La Géométrie (éd. 1637)

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La Géométrie (éd. 1637)
Discours de la méthode
plus La Dioptrique, plus Les Météores
Jan Maire (p. 296-413).



Advertiſſement.

Iuſques icy j’ay taſché de me rendre intelligible à tout le monde, mais pour ce traité je crains, qu’il ne pourra eſtre leu que par ceux, qui ſçavent déſià ce qui eſt dans les livres de Géométrie. Car, d’autant qu’ils contiennent pluſieurs vérités fort bien démonſtrées, j’ay creu qu’il ſeroit ſuperflut de les répéter, & n’ay pas laiſſé pour cela de m’en ſervir.

LA
GÉOMÉTRIE.
LIVRE PREMIER.


Des probleſmes qu’on peut conſtruire ſans y employer que des cercles & des lignes droites.



TOus les Probleſmes de Géométrie ſe peuuent facilement reduire a tels termes, qu’il n’eſt beſoin par aprés que de connoitre la longueur de quelques lignes droites, pour les conſtruire.

Commét le calcul d’Arithmetique ſe rapporte aux operations de Geometrie.Et comme toute l’Arithmetique n’eſt compoſée que de quatre ou cinq operations, qui ſont l’Addition, la Souſtraction, la Multiplication, la Diuiſion, & l’Extraction des racines, qu’on peut prendre pour vne eſpece de Diuiſion : Ainſi n’at'on autre choſe à faire en Geometrie touchant les lignes qu’on cherche pour les preparer à eſtre connuës, que leur en adiouſter d’autres, ou en oſter ; Oubien en ayant vne, que ie nommeray l’vnité pour la rapporter d’autant mieux aux nombres, & qui peut ordinairement eſtre priſe a diſcretion, puis en ayant encore deux autres, en trouuer vne quatrième qui ſoit a l’vne de ces deux comme l’autre eſt a l’vnité, ce qui eſt le meſme que la multiplication ; oubien en trouuer vne quatrième, qui ſoit à l’vne de ces deux, comme l’vnité eſt l’autre, ce qui eſt le meſme que la diviſion ; ou enfin trouver une ou deux, ou pluſieurs moyennes proportionnelles entre l’unité & quelque autre ligne, ce qui eſt le meſme que tirer la racine carrée ou cubique, etc. Et je ne craindrai pas d’introduire ces termes d’arithmétique en la géométrie, afin de me rendre plus intelligible.

Soit, par exemple, AB l’unité, & qu’il faille multiplier BD par BC, je n’ai qu’à joindre les points A & C, puis tirer DE parallèle à CA, & BE eſt le produit de cette multiplication.

La Diviſion

Ou bien, s’il faut diviſer BE par BD, ayant joint les points E & D, je tire AC parallèle à DE, & BC eſt le produit de cette diviſion.

L’extraction de la racine carrée

Ou s’il faut tirer la racine carrée de GH, je luy ajoute en ligne droite FG, qui eſt l’unité, & diviſant FH en deux parties égales au point K, du centre K je tire le cercle FIH, puis élevant du point G une ligne droite juſqu’à I à angles droits ſur FH, c’eſt GI la racine cherchée. Je ne dis rien icy de la racine cubique, ni des autres, à cauſe que j’en parlerai plus commodément ci-après.

Comment on peut uſer de chiffres en géométrie

Mais ſouvent on n’a pas beſoin de tracer ainſi ces lignes ſur le papier, & il ſuffit de les déſigner par quelques lettres, chacune par une ſeule. Comme pour ajouter la ligne BD à GH, je nomme l’une a & l’autre b, & écris a + b ; & a - b pour ſouſtraire b de a ; & ab pour les multiplier l’une par l’autre ; & pour diviſer a par b ; & aa ou pour multiplier a par ſoy-meſme ; & pour le multiplier encore une fois par a, & ainſi à l’infini ; & pour tirer la racine carrée de  ; & , pour tirer la racine cubique de , & ainſi des autres.

Où il eſt à remarquer que par , ou , ou ſemblables, je ne conçois ordinairement que des lignes toutes ſimples, encore que pour me ſervir des noms uſités en l’algèbre je les nomme des carrés ou des cubes, etc.

Il eſt auſſi à remarquer que toutes les parties d’une meſme ligne ſe doivent ordinairement exprimer par autant de dimenſions l’une que l’autre, lors que l’unité n’eſt point déterminée en la queſtion, comme icy en contient autant que ou dont ſe compoſe la ligne que j’ai nommée

 ;

mais que ce n’eſt pas de meſme lors que l’unité eſt déterminée, à cauſe qu’elle peut eſtre ſous-entendue partout où il y a trop ou trop peu de dimenſions : comme s’il faut tirer la racine cubique de - b, il faut penſer que la quantité eſt diviſée une fois par l’unité, & que l’autre quantité b eſt multipliée deux fois par la meſme.

Au reſte, afin de ne pas manquer à ſe ſouvenir des noms de ces lignes, il en faut toujours faire un regiſtre ſéparé à meſure qu’on les poſe ou qu’on les change, écrivant par exemple :

AB1, c’eſt-à-dire AB égal à 1.
GHa.
BDb, etc.

Comment il faut venir aux équations qui ſervent à réſoudre les problèmes.

Ainſi, voulant réſoudre quelque problème, on doit d’abord le conſidérer comme déjà fait, & donner des noms à toutes les lignes qui ſemblent néceſſaires pour le conſtruire, auſſi bien à celles qui ſont inconnues qu’aux autres. Puis, ſans conſidérer aucune différence entre ces lignes connues & inconnues, on doit parcourir la difficulté ſelon l’ordre qui montre le plus naturellement de tous en quelle ſorte elles dépendent mutuellement les unes des autres, juſqu’à ce qu’on ait trouvé moyen d’exprimer une meſme quantité en deux façons, ce qui ſe nomme une équation ; car les termes de l’une de ces deux façons ſont égaux à ceux de l’autre. Et on doit trouver autant de telles équations qu’on a ſuppoſé de lignes qui étaient inconnues.

Ou bien, s’il ne s’en trouve pas tant, & que nonobſtant on n’omette rien de ce qui eſt déſiré en la queſtion, cela témoigne qu’elle n’eſt pas entièrement déterminée. Et lors on peut prendre à diſcrétion des lignes connues pour toutes les inconnues auxquelles ne correſpond aucune équation. Après cela, s’il en reſte encore pluſieurs, il ſe faut ſervir par ordre de chacune des équations qui reſtent auſſi, ſoyt en la conſidérant toute ſeule, ſoyt en la comparant avec les autres, pour expliquer chacune de ces lignes inconnues, & faire ainſi, en les démeſlant, qu’il n’en demeure qu’une ſeule égale à quelque autre qui ſoyt connue, ou bien dont le carré, ou le cube, ou le carré de carré, ou le ſurſolide, ou le carré de cube, etc., ſoyt égal à ce qui ſe produit par l’addition ou ſouſtraction de deux ou pluſieurs autres quantitez, dont l’une ſoyt connue, & les autres ſoyent compoſées de quelques moyennes proportionnelles entre l’unité & ce carré, ou cube, ou carré de carré, etc., multipliées par d’autres connues.

Ce que j’écris en cette ſorte :

z = b,
ou z2 = - az + b2,
ou z3 = + az2 + b2zc3,
ou z3 = az3 - c3z + d4, etc. ;

C’eſt-à-dire z, que je prends pour la quantité inconnue, eſt égale à b; ou le carré de z eſt égal au carré de b moins a multiplié par z; ou le cube de z eſt égal à a multiplié par le carré de z plus le carré de b multiplié par z moins le cube de c ; & ainſi des autres.

Et on peut toujours réduire ainſi toutes les quantités inconnues à une ſeule, lors que le problème ſe peut conſtruire par des cercles & des lignes droites, ou auſſi par des ſections coniques, ou meſme par quelque autre ligne qui ne ſoyt que d’un ou deux degrés plus compoſée. Mais je ne m’arreſte point à expliquer ceci plus en détail, à cauſe que je vous oſterais le plaiſir de l’apprendre de vous-meſme, & l’utilité de cultiver votre eſprit en vous y exerçant, qui eſt à mon avis la principale qu’on puiſſe tirer de cette ſcience. Auſſi que je n’y remarque rien de ſi difficyle que ceux qui ſeront un peu verſés en la géométrie commune & en l’algèbre, ait qui prendront garde à tout ce qui eſt en ce traité, ne puiſſent trouver.

C’eſt pourquoy je me contenterai icy de vous avertir que, pourvu qu’en démeſlant ces équations, on ne manque point à ſe ſervir de toutes les diviſions qui ſeront poſſibles, on aura infailliblement les plus ſimples termes auxquels la queſtion puiſſe eſtre réduite.

Quels ſont les problèmes plans.

Et que ſi elle peut eſtre réſolue par la géométrie ordinaire, c’eſt-à-dire en ne ſe ſervant que de lignes droites & circulaires tracées ſur une ſuperficye plate, lors que la dernière équation aura été entièrement démeſlée, il n’y reſtera tout au plus qu’un carré inconnu, égal à ce qui ſe produit de l’addition ou ſouſtraction de ſa racine multipliée par quelque quantité connue, & de quelque autre quantité auſſi connue.

Comment ils ſe réſolvent.

Et lors cette racine, ou ligne inconnue, ſe trouve aiſément ; car ſi j’ai par exemple

z2 = az + b2,

je fais le triangle rectangle NLM, dont le coſté LM eſt égal à b, racine carrée de la quantité connue b2, & l’autre LN eſt , la moitié de l’autre quantité connue qui étoit multipliée par z, que je ſuppoſe eſtre la ligne inconnue ; puis prolongeant MN, la baſe de ce triangle, juſqu’à 0, en ſorte que NO ſoyt égale à NL, la toute OM eſt z, la ligne cherchée ; & elle s’exprime en cette ſorte :

.

Que ſi j’ai y2 = - ay + b2, & que y ſoyt la quantité qu’il faut trouver, je fais le meſme triangle rectangle NLM, & de ſa baſe MN j’oſte NP égale à NL, & le reſte PM eſt y, la racine cherchée. De façon que j’ai

.

Et tout de meſme ſi j’avais

x4 = - ax2 + b2.

PM ſeroit x2 & j’aurais

;

et ainſi des autres.

Enfin ſi j’ai

z2 = az – b2,

je fais NL égale à , & LM égale à b comme devant, puis, au lieu de joindre les points M N je tire MQR parallèle à LN. & du centre N par L ayant décrit un cercle qui la coupe aux points Q & R, la ligne cherchée z eſt MQ, ou bien MR, car en ce cas elle s’exprime en deux façons, à ſavoir

,

et

.

Et ſi le cercle, qui ayant ſon centre au point N, paſſe par le point L, ne coupe ni ne touche la ligne droite MQR, il n’y a aucune racine en l’Équation, de façon qu’on peut aſſurer que la conſtruction du problème propoſé eſt impoſſible.

Au reſte, ces meſmes racines ſe peuvent trouver par une infinité d’autres moyens, & j’ai ſeulement voulu mettre ceux-ci, comme fort ſimples, afin de faire voir qu’on peut conſtruire tous les problèmes de la géométrie ordinaire ſans faire autre choſe que le peu qui eſt compris dans les quatre figures que j’ai expliquées. Ce que je ne crois pas que les anciens aient remarqué ; car autrement ils n’euſſent pas pris la peine d’en écrire tant de gros livres où le ſeul ordre de leurs propoſitions nous foit connaître qu’ils n’ont point eu la vraie méthode pour les trouver toutes, mais qu’ils ont ſeulement ramaſſé celles qu’ils ont rencontrées.

Exemple tiré de Pappus

Et on peut le voir auſſi fort clairement de ce que Pappus a mis au commencement de ſon ſeptième livre, où après s’eſtre arreſté quelque temps à dénombrer tout ce qui avoit été écrit en géométrie par ceux qui l’avaient précédé, il parle enfin d’une queſtion qu’il dit que ni Euclide, ni Apollonius, ni aucun autre, n’avaient ſu entièrement réſoudre ; & voicy ſes mots :

Je cite plutoſt la verſion latine que le texte grec, afin que chacun l’entende plus aiſément.

Quem autem dicyt (Apollonius) in tertio libro locum ad tres & quatuor lineas ab Euclide per fectum non eſſe, neque ipſe per ficere poterat, neque aliquis alius ; ſed neque paululum quid addere üs, qux Euclides ſcripſit, per ea tantum conica, quœ uſque ad Euelidis tempora praemonſtrata ſunt, etc.

Et un peu après il explique ainſi quelle eſt cette queſtion :

At locus ad tres & quatuor lineas, in quo (Apollonius) magnifies ſe jactat, & oſtentat, nulla habita gratia ei, qui prius ſcripſerat, eſt hujuſmodi. Si poſitione datis tribus rectis lineis ab uno & eodem puncto, ad tres lineas in datis angulis rectœ lineæ ducantur, & data ſit proportio rectanguli contenti duabus ductis ad quadratum reliquæ : punctum contingit poſitione datum ſolidum locum, hoc eſt unana ex tribus conicys ſectionibus. Et ſi ad quatuor rectas lineas poſitione datas in datis angulis linew ducantur ; & rectanguli duabus dutctis contenti ad contentum duabus reliquis proportio data ſit : ſimiliter punctum datam coni ſectionem poſitione continget. Si quidem igitur ad duas tantum locus planus oſtenſus eſt. Quod ſi ad pluyes quam quatuor, punctum continget lotos non adhuc cognitos, ſed lineas tantum dictas ; quales auteur ſint, vel quam habeant proprietatem, non conſtat : earum unam, neque primam, & qua manifeſtiſſima videtur, compoſuerunt oſtendentes utilem eſſe. Propoſitiones auteur ipſarum hx ſunt.

Si ab aliquo puncto ad poſitione datas rectas lineas quinque ducantur recta linex in datis angulis, & data ſit proportio ſolidi parallelepipedi rectanguli, quod tribus ductis lineis continetur ad ſolidum parallelepipedum rectangulum, quod continetur reliquis duabus, & data quapiam linea, punctum poſitione datam lineam continget. Si auteur ad ſex, & data ſit proportio ſolidi tribus lineis contenti ad ſolidum, quod tribus reliquis continetur ; curſus punctum continget poſitione datam lineam. Quod ſi ad pluyes quam ſex, non adhuc habent dicere, an data ſit proportio cujuſpiam contenti quatuor lineis ad id quod reliquis continetur, quoniam non eſt aliquid contentum pluribus quam tribus dimenſionibus.

Où je vous prie de remarquer en paſſant que le ſcrupule que faiſaient les anciens d’uſer des termes de l’arithmétique en la géométrie, qui ne pouvoit procéder, que de ce qu’ils ne voyaient pas aſſés clairement leur rapport, cauſçait beaucoup d’obſcurité & d’embarras en la façon dont ils s’expliquaient ; car Pappus pourſuit en cette ſorte :

Acquieſcunt auteur his, qui paulo ante talia interpretati ſunt ; neque unum aliquo pacte comprehenſibile ſigni ficantes quod his continetur. Licebit auteur per conjunctas proportiones hic, & dicere, & demonſtrare univerſe in dictis proportionibus, atque his in hune modum. Si ab aliquo puncto ad poſitione datas rectas lineas ducantur recta linex in datas angulis, & data ſit proportio conjuncta ex ea, quam habet una ductaruin ad unam, & altera ad alteram, & alla ad aliam, & relique ad datam lineam, ſi ſint ſeptem; ſi vero octo, & reliqua ad reliquam punctum continget poſitione datas lineas. Et ſimiliter quotcumque ſint impares vel pares multitudine, cum hxc, ut dixi, loto ad quatuor lineas reſpondeant, nullum igitur poſuerunt ita ut linea nota ſit, etc.

La queſtion donc qui avoit été commencée à réſoudre par Euclide & pourſuivie par Apollonius, ſans avoir été achevée par perſonne, étoit telle : Ayant trois ou quatre, ou plus grand nombre de lignes droites données par poſition; premièrement on demande un point duquel on puiſſe tirer autant d’autres lignes droites, une ſur chacune des données, qui faſſent avec elles des angles donnez, & que le rectangle contenu en deux de celles qui ſeront ainſi tirées d’un meſme point, ait la proportion donnée avec le carré de la troiſième, s’il n’y en a que trois ; ou bien avec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre ; ou bien, s’il y en a cinq, que le parallélépipède compoſé de trois ait la proportion donnée avec le parallélépipède compoſé des deux qui reſtent, & d’une autre ligne donnée ; ou s’il y en a ſix, que le parallélépipède compoſé de trois ait la proportion donnée avec le parallélépipède des trois autres ; ou s’il y en a ſept, que ce qui ſe produit lorſqu’on en multiplie quatre l’une par l’autre, ait la raiſon donnée avec ce qui ſe produit par la multiplication des trois autres, & encore d’une autre ligne donnée ; ou s’il y en a huit, que le produit de la multiplication de quatre ait la proportion donnée avec le produit des quatre autres ; & ainſi cette queſtion peut s’étendre à tout autre nombre de lignes. Puis à cauſe qu’il y a toujours une infinité de divers points qui peuvent ſatiſfaire à ce qui eſt icy demandé, il eſt auſſi requis de connaître & de tracer la ligne dans laquelle ils doivent tous ſe trouver. Et Pappus dit que lorſqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, c’eſt en une des trois ſections coniques ; mais il n’entreprend point de la déterminer ni de la décrire, non plus que d’expliquer celles où tous ces points ſe doivent trouver, lors que la queſtion eſt propoſée en un plus grand nombre de lignes. Seulement il ajoute que les anciens en avaient imaginé une qu’ils montraient y eſtre utile, mais qui ſembloit la plus manifeſte, & qui n’étoit pas toutefois la première. Ce qui m’a donné occaſion d’eſſayer ſi, par la méthode dont je me ſers, on peut aller auſſi loin qu’ils ont été.

