu la prédiction.
Admirable scrupule !
Mais ce devin habile…
Que les sots qu’il attrape, et l’on devrait punir
Tous ceux qui font métier de percer l’avenir,
Et la crédulité de ceux qui les font vivre
En payant leurs erreurs. Le destin est un livre
Impénétrable à tous, des sages respecté,
Et qui ne s’ouvre enfin qu’à la Divinité.
Entreprendre d’y lire, envers elle est un crime.
Dont le plus curieux est toujours la victime.
Avec des sentiments, de l’esprit, un bon cœur,
Sans consulter le sort, on peut croire au bonheur.
Mon fils, vous persistez, c’en est donc fait ?
Malgré tout mon respect, je crains de vous déplaire.
Je fuis bien malheureux ! Au nom de vos bienfaits,
Ne gênez point mon goût. Les efforts que j’ai faits
N’ont pu déterminer mon penchant pour Julie.
Je l’estime beaucoup. Hélas ! Sans ma folie,
Peut-être que l’Amour eût fixé mon repos ;
Peut-être l’aimerais-je.
Prendrait un parti vif : mais toujours bonne et tendre,
Ne pouvant vous guérir, je veux bien vous apprendre
Que depuis plusieurs mois, par mon ordre, en secret,
Un homme s’est chargé d’amener un objet
Du Canada.
Quand verrai-je ?…
Je crois que vous n’attendrez guère.
Quand ?
De celui que mes soins ont choisi.
Je vous en sais bon gré.
Ne vous cèdent en rien. Par la correspondance
Que j’ai dans ce pays, cela n’est pas suspect,
Je m’en suis fait instruire. Ainsi que le respect
Marche avec votre amour.
Quoi ! J’aurais…
Tout ira bien. Rentrez. De mes bienfaits, mon fils,
Connaissez l’étendue, et mettez-y le prix.
Malgré vous, la raison vous est donc revenue,
Puisqu’à le seconder vous êtes résolue !
Soit.
Lui bien recommander qu’il n’en démorde pas.
Ma sœur, c’est, selon moi, lui rendre un bon office.
Je reconnais ma sœur à ce rare service.
Scène IV
Si l’homme le plus fait pour aimer la vertu,
Par quelque ridicule est encor combattu,
De celui de mon fils justement je murmure ;
Il paye un peu trop cher tribut à la Nature.
Cependant je l’excuse ; il cherche un cœur sans art,
Qui ne connaisse en rien ni l’apprêt ni le fard,
Qui, simple dans ses mœurs, et fait pour la tendresse,
Sache traiter l’amour avec délicatesse.
Ce désir le transporte ; et pour faire un tel choix
Il croit qu’il faut aller bien plus loin qu’autrefois
Je le croirais aussi, sans l’aimable Julie,
Qui paraît être faite au gré de son envie…
Mais la voici… Tâchons de la déterminer
Au projet que tantôt…
Scène V
Je n’aurai jamais l’air d’une Canadienne.
Si, ma chère ; de vous il faut que je l’obtienne…
Vos habits sont tout prêts pour ce déguisement.
Vous vous méconnaîtrez vous-même assurément.
Ce n’est point sur l’habit que mon esprit contrôle.
Ma taille et ma figure iront de reste au rôle.
Mon père, qui dans tout croit toujours voyager,
Dit que j’ai l’air Persan, le profil étranger,
Le menton Espagnol, l’oreille Japonoise,
Le nez Américain, et la bouche Chinoise.
S’il dit vrai, je crois fort qu’en mêlant tout cela,
Je pourrai bien avoir un air de Canada.
L’habit au par-dessus soutiendra l’équivoque.
Tout va bien jusqu’ici : mais certain point me choque.
Quel est-il ?
Croyez-vous me tenir une heure sans parler ?
S’il faut qu’avec mes traits ma langue se déguise,
Je ne réponds de rien. Madame la Marquise.
Quand vous réfléchirez que ce n’est qu’à ce prix
Que je peux vous devoir le bonheur de mon fils,
Votre amitié pour moi saura, sans répugnance,
Surmonter l’embarras d’une heure de silence.
