La Fleur d’Or/Vendredi

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La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 115-116).
Vendredi


  
Vendredi ! nous entrons dans Naples en tremblant,
Un païen eût marqué ce jour d’un caillou blanc.
 

Alors ce n’était qu’une ronde

Dansant autour du golfe bleu ;
Tout célébrait Vénus féconde ;
Et l’Amour menait, jeune dieu,
Toutes les Puissances du feu,

Toutes les Puissances de l’onde.

Les dieux ont fui, les jours mêmes ont eu leur sort.
Nous marquons d’une croix vendredi, jour de mort.


À genoux ! sur sa croix d’ébène

Voici le blanc Crucifie :
Heureux tout cœur mortifié !
Fuyez la joie, aimez la peine,
L’ancien monde est modifié ;

Mourez, la mort est souveraine.

Vendredi ! nous passons dans Naples en tremblant,
Un païen eût marqué ce jour d’un caillou blanc.

Non, vivez ! sur un arbre infâme

Si l’Homme-Dieu fut torturé,
Si dans l’angoisse il rendit l’âme,
Le tombeau n’a rien dévoré :
Et doublement régénéré,

Reparait le Fils de la femme.

Les dieux ont fui, mais l’homme a triomphé du sort.
Et nous trouvons la vie où l’on trouvait la mort.