Réponſe à la queſtion de Pappus

Et premièrement j’ai connu que cette queſtion n’étant propoſée qu’en trois, ou quatre, ou cinq lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la géométrie ſimple, c’eſt-à-dire en ne ſe ſervant que de la règle & du compas, ni ne faiſant autre choſe que ce qui a déjà été dit ; excepté ſeulement lorſqu’il y a cinq lignes données, ſi elles ſont toutes parallèles : auquel cas, comme auſſi lors que la queſtion eſt propoſée en 6, ou 7, ou 8, ou 9 lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la géométrie des ſolides, c’eſt-à-dire en y employant quelqu’une des trois ſections coniques ; excepté ſeulement lorſqu’il y a neuf lignes données, ſi elles ſont toutes parallèles : auquel cas, derechef, & encore en 10, 11, 12 ou 13 lignes, on peut trouver les points cherchés par le moyen d’une ligne courbe qui ſoyt d’un degré plus compoſé que les ſections coniques ; excepté en treize, ſi elles ſont toutes parallèles : auquel cas, & en quatorze, 15, 16 & 17, il y faudra employer une ligne courbe encore d’un degré plus compoſée que la précédente, & ainſi à l’infini.

Puis j’ai trouvé auſſi que lorſqu’il n’y a que trois ou quatre lignes données, les points cherchés ſe rencontrent tous, non ſeulement en l’une des trois ſections coniques, mais quelquefois auſſi en la circonférence d’un cercle ou en une ligne droite ; & que lorſqu’il y en a cinq, ou ſix, ou ſept, ou huit, tous ces points ſe rencontrent en quelqu’une des lignes qui ſont d’un degré plus compoſées que les ſections coniques, & il eſt impoſſible d’en imaginer aucune qui ne ſoyt utile à cette queſtion; mais ils peuvent auſſi derechef ſe rencontrer en une ſection conique, ou en un cercle, ou en une ligne droite. Et s’il y en a 9, ou 10, ou 11, ou 12, ces points ſe rencontrent en une ligne qui ne peut eſtre que d’un degré plus compoſée que les précédentes ; mais toutes celles qui ſont d’un degré plus compoſées y peuvent ſervir, & ainſi à l’infini.

Au reſte, la première & la plus ſimple de toutes, après les ſections coniques, eſt celle qu’on peut décrire par l’interſection d’une parabole & d’une ligne droite, en la façon qui ſera tantoſt expliquée. En ſorte que je penſe avoir entièrement ſatiſfoit ’à ce que Pappus nous dit avoir été cherché en ceci par les anciens ; & je tacherai d’en mettre la démonſtration en peu de mots, car il m’ennuie déjà d’en tant écrire.

Soient AB, AD, EF, GH, etc., pluſieurs lignes données par poſition, & qu’il faille trouver un point, comme C, duquel ayant tiré d’autres lignes droites ſur les données, comme CB, CD, CF & CH, en ſorte que les angles CBA, CDA, CFE, CHG, etc., ſoyent donnez, & que ce qui eſt produit par la multiplication d’une partie de ces lignes ſoyt égal à ce qui eſt produit par la multiplication des autres, on bien qu’ils aient quelque autre proportion donnée, car cela ne rend point la queſtion plus difficyle.

Comment on doit poſer les termes pour venir à l’équation en cet exemple

Premièrement, je ſuppoſe la choſe comme déjà faite, & pour me démeſler de la confuſion de toutes ces lignes je conſidère l’une des données, & l’une de celles qu’il faut trouver, par exemple AB & CB, comme les principales & auxquelles je tache de rapporter ainſi toutes les autres. Que le ſegment de la ligne AB, qui eſt entre les points A & B, ſoyt nommé x; & que BC ſoyt nommé y ; & que toutes les autres lignes données ſoyent prolongées juſqu’à ce qu’elles coupent ces deux auſſi prolongées, s’il eſt beſoin, & ſi elles ne leur ſont point parallèles ; comme vous voyés icy qu’elles coupent la ligne AB aux points A, E, G, & BC aux points R, S, T. Puis à cauſe que tous les angles du triangle ARB ſont donnez, la proportion qui eſt entre les coſtés AB & BR eſt auſſi donnée, & je la poſe comme de z à b, de façon que AB étant x, BR ſera & la toute CR ſera , à cauſe que le point B tombe entre C & R ; car ſi R tomboit entre C & B, CR ſeroit & ſi C tomboit entre B & R, CR ſeroit . Tout de meſme les trois angles du triangle DRC ſont donnez, & par conſéquent auſſi la proportion qui eſt entre les coſtés CR & CD, que je poſe comme de z à c, de façon que CR étant ,

CD ſera . Après cela, pourceque les lignes AB, AD & EF ſont données par poſition, la diſtance qui eſt entre les points A & E eſt auſſi donnée, & ſi on la nomme k, on aura EB égal à k + x ; mais ce ſeroit k - x ſi le point B tomboit entre E & A ; & - k + x ſi E tomboit entre A & B. Et pourceque les angles du triangle ESB ſont tous donnez, la proportion de BE à BS eſt auſſi donnée, & je la poſe comme de z à d, ſi bien que BS eſt & la toute CS eſt mais ce ſeroit ſi le point S tomboit entre B & C; & ce ſeroit ſi C tomboit entre B & S. De plus les trois angles du triangle FSC ſont donnez, & enſuite la proportion de CS à CF, qui ſoyt comme de z à e, & la toute CF ſera .

En meſme façon AG que je nomme 1 eſt donnée, & BG eſt l - x, & à cauſe du triangle BGT, la proportion de BG à BT eſt auſſi donnée, qui ſoyt comme de z à f, & BT ſera {fl – fx}/z & CT = {zy + fl – fx}/z. Puis derechef la proportion de CT à CH eſt donnée à cauſe du triangle TCH, & la poſant comme de z à g, on aura CH = .

Et ainſi vous voyés qu’un tel nombre de lignes données par poſition qu’on puiſſe avoir, toutes les lignes tirées deſſus du point C à angles donnez, ſuivant la teneur de la queſtion, ſe peuvent toujours exprimer chacune par trois termes, dont l’un eſt compoſé de la quantité inconnue y, multipliée ou diviſée par quelque autre connue ; & l’autre de la quantité inconnue x, auſſi multipliée ou diviſée par quelque autre connue ; & le troiſième d’une quantité toute connue ; excepté ſeulement ſi elles ſont parallèles, ou bien à la ligne AB, auquel cas le terme compoſé de la quantité x ſera nul; ou bien à la ligne CB, auquel cas celuy qui eſt compoſé de la quantité y ſera nul, ainſi qu’il eſt trop manifeſte pour que je m’arreſte à l’expliquer. Et pour les ſignes + & - qui ſe joignent à ces termes, ils peuvent eſtre changés en toutes les façons imaginables.

Puis vous voyés auſſi que, multipliant pluſieurs de ces lignes l’une par l’autre, les quantités x & y qui ſe trouvent dans le produit n’y peuvent avoir que chacune autant de dimenſions qu’il y a eu de lignes à l’explication deſquelles elles ſervent, qui ont été ainſi multipliées ; en ſorte qu’elles n’auront jamais plus de deux dimenſions en ce qui ne ſera produit que par la multiplication de deux lignes ; ni plus de trois, en ce qui ne ſera produit que par la multiplication de trois, & ainſi à l’infini.

Comment on trouve que ce problème eſt plan lorſqu’il n’eſt point propoſé en plus de cinq lignes

De plus, à cauſe que pour déterminer le point C, il n’y a qu’une ſeule condition qui ſoyt requiſe, à ſavoir que ce qui eſt produit par la multiplication d’un certain nombre de ces lignes ſoyt égal, ou, ce qui n’eſt de rien plus malaiſé, ait la proportion donnée à ce qui eſt produit par la multiplication des autres ; on peut prendre à diſcrétion l’une des deux quantités inconnues x ou y, & chercher l’autre par cette équation, en laquelle il eſt évident que, lors que la queſtion n’eſt point poſée en plus de cinq lignes, la quantité x, qui ne ſert point à l’expreſſion de la première, peut toujours n’y avoir que deux dimenſions ; de façon que, prenant une quantité connue pour y, il ne reſtera que x2 = + ou - ax + ou - b2 ; & ainſi on pourra trouver la quantité x avec la règle & le compas, en la façon tantoſt expliquée. Meſme, prenant ſucceſſivement infinies diverſes grandeurs pour la ligne y, on en trouvera auſſi infinies pour la ligne x, & ainſi on aura une infinité de divers points, tels que celuy qui eſt marqué C, par le moyen deſquels on décrira la ligne courbe demandée.

Il ſe peut faire auſſi, la queſtion étant propoſée en ſix ou plus grand nombre de lignes, s’il y en a entre les données qui ſoyent parallèles à BA ou BC, que l’une des deux quantités x ou y n’ait que deux dimenſions en l’équation, & ainſi qu’on puiſſe trouver le point C avec la règle & le compas. Mais au contraire ſi elles ſont toutes parallèles, encore que la queſtion ne ſoyt propoſée qu’en cinq lignes, ce point C ne pourra ainſi eſtre trouvé, à cauſe que la quantité x ne ſe trouvant point en toute l’équation, il ne ſera plus permis de prendre une quantité connue pour celle qui eſt nommée y, mais ce ſera celle qu’il faudra chercher. Et pourcequ’elle aura trois dimenſions, on ne le pourra trouver qu’en tirant la racine d’une équation cubique, ce qui ne ſe peut généralement faire ſans qu’on y emploie pour le moins une ſection conique. Et encore qu’il y ait juſqu’à neuf lignes données, pourvu qu’elles ne ſoyent point toutes parallèles, on peut toujours faire que l’équation ne monte que juſqu’au carré de carré ; au moyen de quoy on la peut auſſi toujours réſoudre par les ſections coniques, en la façon que j’expliquerai ci-après. Et encore qu’il y en ait juſqu’à treize, on peut toujours faire qu’elle ne monte que juſqu’au carré de cube ; enſuite de quoy on la peut réſoudre par le moyen d’une ligne, qui n’eſt que d’un degré plus compoſée que les ſections coniques, en la façon que j’expliquerai auſſi ci-après. Et ceci eſt la première partie de ce que j’avais icy à démontrer; mais avant que je paſſe à la ſeconde, il eſt beſoin que je diſe quelque choſe en général de la nature des lignes courbes.

LIVRE SECOND.[modifier]

De la nature des lignes courbes.


Quelles ſont les lignes courbes qu’on peut recevoir en géométrie

Les anciens ont fort bien remarqué qu’entre les problèmes de géométrie, les uns ſont plans, les autres ſolides & les autres linéaires, c’eſt-à-dire que les uns peuvent eſtre conſtruits en ne traçant que des lignes droites & des cercles ; au lieu que les autres ne le peuvent eſtre, qu’on n’y emploie pour le moins quelque ſection conique ; ni enfin les autres, qu’on n’y emploie quelque autre ligne plus compoſée. Mais je m’étonne de ce qu’ils n’ont point outre cela diſtingué divers degrés entre ces lignes plus compoſées, & je ne ſaurais comprendre pourquoy ils les ont nommées mécaniques plutoſt que géométriques. Car de dire que c’ait été à cauſe qu’il eſt beſoin de ſe ſervir de quelque machine pour les décrire, il faudroit rejeter par meſme raiſon les cercles & les lignes droites, vu qu’on ne les décrit ſur le papier qu’avec un compas & une règle, qu’on peut auſſi nommer des machines. Ce n’eſt pas non plus à cauſe que les inſtruments qui ſervent à les tracer, étant plus compoſés que la règle & le compas, ne peuvent eſtre ſi juſtes ; car il faudroit pour cette raiſon les rejeter des mécaniques, où la juſteſſe des ouvrages qui ſortent de la main eſt déſirée, plutoſt que de la géométrie, où c’eſt ſeulement la juſteſſe du raiſonnement qu’on recherche, & qui peut ſans doute eſtre auſſi parfaite touchant ces lignes que touchant les autres. Je ne dirai pas auſſi que ce ſoyt à cauſe qu’ils n’ont pas voulu augmenter le nombre de leurs demandes, & qu’ils ſe ſont contentés qu’on leur accordat qu’ils puſſent joindre deux points donnés par une ligne droite, & décrire un cercle d’un centre donné qui paſſat par un point donné ; car ils n’ont point foit de ſcrupule de ſuppoſer outre cela, pour traiter des ſections coniques, qu’on pût couper tout coſne donné par un plan donné. Et il n’eſt beſoin de rien ſuppoſer pour tracer toutes les lignes courbes que je prétends icy d’introduire, ſinon que deux ou pluſieurs lignes puiſſent eſtre mues l’une par l’autre, & que leurs interſections en marquent d’autres ; ce qui ne me paraît en rien plus difficyle. Il eſt vrai qu’ils n’ont pas auſſi entièrement reçu les ſections coniques en leur géométrie, & je ne veux pas entreprendre de changer les noms qui ont été approuvés par l’uſage ; mais il eſt, ce me ſemble, tres-clair que, prenant comme on foit pour géométrique ce qui eſt précis & exact, & pour mécanique ce qui ne l’eſt pas, & conſidérant la géométrie comme une ſcience qui enſeigne généralement à connaître les meſures de tous les corps, on n’en doit pas plutoſt exclure les lignes les plus compoſées que les plus ſimples, pourvu qu’on les puiſſe imaginer eſtre décrites par un mouvement continu, ou par pluſieurs qui s’entre-ſuivent, & dont les derniers ſoyent entièrement réglés par ceux qui les précèdent ; car par ce moyen on peut toujours avoir une connaiſſance exacte de leur meſure. Mais peut-eſtre que ce qui a empeſché les anciens géomètres de recevoir celles qui étoilent plus compoſées que les ſections coniques, c’eſt que les premières qu’ils ont conſidéré, ayant par haſard été la ſpirale, la quadratrice & ſemblables, qui n’appartiennent véritablement qu’aux mécaniques, & ne ſont point du nombre de celles que je penſe devoir icy eſtre reçues, à cauſe qu’on les imagine décrites par deux mouvemens ſéparez, & qui n’ont entre eux aucun rapport qu’on puiſſe meſurer exactement ; bien qu’ils aient après examiné la conchoïde, la ciſſoïde, & quelque peu d’autres qui en ſont, toutefois à cauſe qu’ils n’ont peut-eſtre pas aſſés remarqué leurs propriétez, ils n’en ont pas foit plus d’état que des premières ; ou bien c’eſt que, voyant qu’ils ne connaiſſaient encore que peu de choſes touchant les ſections coniques, & qu’il leur en reſtoit meſme beaucoup, touchant ce qui ſe peut faire avec la règle & le compas, qu’ils ignoraient, ils ont cru ne devoir point entamer de matière plus difficyle. Mais pourceque j’eſpère que dorénavant ceux qui auront l’adreſſe de ſe ſervir du calcul géométrique icy propoſé, ne trouveront pas aſſés de quoy s’arreſter touchant les problèmes plans ou ſolides, je crois qu’il eſt à propos que je les invite à d’autres recherches, où ils ne manqueront jamais d’exercice.