Mon amitié pour vous me fait risquer un pas
Que sans elle vraiment je ne risquerais pas.
Faut-il que mon désir de vous nommer ma mère,
Par votre propre fils devienne une chimère ?
Chassez de son esprit une légère erreur
Qui n’a point sûrement été jusqu’à son cœur.
Vous en viendrez à bout.
Au moins j’en ai l’envie.
Votre père vous croit chez votre bonne amie ?
Depuis hier au soir.
Que l’on vous voie ici. La Comtesse revient,
Qui nous gâterait tout.
Achever promptement ma bizarre toilette.
Scène VI
Votre fils maintenant est comme je le veux.
Allez, nous en serons contentes toutes deux,
Sitôt que par mon goût le vôtre se décide.
Vous faites tout de lui, quand la douceur vous guide.
Quoique fort jeune il a l’esprit très conséquent.
Tout-à-fait ! Il en donne un trait bien convaincant.
De l’esprit ! En a-t-on lorsque l’on est bizarre ?
Choquer les préjugés, jouer l’espèce rare,
Être seul de son goût, si c’est là de l’esprit,
Comment donc nommez-vous la sottise ?
De vous contrarier, pour être singulière.
Je vous entends.
Chacun pense à son gré. La dissertation
N’est point du tout mon genre.
Et c’est ma passion.
Ne vous contraignez point.
Dorimont par exemple, est une découverte
Admirable pour nous.
Je vous cède ma part.
Fort instruit : il est vrai qu’il est un peu bavard ;
Mais il parle de tout, d’histoire, de voyage.
De sa prolixité ce qu’il dit dédommage.
Il vient à nous.
Scène VII
Elle a raison. Il faut chercher l’amusement
Où l’on peut le trouver ; c’est le sel de la vie.
De qui parlez-vous donc, s’il vous plaît ?
Ma fille. Elle n’est pas si dupe, à mon avis,
Qu’elle ne sente bien que monsieur votre fils
L’a (soit dit entre nous) fort mal appréciée.
Eh bien ?
Du rôle peu flatteur qu’elle joue en ce lieu,
Ou plutôt de celui que votre froid neveu
Fait auprès d’elle…
Enfin ?
Souffrez qu’à ce sujet j’ouvre une parenthèse,
Que je saurai fermer lorsqu’il en sera temps.
Est-ce là, dites-moi, comme on aime à vingt ans ?
Le pauvre chevalier mérite qu’on le plaigne,
Ainsi que ses pareils. Corbleu ! sous l’autre règne
Il eût fallut me voir, et mes contemporains,
Toujours vifs, égrillards, sans être libertins…
Il s’agit…
Prévenants sans cesse auprès des belles…
Sachons…
Mais aujourd’hui, ma foi, ce n’est qu’en leur manquant,
Qu’un jeune écervelé leur paraît élégant.
L’air libre a remplacé l’innocent badinage.
Et l’enjouement n’est plus que du libertinage.
Il faut que je vous conte…
De Julie.
Eh bien ! Oui.
Monsieur, si vous vouliez…
Ne vous l’ai-je pas dit ? Elle m’a fait entendre,
Hier, quoiqu’un peu tard, qu’il ne faut plus prétendre…
Vous savez, comme moi, qu’elle a beaucoup d’esprit.
Oui, Monsieur.
Elle a tous les talents que possédait sa mère.
Tout cela, voyez-vous ! Me la rend bien plus chère.
J’ai bien vu du pays ; mais je n’ai jamais vu
Un enfant…
Il s’agit du propos…
Eh ! Sans doute.
Achevez cet article.
Pour peu que l’on raconte…
À propos des pays où vous avez été,
De me dire deux mots concernant vos voyages ?
Volontiers. Écoutez. Un jour chez les sauvages,
Peuple assez ignorant, et parlant mal français,
Chantant mal l’italien… Ce sont deux choses…
Votre fille…
Pour aller s’amuser chez une bonne amie….
Elle en a, des amis, beaucoup ; et c’est un point
Essentiel. Malheur à ceux qui n’en ont point !
