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La Commune et la révolution/1

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NOTRE BUT[1]




Il semble tout d’abord qu’une revue socialiste portant le titre « La Commune » n’ait guère besoin d’expliquer à ses lecteurs le but qu’elle se propose.

Cela est cependant indispensable, en présence de la mauvaise foi de la presse bourgeoise de toutes couleurs et de tous pays, combattant les légitimes revendications du Travail contre le Capital ; des exploités contre les exploiteurs.

Avec son habituelle perfidie, en effet, profitant de ce que quelques niais ou quelques intrigants ont tenté de ridicules démarches auprès de certains princes en disponibilité, pour mener à bonne fin leurs combinaisons plus puériles encore que malpropres[2], la presse bourgeoise, surtout la presse républicaine, dans sa rage contre les socialistes, n’a jamais manqué l’occasion, depuis juin 1848, de leur jeter à la face l’épithète injurieuse de Césariens ou de Bonapartistes, ce qui est tout un.

Cette calomnie de toutes pièces a fait d’autant mieux son chemin qu’elle est une arme commode à l’usage de ceux qui, se disant libéraux et même républicains, sont avant tout soucieux de conserver leurs privilèges économiques, et sont enchantés de pouvoir accuser les adversaires de ces privilèges d’être les ennemis de la République et de la Liberté.

De là, pour nous, la nécessité d’indiquer en quoi les socialistes peuvent seuls être considérés comme étant les représentants réels de l’idée révolutionnaire[3].

Tout comme les monarchiens, les républicains autoritaires, partant de cette donnée que la société, supérieure en droit à l’individu, a pour unique mission de régler (il serait plus sincère de dire aliéner) la liberté de chacun au bénéfice de ce qu’ils appellent le « droit social », les républicains, disons-nous, à chaque fois que l’action gouvernementale leur est échue, n’ont eu d’autre souci que de restreindre les libertés individuelles.

« Donner la plus grande force au Pouvoir », telle a été dans le passé, telle est dans le présent leur maxime favorite.

Aussi, l’histoire de notre législation en mains, est-il facile de prouver qu’il n’est pas une oppression, pas une violation des droits imprescriptibles de l’homme, qui ne soient en partie l’œuvre des républicains, depuis bientôt un siècle.

Cependant, malgré toutes les obscurités dont tous les partis politiques se sont plu à l’entourer, l’idée générale de la Révolution, sans laquelle celle-ci n’aurait aucun sens, s’est enfin nettement dégagée.

On a fini par comprendre que, de même que la « Réforme » avait pour conséquence logique de dégager l’esprit humain des affirmations dogmatiques se prétendant supérieures à toute critique, de même aussi, la Révolution, à peine de devenir un indéchiffrable logogriphe, ne peut être autre chose que l’incessante revendication pour l’individu de son autonomie, c’est-à-dire du gouvernement absolu de ses facultés, non seulement dans leur satisfaction propre, mais surtout dans leurs rapports avec celles d’autrui ; — qu’enfin la Révolution n’a qu’un objet : la complète restitution à l’individu de ses droits naturels, si bien précisés par la Déclaration des Droits, et dont, sous prétexte de salut social, il a été successivement dépouillé au bénéfice du principe d’autorité.

Mais il ne suffit pas d’affirmer l’autonomie, il faut encore savoir à quelles conditions elle se peut réaliser.

Pour devenir une vérité, pour passer de l’abstraction à l’état de fait, deux suppressions lui sont indispensables :

La suppression du gouvernement — du pouvoir — dans l’ordre politique ; celle du salariat, dans l’ordre économique.

Or, cette double suppression ne se peut accomplir que par le triomphe de l’idée communaliste, en qui s’est comme incarnée la Révolution sociale — la seule légitime — la seule qui nous intéresse.

Pénétrés du droit que chacun possède de coopérer, dans la mesure de ses forces, à l’œuvre entreprise depuis la fin du dernier siècle, par ceux qui revendiquèrent alors l’affranchissement de l’homme, nous tenterons de démontrer comment, sans une reconstitution économique qui garantisse à chacun le plein exercice de ses droits, il n’est plus pour les sociétés modernes, ni paix, ni liberté possible.

(Suivaient les signatures des rédacteurs de la Revue.)

Conformément à l’engagement pris ci-dessus envers les lecteurs de la Revue, je publiai dans les nos 3, 4 et 5, des mois de juin, juillet et août 1874, l’étude suivante, sous ce titre : COMMUNALISME.





  1. « La Commune, revue socialiste », no 1, avril 1874.
  2. Il s’agissait en ce temps d’intrigues imaginées par un certain Albert Richard, internationaliste lyonnais, et quelques-uns de ses amis, pour tenter de rallier les forces socialistes, dont ils prétendaient grotesquement disposer, à certains tripoteurs de restaurations monarchiques où napoléoniennes, et dont les projets faisaient alors grand bruit.
  3. Il est évident qu’il ne peut s’agir ici des prétendus socialistes parlementaires d’à présent, et dont tout le programme consistait dernièrement (1896) à crier : Vive le Ministère !