Voyés les lignes AB, AD, AF & ſemblables, que je ſuppoſe avoir été décrites par l’aide de l’inſtrument YZ, qui eſt compoſé de pluſieurs règles tellement jointes que celle qui eſt marquée YZ étant arreſtée ſur la ligne AN, on peut ouvrir & fermer l’angle XYZ, & que lorſqu’il eſt tout fermé, les points B, C, D, E, F, G, H ſont tous aſſemblés au point A; mais qu’à meſure qu’on l’ouvre, la règle BC, qui eſt jointe à angles droits avec XY au point B, pouſſe vers Z la règle CD, qui coule ſur YZ en faiſant toujours des angles droits avec elle ; & CD pouſſe DE, qui coule tout de meſme ſur YX en demeurant parallèle à BC ; DE pouſſe EF, EF pouſſe FG, celle-ci pouſſe GH, & on en peut concevoir une infinité d’autres qui ſe pouſſent conſécutivement en meſme façon, & dont les unes faſſent toujours les meſmes angles avec YX & les autres avec YZ. Or, pendant qu’on ouvre ainſi l’angle XYZ, le point B décrit la ligne AB, qui eſt un cercle ; & les autres points D, F, H, où ſe font les interſections des autres règles, décrivent d’autres lignes courbes AD, AF, AH, dont les dernières ſont par ordre plus compoſées que la première, & celle-ci plus que le cercle ; mais je ne vois pas ce qui peut empeſcher qu’on ne conçoive auſſi nettement & auſſi diſtinctement la deſcription de cette première que du cercle, ou du moins que des ſections coniques ; ni ce qui peut empeſcher qu’on ne conçoive la ſeconde, & la troiſième, & toutes les autres qu’on peut décrire, auſſi bien que la première ; ni par conſéquent qu’on ne les reçoive toutes en meſme façon pour ſervir aux ſpéculations de géométrie.

La façon de diſtinguer toutes ces lignes courbes en certains genres, & de connaître le rapport qu’ont tous leurs points à ceux des lignes droites

Je pourrais mettre icy pluſieurs autres moyens pour tracer & concevoir des lignes courbes qui ſeraient de plus en plus compoſées par degrés à l’infini; mais pour comprendre enſemble toutes celles qui ſont en la nature, & les diſtinguer par ordre en certains genres, je ne ſache rien de meilleur que de dire que tous les points de celles qu’on peut nommer géométriques, c’eſt-à-dire qui tombent ſous quelque meſure préciſe & exacte, ont néceſſairement quelque rapport à tous les points d’une ligne droite, qui peut eſtre exprimée par quelque équation, en tous par une meſme ; & que, lors que cette équation ne monte que juſqu’au rectangle de deux quantités indéterminées, ou bien au carré d’une meſme, la ligne courbe eſt du premier & plus ſimple genre, dans lequel il n’y a que le cercle, la parabole, l’hyperbole & l’ellipſe qui ſoyent compriſes ; mais que lors que l’équation monte juſqu’à la troiſième ou quatrième dimenſion des deux, ou de l’une des deux quantités indéterminées (car il en faut deux pour expliquer icy le rapport d’un point à un autre), elle eſt du ſecond ; & que lors que l’équation monte juſqu’à la cinquième ou ſixième dimenſion, elle eſt du troiſième ; & ainſi des autres à l’infini.

Comme ſi je veux ſavoir de quel genre eſt la ligne EC, que j’imagine eſtre décrite par l’interſection de la règle GL & du plan rectiligne CNKL, dont le coſté KN eſt indéfiniment prolongé vers C, & qui, étant mu ſur le plan de deſſous en ligne droite, c’eſt-à-dire en telle ſorte que ſon diamètre KL ſe trouve toujours appliqué ſur quelque endroit de la ligne BA prolongée de part & d’autre, foit mouvoir circulairement cette règle GL autour du point G, à cauſe qu’elle luy eſt tellement jointe qu’elle paſſe toujours par le point L. Je choiſis une ligne droite comme AB, pour rapporter à ſes divers points tous ceux de cette ligne courbe EC; & en cette ligne AB je choiſis un point comme A, pour commencer par luy ce calcul. Je dis que je choiſis & l’un & l’autre, à cauſe qu’il eſt libre de les prendre tels qu’on veut ; car encore qu’il y ait beaucoup de choix pour rendre l’équation plus courte & plus aiſée, toutefois en quelle façon qu’on les prenne, on peut toujours faire que la ligne paraiſſe de meſme genre, ainſi qu’il eſt aiſé à démontrer. Après cela prenant un point à diſcrétion dans la courbe, comme C, ſur lequel je ſuppoſe que l’inſtrument qui ſert à la décrire eſt appliqué, je tire de ce point C la ligne CB parallèle à GA, & pourceque CB & BA ſont deux quantités indéterminées & inconnues, je les nomme l’une y & l’autre x; mais afin de trouver le rapport de l’une à l’autre, je conſidère auſſi les quantités connues qui déterminent la deſcription de cette ligne courbe, comme GA, que je nomme a, KL que je nomme b, & NL, parallèle à GA, que je nomme c; puis je dis, comme NL eſt à LK, ou c à b, ainſi CB ou y eſt à BK, qui eſt par conſéquent  : & BL eſt , & AL eſt . De plus, comme CB eſt à LB, ou y à , ainſi a ou GA eſt à LA ou ; de façon que, multipliant la ſeconde par la troiſième, on produit , qui eſt égale à , qui ſe produit en multipliant la première par la dernière : & ainſi l’équation qu’il falloit trouver eſt

,

de laquelle on connaît que la ligne EC eſt du premier genre, comme en effect elle n’eſt autre qu’une hyperbole.

Que ſi, en l’inſtrument qui ſert à la décrire, on foit qu’au lieu de la ligne droite CNK, ce ſoyt cette hyperbole, ou quelque autre ligne courbe du premier genre, qui termine le plan CNKL, l’interſection de cette ligne & de la règle GL décrira, au lieu de l’hyperbole EC, une autre ligne courbe qui ſera d’un ſecond genre. Comme ſi CNK eſt un cercle dont L ſoyt le centre, on décrira la première conchoïde des anciens ; & ſi c’eſt une parabole dont le diamètre ſoyt KB, on décrira la ligne courbe que j’ai tantoſt dit eſtre la première & la plus ſimple pour la queſtion de Pappus, lorſqu’il n’y a que cinq lignes droites données par poſition; mais ſi au lieu d’une de ces lignes courbes du premier genre, c’en eſt une du ſecond qui termine le plan CNKL, on en décrira, par ſon moyen, une du troiſième, ou ſi c’en eſt une du troiſième, on en décrira une du quatrième, & ainſi à l’infini, comme il eſt fort aiſé à connaître par le calcul. Et en quelque autre façon qu’on imagine la deſcription d’une ligne courbe, pourvu qu’elle ſoyt du nombre de celles que je nomme géométriques, on pourra toujours trouver une é quation pour déterminer tous ſes points en cette ſorte.

Au reſte, je mets les lignes courbes qui font monter cette équation juſqu’au carré, au meſme genre que celles qui ne la font monter que juſqu’au cube ; & celles dont l’équation monte au carré de cube, au meſme genre que celles dont elle ne monte qu’au ſurſolide, & ainſi des autres : dont la raiſon eſt qu’il y a règle générale pour réduire au cube toutes les difficultés qui vont au carré de carré, & au ſurſolide toutes celles qui vont au carré de cube ; de façon qu’on ne les doit point eſtimer plus compoſées.

Mais il eſt à remarquer qu’entre les lignes de chaque genre, encore que la plupart ſoyent également compoſées, en ſorte qu’elles peuvent ſervir à déterminer les meſmes points & conſtruire les meſmes problèmes, il y en a toutefois auſſi quelques-unes qui ſont plus ſimples, & qui n’ont pas tant d’étendue en leur puiſſance ; comme entre celles du premier genre, outre l’ellipſe, l’hyperbole & la parabole, qui ſont également compoſées, le cercle y eſt auſſi compris, qui manifeſtement eſt plus ſimple ; & entre celles du ſecond genre, il y a la conchoïde vulgaire, qui a ſon origine du cercle ; & il y en a encore quelques autres qui, bien qu’elles n’aient pas tant d’étendue que la plupart de celles du meſme genre, ne peuvent toutefois eſtre miſes dans le premier.

Suite de l’explication de la queſtion de Pappus miſe au livre précédent

Or, après avoir ainſi réduit toutes les lignes courbes à certains genres, il m’eſt aiſé de pourſuivre en la démonſtration de la réponſe que j’ai tantoſt faite à la queſtion de Pappus ; car premièrement, ayant foit voir ci-deſſus que, lorſqu’ il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, l’équation qui ſert à déterminer les points cherchés ne monte que juſqu’au carré, il eſt évident que la ligne courbe où ſe trouvent ces points eſt néceſſairement quelqu’une de celles du premier genre, à cauſe que cette meſme équation explique le rapport qu’ont tous les points des lignes du premier genre à ceux d’une ligne droite ; & que lorſqu’il n’y a point plus de huit lignes droites données, cette équation ne monte que juſqu’au carré de carré tout au plus, & que par conſéquent la ligne cherchée ne peut eſtre que du ſecond genre, ou au-deſſous ; & que lorſqu’il n’y a point plus de douze lignes données, l’équation ne monte que juſqu’au carré de cube, & que par conſéquent la ligne cherchée n’eſt que du troiſième genre, ou au-deſſous ; & ainſi des autres. Et meſme à cauſe que la poſition des lignes droites données peut varier en toutes ſortes, & par conſéquent faire changer tant les quantités connues que les ſignes + & - de l’équation, en toutes les façons imaginables, il eſt évident qu’il n’y a aucune ligne courbe du premier genre qui ne ſoyt utile à cette queſtion, quand elle eſt propoſée en quatre lignes droites ; ni aucune du ſecond qui n’y ſoyt utile, quand elle eſt propoſée en huit ; ni du troiſième, quand elle eſt propoſée en douze ; & ainſi des autres : en ſorte qu’il n’y a pas une ligne courbe qui tombe ſous le calcul & puiſſe eſtre reçue en géométrie, qui n’y ſoyt utile pour quelque nombre de lignes.

Solution de cette queſtion quand elle n’eſt propoſée qu’en trois ou quatre lignes

Mais il faut icy plus particulièrement que je détermine & donne la façon de trouver la ligne cherchée qui ſert en chaque cas, lorſqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données ; & on verra, par meſme moyen, que le premier genre des lignes courbes n’en contient aucunes autres que les trois ſections coniques & le cercle.

Reprenons les quatre lignes AB, AD, EF & GH données ci-deſſus, & qu’il faille trouver une autre ligne, en laquelle il ſe rencontre une infinité de points tels que C, duquel ayant tiré les 4 lignes CB, CD, CF, & CH, à angles donnez, ſur les données, CB multipliée par CF, produit une ſomme égale à CD, multipliée par CH.

C’eſt-à-dire ayant foit CB = y, CD = ,

CF = & CH = l’équation eſt


au moins en ſuppoſant ez plus grand que eg car s’il étoit moindre, il faudroit changer tous les ſignes + & -. Et ſi la quantité ſe trouvoit nulle, ou moindre que rien en cette équation, lorſqu’on a ſuppoſé le point C en l’angle DAG, il faudroit le ſuppoſer auſſi en l’angle DAE, ou EAR, ou RAG, en changeant les ſignes + & – ſelon qu’il ſeroit requis à cet effet. Et ſi en toutes ces 4 poſitions la valeur de y ſe trouvoit nulle, la queſtion ſeroit impoſſible au cas propoſé. Mais ſuppoſons-la icy eſtre poſſible, & pour en abréger les termes, au lieu des quantités écrivons 2m, & au lieu de écrivons , & ainſi nous aurons y2 = dont la racine eſt

et derechef pour abréger, au lieu de , écrivons o ;

et au lieu de écrivons , car ces quantités étant toutes données, nous les pouvons nommer comme il nous plaît & ainſi nous avons

qui doit eſtre la longueur de la ligne BC, en laiſſant AB, ou x indéterminé e.

Et il eſt évident que la queſtion n’étant propoſée qu’en trois ou quatre lignes, on peut toujours avoir de tels termes, excepté que quelques-uns d’eux peuvent eſtre nuls, & que les ſignes + & - peuvent diverſement eſtre changez.

Après cela je fais KI égale & parallèle à BA, en ſorte qu’elle coupe de BC la partie BK égale à m, à cauſe qu’il y a icy + m ; & je l’aurais ajoutée en tirant cette ligne IK de l’autre coſté, s’il auroit eu -m ; & je ne l’aurais point du tout tirée, ſi la quantité m eut été nulle. Puis je tire auſſi IL, en ſorte que la ligne IK eſt à KL, comme z eſt à n. c’eſt-à-dire que IK étant x, KL eſt . Et par meſme moyen je connais auſſi la proportion qui eſt entre KL, & IL, que je poſe comme entre n & a : ſi bien que KL étant , iL eſt . Et je fais que le point K ſoyt entre L & C, à cauſe qu’il y a icy  ; au lieu que j’aurais mis L entre K & C, ſi j’euſſe eu  ; & je n’euſſe point tiré cette ligne IL, ſi eût été nulle.

Or cela fait, il ne me reſte plus pour la ligne LC, que ces termes

d’où je vois que s’ils étaient nuls, ce point C ſe trouveroit en la ligne droite IL ; & que s’ils étaient tels que la racine s’en pût tirer, c’eſt-à-dire que m2 & étant marqués d’un meſme ſigne + ou -, o2 fût égal à 4pm, ou bien que les termes m2 & ox, ou ox & fuſſent nuls, ce point C ſe trouveroit en une autre ligne droite qui ne ſeroit pas plus malaiſée à trouver que IL. Mais lors que cela n’eſt pas, ce point C eſt toujours en l’une des trois ſections coniques, ou en un cercle, dont l’un des diamètres eſt en la ligne IL, & la ligne LC eſt l’une de celles qui s’appliquent par ordre à ce diamètre ; ou au contraire LC eſt parallèle au diamètre, auquel celle qui & en la ligne IL & appliquée par ordre. À ſavoir ſi le terme , eſt nul cette ſection conique & une Parabole ; & s’il eſt marqué du ſigne +, c’eſt une Hyperbole, & enfin s’il & marqué du ſigne - c’eſt une Ellipſe. Excepté ſeulement ſi la quantité a2m eſt égale à pz2, & que l’angle ILC ſoyt droit ; auquel cas on a un cercle au lieu d’une Ellipſe. Que ſi cette ſection eſt une Parabole, ſon coſté droit eſt égal à , & ſon diamètre & toujours en la ligne IL, & pour trouver le point N, qui en eſt le ſommet, il faut faire IN égale à  ; & que le point I ſoyt entre L & N, ſi les termes ſont +m2 + ox ; ou bien que le point L, ſoyt entre I & N, s’ils ſont +m2 - ox ; ou bien il faudroit que N fût entré I & L, s’il y avoit -m2 + ox. Mais il ne peut jamais y avoir - m2, en la façon que les termes ont icy été poſez. Et enfin le point N ſeroit le meſme que le point I ſi la quantité m2 étoit nulle. Au moyen de quoy il & aiſé de trouver cette Parabole par le premier Problème du premier livre d’Apollonius.

Que ſi la ligne demandée eſt un cercle, ou une ellipſe, ou une hyperbole, il faut premièrement chercher le point M, qui en eſt le centre, & qui eſt toujours en la ligne droite IL, ou on le trouve en prenant pour IM en ſorte que ſi la quantité o eſt nulle, ce centre eſt juſtement au point I. Et ſi la ligne cherchée eſt un cercle, ou une Ellipſe, on doit prendre le point M du meſme coſté que le point L, au reſpect du point I, lorſqu’on a +ox ; & lorſqu’on a –ox, on le doit prendre de l’autre. Mais tout au contraire en l’hyperbole, ſi on a -ox, ce centre M doit eſtre vers L ; & ſi on a +ox, il doit eſtre de l’autre coſté.

Après cela le coſté droit de la figure doit eſtre

lorſqu’on a +m2, & que la ligne cherchée eſt un cercle, ou une Ellipſe ; ou bien lorſqu’on a -m2, & que c’eſt une Hyperbole, & il doit eſtre

ſi la ligne cherchée étant un cercle, ou une Ellipſe, on a - m2 ; ou bien ſi étant une Hyperbole & la quantité o2 étant plus grande que 4mp, on a +m2. Que ſi la quantité m2 eſt nulle, ce coſté droit eſt & ſi ox eſt nulle, il eſt .

Puis pour le coſté traverſant, il faut trouver une ligne qui ſera ce coſté droit, comme a2m eſt à pz2 ; à ſavoir ſi ce coſté droit eſt

le traverſant eſt

Et en tous ces cas le diamètre de la ſection & en la ligne IM, & LC & l’une de celles qui luy eſt appliquée par ordre. Si bien que faiſant MN égale a la moitié du coſté traverſant & le prenant du meſme coſté du point M, qu’eſt le point L, on a le point N pour le ſommet de ce diamètre ; enſuite de quoy il eſt aiſé de trouver la ſection par les ſecond & troiſième problèmes du premier livre d’Apollonius.