Je m’en suis fait pourtant…
Quelles cruelles peines !
J’en ai mille au Japon, au Cap…
Sont-elles sur un pied fort cher ?
Partis pour le Japon.
Selon la qualité. Celle que plus on vante
Est marquée au Dragon.
Sera-ce pour longtemps ?
Autant qu’elle voudra. Mon plaisir est le sien.
Il suffit qu’elle soit en bonne compagnie,
Et que j’en sois instruit. Je n’ai pas la manie
De ces pères…
Scène VIII
Arrivé, m’a-t-il dit, d’un pays fort lointain,
Voudrait vous présenter une Canadienne,
Qu’il dit être jolie.
Ah ! ah !
Nous allons donc la voir ! Je l’attends de bon cœur.
Dorimont, ce pays vous est connu, sans doute ?
Comme mon cabinet… Ce détail me déroute.
Ai-je bien été là ?
Sont-ils mis, à-peu-près ?
Je parle de longtemps…
Vous vous ressouvenez du moins de leurs manières,
Et des femmes surtout ?
De si loin, la mémoire échappe volontiers.
Et les hommes sont-ils…
Mais… Ils font singuliers…
Ayant l’air… par ma foi… Je ne sais trop vous dire.
Les gens font plus aisés à voir, qu’à les décrire…
(À part.)
Ouais ! Aurais-je oublié d’y faire un tour ? oui-dà…
Je le croirais assez.
Justement, m’y voilà…
Vous me faites plaisir… En portraits il excelle…
Vous vous rappelez donc ?
Que c’est le seul climat où je n’ai point été.
On peut dédommager la curiosité,
Par un trait historique… Un jour…
Scène IX
Ah !
Ah !
Veut elle se charger ?…
Oui, de toute mon âme.
Cette aimable personne a précédé d’un jour
Deux parents qu’une affaire appelait à la Cour.
Peut-être dès ce soir les verrez-vous paraître.
Ils seront tous reçus, ainsi qu’ils doivent l’être.
Elle est fort bien !
Charmante !…
Et surtout du profil !
Voyez…
La sienne faiblement. Pour la mettre à son aise,
D’abord en bon français je vais l’interroger.
On voit je ne sais quoi de doux et d’agréable.
Réponds donc, si tu veux.
Qu’elle vous entendra. Cette Canadienne
Ignore notre Langue. Eh ! parlez-lui la sienne,
Puisque vous la savez.
Ici vous crédati in poco perdati !
Entend-elle cela ?
Je la croyais moins bête.
Il lui parle pourtant de toutes les façons.
Le marchand, quel qu’il soit, est un vendeur d’oisons.
Monsieur, connaissez mieux…
Et cela, ce n’est qu’un. Sans tarder davantage,
Il faut vous en défaire.
Elle passe le jour…
Mais je dois l’avertir qu’en vain Monsieur la presse
De répondre,
Pourquoi ?
Soit accident, Zinca ne parle point du tout.
Je le savais bien, moi ; cette espèce est muette.
Ses yeux son expressifs.
J’en donnerais, morbleu, cent pour un perroquet.
Belle qui ne dit mot, n’est qu’une belle idole.
Mais l’âme…
C’est pourquoi je soutiens…
Scène X
Voyez comme je sers votre goût singulier.
Voici l’objet qu’enfin j’ai fait venir en France.
Le réel a suivi de près votre espérance.
Sa taille et sa beauté vous surprennent déjà.
Oh ! Ho ! Quoi ! C’est pour lui que vous prenez cela ?
Oui.
Quel conte !
D’honneur.
Je vous quitte un moment, pour écrire à Julie ;
Monsieur l’original ! Vas…
Que vous soyez instruit du fond de l’aventure.
Une prédiction qui me paraît très sûre,
Veut que pour son bonheur il devienne amoureux…
D’un être inanimé ! Sa façon d’être heureux
N’a pas le sens commun. Morbleu, vive ma fille !
Il n’en était pas digne. Elle cause, babille…
Elle a de qui tenir.
Ensemble ils seront bien.
En un mot, c’est son goût.
