La Chanson d’Ève/Apprends-moi, dis-je, qui tu es, Azraël

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Société du Mercure de France (p. 196-197).

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Apprends-moi, dis-je, qui tu es, Azraël.
Et l’ange sombre s’éleva dans le ciel,
En étendant sur moi ses grandes ailes.

La terre frissonna sous un souffle inconnu,
Les corolles des fleurs tremblantes se fermèrent,
Et le monde soudain s’effaça de mes yeux.

Pourtant des choses étaient encore :
J’entendais la foule légère
Des heures obscures qui passaient,
Et, comme en moi, des roses qui croissaient.
Au loin chantaient des sphères,
Des étoiles vivaient.


Quand il se fit comme une aurore.
Et je revis les grandes ailes d’Azraël,
Qui se fermaient et descendaient du ciel,
Avec l’immense nuit en elles.

Il souriait à son ombre éphémère.
Un oiseau poursuivait sa chanson coutumière.
Une vague enchantée, immobile au rivage,
Tout à coup s’abattit, comme un cygne sauvage.
Et je vis un rayon arrêté sur ma main,
Frémir, et doucement reprendre son chemin.