Mais quand cette ſection étant une Hyperbole, on à +m2; & que la quantité o2 & nulle ou plus petite que 4pm, on doit tirer du centre M la ligne MOP parallèle à LC, & CP parallèle à LM, & faire MO égale à

ou bien la faire égale à m ſi la quantité ox eſt nulle. Puis conſidérer le point O, comme le ſommet de cette Hyperbole ; dont le diamètre & OP, & CP la ligne qui luy eſt appliquée par ordre, & ſon coſté droit eſt

et ſon coſté traverſant eſt

Excepté quand ox eſt nulle, car alors le coſté droit eſt ,

et le traverſant eſt 2m ; & ainſi il eſt aiſé de la trouver par le troiſième problème du premier livre d’Apollonius.

Démonſtration de tout ce qui d’eſtre expliqué.

Et les démonſtrations de tout ceci ſont évidentes car compoſant un eſpace des quantités que j’ai aſſignées pour le coſté droit, & le traverſant, & pour le ſegment du diamètre NL, ou OP, ſuivant la teneur du 11e, du 12e et du 13e théorèmes du premier livre d’Apollonius, on trouvera tous les meſmes termes dont eſt compoſé le carré de la ligne CP, ou CL, qui eſt appliquée par ordre à ce diamètre. Comme en cet exemple, oſtant IM qui eſt ,

de NM qui eſt ,

j’ai IN, à laquelle ajoutant IL, qui eſt

j’ai NL qui eſt

et ceci étant multiplié par , qui & le coſté droit de la figure,

il vient

,

pour le rectangle, duquel il faut oſter un eſpace qui ſoyt au carré de NL comme le coſté droit eſt au traverſant, & ce carré de NL eſt

<math>+ \frac{a^2o^2m^2}{2p^2z^2}+\frac{a^2m^ 3}{pz^2} - \frac{a^2om^2}{2p^2z^2}\sqrt{o^2 + 4mp}</math>

qu’il faut diviſer par a2m & multiplier par pz2, à cauſe que ces termes expliquent la proportion qui & entre le coſté traverſant & le droit, & il vient

ce qu’il faut oſter du rectangle précédent, & on trouve

pour le carré de CL, qui par conſéquent & une ligne appliquée par ordre dans une Ellipſe, ou dans un cercle, au ſegment du diamètre NL.

Et ſi on veut expliquer toutes les quantités données par nombres, en faiſant par exemple EA = 3, AG = 5, AB = BR, BS = BE,GB = BT, CD = CR, CF = 2CS, CH = CT, & que l’angle ABR ſoyt de 60 degrés ; & enfin que le rectangle des deux CB, & CF, ſoyt égal au rectangle des deux autres CD & CH ; car il faut avoir toutes ces choſes afin que la queſtion ſoyt entièrement déterminée. & avec cela ſuppoſant AB = x; & CB = y, on trouve par la façon ci-deſſus expliqué

y2 = 2y - xy + 5x - x2

ſi bien que BK doit eſtre 1, & KL doit eſtre la moitié da KI, & pourceque l’angle IKL ou ABR eſt de 60 degrez, & KIL qui eſt la moitié de KIB ou IKL, de 30, ILK eſt droit. Et pourceque IK ou AB eſt nommé x, KL eſt x, & IL eſt , & la quantité qui étoit tantoſt nommée z eſt 1, celle qui étoit a eſt , celle qui étoit m eſt 1, celle qui étoit o eſt 4, & celle qui étoit p eſt , de façon qu’on a

Pour IM, & pour NM ; & pourceque a2m ; qui eſt eſt icy égal à pz2, & que l’angle ILC eſt droit, on trouve que la ligne courbe NC eſt un cercle. Et on peut examiner facilement examiner tous les autres cas de la ſorte.

Quels ſont les lieux plans & ſolides, & la façon de les trouver tous

Au reſte, à cauſe que les équations qui ne montent que juſqu’au carré ſont toutes compriſes en ce que je viens d’expliquer, non ſeulement le problème des anciens en trois & quatre lignes eſt icy entièrement achevé, mais auſſi tout ce qui appartient à ce qu’ils nommaient la compoſition des lieux ſolides, & par conſéquent auſſi à celle des lieux plans, à cauſe qu’ils ſont compris dans les ſolides : car ces lieux ne ſont autre choſe, ſinon que, lorſqu’il eſt queſtion de trouver quelque point auquel il manque une condition pour eſtre entièrement déterminé, ainſi qu’il arrive en cet exemple, tous les points d’une meſme ligne peuvent eſtre pris pour celuy qui eſt demandé : & ſi cette ligne eſt droite ou circulaire, on la nomme un lieu plan; mais ſi c’eſt une parabole, ou une hyperbole, ou une ellipſe, on la nomme un lieu ſolide : & toutefois & quand cela eſt, on peut venir à une équation qui contient deux quantités inconnues, & eſt pareille à quelqu’une de celles que je viens de réſoudre. Que ſi la ligne qui détermine ainſi le point cherché eſt d’un degré plus compoſée que les ſections coniques, on la peut nommer, en meſme façon, un lieu ſurſolide, & ainſi des autres. Et s’il manque deux conditions à la détermination de ce point, le lieu où il ſe trouve eſt une ſuperficye, laquelle peut eſtre tout de meſme ou plate, ou ſphérique, ou plus compoſée. Mais le plus haut but qu’aient eu les anciens en cette matière a été de parvenir à la compoſition des lieux ſolides ; & il ſemble que tout ce qu’Apollonius a écrit des ſections coniques n’a été qu’à deſſein de la chercher.

De plus, on voit icy que ce que j’ai pris pour le premier genre des lignes courbes n’en peut comprendre aucunes autres que le cercle, la parabole, l’hyperbole & l’ellipſe, qui eſt tout ce que j’avais entrepris de prouver.

Quelle eſt la première & la plus ſimple de toutes les lignes courbes qui ſervent à la queſtion des anciens quand elle eſt propoſée en cinq lignes

Que ſi la queſtion des anciens eſt propoſée en cinq lignes qui ſoyent toutes parallèles, il eſt évident que le point cherché ſera toujours en une ligne droite ; mais ſi elle eſt propoſée en cinq lignes, dont il y en ait quatre qui ſoyent parallèles, & que la cinquième les coupe à angles droits, & meſme que toutes les lignes tirées du point cherché les rencontrent auſſi à angles droits, & enfin que le parallélépipède compoſé de trois des lignes ainſi tirées ſur trois de celles qui ſont parallèles ſoyt égal au parallélépipède compoſé propoſée en des deux lignes tirées, l’une ſur la quatrième de celles qui ſont parallèles, & l’autre ſur celle qui les coupe à angles droits, & d’une troiſième ligne donnée, ce qui eſt, ce ſemble, le plus ſimple cas qu’on puiſſe imaginer après le précédent, le point cherché ſera en la ligne courbe qui eſt décrite par le mouvement d’une parabole, en la façon ci-deſſus expliquée.

Soient par exemple les lignes données AB, IH, ED, GF, & GA, & qu’on demande le point C, en ſorte que tirant CB, CF, CD, GH & CM à angles droits ſur les données, le parallélépipède des trois CF, CD & CH ſoyt égal à celuy des deux autres CB & CM, & d’une troiſième qui ſoyt AL. Je poſe GB = y, CM = x, AI ou AE ou GE = a; de façon que le point C étant entre les lignes AB & DE, j’ai CF = 2a - y, CD = a - y, & CH = y + a ; & multipliant ces trois l’une par l’autre, j’ai y3 - 2ay2 - a2y + 2a3 égal au produit des trois autres, qui eſt axy. Après cela je conſidère la ligne courbe CEG, que j’imagine eſtre décrite par l’interſection de la parabole CKN, qu’on foit mouvoir en telle ſorte que ſon diamètre KL eſt toujours ſur la ligne droite AB, & de la règle GL qui tourne cependant autour du point G en telle ſorte qu’elle paſſe toujours dans le plan de cette parabole par le point L. Et je fais KL = a, & le coſté droit principal, c’eſt-à-dire celuy qui ſe rapporte à l’eſſieu de cette parabole, auſſi égal à a, & GA = 2a, & CB ou MA = y, & CM ou AB = x. Puis à cauſe des triangles ſemblables GMC & CBL, GM qui eſt 2a - y, eſt à MC qui eſt x, comme CB qui eſt y, eſt à BL qui eſt par conſéquent . Et pourceque KL eſt a, BK eſt , ou bien . Et enfin pourceque ce meſme BK, étant un ſegment du diamètre de la parabole, eſt à BC qui luy eſt appliquée par ordre, comme celle-ci eſt au coſté droit qui eſt a, le calcul montre que y3 - 2ay2 - a2y + 2a2 eſt égal à axy; & par conſéquent que le point C eſt celuy qui étoit demandé. Et il peut eſtre pris en tel endroit de la ligne CEG qu’on veuille choiſir, ou auſſi en ſon adjointe cEGc, qui ſe décrit en meſme façon, excepté que le ſommet de la parabole eſt tourné vers l’autre coſté, ou enfin en leurs contrepoſées NIo, nIO, qui ſont décrites par l’interſection que foit la ligne GL en l’autre coſté de la parabole KN.

Or encore que les parallèles données AB, IH, ED, & GF, ne fuſſent point également diſtantes, & que GA ne les coupat point à angles droits, ni auſſi les lignes tirées du point C vers elles, ce point C ne laiſſeroit pas de ſe trouver toujours en une ligne courbe qui ſeroit de meſme nature : & il s’y peut auſſi trouver quelquefois, encore qu’aucune des lignes données ne ſoyent parallèles. Mais ſi lorſqu’il y en a quatre ainſi parallèles, & une cinquième qui les traverſe, & que le parallélépipède de trois des lignes tirées du point cherché, l’une ſur cette cinquième, & les deux autres ſur deux de celles qui ſont parallèles, ſoyt égal à celuy des deux tirées ſur les deux autres parallèles, & d’une autre ligne donnée : ce point cherché eſt en une ligne courbe d’une autre nature, à ſavoir en une qui eſt telle, que toutes les lignes droites appliquées par ordre à ſon diamètre étant égales à celles d’une ſection conique, les ſegments de ce diamètre qui ſont entre le ſommet & ces lignes ont meſme proportion à une certaine ligne donnée, que cette ligne donnée a aux ſegments du diamètre de la ſection conique, auxquels les pareilles lignes ſont appliquées par ordre. Et je ne ſaurais véritablement dire que cette ligne ſoyt moins ſimple que la précédente, laquelle j’ai cru toutefois devoir prendre pour la première, à cauſe que la deſcription & le calcul en ſont en quelque façon plus faciles.

Pour les lignes qui ſervent aux autres cas, je ne m’arreſterai point à les diſtinguer par eſpèces, car je n’ai pas entrepris de dire tout ; et, ayant expliqué la façon de trouver une infinité de points par où elles paſſent, je penſe avoir aſſés donné le moyen de les décrire.

Quelles ſont les lignes courbes qu’on décrit en trouvant pluſieurs de leurs points qui peuvent eſtre reçues en géométrie

Meſme il eſt à propos de remarquer qu’il y a grande différence entre cette façon de trouver pluſieurs points pour tracer une ligne courbe, & celle dont on ſe ſert pour la ſpirale & ſes ſemblables ; car par cette dernière on ne trouve pas indifféremment tous les points de la ligne qu’on cherche, mais ſeulement ceux qui peuvent eſtre déterminés par quelque meſure plus ſimple que celle qui eſt requiſe pour la compoſer ; & ainſi, à proprement parler, on ne trouve pas un de ſes points, c’eſt-à-dire pas un de ceux qui luy ſont tellement propres qu’ils ne puiſſent eſtre trouvés que par elle ; au lieu qu’il n’y a aucun point dans les lignes qui ſervent à la queſtion propoſée, qui ne ſe puiſſe rencontrer entre ceux qui ſe déterminent par la façon tantoſt expliquée. Et pour cette façon de tracer une ligne courbe, en trouvant indifféremment pluſieurs de ſes points, ne s’étend qu’à celles qui peuvent auſſi eſtre décrites par un mouvement régulier & continu, on ne la doit pas entièrement rejeter de la géométrie.

Quelles ſont auſſi celles qu’on décrit avec une corde qui peuvent y eſtre reçues

Et on n’en doit pas rejeter non plus celle où on ſe ſert d’un fil ou d’une corde repliée pour déterminer l’égalité (de la ſomme) ou la différence de deux ou pluſieurs lignes droites qui peuvent eſtre tirées de chaque point de la courbe qu’on cherche, à certains autres points, ou ſur certaines autres lignes à certains angles, ainſi que nous avons foit en la Dioptrique pour expliquer l’ellipſe & l’hyperbole ; car encore qu’on n’y puiſſe recevoir aucunes lignes qui ſemblent à des cordes, c’eſt-à-dire qui deviennent tantoſt droites & tantoſt courbes, à cauſe que la proportion qui eſt entre les droites & les courbes n’étant pas connue, & meſme, je crois, ne le pouvant eſtre par les hommes, on ne pourroit rien conclure de là qui fût exact & aſſuré. Toutefois à cauſe qu’on ne ſe ſert de cordes en ces conſtructions que pour déterminer des lignes droites dont on connaît parfaitement la longueur, cela ne doit point faire qu’on les rejette.

Que, pour trouver toutes les propriétés des lignes courbes, il ſuffit de ſavoir le rapport qu’ont tous leurs points à ceux des lignes droites ; & la façon de tirer d’autres lignes qui les coupent en tous ces points à angles droits

Or de cela ſeul qu’on ſçait le rapport qu’ont tous les points d’une ligne courbe à tous ceux d’une ligne droite, en la façon que j’ai expliquée, il eſt aiſé de trouver auſſi le rapport qu’ils ont à tous les autres points & lignes données ; & enſuite de connaître les diamètres, les eſſieux, les centres & autres lignes ou points à qui chaque ligne courbe aura quelque rapport plus particulier ou plus ſimple qu’aux autres ; & ainſi d’imaginer divers moyens pour les décrire, & d’en choiſir les plus faciles ; & meſme on peut auſſi, par cela ſeul, trouver quaſi tout ce qui peut eſtre déterminé touchant la grandeur de l’eſpace qu’elles comprennent, ſans qu’il ſoyt beſoin que j’en donne plus d’ouverture. Et enfin pour ce qui eſt de toutes les autres propriétés qu’on peut attribuer aux lignes courbes, elles ne dépendent que de la grandeur des angles qu’elles font avec quelques autres lignes. Mais lorſqu’on peut tirer des lignes droites qui les coupent à angles droits, aux points où elles ſont rencontrées par celles avec qui elles font les angles qu’on veut meſurer, ou, ce que je prends icy pour le meſme, qui coupent leurs contingentes, la grandeur de ces angles n’eſt pas plus malaiſée à trouver que s’ils étaient compris entre deux lignes droites. C’eſt pourquoy je croirai avoir mis icy tout ce qui eſt requis pour les éléments des lignes courbes, lors que j’aurai généralement donné la façon de tirer des lignes droites qui tombent à angles droits ſur tels de leurs points qu’on voudra choiſir. Et j’oſe dire que c’eſt ceci le problème le plus utile & le plus général, non ſeulement que je ſache, mais meſme que j’aie jamais déſiré de ſavoir en géométrie.

- Façon générale pour trouver des lignes droites qui coupent les courbes données ou leurs contingentes à angles droits

Soit CE la ligne courbe, & qu’il faille tirer une ligne droite par le point C, qui faſſe avec elle des angles droits. Je ſuppoſe la choſe déjà faite, & que la ligne cherchée eſt CP, laquelle je prolonge juſqu’au point P, ou elle rencontre la ligne droite GA, que je ſuppoſe eſtre celle aux points de laquelle on rapporte tous ceux de la ligne CE : en ſorte que faiſant MA ou CB = y & CM ou BA = x, j’ai quelque équation, qui explique le rapport, qui eſt entre x & y. Puis je fais P C = s & PA = v, ou PM = v - y, & à cauſe du triangle rectangle PMC, j’ai s2 qui eſt le carré de la baſe égal à x2 + v2 - 2vy + y2, qui ſont les carrés des deux coſtés ; c’eſt-à-dire j’ai

,

ou bien

,

et par le moyen de cette équation, j’oſte de l’autre équation qui m’explique le rapport qu’ont tous les points de la courbe CB à ceux de la droite GA, l’une des deux quantités indéterminées x ou y ce qui eſt aiſé à faire en mettant partout

,

au lieu de x, & le carré de cette ſomme au lieu de x2, & ſon cube au lieu de x3, & ainſi des autres, ſi c’eſt x que je veuille oſter ; ou bien ſi c’eſt y, en mettant en ſon lieu ,

et le carré, ou le cube, etc. de cette ſomme, au lieu de y2 ou y3, etc. De façon qu’il reſte toujours après cela une équation, en laquelle il n’y a plus qu’une ſeule quantité indéterminée, x ou y.

Exemple de cette opération en une ellipſe & en une parabole du ſecond genre.