Mais je voudrais savoir…
Vous saurez le détail…
À tes soins je la livre :
Ne quitte point ses pas.
Mais voyez donc son air !
Laissons-les un moment.
L’atelier d’un sculpteur t’en offrira bien d’autres.
Scène XI
Pour peu que ses discours soient semblables aux vôtres,
Vous n’épuiserez pas la conversation.
Tais-toi ; ne trouble point sa contemplation.
La belle est d’un pays où, pour toute éloquence,
On ne dit rien du tout ; et c’est en conséquence,
Que ton maître se forme.
Oui, j’en suis enchanté !
Ses progrès son bien courts.
Comparée à ses traits, perdrait au parallèle.
Quelle taille ! Quels yeux !
La trouves-tu si belle ?
Ma foi, tout doucement. Sans aller loin, je crois
Que l’on pourrait trouver d’aussi jolis minois.
Je m’en flatte, et j’en sais à qui l’on rend les armes.
Tu fais tout bonnement les honneurs de tes charmes.
Je ne dis rien de trop.
Lisette ?
Zing… Zinca.
Zinca ! Le joli nom !
Le nom y fait beaucoup !
Elle ne répond pas !
On en est dispensé, lorsque l’on n’entend rien.
Zinca ? Quel sérieux ! Je lui déplais, peut-être ?
Lui déplaire ! Ho que non ! Mais tenez, mon cher maître,
Vous vous y prenez mal. Tiens, Lisette, aide-moi.
Chit, chit !
Hem !
Elle boude ! ma foi.
Pour les bons procédés, c’est être trop cruelle.
Ne la chagrine pas. Mon bonheur dépend d’elle.
Comment peindre à ses yeux toute ma passion ?
Moi ! Quêter de l’amour !
Tu vois les circonstances.
Je veux agir pour moi, quand je fais des avances.
Et toi, Frontin ?
N’a jamais eu l’honneur de me braver deux fois.
Chacun sait ce qu’il vaut.
Qu’elle m’entende, ou non, tout ce qu’elle m’inspire.
Oui, charmante Zinca, je ne vis que pour vous.
Le destin l’a prédit. Que ce destin m’est doux !
Il est justifié par mon ardeur extrême.
Je vous adore. Hélas ! dites moi, je vous aime.
Je vous aime, est un mot facile à prononcer,
L’amour seul l’inventa… Mais pourquoi vous presser
De répondre à mes vœux ? Vous ne pouvez m’entendre.
Ah ! du moins sans parier, un cœur sensible et tendre
Me dédommagent donc d’un silence odieux.
Rien qu’un regard un seul. Que faut-il que je fasse ?
Zinca, vous m’y voyez ; et j’attends, en tremblant,
Vous payez mon amour ? Vous êtes une ingrate.
Plus cruelle cent fois… En vain ma plainte éclate ;
Elle ne m’entend pas. Que je suis malheureux !
Monsieur !
Qu’elle a le plus grand tort.
Que diable lui dirais-je ?
Mais, toi, fais lui sentir…
Après vous, que ferais-je ?
Mais fais la convenir qu’elle a conçu pour moi
La haine ou le mépris le plus affreux.
Vous le mériteriez. D’homme fort raisonnable,
Vous voilà devenu le plus impardonnable,
Pour ne pas dire fou : cela par l’ascendant
Que prend sur votre cœur un être morfondant,
Qui n’a pour tout talent que la bégueulerie.
Ton insolent discours passe la raillerie.
Apprends que la sagesse unie à la beauté…
La sagesse… est de trop, Monsieur, en vérité.
Pour belle, on peut le voir. La physionomie
Est faite pour cela. Mais l’autre point se nie,
Faute d’être aperçu.
Qu’en son climat…
A beau mentir qui vient de loin.
Vous êtes un maraud. Offenser ce que j’aime,
C’est m’outrager… Zinca, pour mon bonheur suprême,
(Zinca fait un mouvement d’impatience, et paraît vouloir sortir.)
Puis-je espérer qu’un jour… Quoi ! Vous voulez me fuir ?
