La Fleur d’Or/Le Lézard
Campagnard, je mc mêle à tous vos jeux rustiques,
Amusé des chansons, m’exaltant aux cantiques ;
Voici comme jasait, hier, un joyeux gars,
Et le feu de son cœur brillait dans ses regards :
Tendre encor, j’en ai la preuve,
Savante à parler français :
En causant de mille choses,
Par la bruyère aux fleurs roses,
« C’était en juin, la chaleur était grande.
Sur le sentier qui partage la lande,
Au beau soleil se chauffait un lézard ;
Et dans ses tours, ses détours, le folâtre
Faisait briller son dos lisse et verdàtre
Et secouait la fourche de son dard.
Le petit fou vers sa roche
Fuit, et pour le rappeler,
Pour rappeler ce farouche.
Sur un air des bois ma bouche
« O mes amis, ne plaignez pas ma peine !
Car sur mon bras, comme une molle chaîne,
S’était posé son bras flexible et rond ;
Et par instants une mèche égarée.
De ses cheveux une mèche cendrée
Avec douceur venait toucher mon front.
Tout siffleur vendrait, j’espère,
À ce prix-là ses chansons,
Sans trouver l’heure trop lente,
Ni la chaleur trop brûlante,
« Donc, croyez-moi, dans cette heureuse pose,
Sous le soleil et jusqu’à la nuit close
J’aurais sifflé fort gaîment ; mais voilà,
Mes bons amis, voilà que le vicaire,
Vêtu de noir et disant son rosaire,
Pour mon malheur vient à passer par là :
« Cœurs damnés ! musique infâme !
« Holà ! holà ! jeune femme,
« Si vous craignez par hasard
« Le purgatoire où l’on grille,
« Quittez ce siffleur de fille,
« Ce beau siffleur de lézard ! » —
Tel fut son gai récit qu’en mes rimes j’expose,
Mais le feu s’est perdu dans la métamorphose.
Vous, une histoire aussi sous vos grands arbres verts,
Cher poète : elle aura du charme dans vos vers.