Comme ſi CE eſt une Ellipſe, & que MA ſoyt le ſegment de ſon diamètre, auquel CM ſoyt appliquée par ordre, & qui ait r pour ſon coſté droit & q pour le traverſant, on a par le treizième théorème du premier livre d’Apollonius,

,

D’où oſtant x2, il reſte

,

ou bien

,

car il eſt mieux en cet endroit de conſidérer ainſi enſemble toute la ſomme, que d’en faire une partie égale à l’autre.

Tout de meſme ſi CE eſt la ligne courbe décrite par le mouvement d’une Parabole en la façon ci-deſſus expliquée, & qu’on ait poſé b pour GA, c pour KL & d pour le coſté droit du diamètre KL en la parabole, l’équation qui explique le rapport qui eſt entre x & y eſt

y3 - by2 - cdy + bcd +dxy = 0,

d’où oſtant x, on a  ;

et remettant en ordre ces termes par le moyen de la multiplication, il vient

y6-2by5+(b2-2cd+d2)y4+(4bcd-2d2v)y3+(c2d2-d2s2+d2v2-2b2cd)y2-2bc2d2y+b2c2d2=0,

et ainſi des autres.

Autre exemple en un ovale du ſecond genre

Meſme encore que les points de la ligne courbe ne ſe rapportaient pas, en la façon que j’ai dite à ceux d’une ligne droite, mais en toute autre qu’on ſauroit imaginer, on ne laiſſe pas de pouvoir toujours avoir une telle équation. Comme ſi CE eſt une ligne, qui ait tel rapport aux trois points F, G & A, que les lignes droites tirées de chacun de ſes points comme C, juſqu’au point F, ſurpaſſent la ligne SA d’une quantité, qui ait certaine proportion donnée à une autre quantité dont GA ſurpaſſe les lignes tirées des meſmes points juſqu’à G. Faiſons GA = b, AF = c & prenant à diſcrétion le point C dans la courbe, que la quantité dont CF ſurpaſſe SA, ſoyt à celle dont GA ſurpaſſe GC, comme d à c, en ſorte que ſi cette quantité qui eſt indéterminée ſe nomme z, FC eſt c + z & GC eſt .

Puis poſant MA = y, GM eſt b - y, & FM eſt c + y, & à cauſe du triangle rectangle CMG, oſtant le carré de GM du carré de GC, on a le carré de CM, qui eſt

puis oſtant le carré de FM du carré de FC, on a encore le carré de CM en d’autres termes, à ſavoir z2 + 2cz – 2cy - y2 ; & ces termes étant égaux aux précédents, ils font connaître y ou MA, qui eſt

et ſubſtituant cette ſomme au lieu de y dans le carré de CM, on trouve qu’il s’exprime en ces termes

.

Puis ſuppoſant que la ligne droite PC rencontre la courbe à angles droits au point C, & faiſant PC = s & PA = v comme devant, PM eſt v - y ; & à cauſe du triangle rectangle PCM, on a r2 - v2 + 2vy - y2 pour le carré de CM, ou derechef ayant au lieu de y ſubſtitué la ſomme qui luy eſt égale, il vient

pour l’équation que nous cherchions.

Or après qu’on a trouvé une telle équation, au lieu de s’en ſervir pour connaître les quantités x ou y, ou z, qui ſont déjà données, puiſque le point C eſt donné, on la doit employer à trouver v ou s, qui déterminent le point P, qui eſt demandé. Et à cet effect il faut conſidérer, que ſi ce point P eſt tel qu’on le déſire, le cercle dont il ſera le centre, & qui paſſera par le point C, y touchera la ligne courbe CE, ſans la couper ; mais que ſi ce point P, eſt tant ſoyt peu plus proche, ou plus éloigné du point A, qu’il ne doit, ce cercle coupera la courbe, non ſeulement au point C, mais auſſi néceſſairement en quelque autre. Puis il faut auſſi conſidérer, que lors que ce cercle coupe la ligne courbe CE, l’équation par laquelle on cherche la quantité x ou y, ou quelque autre ſemblable, en ſuppoſant PA & PC eſtre connues, contient néceſſairement deux racines, qui ſont inégales. Car par exemple ſi ce cercle coupe la courbe aux points C & E, ayant tiré EQ parallèle à CM, les noms des quantités indéterminées x & y, conviendront auſſi bien aux lignes EQ & QA, qu’à CM & MA ; puis PE eſt égale à PC, à cauſe du cercle, ſi bien que cherchant les lignes EQ & QA, par PE & PA qu’on ſuppoſe comme données, on aura la meſme équation que ſi on cherchoit CM & MA par PC, PA. D’où il ſuit évidemment, que la valeur de x ou de y, ou de telle autre quantité qu’on aura ſuppoſée, ſera double en cette équation, c’eſt-à-dire qu’il y aura deux racines inégales entre elles, & dont l’une ſera CM, l’autre EQ, ſi c’eſt x qu’on cherche, ou bien l’une ſera MA & l’autre QA, ſi c’eſt y ; & ainſi des autres. Il eſt vrai que ſi le point E ne ſe trouve pas du meſme coſté de la courbe que le point C, il n’y aura que l’une de ces deux racines qui ſoyt vraie, & l’autre ſera renverſée, ou moindre que rien : mais plus ces deux points C & E, ſont proches l’un de l’autre, moins il y a de différence entre ces deux racines ; & enfin elles ſont entièrement égales, s’ils ſont tous deux joints en un ; c’eſt-à-dire ſi le cercle, qui paſſe par C, y touche la courbe CE ſans la couper.

De plus il faut conſidérer, que lorſqu’il y a deux racines égales en une équation, elle a néceſſairement la meſme forme, que ſi on multiplie par ſoy-meſme la quantité qu’on y ſuppoſe eſtre inconnue, moins la quantité connue qui luy eſt égale, & qu’après cela ſi cette dernière ſomme n’a pas tant de dimenſions que la précédente, on la multiplie par une autre ſomme qui en ait autant qu’il luy en manque ; afin qu’il puiſſe y avoir ſéparément équation entre chacun des termes de l’une & chacun des termes de l’autre.

Comme par exemple je dis que la première équation trouvée ci-deſſus, à ſavoir

doit avoir la meſme forme que celle qui ſe produit en faiſant e égal à y, & multipliant y - e par ſoy-meſme, d’où il vient y2 - 2ey + e2, en ſorte qu’on peut comparer ſéparément chacun de leurs termes, & dire que puiſque le premier qui eſt y2 eſt tout le meſme en l’une qu’en l’autre, le ſecond qui eſt en l’une

eſt égal au ſecond de l’autre qui eſt -2ey, d’où cherchant la quantité v qui eſt la ligne PA, on a

à cauſe que nous avons ſuppoſe e égal à y, on a

.

Et ainſi on pourroit trouver s par le troiſième terme mais pourceque la quantité v détermine aſſés le point P, qui eſt le ſeul que nous cherchions, on n’a pas beſoin de paſſer outre.

Tout de meſme la ſeconde équation trouvée ci-deſſus, à ſavoir

y6-2by5+(b2-2cd+d2)y4+(4bcd-2d2v)y3+(c2d2-d2s2+d2v2-2b2cd)y2-2bc2d2y+b2c2d2=0,

doit avoir meſme forme, que la ſomme qui ſe produit lorſqu’on multiplie

y2 - 2ey + e2 par y4 + fy3 + g2y2 + h3y + k4

qui eſt

y6 + (f-2e)y5 + (g2-2ef+e2)y4 + (h3-2eg2+e2f)y3 + k(4-2eh3+e2g2)y2 + (e2h3-2ek4)y + e2k4

de façon que de ces deux équations j’en tire ſix autres, qui ſervent à connaître les ſix quantités f, g, h, k, v & s.

D’où il eſt fort aiſé à entendre, que de quelque genre, que puiſſe eſtre la ligne courbe propoſée, il vient toujours par cette façon de procéder autant d’équations, qu’on eſt obligé de ſuppoſer de quantitez, qui ſont inconnues. Mais pour démeſler par ordre ces équations, & trouver enfin la quantité v, qui & la ſeule dont on a beſoin, & à l’occaſion de laquelle on cherche les autres, il faut premièrement par le ſecond terme chercher f, la première des quantités inconnues de la dernière ſomme, & on trouve f = 2e - 2b.

Puis par le dernier il faut chercher k, la dernière des quantités inconnues de la meſme ſomme, & on trouve

Puis par le troiſième terme il faut chercher g la ſeconde quantité, & on a

g2 = 3e2 - 4be – 2cd + b2 + d2.

Puis par le pénultième il faut chercher h, la pénultième quantité, qui eſt

.

Et ainſi il faudroit continuer ſuivant ce meſme ordre juſqu’à la dernière, s’il y en avoit d’avantage en cette ſomme ; car c’eſt choſe qu’on peut toujours faire en meſme façon.

Puis par le terme qui ſuit en ce meſme ordre, qui eſt icy le quatrième, il faut chercher la quantité v, & on a

ou mettant y au lieu de e qui luy eſt égal on a

pour la ligne AP.

Et ainſi la troiſième équation, qui eſt

a la meſme forme que z2 - 2fz + f2,

en ſuppoſant f égal à z, ſ i bien qu’il y a derechef équation entre -2f ou -2z, et

.

d’où on connaît que la quantité v eſt

.

.

C’eſt pourquoy, compoſant la ligne AP de cette ſomme égale à v, dont toutes les quantités ſont connues, & tirant du point P ainſi trouvé, une ligne droite vers C, elle y coupe la courbe CE à angles droits ; qui eſt ce qu’il falloit faire. Et je ne vois rien qui empeſche qu’on n’étende ce problème en meſme façon à toutes les lignes courbes qui tombent ſous quelque calcul géométrique.

Meſme il eſt à remarquer, touchant la dernière ſomme, qu’on prend à diſcrétion pour remplir le nombre des dimenſions de l’autre ſomme lorſqu’il y en manque, comme nous avons pris tantoſt
y4 + fy3 + g2y2 + h3y + k4 que les ſignes + & - y peuvent eſtre ſuppoſés tels qu’on veut, ſans que la ligne v ou AP ſe trouve diverſe pour cela, comme vous pourrés aiſément voir par expérience ; car s’il falloit que je m’arreſtaſſe à démontrer tous les théorèmes dont je fais quelque mention,, je ſerais contraint d’écrire un volume beaucoup plus gros que je ne déſire. Mais je veux bien en paſſant vous avertir que l’invention de ſuppoſer deux équations de meſme forme, pour comparer ſéparément tous les termes de l’une à ceux de l’autre, & ainſi en faire naître pluſieurs d’une ſeule, dont vous avés vu icy un exemple, peut ſervir à une infinité d’autres problèmes, & n’eſt pas l’une des moindres de la méthode dont je me ſers.

Je n’ajoute point les conſtructions par leſquelles on peut décrire les contingentes ou les perpendiculaires cherchées, enſuite du calcul que je viens d’expliquer, à cauſe qu’il eſt toujours aiſé de les trouver, bien que ſouvent on ait beſoin d’un peu d’adreſſe pour les rendre courtes & ſimples.

Exemple de la conſtruction de ce problème en la conchoïde

.

Comme par exemple, ſi DC eſt la première conchoïde des anciens, dont A ſoyt le poſle & BH la règle, en ſorte que toutes les lignes droites qui regardent vers A, & ſont compriſes entre la courbe CD & la droite BH, comme DB & CE, ſoyent égales, & qu’on veuille trouver la ligne CG qui la coupe au point C à angles droits, on pourrait, en cherchant dans la ligne BH le point par où cette ligne CG doit paſſer, ſelon la méthode icy expliquée, s’engager dans un calcul autant ou plus long qu’aucun des précédents : & toutefois la conſtruction qui devroit après en eſtre déduite eſt fort ſimple ; car il ne faut que prendre CF en la ligne droite CA, & la faire égale à CH qui eſt perpendiculaire ſur HB ; puis du point F tirer FG parallèle à BA & égale à EA; au moyen de quoy on a le point G, par lequel doit paſſer CG la ligne cherchée.

Explication de quatre nouveaux genres d’ovales qui ſervent à l’optique

Au reſte, afin que vous ſachiés que la conſidération des lignes courbes icy propoſée n’eſt pas ſans uſage, & qu’elles ont diverſes propriétés qui ne cèdent en rien à celles des ſections coniques, je veux encore ajouter icy l’explication de certaines ovales que vous verrés eſtre tres-utiles pour la théorie de la catoptrique & de la dioptrique. Voicy la façon dont je les décris :

Premièrement, ayant tiré les lignes droites FA & AR, qui s’entrecoupent au point A, ſans qu’il importe à quels angles, je prends en l’une le point F à diſcrétion, c’eſt-à-dire plus ou moins éloigné du point A, ſelon que je veux faire ces ovales plus ou moins grandes, & de ce point F, comme centre, je décris un cercle qui paſſe quelque peu au-delà du point A, comme par le point 5; puis de ce point 5 je tire la ligne droite 56, qui coupe l’autre au point 6, en ſorte que A6 ſoyt moindre que A5 ſelon telle proportion donnée qu’on veut, à ſavoir ſelon celle qui meſure les réfractions ſi on s’en veut ſervir pour la dioptrique. Après cela je prends auſſi le point G en la ligne FA du coſté où eſt le point 5, à diſcrétion, c’eſt-à-dire en faiſant que les lignes AF & GA ont entre elles telle proportion donnée qu’on veut. Puis je fais RA égale à GA en la ligne A6, & du centre G décrivant un cercle dont le rayon ſoyt égal à R6, il coupe l’autre cercle de part & d’autre au point 1, qui eſt l’un de ceux par où doit paſſer la première des ovales cherchées. Puis derechef du centre F je décris un cercle qui paſſe un peu au-deçà ou au-delà du point 5, comme par le point 7, & ayant tiré la ligne droite 78 parallèle à 56, du centre G je décris un autre cercle dont le rayon eſt égal à la ligne R8, & ce cercle coupe celuy qui paſſe par le point 7 au point 1, qui eſt encore l’un de ceux de la meſme ovale ; & ainſi on en peut trouver autant d’autres qu’on voudra, en tirant derechef d’autres lignes parallèles à 78, & d’autres cercles des centres F & G.


Pour la ſeconde ovale il n’y a point de différence, ſinon qu’au lieu de AR il faut de l’autre coſté du point A prendre AS égal à AG, & que le rayon du cercle décrit du centre G, pour couper celuy qui eſt décrit du centre F & qui paſſe par le point 5, ſoyt égal à la ligne S6,

ou qu’il ſoyt égal à S8, ſi c’eſt pour couper celuy qui paſſe par le point 7, & ainſi des autres ; au moyen de quoy ces cercles s’entre-coupent aux points marqués 2, 2, qui ſont ceux de cette ſeconde ovale A2X.

Pour la troiſième & la quatrième, au lieu de la ligne AG il faut prendre AH de l’autre coſté du point A, à ſavoir du meſme qu’eſt le point F ; & il y a icy de plus à obſerver que cette ligne AH doit eſtre plus grande que AF, laquelle peut meſme eſtre nulle, en ſorte que le point F ſe rencontre où eſt le point A en la deſcription de toutes ces ovales. Après cela les lignes AR & AS étant égales à AH, pour décrire la troiſième ovale A3Y, je fais un cercle du centre H, dont le rayon eſt égal à S6, qui coupe au point 3 celuy du centre F, qui paſſe par le point 5 ; & un autre dont le rayon eſt égal à S8, qui coupe celuy qui paſſe par le point 7 au point auſſi marqué 3, & ainſi des autres. Enfin, pour la dernière ovale, je fais des cercles du centre H, dont les rayons ſont égaux aux lignes R6, R8, & ſemblables, qui coupent les autres cercles aux points marqués 4.

.

On pourroit encore trouver une infinité d’autres moyens pour décrire ces meſmes ovales ; comme par exemple, on peut tracer la première AV, lorſqu’on ſuppoſe les lignes FA & AG eſtre égales, ſi on diviſe la toute FG au point L, en ſorte que FL ſoyt à LG comme A5 à A6, c’eſt-à-dire qu’elles aient la proportion qui meſure les réfractions. Puis ayant diviſé AL en deux parties égales au point K, qu’on faſſe tourner une règle comme EF autour du point F, en preſſant du doigt G la corde EG, qui étant attachée au bout de cette règle vers E, ſe replie de C vers K, puis de K derechef vers C, & de C vers G, où ſon autre bout ſoyt attaché, en ſorte que la longueur de cette corde ſoyt compoſée de celle des lignes GA, plus AL, plus FE, moins AF ; & ce ſera le mouvement du point C qui décrira cette ovale, à l’imitation de ce qui a été dit en la dioptrique de l’ellipſe & de l’hyperbole ; mais je ne veux point m’arreſter plus longtemps ſur ce ſujet.