Je vois trop à quel point vous voulez me haïr…
Je vous suis odieux ! Quoi ! Je lui sacrifie
Tout, en me refusant à l’aimable Julie,
Pour être dédaigné ? Sortons. Non je ne puis
Me souffrir plus longtemps dans l’état où je suis.
Scène XII
Le voilà bien puni de sa bizarrerie ;
Et c’est, ma foi, bien fait. Mais quelle fantaisie
Engage ma maîtresse à vouloir m’employer
Auprès de cette idole ? Oh ! Je vais m’ennuyer.
Lisette ?
Juste ciel ! Au secours !
Viens, Lisette.
Vous parlez ?
Il est bien singulier que ce déguisement
Voile aux yeux de chacun Julie.
Eh ! Oui vraiment…
Voyez comme le rouge accommode un visage !
Vous n’en mettiez jamais. Cet art officieux,
De bien que vous étiez, vous rend quatre fois mieux.
Mais quel sujet ainsi vous a donc travestie ?
Ignorant le dessein, ou plutôt la manie
Du pauvre chevalier, mon père, ainsi que moi,
Fut reçu dans ces lieux, et tu sais bien pourquoi.
On me fit voir d’abord le fils de la marquise,
Comme devant un jour, en épouse soumise,
Être à lui pour jamais. Tu connais ce qu’il vaut.
Son mérite, ses mœurs, m’enchaînèrent bientôt.
Il m’était ordonné de l’aimer. Ah, Lisette !
Comme j’obéissais ! Mais hélas ! ma défaite,
Loin de produire en lui le même sentiment,
Semblait l’en détourner. Juge de mon tourment.
J’allai cacher mes pleurs dans le sein de sa mère,
À qui par mille soins j’ai su me rendre chère.
Son but, en approuvant le penchant que j’ai pris,
Était de triompher de l’erreur de son fils.
Vain espoir ! Elle a cru que, par ce stratagème,
Cet amant deviendrait la dupe de lui-même.
Voilà tout le sujet de ce déguisement.
C’est elle qui le veut, l’amour y consent.
Comme vous dégoisez ! Pendant votre silence
Vous avez amassé ce torrent d’éloquence.
Il prend fort bien son cours !
Il me coûte bien cher.
Votre voyage enfin…
Est un voyage en l’air.
Mais quel est votre but ?
Est de plaire, ou du moins tenter, par mon silence,
Et ma stupidité, de le pousser à bout,
De le guérir enfin de son bizarre goût.
Que j’ai plaint son tourment ! Que j’ai souffert moi-même,
De ne pouvoir tantôt dire je vous aime,
Qu’il m’a tant demandé ! Mon cœur en palpitait.
Que dis-je ? hélas ! tout bas il le lui répétait.
Qu’il en coûte, en aimant, pour feindre d’être ingrate !
Oui. Mais malgré l’espoir dont votre âme se flatte,
Si monsieur votre père, entendant peu raison,
Prenait mal ce détour ?…
Je le connais si bon…
Oui, j’en conviens.
Que, si quelque succès couronne ma faiblesse,
Il fera le premier comblé de mon bonheur.
Mais si le chevalier, constant dans son erreur,
Rendait à tous égards ma démarche inutile,
Alors, Lisette, alors choisissant pour asile
Le couvent…
Vous poussez le roman ! Mais vous n’y pensez point.
Jugez-vous un peu mieux ; faites-vous quelque grâce.
Si par un coup du sort j’étais à votre place,
Avec ce que je sais, je vous suis caution,
Que plus de vingt seigneurs me feraient bien raison
De la froideur d’un seul. Ils veulent qu’on les mène ;
Et de les bien mener, on n’est jamais en peine,
Lorsque l’on sait tromper.
Tromper !
C’est un remède sûr. On n’en fait jamais rien
Sans cela,
Ses conseils guideront tout ce que je dois faire.
Le plaisant attirail ! C’est elle, je le vois.
J’en douterais encor sans le son de sa voix.
Scène XIII
Mais que diable, Monsieur ! Quel est donc ce délire ?
Vous allez, vous venez, vous restez sans rien dire.
(Le chevalier s’arrête, soupire, parle bas, et gesticule.)
Vous soupirez tout haut, et tout bas vous parlez.
Vous restez immobile, et vous gesticulez.
Tenez, ma foi, j’ai peur, et si cela redouble,
Je n’y pourrai tenir.
Je suis ! Être amoureux, et n’être point aimé,
Regretter l’autre objet dont j’étais estimé,
N’adorer que Zinca, ose plaindre que Julie,
Dont l’absence cruelle afflige encor ma vie,
Quel état ! Quel état !
Il faudra le lier.
(Haut.)
Il est vrai que cela me paraît singulier.
Singulier ! Point du tout. Rien de plus ordinaire,
Que de voir parmi nous une jeune étrangère,
Ignorant le Français.
Il extravague un peu.
Quelle tête !
Le sort, de moi, se fait un jeu.
Toi-même, conçois-tu mon étoile bizarre ?
Qu’en dis-tu ?
Et j’en ai pour témoin les petites maisons.
Dont vous prenez la route.
Écoute mes raisons.
Oui, Monsieur.
Parle donc, parle donc… (Bas.) Je m’égare.
Quoi ! Quoi ! Monsieur ! Eh bien ! Oui, le penchant bizarre
Qui fait que votre étoile… est un sort… du destin.
Dont… Je m’embrouille aussi… De manière qu’enfin…
Pour trop vous imiter, Monsieur, je déraisonne.
Ce qui m’arrive ici n’a donc rien qui t’étonne !
Mets-toi pour un moment à ma place. Comment
Pourrais-tu supporter un silence assommant ?
Ce souvenir cruel ne sert qu’à me confondre.
Tu diras à cela quelle ne peut répondre.
Belles raisons ! La bouche articule des mots,
Quelque étranges qu’ils soient. Fussent-ils ostrogoths,
Je les eusse entendus. L’Amour sert d’interprète :
Il n’est point d’idiome, à qui ce Dieu ne prête
La plus forte énergie.
Il est vrai.
Ne parle point du tout. Que dis-tu de cela ?
Ce que je dis ? Je dis, ou du moins j’imagine
Avoir entendu dire…
Eh bien ! Quoi ?
À dessein d’empêcher les femmes de courir,
On leur brisait les pieds, sans pouvoir les guérir.
Mais quel rapport, dis-moi ?…
Par la même raison, tout uniment je pense
Que l’on pourrait fort bien aux filles de Québec
Faire aussi quelque tour, pour leur clore le bec.
Qu’en pensez-vous, Monsieur ?
Pour tenir un propos aussi plat qu’inutile !
Va-t-en.
Vous vous fâchez !
Sors.
Au diable soit l’amour ! On ne peut plus parler.
Je m’enfuis.
Et ne me choque plus.
Que vous n’écoutiez pas celle que vous avez !
Je trouve… que… Zinca…
Eh bien ! Vous lui trouvez ?…
Avec notre Julie un air de ressemblance.
Bon ! Vous n’y pensez pas.
Quelque faible nuance…
C’est le jour et la nuit. Tenez, voici le fait.
Je crois que votre idée a tout l’air d’un regret,
Oui ; mais j’aime Zinca. Voilà ce qui me tue.
Quel plaisir aurez-vous avec une statue ?
C’est de l’amour perdu.
Je voudrais l’étouffer.
La Marquise s’avance.
Elle va triompher.
Scène XIV
Quoi ! Lorsque tout concourt à remplir votre envie.
Que tout sert votre cœur, ce même cœur s’oublie,
Et néglige l’objet dont il est possédé !
Que veut dire, Monsieur, un pareil procédé ?
Mais, ma mère, l’amour n’en est pas moins le même,
Pour n’être pas toujours auprès de ce qu’on aime.
Quand l’amour est bien vif, il agit autrement.
On ne se connaît pas toujours parfaitement,
On fait de vains projets… l’utile expérience
Vient les anéantir… Ce n’est pas que je pense
Que Zinca ne pourrait faire un jour mon bonheur.
(Avec chaleur.)
Mais la figure seule est bien peu pour un cœur.