Or, encore que toutes ces ovales ſemblent eſtre quaſi[-ment] de meſme nature, elles ſont néanmoins de quatre divers genres, chacun deſquels contient ſous ſoy une infinité d’autres genres, qui derechef contiennent chacun autant de diverſes eſpèces que foit le genre des ellipſes ou celuy des hyperboles ; car ſelon que la proportion qui eſt entre les lignes A5, A6, ou ſemblables, eſt différente, le genre ſubalterne de ces ovales eſt différent ; puis ſelon que la proportion qui eſt entre les lignes AF & AG ou AH eſt changée, les ovales de chaque genre ſubalterne changent d’eſpèce ; & ſelon que AG ou AH eſt plus ou moins grande, elles ſont diverſes en grandeur ; & ſi les lignes A5 & A6 ſont égales, au lieu des ovales du premier genre ou du troiſième, on ne décrit que des lignes droites ; mais au lieu de celles du ſecond on a toutes les hyperboles poſſibles, & au lieu de celles du dernier toutes les ellipſes.

Les propriétés de ces ovales touchant les réflexions & les réfractions

Outre cela, en chacune de ces ovales il faut conſidérer deux parties qui ont diverſes propriétés ; à ſavoir en la première, la partie qui eſt vers A, foit que les rayons qui étant dans l’air viennent du point F, ſe retournent tous vers le point G, lorſqu’ils rencontrent la ſuperficye convexe d’un verre dont la ſuperficye eſt 1A1, & dans lequel les réfractions ſe font telles que, ſuivant ce qui a été dit en la Dioptrique, elles peuvent toutes eſtre meſurées par la proportion qui eſt entre les lignes A5 & A6 ou ſemblables, par l’aide deſquelles on a décrit cette ovale.

Mais la partie qui eſt vers V foit que les rayons qui viennent du point G ſe réfléchiraient tous vers F, s’ils y rencontraient la ſuperficye concave d’un miroir dont la figure fût 1V1, & qui fût de telle matière qu’il diminuat la force de ces rayons ſelon la proportion qui eſt entre les lignes A5 & A6 ; car de ce qui a été démontré en la Dioptrique, il eſt évident que, cela poſé, les angles de la réflexion ſeraient inégaux, auſſi bien que ſont ceux de la réfraction, & pourraient eſtre meſurés en meſme ſorte.

En la ſeconde ovale la partie 2A2 ſert encore pour les réflexions dont on ſuppoſe les angles eſtre inégaux ; car étant en la ſuperficye d’un miroir compoſé de meſme matière que le précédent, elle feroit tellement réfléchir tous les rayons qui viendraient du point G, qu’ils ſembleraient après eſtre réfléchis venir du point F. Et il eſt à remarquer qu’ayant foit la ligne AG beaucoup plus grande que AF, ce miroir ſeroit convexe au milieu vers A, & concave aux extrémités ; car telle eſt la figure de cette ligne, qui en cela repréſente plutoſt un cœur qu’une ovale.

Mais ſon autre partie X2 ſert pour les réfractions, & foit que les rayons qui étant dans l’air tendent vers F, ſe détournent vers G en traverſant la ſuperficye d’un verre qui en ait la figure.

La troiſième ovale ſert toute aux réfractions, & foit que les rayons qui étant dans l’air tendent vers F, ſe vont rendre vers H dans le verre, après qu’ils ont traverſé ſa ſuperficye dont la figure eſt A3Y3, qui eſt convexe partout, excepté vers A où elle eſt un peu concave, en ſorte qu’elle a la figure d’un cœur auſſi bien que la précédente ; & la différence qui eſt entre les deux parties de cette ovale conſiſte en ce que le point F eſt plus proche de l’une que n’eſt le point H, & qu’il eſt plus éloigné de l’autre que ce meſme point H. En meſme façon la dernière ovale ſert toute aux réflexions, & foit que ſi les rayons qui viennent du point H rencontraient la ſuperficye concave d’un miroir de meſme matière que les précédents, & dont la figure fût A4Z4, ils ſe réfléchiraient tous vers F.

De façon qu’on peut nommer les points F & G ou H les points brûlants de ces ovales, à l’exemple de ceux des ellipſes & des hyperboles, qui ont été ainſi nommés en la Dioptrique.

Démonſtration des propriétés de ces ovales touchant les réflexions & les réfractions.

J’omets quantité d’autres réfractions & réflexions qui ſont réglées par ces meſmes ovales, car n’étant que les converſes ou les contraires de celles-ci, elles en peuvent facilement eſtre déduites. Mais il ne faut pas que j’omette la démonſtration de ce que j’ai dit ; & à cet effect prenons, par exemple le point C, à diſcrétion en la première partie de la première de ces ovales ; puis tirons la ligne droite CP, qui coupe la courbe au point C à angles droits, ce qui eſt facile par le problème précédent. Car prenant b pour AG, c pour AF, c + z pour FC & ſuppoſant que la proportion qui eſt entre d & e, que je prendrai icy toujours pour celle qui meſure les réfractions du verre propoſé, déſigne auſſi celle qui eſt entre les lignes A5, & A6, ou ſemblables, qui ont ſervi pour décrire cette ovale, ce qui donne pour GC : on trouve que la ligne AP eſt ainſi qu’il a été montré ci-deſſus. De plus du point P ayant tiré PQ à angles droits ſur la droite FC, & PN auſſi à angles droits ſur GC Conſidérons que ſi PQ eſt à PN, comme d eſt à e, c’eſt-à-dire, comme les lignes qui meſurent les réfractions du verre convexe AC, le rayon qui vient du point F au point C, doit tellement s’y courber en entrant dans ce verre, qu’il s’aille rendre après vers G : ainſi qu’il eſt tres-évident de ce qui a été dit en la Dioptrique. Puis enfin voyons par le calcul, s’il eſt vrai, que PQ ſoyt à PN ; comme d eſt à e. Les triangles rectangles PQF & CMF ſont ſemblables d’où il ſuit que CF eſt à CM, comme FP eſt à PQ ; & par conſéquent que FP, étant multipliée par CM, & diviſée par CF, eſt égale à PQ. Tout de meſme les triangles rectangles PNG, & CMG ſont ſemblables ; d’où il ſuit que GP, multipliée par CM, & diviſée par CG, eſt égale à PN. Puis à cauſe que les multiplications, ou diviſions, qui ſe font de deux quantités par une meſme, ne changent point la proportion qui eſt entre elles ; ſi FP multipliée par CM ; & diviſée par CF, eſt à GP multipliée auſſi par CM & diviſée par CG ; comme d eſt à e, en diviſant l’une & l’autre de ces deux ſommes par CM, puis les multipliant toutes deux par CF, & derechef par CG, il reſte FP multipliée par CG, qui doit eſtre à GP multipliée par CF, comme d eſt à e.

Or par la conſtruction FP eſt

Ou blen

FP =

et CG eſt

ſi bien que multipliant FP par CG il vient

Puis GP eſt

ou bien

GP =

et CF eſt c + z

Si bien que multipliant GP par CF, il vient

GP × CF =

Et pourceque la première de ces ſommes diviſée par d, eſt la meſme que la ſeconde diviſée par e, il eſt manifeſete, que FP multipliée par CG eſt à GP multipliée par CF ; c’eſt-à-dire que PQ eſt à PN, comme d eſt à e, qui eſt tout ce qu’il falloit démontrer.

Et ſachés que cette meſme démonſtration s’étend à tout ce qui a été dit des autres réfractions ou réflexions, qui ſe font dans les ovales propoſées ſans qu’il y faille changer aucune choſe, que les ſignes + & - du calcul, c’eſt pourquoy chacun les peut aiſément examiner de ſoy-meſme, ſans qu’il ſoyt beſoin que je m’y areſte.

Mais il faut maintenant que je ſatiſfaſſe à ce que j’ai omis en la Dioptrique, lorſqu’après avoir remarqué qu’il peut y avoir des verres de pluſieurs diverſes figures qui faſſent auſſi bien l’un que l’autre que les rayons venant d’un meſme point de l’objet s’aſſemblent tous en un autre point après les avoir traverſés ; & qu’entre ces verres, ceux qui ſont fort convexes d’un coſté & concaves de l’autre ont plus de force pour brûler que ceux qui ſont également convexes des deux coſtés ; au lieu que tout au contraire ces derniers ſont les meilleurs pour les lunettes. Je me ſuis contenté d’expliquer ceux que j’ai cru eſtre les meilleurs pour la pratique, en ſuppoſant la difficulté que les artiſans peuvent avoir à les tailler. C’eſt pourquoy, afin qu’il ne reſte rien à ſouhaiter touchant la théorie de cette ſcience, je dois expliquer encore icy la figure des verres qui, ayant l’une de leurs ſuperficyes autant convexe ou concave qu’on voudra, ne laiſſent pas de faire que tous les rayons qui viennent vers eux d’un meſme point, ou parallèles, s’aſſemblent après en un meſme point ; & celles des verres qui font le ſemblable, étant également convexes des deux coſtez, ou bien la convexité de l’une de leurs ſuperficyes ayant la proportion donnée à celle de l’autre.

Comment on peut faire un verre autant convexe ou concave en l’une de ſes ſuperficyes qu’on voudra, qui raſſemble à un point donné tous les rayons qui viennent d’un autre point donné

Poſons pour le premier cas, que les points G, Y, C & F étant donnez, les rayons qui viennent du point G ou bien qui ſont parallèles à GA ſe doivent aſſembler au point F, après avoir traverſé un verre ſi concave, que Y étant le milieu de ſa ſuperficye intérieure, l’extrémité en ſoyt au point C, en ſorte que la corde CMC & la flèche YM de l’arc CYC ſont données. La queſtion va là, que premièrement il faut conſidérer de laquelle des ovales expliquées, la ſuperficye du verre YG doit avoir la figure, pour faire que tous les rayons qui étant dedans tendent vers un meſme point, comme vers H, qui n’eſt pas encore connu, s’aillent rendre vers un autre, à ſavoir vers F, après en eſtre ſortis. Car il n’y a aucun effect touchant le rapport des rayons, changé par réflexion ou réfraction d’un point à un autre, qui ne puiſſe eſtre cauſé par quelqu’une de ces ovales ; & on voit aiſément que celuy-ci le peut eſtre par la partie de la troiſième ovale qui a tantoſt été marquée 3A3, ou par celle de la meſme qui a été marquée 3Y3, ou enfin par la partie de la ſeconde qui a été marquée 2X2. Et pourceque ces trois tombent icy ſous meſme calcul, on doit, tant pour l’une que pour l’autre, prendre Y pour leur ſommet, C pour l’un des points de leur circonférence, & F pour l’un de leurs points brûlants ; après quoy il ne reſte plus à chercher que le point H qui doit eſtre l’autre point brûlant. Et on le trouve en conſidérant que la différence qui eſt entre les lignes FY & FC doit eſtre à celle qui eſt entre les lignes HY & HC comme d eſt à e, c’eſt-à-dire comme la plus grande des lignes qui meſurent les réfractions du verre propoſé eſt à la moindre, ainſi qu’on peut voir manifeſtement de la deſcription de ces ovales. Et pourceque lignes FY & FC ſont données, leur différence l’eſt auſſi, & enſuite celle qui eſt entre HY & HC, pourceque la proportion qui eſt entre ces deux différences eſt donnée. Et de plus, à cauſe que YM eſt donnée, la différence qui eſt entre MH & HG l’eſt auſſi ; & enfin pourceque CM eſt donnée, il ne reſte plus qu’à trouver MH le coſté du triangle rectangle CMH dont on a l’autre coſté CM, & on a auſſi la différence qui eſt entre CH la baſe & MH le coſté demandé ; d’où il eſt aiſé de le trouver : car ſi on prend k pour l’excès de GH ſur MH, & n pour la longueur de la ligne CM, on aura pour MH.

Et après avoir ainſi le point H, s’il ſe trouve plus loin du point Y que n’en eſt le point F, la ligne CY doit eſtre la première partie de l’ovale du troiſième genre, qui a tantoſt été nommée 3A3. Mais ſi HY eſt moindre que FY : ou bien elle ſurpaſſe HF de tant, que leur différence eſt plus grande à raiſon de la toute FY, que n’eſt e la moindre des lignes qui meſurent les réfractions comparée avec d la plus grande, c’eſt-à-dire que faiſant HF = c, & HY = c + h, dh eſt plus grande que 2ce + eh, & lors GY doit eſtre la ſeconde partie de la meſme ovale du troiſième genre, qui a tantoſt été nommée 3Y3 : ou bien dh eſt égale ou moindre que 2ce + eh, & lors CY doit eſtre la ſeconde partie de l’ovale du ſecond genre, qui a ci-deſſus été nommée 2X2 : & enfin ſi le point H eſt le meſme que le point F, ce qui n’arrive que lors que FY & FC ſont égales, cette ligne YC eſt un cercle.

Après cela il faut chercher CAC l’autre ſuperficye de ce verre, qui doit eſtre une ellipſe dont H ſoyt le point brûlant, ſi on ſuppoſe que les rayons qui tombent deſſus ſoyent parallèles ; & lors il eſt aiſé de la trouver. Mais ſi on ſuppoſe qu’ils viennent du point G, ce doit eſtre la première partie d’une ovale du premier genre dont les deux points brûlants ſoyent G & H, & qui paſſe par le point C ; d’où on trouve le point A pour le ſommet de cette ovale, en conſidérant que GC doit eſtre plus grande que GA d’une quantité qui ſoyt à celle dont HA ſurpaſſe HC, comme d à e ; car ayant pris k pour la différence qui eſt entre CH & HM, ſi on ſuppoſe x pour AM, on aura x - k pour la différence qui eſt entre AH & CH; puis ſi on prend g pour celle qui eſt entre GC & GM qui ſont données, on aura g + x pour celle qui eſt entre GG & GA ; & pour cette dernière g + x eſt à l’autre x - k comme d eſt à e, on a ge + ex = dx - dk, ou bien pour la ligne x, ou AM, par laquelle on détermine le point A qui étoit cherché.

Comment on en peut faire un qui faſſe le meſme, & que la convexité de l’une de ſes ſuperficyes ait la proportion donnée avec la convexité ou, concavité de l’autre.

Poſons maintenant pour l’autre cas, qu’on ne donne que les points G, C & F, avec la proportion qui eſt entre les lignes AM & YM, & qu’il faille trouver la figure du verre ACY qui faſſe que tous les rayons qui viennent du point G s’aſſemblent au point F.

On peut derechef icy ſe ſervir de deux ovales dont l’une AG ait G & H pour ſes points brûlants, & l’autre CY ait F & H pour les ſiens. Et pour les trouver, premièrement, ſuppoſant le point H, qui eſt commun à toutes deux, eſtre connu, je cherche AM par les trois points G, C, H, en la façon tout maintenant expliquée, à ſavoir, prenant k pour la différence qui eſt entre CH & HM, & g pour celle qui eſt entre GC & GM, & AG étant la première partie de l’ovale du premier genre, j’ai pour AM; puis je cherche auſſi MY par les trois points F, C, H, en ſorte que CY ſoyt la première partie d’une ovale du troiſième genre ; & prenant y pour MY, & f pour la différence qui eſt entre CF & FM, j’ai f + y pour celle qui eſt entre CF & FY; puis ayant déjà k pour celle qui eſt entre CH & HM, j’ai k + y pour celle qui eſt entre CH & HY, que je ſais devoir eſtre à f + y comme e eſt à d, à cauſe de l’ovale du troiſième genre, d’où je trouve que y ou MY eſt  ; puis joignant enſemble les deux quantités trouvées pour AM & MY, je trouve pour la toute AY : d’où il ſuit que, de quelque coſté que ſoyt ſuppoſé le point H, cette ligne AY eſt toujours compoſée d’une quantité qui eſt à celle dont les deux enſemble GC & CF ſurpaſſent la toute GF, comme e, la moindre des deux lignes qui ſervent à meſurer les réfractions du verre propoſé, eſt à d - e la différence qui eſt entre ces deux lignes, ce qui eſt un aſſés beau théorème. Or, ayant ainſi la toute AY, il la faut couper ſelon la proportion que doivent avoir ſes parties AM & MY; au moyen de quoy, pourcequ’on a déjà le point M, on trouve auſſi les points A & Y, & enſuite le point H par le problème précédent. Mais auparavant il faut regarder ſi la ligne AM ainſi trouvée eſt plus grande que , ou plus petite, ou égale. Car ſi elle eſt plus grande, on apprend de là que la courbe AC doit eſtre la première partie d’une ovale du premier genre, & CY la première d’une du troiſième, ainſi qu’elles ont été icy ſuppoſées ; au lieu que ſi elle eſt plus petite, cela montre que c’eſt GY qui doit eſtre la première partie d’une ovale du premier genre, & que AC doit eſtre la première d’une du troiſième ; enfin ſi AM eſt égale à , les deux courbes AC & CY doivent eſtre deux hyperboles.

On pourroit étendre ces deux problèmes à une infinité d’autres cas que je ne m’arreſte pas à déduire, à cauſe qu’ils n’ont eu aucun uſage en la dioptrique.