Sans doute, et je soutiens que dans le mariage
Il n’est pas suffisant de parler au visage,
Et que, pour le bonheur de la société,
Il faut bien que chacun tâche, de son coté,
D’ajouter…
Oui, je conviens, mon fils, que la beauté nous lasse.
Si ses traits, soutenus des plus vifs agréments,
Ne savent point servir de cadre aux sentiments.
Eh ! Voilà ma raison.
Vous jugez que Zinca n’a que de la figure,
Et ne possède pas un mérite réel ?
Oh ! Si je l’entendais il serait naturel
De croire à son mérite…
Qu’elle apprenne à parler français.
Apprendre le français ! Non, Madame, jamais.
Vous le lui montrerez.
De ce genre surtout, il faut que l’écolière
Commence par sentir que l’on cherche à lui plaire,
Qu’un souris marque au moins sa bonne volonté :
Mais, pour l’amener là, je suis trop détesté.
Quel garant, quelle preuve avez-vous de sa haine ?
Le plaisir qu’elle a pris à jouir de ma peine.
Je tombe à ses genoux ; mes feux passionnés
N’exigent qu’un regard. Non ; on me rit au nez.
Cela n’est pas poli, je crois.
Peut-être avec le temps pourra naître…
Quand revient donc Julie ?
Me parler d’un objet, qui, voyant vos mépris,
S’en venge, en vous fuyant ? Et j’eusse agi comme elle.
Qui ? Moi ! La mépriser ! Julie est sage, belle.
Sa vertu, ses talents ont toujours eu sur moi
Tous les droits de l’estime, et même…
Zinca. Songez-y bien ensemble. Je vous laisse :
N’allez pas désormais réclamer ma faiblesse,
Je n’en veux plus avoir.
Mais si Julie…
Elle a rompu. Zinca doit vous en tenir lieu.
(à part.)
Puisse-t-elle achever de le rendre à lui-même !
Scène XV
Ce devin, quel qu’il fut, savait fort bien son thème ;
Car sa prédiction se soutient jusqu’au bout.
C’est le diable !
Oui, faites que j’oublie, en vous voyant si belle,
Un objet qui, depuis son absence cruelle,
A laissé dans mon cœur de quoi vous balancer.
Hélas ! Par vos dédains vous m’y faites penser.
Ô ma chère Julie ! En vain je vous appelle.
- (Zinca le regarde tendrement, et semble être prête à se faire connaître.)
Quel regard ! Non, Zinca, je vous serai fidèle :
Je n’aimerai que vous : je vous en fait serment.
Ah ! J’ai nommé Julie involontairement.
- (Zinca le regarde avec indignation, et se retourne avec colère.)
Mais quel air courroucé ! Vous évitez ma vue !
Julie, en m’écoutant, serait peut-être émue.
Quoi ! Lorsque je suis prêt à la sacrifier…
Quel sacrifice, ô ciel !
C’est trop l’humilier.
Parbleu, Mademoiselle, on a beau savoir plaire ;
On ne plaît qu’à demi, sans un bon caractère.
Regardez-moi du moins.
- (Zinca passe avec précipitation du côté de Lisette.)
Oui, je renonce à vous.
Bon ! voilà parler net.
Voilà ce qu’il fallait, pour guérir ma folie…
Sotte prédiction, tu m’as ravi Julie !
Jusqu’au fond de mon cœur que ne peut-elle voir ?
Hélas ! Il n’est plus temps.
Scène XVI
Si, relativement au nœud qui vous engage,
Je pourrai sur Zinca, sur votre mariage,
En termes positifs, répondre à ses parents.
Qui ? Moi ! Me marier !
Ce soir je les attends.
Madame… On les verra.
Quel accueil leur ferai je ?
Celui que vous voudrez.
Enfin que leur dirai-je ?
Que je suis… hors de moi.
Madame… ces meilleurs pourront s’en retourner :
Cette belle, ainsi qu’eux, perdant son étalage,
On peut leur souhaiter à tous un bon voyage.
Oh ! Oh ! Je savais bien, moi, qu’il n’y tiendrait pas.
Il a, parbleu, raison. Le premier des appas
Il montre sa bouche.