On pourroit auſſi paſſer outre & dire (lors que l’une des ſuperficyes du verre eſt donnée, pourvu qu’elle ne ſoyt que toute plate, ou compoſée de ſections coniques ou de cercles) comment on doit faire ſon autre ſuperficye, afin qu’il tranſmette tous les rayons d’un point donné à un autre point auſſi donné ; car ce n’eſt rien de plus difficyle que ce que je viens d’expliquer, ou plutoſt c’eſt choſe beaucoup plus facile à cauſe que le chemin en eſt ouvert.

Mais j’aime mieux que d’autres le cherchent, afin que s’ils ont encore un peu de peine à le trouver, cela leur faſſe d’autant plus eſtimer l’invention des choſes qui ſont icy démontrées.

Comment on peut rapporter tout ce qui a été dit des lignes courbes décrites ſur une ſuperficye plate, à celles qui ſe décrivent dans un eſpace qui a trois dimenſions ou bien ſur une ſuperficye courbe

Au reſte je n’ai parlé en tout ceci que des lignes courbes qu’on peut décrire ſur une ſuperficye plate ; mais il eſt aiſé de rapporter ce que j’en ay dit à toutes celles qu’on ſauroit imaginer eſtre formées par le mouvement régulier des points de quelque corps dans un eſpace qui a trois dimenſions : à ſavoir, en tirant deux perpendiculaires de chacun des points de la ligne courbe qu’on veut conſidérer, ſur deux plans qui s’entre-coupent à angles droits, l’une ſur l’un & l’autre ſur l’autre ; car les extrémités de ces perpendiculaires décrivent deux autres lignes courbes, une ſur chacun de ces plans, deſquelles on peut en la façon ci-deſſus expliquée déterminer tous les points & les rapporter à ceux de la ligne droite qui eſt commune à ces deux plans, au moyen de quoy ceux de la courbe qui a trois dimenſions ſont entièrement déterminez. Meſme ſi on veut tirer une ligne droite qui coupe cette courbe au point donné à angles droits, il faut ſeulement tirer deux autres lignes droites dans les deux plans, une en chacun, qui coupent à angles droits les deux lignes courbes qui y ſont aux deux points où tombent les perpendiculaires qui viennent de ce point donné ; car ayant élevé deux autres plans, un ſur chacune de ces lignes droites, qui coupe à angles droits le plan où elle eſt, on aura l’interſection de ces deux plans pour la ligne droite cherchée. Et ainſi je penſe n’avoir rien omis des éléments qui ſont néceſſaires pour la connaiſſance des lignes courbes.

LIVRE TROISIÈME.[modifier]

DE LA CONSTRUCTION DES PROBLÈMES SOLIDES OU PLUS QUE SOLIDE.

De quelles lignes courbes on peut ſe ſervir en la conſtruction de chaque problème

Encore que toutes les lignes courbes qui peuvent eſtre décrites par quelque mouvement régulier doivent eſtre reçues en la géométrie, ce n’eſt pas à dire qu’il ſoyt permis de ſe ſervir indifféremment de la première qui ſe rencontre pour la conſtruction de chaque problème, mais il faut avoir ſoyn de choiſir toujours la plus ſimple par laquelle il ſoyt poſſible de le réſoudre. Et meſme il eſt à remarquer que par les plus ſimples on ne doit pas ſeulement entendre celles qui peuvent le plus aiſément eſtre décrites, ni celles qui rendent la conſtruction ou la démonſtration du problème propoſée plus facile, mais principalement celles qui ſont du plus ſimple genre qui puiſſe ſervir à déterminer la quantité qui eſt cherchée.

Exemple touchant l’invention de pluſieurs moyennes proportionnelles

Comme, par exemple, je ne crois pas qu’il y ait aucune façon plus facile pour trouver autant de moyennes proportionnelles qu’on veut, ni dont la démonſtration ſoyt plus évidente, que d’y employer les lignes courbes qui ſe décrivent par l’inſtrument XYZ ci-deſſus expliqué. Car, voulant trouver deux moyennes proportionnelles entre YA & YE, il ne faut que décrire un cercle dont le diamètre ſoyt YE, & pource que ce cercle coupe la courbe AD au point D, YD eſt l’une des moyennes proportionnelles cherchées, dont la démonſtration ſe voit à l’œil par la ſeule application de cet inſtrument ſur la ligne YD; car, comme YA ou YB, qui luy eſt égale, eſt à YC, ainſi YC eſt à YD, & YD à YE.

Tout de meſme pour trouver quatre moyennes proportionnelles entre YA & YG, ou pour en trouver ſix entre YA & YN, il ne faut que tracer le cercle YFG qui, coupant AF au point F, détermine la ligne droite YF qui eſt l’une de ces quatre proportionnelles ; ou YHN qui, coupant AH au point H, détermine YH l’une des ſix ; & ainſi des autres.

Mais pourceque la ligne courbe AD eſt du ſecond genre, & qu’on peut trouver deux moyennes proportionnelles par les ſections coniques qui ſont du premier; & auſſi pourcequ’on peut trouver quatre ou ſix moyennes proportionnelles par des lignes qui ne ſont pas de genres ſi compoſés que ſont AF & AH, ce ſeroit une faute en géométrie que de les y employer. Et c’eſt une faute auſſi, d’autre coſté, de ſe travailler inutilement à vouloir conſtruire quelque problème par un genre de lignes plus ſimple que ſa nature ne permet.

De la nature des équations

Or, afin que je puiſſe icy donner quelques règles pour éviter l’une & l’autre de ces deux fautes, il faut que je diſe quelque choſe en général de la nature des équations, c’eſt-à-dire des ſommes compoſées de pluſieurs termes partie connus & partie inconnus dont les uns ſont égaux aux autres, ou plutoſt qui, conſidérés tous enſemble, ſont égaux à rien : car ce ſera ſouvent le meilleur de les conſidérer en cette ſorte.

Combien il peut y avoir de racines en chaque équation

Saché s donc qu’en chaque équation, autant que la quantité inconnue a combien il de dimenſions, autant peut-il y avoir de diverſes racines, c’eſt-à-dire de peut y avoir de racines en valeurs de cette quantité ; car, par exemple, ſi on ſuppoſe x égale à 2, ou chaque bien x - 2 égal à rien; & derechef x = 3, ou bien x – 3 = 0; en multipliant ces deux équations

x - 2 = 0, & x - 3 = 0,

l’une par l’autre, on aura

x2 - 5x + 6 = 0,

ou bien

x2 = 5x - 6,

qui eſt une équation en laquelle la quantité x vaut 2 & tout enſemble vaut 3. Que ſi derechef on fait

x – 4 = 0,

et qu’on multiplie cette ſomme par

x2 - 5x + 6 = 0,

on aura

x3 - 9x2 + 26x – 24 = 0,

qui eſt une autre équation en laquelle x, ayant trois dimenſions, a auſſi trois valeurs, qui ſont 2, 3 & 4.

Quelles ſont les fauſſes racines

Mais ſouvent il arrive que quelques-unes de ces racines ſont fauſſes ou moindres que rien; comme ſi on ſuppoſe que x déſigne auſſi le défaut d’une quantité qui ſoyt 5, on a

x + 5 = 0,

qui, étant multiplié par

x3 - 9x2 + 26x – 24 = 0,

fait

x4 - 4x3 – 19x2 + 106x - 120 = 0

pour une équation en laquelle il y a quatre racines, à ſavoir trois vraies qui ſont 2, 3, 4, & une fauſſe qui eſt 5.

Comment on peut diminuer le nombre des dimenſions d’une équation, lorſqu’on connaît quelqu’une de ſes racines

Et on voit évidemment de ceci que la ſomme d’une équation qui contient pluſieurs racines peut toujours eſtre diviſée par un binoſme compoſé de la quantité inconnue moins la valeur de l’une des vraies racines, laquelle que ce ſoyt, ou plus la valeur de l’une des fauſſes ; au moyen de quoy on diminue d’autant ſes dimenſions.

- Comment on peut examiner ſi quelque quantité donnée eſt la valeur d’une racine.

Et réciproquement que ſi la ſomme d’une équation ne peut eſtre diviſée par un binoſme compoſé de la quantité inconnue + ou - quelque autre quantité, cela témoigne que cette autre quantité n’eſt la valeur d’aucune de ſes racines. Comme cette dernière

x4 - 4x3 – 19x2 + 106x – 120 = 0

peut bien eſtre diviſée, par x - 2, & par x - 3, & par x - 4, & par x + 5 ; mais non point par x + ou - aucune autre quantité. Ce qui montre qu’elle ne peut avoir que les quatre racines 2, 3, 4, & 5.

- Combien il peut y avoir de vraies racines dans chaque équation.

On connaît auſſi de ceci combien il peut y avoir de vraies racines, & combien de fauſſes en chaque Équation. À ſavoir il y en peut avoir autant de vraies, que les ſignes + & - s’y trouvent de fois eſtre changés ; & autant de fauſſes qu’il s’y trouve de fois deux ſignes + ou deux ſignes - qui s’entreſuivent. Comme en la dernière, à cauſe qu’après + x4 il y a - 4x3, qui eſt un changement du ſigne + en -, & après – 19x2 il y a + 106x, & après + 106x il y a –120 qui font encore deux autres changements, on connaît qu’il y a trois vraies racines ; & une fauſſe, à cauſe que les deux ſignes -, de 4x3 & 19x2 s’entreſuivent.

- Comment on foit que les fauſſes racines deviennent vraies, & les vraies fauſſes.

De plus il eſt aiſé de faire en une meſme Équation, que toutes les racines qui étaient fauſſes devienne vraies, & par meſme moyen que toutes celles qui étaient vraies deviennent fauſſes : à ſavoir en changeant tous les ſignes + ou - qui ſont en la ſeconde, en la quatrième, en la ſixième ou autres places qui ſe déſignent par les nombres pairs, ſans changer ceux de la première, de la troiſième, de la cinquième & ſemblables qui ſe déſignent par les nombres impairs. Comme ſi au lieu de
+ x4 - 4x3 – 19x2 + 106x – 120 = 0 on écrit
+ x4 + 4x3 – 19x2 - 106x – 120 = 0
on a une Équation en laquelle il n’y a qu’une vraie racine, qui eſt 5, & trois fauſſes qui ſont 2, 3 & 4.

Comment on peut augmenter ou diminuer les racines d’une équation ſans les connaître

Que ſi ſans connaître la valeur des racines d’une Équation, on la veut augmenter, ou diminuer de quelque quantité connue, il ne faut qu’au lieu du terme inconnu en ſuppoſer un autre, qui ſoyt plus ou moins grand de cette meſme quantité, & le ſubſtituer partout en la place du premier.

Comme ſi on veut augmenter de 3 la racine de cette Équation
x4 + 4x3 – 19x2 -106x – 120 = 0 il faut prendre y au lieu d’ x, & penſer que cette quantité y eſt plus grande qu’ x de 3, en forte que y - 3 eſt égal à x, & au lieu d’ x2, i1 faut mettre le carré d’ y - 3 qui eſt y2 - 6y + 9 & au lieu d’ x3 il faut mettre ſon cube qui eſt y3 - 9y2 + 27y - 27, & enfin au lieu d’ x4 il faut mettre ſon carré de carré qui eſt y4 – 12y3 + 54y2 – 108y + 81. Et ainſi décrivant la ſomme précédente en ſubſtituant par tout y au lieu d’ x on a

y4 - 12y3 + 54y2 - 108y + 81  
  + 4y3 - 36y2 + 108y - 108  
    - 19y2 + 114y - 171  
      - 106y + 318  
        - 120  
---- ---- ---- ---- ----  
y4 - 8y3 - y2 + 8y * = 0

Ou bien y3 – 8y2 - y + 8 = 0

où la vraie racine qui étoit 5 eſt maintenant 8, à cauſe du nombre trois qui luy eſt ajouté.

Que ſi on veut au contraire diminuer de trois la racine de cette meſme Équation, il faut faire y + 3 = x et y2 + 6y + 9 = x2 et ainſi des autres de façon qu’au lieu de

x4 + 4x3 – 19x2 -106x – 120 = 0

on met

y4 + 12y3 + 54y2 + 108y + 81  
  + 4y3 + 36y2 + 108y + 108  
    - 19y2 - 114y - 171  
      - 106y - 318  
        - 120  
---- ---- ---- ---- ----  
y4 + 16y3 + 71y2 - 4y - 420 = 0

Qu’en augmentant ainſi les vraies racines on diminue les fauſſes, ou au contraire.

Et il eſt à remarquer qu’en augmentant les vraies racines d’une Équation, on diminue les fauſſes de la meſme quantité ; ou au contraire en diminuant les vraies, on augmente les fauſſes. Et que ſi on diminue ſoyt les unes ſoyt les autres, d’une quantité qui leur ſoyt égale, elles deviennent nulles, & que ſi c’eſt d’une quantité qui les ſurpaſſe, de vraies elles deviennent fauſſes, ou de fauſſes vraies. Comme icy en augmentant de 3 la vraie racine qui étoit 5, on a diminué de 3 chacune des fauſſes, en ſorte que celle qui étoit 4 n’eſt plus que 1, & celle qui étoit 3 eſt nulle, & celle qui étoit 2 eſt devenue vraie & eſt 1, à cauſe que - 2 + 3 foit + 1. c’eſt pourquoy en cette Équation y3 – 8y2 - y + 8 = 0 il n’y a plus que 3 racines, entre leſquelles il y en a deux qui ſont vraies, 1 & 8, & une fauſſe qui eſt auſſi 1

et en cette autre

y4 + 16y3 + 71y2 - 4y – 420 = 0

il n’y en a qu’une vraie qui eſt 2, à cauſe que + 5 - 3 foit + 2, & trois fauſſes qui ſont 5, 6 & 7.

Comment on peut oſter le ſecond terme d’une équation

Or par cette façon de changer la valeur des racines ſans les connaître, on peut faire deux choſes, qui auront ci-après quelque uſage : la première eſt qu’on peut toujours oſter le ſecond terme de l’Équation qu’on examine, à ſavoir en diminuant les vraies racines, de la quantité connue de ce ſecond terme diviſée par le nombre des dimenſions du premier, ſi l’un de ces deux termes étant marqué du ſigne +,l’autre eſt marqué du ſigne -; ou bien en l’augmentant de la meſme quantité, s’ils ont tous deux le ſigne +, ou tous deux le ſigne -. Comme pour oſter le ſecond terme de la dernière Équation qui eſt

y4 + 16y3 + 71y2 - 4y – 420 = 0

ayant diviſé 16 par 4, à cauſe des 4 dimenſions du terme y4, il vient derechef 4, c’eſt pourquoy je fais z - 4 = y, & j’écris

z4 - 16z3 + 96z2 - 256z + 256  
  + 16z3 - 192z2 + 768z - 1024  
    + 71z2 - 568z + 1136  
      - 4z + 16  
        - 420  
___ ______ _______ _______ ______  
z4 * - 25z2 - 60 z - 36 = 0

où la vraie racine qui étoit 2, eſt 6, à cauſe qu’elle eſt augmentée de 4 ; & les fauſſes qui étaient 5, 6, & 7, ne ſont plus que 1, 2 & 3 ; à cauſe qu’elles ſont diminuées chacune de 4.

Tout de meſme ſi on veut oſter le ſecond terme de

x4 - 2ax3 + (2a2 - c2)x2 -2a3x + a4 = 0,

pourceque diviſant 2a par 4 il vient il faut faire & écrire

z4 + 2 az3 + 3/2a2z2 + 1/3a3z + 1/16a4  
  - 2 az3 - 3a2z2 - 3/2a3z + 1/4a4  
    + 2a2z2 + 2a3z + 1/2a4  
    - c2z2 - 2ac2z - 1/4a2c2  
      - 2a3z’ - a4  
        + a4  
___ ______ __________ ___________ _______________  
z4 * +(1/2a2-c2)z2 -(a3+ac2)z +5/16a4 - 1/4a2c2 =0

et ſi on trouve après la valeur de z, en luy ajoutant on aura celle de x.

Comment on peut faire que toutes les fauſſes racines d’une équation deviennent vraies ſans que les vraies deviennent fauſſes.

La ſeconde choſe, qui aura ci-après quelque uſage eſt, qu’on peut toujours en augmentant la valeur des vraies racines, d’une quantité qui ſoyt plus grande que n’eſt celle d’aucune des fauſſes, faire qu’elles deviennent toutes vraies, en ſorte qu’il n’y ait point deux ſignes + ou deux ſignes - qui s’entre-ſuivent, & outre cela que la quantité connue du troiſième terme ſoyt plus grande que le carré la moitié de celle du ſecond. Car encore que cela ſe faſſe, lors que ces fauſſes racines ſont inconnues, il eſt aiſé néanmoins de juger à peu prés de leur grandeur, & de prendre une quantité, qui les ſurpaſſe d’autant, ou de plus, qu’il n’eſt requis à cet effet.