Est… la langue.
Parlez.
Le voilà dégoûté de cette marchandise,
Et je l’aurais gagé. Bon ! Rien n’est si trompeur.
Il m’est arrivé, moi…
D’interrompre un moment le fil de votre histoire.
Était-ce loin d’ici ?
C’était…
Décidez-vous, mon fils, et promptement.
Je me repens si fort de mon égarement,
Et des travers affreux où l’erreur nous entraîne.
Que j’en reste confus.
Oh ! C’est ta faute.
J’ose lever les yeux sur Dorimont.
Pourquoi ?
Cependant mon bonheur dépend de lui.
De moi ?
Hélas ! Si j’ai besoin d’un secours c’est du vôtre ;
Je suis perdu sans vous.
Eh ! Mais ne crois-tu pas que je vais bonnement
Partir pour te chercher une femme ?… Comment ?
Mais je vous dis !… Enfin, sais-tu que ta folie
Ne me va pas ?…
Ma mère, appuyez-moi. Je me jette à vos pieds.
Engagez Dorimont, parlez, pressez, priez…
Que puis-je faire ?
Ma grâce.
Crois-tu donc que ma fille aille, vienne,
Comme cela ? Mais, mais…
C’est dans votre bonté que je cherche un appui.
Votre cœur est trop bon et pour être inexorable.
Je vous en prie, au nom d’une fille adorable,
Qui cause mon amour, mes chagrins, mes remords.
Donnez-moi le moyen de réparer mes torts.
Monsieur !…
Si je ne me tenais à quatre… Tu me charmes.
Va, soit. Mais si ma fille, écoutant la fierté,
À son tour s’opposait à ta félicité ?…
Non, mon père, ma main seconde votre envie.
Quoi ! Morbleu, cela parle ?
Embrassez-moi, Julie.
Ô ma chère Julie ! À peine je soutiens
Cet instant.
Oui, c’est elle ; on la reconnaît bien.
Mais, qui diable l’aurait connue à son silence ?
Même je doute encor…
De plaire au chevalier, si, pour flatter son goût,
Je ne me transformais…
Hélas ! je vous dois tout.
Vous ne me devez rien, puisque je suis contente.
(Souriant.)
Si le devin voulait que je fusse inconstante,
Il faudrait pourtant l’être…
Mon cœur désabusé ne croit qu’à vos appas.
Je sens tous vos bienfaits, adorable Julie.
Mon bonheur et la fin de ma bizarrerie
Sont l’ouvrage parfait de votre amour !
Le mien peut-il jamais vous…
Point d’hymen, s’il vous plaît. Madame la Marquise,
On m’en a fait accroire, et l’on vous a surprise.
Ensemble vengeons-nous.
Hélas ! Je meurs d’effroi,
Et de qui vous venger ? Vengez-vous donc de moi.
De ce qui s’est passé, seule je suis coupable.
J’ai tout conduit, Monsieur.
Vous êtes admirable !
Que ne parliez-vous donc ?… Ma fille, embrasse-moi.
Parbleu, présentement on voit bien que c’est toi.
(Riant.)
Je ne l’ai pas remise. Aussi dans les voyages
On parle à tant de monde, on voit tant de visages !…
À propos de visage, ôte ce rouge-là.
Je veux que tu sois toi… Quand je fus à Goa…
Ne peut-on pas ce soir savoir cette aventure ?
Oui… J’en ajouterai cinquante, je vous jure.
Moi, quand je n’en sais point, sur le champ je les fais.
Allons, mes chers enfants… Ma sœur, de tels effets
Prouvent que les sorciers n’ont rien qui se soutienne.
Mais ma nièce à présent est en Canadienne.
À propos de cela, sachant bien que mon fils
Céderait… Vous allez être au fait du pays,
Des fêtes qu’on y donne, et de leurs mariages ;
Partons. Combien de gens pourraient devenir sages,
S’ils voulaient concevoir que souvent le bonheur
Dépend de revenir d’une fatale erreur !
- ↑ Cette comédie paraît n’avoir jamais été représentée (N. de l’Éd.)