Comme ſi on a

x6 + nx5 - 6n2x4 + 36n3x3 – 216n4x2 + 1296n5x – 7776n6 = 0

en faiſant y - 6 n = 0, on trouvera

y6 -36n}y5 +540n2}y4 -4320n3}y3 +19440n4’}’y2 +46656n5}y +46656n6
  + n - 30n2 + 360n3 -2160n4 +6480n5 -7776n6
    - 6n2 + 144n3 -1296n4 +5184n5 -7776n6
      + 36n3 - 648n4 + 3888n5 - 7776n6
        - 216n4 + 2592n5 - 7776n6
          + 1296n5 - 7776n6
            - 7776n6
__ ______ _________ __________ __________ __________ ________
y6 - 35ny5 + 504n2y4 - 3780n3y3 + 15120n4y2 + 27216n5y *     = 0

Ou il eſt manifeſte, que 504n2, qui eſt la quantité connue du troiſième terme eſt plus grande, que le carré de , qui eſt la moitié de celle du ſecond. Et il n’y a point de cas, pour lequel la quantité, dont on augmente les vraies racines, ait beſoin à cet effect d’eſtre plus grande, à proportion de celles qui ſont données, que pour celuy-ci.

Comment on foit que toutes les places d’une équation ſoyent remplies.

Mais à cauſe que le dernier terme s’y trouve nul, ſi on ne déſire pas que cela ſoyt, il faut encore augmenter tant ſoyt peu la valeur des racines ; & ce ne ſauroit eſtre de ſi peu, que ce ne ſoyt aſſés pour cet effet. Non plus que lorſqu’on veut accroître le nombre des dimenſions de quelque Équation, & faire que toutes les places de ſes termes ſoyent remplies. Comme ſi au lieu de x5 * * * * - b = 0, on veut avoir une Équation, en laquelle la quantité inconnue ait ſix dimenſions, & dont aucun des termes ne ſoyt nul, il faut premièrement pour

x5 * * * * - b = 0 écrire

x6 * * * * - bx = 0

puis ayant foit y - a = x on aura

y6 - 6ay5 + 15a2y4 - 20a3y3 + 15a4y2 - (6a5 + b)y + a6 + ab = 0.

Qu’il eſt manifeſte que tant petite que la quantité a ſoyt ſuppoſée, toutes les places de l’Équation ne laiſſent pas d’eſtre remplies.

Comment on peut multiplier ou diviſer les racines d’une équation.

De plus on peut, ſans connaître la valeur des vraies racines d’une Équation, les multiplier ou diviſer toutes, par telle quantité connue qu’on veut. Ce qui le foit en ſuppoſant que la quantité inconnue étant multipliée, ou diviſée, par celle qui doit multiplier ou diviſer les racines eſt égale à quelque autre. Puis multipliant, ou diviſant la quantité connue du ſecond terme, par cette meſme qui doit multiplier, ou diviſer les racines, & par ſon carré, celle du troiſième, & par ſon cube, celle du quatrième, & ainſi juſqu’au dernier.

Comment on réduit les nombres rompus d’une équation à des entiers.

Ce qui peut ſervir pour réduire à des nombres entiers & rationaux, les fractions, ou ſouvent auſſi les nombres ſourds, qui ſe trouvent dans les termes des Équations. Comme ſi on a

et qu’on veuille en avoir une autre en ſa place, dont tous les termes s’expriment par des nombres rationaux ; il faut ſuppoſer , & multiplier par la quantité connue du ſecond terme, qui eſt auſſi , & par ſon carré qui eſt 3 celle du troiſième qui eſt , & par ſon cube qui eſt ; celle du dernier, qui eſt , ce qui fait

y3 – 3 y2 +

Puis ſi on en veut avoir encore une autre en la place de celle-ci, dont les quantités connues ne s’expriment que par des nombres entiers ; il faut ſuppoſer z = 3y, & multipliant 3 par 3, par 9, & par 27 on trouve

z3 - 9z2 + 26z – 24 =0

où les racines étant 2, 3 & 4, on connaît de là que celles de l’autre d’auparavant étaient , 1, & & que celles de la première étaient , & .

Comment on rend la quantité connue de l’un des termes d’une équation égale à telle autre qu’on veut.

Cette opération peut auſſi ſervir pour rendre la quantité connue de quelqu’un des termes de l’équation égale à quelque autre donnée, comme ſi ayant x3 - b2x + c3 = 0

On veut avoir en ſa place une autre Équation, en laquelle la quantité connue, du terme qui occupe la troiſième place, à ſavoir celle qui eſt icy b2,ſoit 3 a2, il faut ſuppoſer

puis écrire .

Que les racines, tant vraies que fauſſes, peuvent eſtre réelles ou imaginaires.

Au reſte tant les vraies racines que les fauſſes ne ſont pas toujours réelles ; mais quelquefois ſeulement imaginaires c’eſt-à-dire que l’on peut toujours en imaginer autant que j’ai dit en chaque équation, mais qu’il n’y a quelquefois aucune quantité qui correſponde à celle qu’on imagine.

Comme encore qu’on en puiſſe imaginer trois en celle-ci,

x3 - 6x2 + 13x - 10 = 0, il n’y en a toutefois qu’une réelle, qui eſt 2,et pour les deux autres, quoy qu’on les augmente, ou diminue, ou multiplie en la façon que je viens d’expliquer, on ne ſauroit les rendre autres qu’imaginaires.

La réduction des équations cubiques lors que le problème eſt plan

Or quand pour trouver la conſtruction de quelque problème, on vient à une Équation, en laquelle la quantité inconnue a trois dimenſions ; premièrement ſi les quantités connues, qui y ſont, contiennent quelques nombres rompus, il les faut réduire à d’autres entiers, par la multiplication tantoſt expliquée ; Et s’ils en contiennent de ſourds, il faut auſſi les réduire à d’autres rationaux, autant qu’il ſera poſſible, tant par cette meſme multiplication, que par divers autres moyens, qui ſont aſſés faciles à trouver. Puis examinant par ordre toutes les quantitez, qui peuvent diviſer ſans fraction le dernier terme, il faut voir, ſi quelqu’une d’elles, jointe avec la quantité inconnue par le ſigne + ou -, peut compoſer un binoſme, qui diviſe toute la ſomme ; & ſi cela eſt le Problème eſt plan, c’eſt-à-dire il peut eſtre conſtruit avec la règle & de compas ; car ou bien la quantité connue de ce binoſme eſt la racine cherchée ; ou bien l’équation étant diviſée par luy, ſe réduit à deux dimenſions, en ſorte qu’on en peut trouver après la racine, par ce qui a été dit au premier livre.

Par exemple ſi on a

y6 – 8y4 – 124y2 – 64 = 0

le dernier terme, qui eſt 64, peut eſtre diviſé ſans fraction par r, 2, 4, 8, 16, 32 & 64. C’eſt pourquoy il faut examiner par ordre ſi cette Équation ne peut point eſtre diviſée par quelqu’un des binoſmes, & on trouve qu’elle peut l’eſtre par, en cette ſorte.

+ y6 – 8y4 – 124y2 – 64 = 0
- y6 – 8y4 – 4y2  
_______ _______ _______ ÷ -16
0 – 16y4 – 128y2  
  _______ _______  
  ÷ -16 ÷ -16  
_______ _______ _______ _______
  y4 + 8y2 + 4 = 0

La façon de diviſer une équation par un binoſme qui contient ſa racine

Je commence par le dernier terme, & diviſe - 64 par –16 ce qui foit + 4, que j’écris dans le quotient, puis je multiplie + 4 par + y2, ce qui foit - 4y2 ; c’eſt pourquoy j’écris – 4 y2 en la ſomme, qu’il faut diviſer car il faut toujours écrire le ligne + ou - tout contraire a celuy que produit la multiplication & joignant que je diviſe derechef par - 16, et j’ai +8y2, pour mettre dans le quotient & en le multipliant par y2, j’ai -8y4, pour joindre avec le terme qu’il faut diviſer, qui eſt auſſi - 8y4, & ces deux enſemble font - 16y4, que je diviſe par -16, ce qui foit +y4 pour le quotient, & -y6 pour joindre avec +y6, ce qui foit 0, & montre que la diviſion eſt achevée. Mais s’il étoit reſté quelque quantité, ou bien qu’on n’eut pu diviſer ſans fraction quelqu’un des termes précédents, on eut par là reconnu, qu’elle ne pouvoit eſtre faite.

Tout de meſme ſi on a

y6 + (a2 - c2)y4 + (-a4 + c4)y2 - (a6 + 2a4c2 + a2c4) = 0,

le dernier terme ſe peut diviſer ſans fraction par a, a2, a2 + c2,
a3 + ac2 & ſemblables.

Mais il n’y en a que deux qu’on ait beſoin de conſidérer, à ſavoir a2, a2 + c2 ; car les autres donnant plus ou moins de dimenſions dans le quotient, qu’il n’y en a en la quantité connue du pénultième terme, empeſcheraient que la diviſion ne s’y pût faire. Et notez, que je ne compte icy les dimenſions de y6, que pour trois, à cauſe qu’il n’y a point de y5, ni de y3, ni de y en toute la ſomme. Or en examinant le binoſme y2 - a2 - c2 = 0, on trouve que la diviſion ſe peut faire par luy en cette ſorte.

+ y6 + a2} y4 - a4} y2  - a6 }
  -2c2} + c4}  -2a4c2} = 0
      - a2c4 }
- y6 -2a2} y4 - a4} y2  - a6 }
  + c2} - a2c2}  -’a2y4}
_______ _________ _________ ___________
0 ÷ - a2- c2 ÷ - a2- c2 ÷ - a2- c2
_______ _________ _________ ___________
  + y4 +2a2} y2 + a4 } = 0
    - c2} +a2c2}

ce qui montre que la racine cherchée eſt a2 + c2. Et la preuve en eſt aiſée à faire par la multiplication.

Quels problèmes ſont ſolides lors que l’équation eſt cubique.

Mais lorſqu’on ne trouve aucun binoſme, qui puiſſe ainſi diviſer toute la ſomme de l’équation propoſée, il eſt certain que le Problème qui en dépend eſt ſolide. Et ce n’eſt pas une moindre faute après cela, de tacher à le conſtruire ſans y employer que des cercles & des lignes droites, que ce ſeroit d’employer des ſections coniques à conſtruire ceux auxquels on n’a beſoin que de cercles : car enfin tout ce qui témoigne quelque ignorance s’appelle faute.

La réduction des équations qui ont quatre dimenſions lors que le problème eſt plan ; & quels ſont ceux qui ſont ſolides.

Que ſi on a une Équation dont la quantité inconnue ait quatre dimenſions, il faut en meſme façon, après en avoir oſté les nombres ſourds & rompus s’il y en a, voir ſi on pourra trouver quelque binoſme, qui diviſe toute la ont ſomme, en le compoſant de l’une des quantitez, qui diviſent ſans fraction le dernier terme. Et ſi on en trouve un, ou bien la quantité connue de ce binoſme eſt la racine cherchée ; on du moins après cette diviſion, il ne reſte en l’équation que trois dimenſions, en ſuite de quoy il faut derechef l’examiner en la meſme ſorte. Mais lorſqu’il ne ſe trouve point de tel binoſme, il faut en augmentant, ou diminuant la valeur de la racine, oſter le ſecond terme de la ſomme, en la façon tantoſt expliqué. Et après la réduire à une autre, qui ne contienne que trois dimenſions. Ce qui ſe foit en cette ſorte.

Au lieu de + x4 ± px2 ± qx ± r = 0

il faut écrire + y6 ± py4 + (p2 ± 4r)y2 - 4q = 0

Et pour les ſignes + ou - que j’ai omis, s’il y a eu +p en la précédente Équation, il faut mettre en celle-ci +2p,ou s’il y a eu -p, il faut mettre -2p. & au contraire s’il y a eu +r, il faut mettre -4r, ou s’il y a eu -r, il faut mettre +4r, & ſoyt qu’il y ait eu +q, ou - q, il faut toujours mettre – q2, & +p2, au moins ſi on ſuppoſe que x4, & y6 ſont marqués du ſigne +, car ce ſeroit tout le contraire ſi on y ſuppoſçait le ſigne -.

Par exemple ſi on a

x4 - 4x2 - 8x + 35 = 0

il faut écrire en ſon lieu

y6 - 8y4 - 124y2 - 64 = 0,

car la quantité que j’ai nommé p étant -4, il faut mettre -8y4 pour 2py4 ; & celle, que j’ai nommée r étant 35, il faut mettre (16 – 140)y2, c’eſt-à-dire -124y2, au lieu de (p2 - 4r)y2 ; et enfin q étant 8, il faut mettre -64, pour -q2. Tout de meſme au lieu de

x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0

il faut écrire

y6 - 34y 4 + 313y2 - 400 = 0 ;

Car 34 eſt double de 17, & 313 en eſt le carré joint au quadruple de 6, & 400 eſt le carré de 20.

Tout de meſme auſſi au lieu de

,

Il faut écrire

y6 + (a2 - 2c2)y 4 + (c4 - a4)y2 - a6 - 2a4c2 - a2c4 = 0 ;

Car p eſt à a2 - c2, & p2 eſt a4 - a2c2 + c4, et 4 r eſt a4 + a2c2, et enfin -q2 eſt -a6 - 2a4c2 - a2c4.

Après que l’équation eſt ainſi réduite à trois dimenſions, il faut chercher la valeur de y2 par la méthode déjà expliquée ; & ſi elle ne peut eſtre trouvée, on n’a point beſoin de paſſer outre ; car il ſuit de là infailliblement que le problème eſt ſolide. Mais ſi on la trouve, on peut diviſer par ſon moyen la précédente Équation en deux antres, en chacune deſquelles la quantité inconnue n’aura que deux dimenſions, & dont les racines ſeront les meſmes que les ſiennes.

A ſavoir, au lieu de

x4 ± px 2 ± qx ± r = 0,

il faut écrire ces deux autres

± ± ,

et

± ± .

Et pour les ſignes + & - que j’ai omis, s’il y a +p en l’équation précédente, il faut mettre en chacune de celles ci ; & , s’il y a en l’autre -p. Mais il faut mettre en celle où il y a -yx ; & en celle où il y a +yx, lorſqu’il y a +q en la première ; & au contraire s’il y a -q, il faut mettre , en celle où il y a -yx; & en celle où il y a +yx. Enſuite de quoy il eſt aiſé de connaître toutes les racines de l’équation propoſée, & par conſéquent de conſtruire le problème, dont elle contient la ſolution, ſans y employer que des cercles, & des lignes droites.

Par exemple à cauſe que faiſant y6 - 34y4 + 313y2 - 400 = 0,

pour x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0,

on trouve que y2 eſt 16, on doit au lieu de cette équation

x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0,

écrire ces deux autres

+ x2 4x – 3 = 0,

et

+ x2 + 4x + 2 = 0,

car y eſt 4, eſt 8, p eſt 17, & q eſt 20, de façon que

foit –3,

et foit +2.

Et tirant les racines de ces deux équations, on trouve toutes les meſmes, que ſi on les tiroit de celle où eſt x4, à ſavoir on en trouve une vraie, qui eſt , & trois fauſſes, qui ſont , &

Ainſi ayant x4 - 4x2 - 8x + 35 = 0,

pourceque la racine de

y6 - 8y4 124y2 - 64 = 0,

eſt derechef 16, il faut écrire

x2 - 4x + 5 = 0

et

x2 + 4x + 7 = 0,

Car icy

foit 5,

et foit 7.

Et pourcequ’on ne trouve aucune racine, ni vraie, ni fauſſe, en ces deux dernières équations, on connaît delà que les quatre de l’Équation dont elles procèdent ſont imaginaires ; & que le Problème, pour lequel on l’a trouvée, eſt plan de ſa nature ; mais qu’il ne ſauroit en aucune façon eſtre conſtruit, à cauſe que les quantités données ne peuvent ſe joindre.

Tout de meſme ayant

,

pourcequ’on trouve a2 + c2 pour y2, il faut écrire

et

car y eſt & eſt , et eſt

d’où on connaît que la valeur de z eſt ...

eſt

ou bien

Et puiſque nous avons foit ci deſſus , nous apprenons que la quantité x, pour la connaiſſance de laquelle nous avons foit toutes ces opérations, eſt

Exemple de l’uſage de ces réductions

Mais afin qu’on puiſſe mieux connaître l’utilité de cette règle il faut que je l’applique à quelque problème.

Si le carré AD & la ligne BN étant donnez, il faut prolonger le coſté AC juſqu’à E, en ſorte que EF, tirée de E vers B, ſoyt égale à NB : on apprend de Pappus, qu’ayant premièrement prolongé BD juſqu’à G, en ſorte que DG ſoyt égale à DN, & ayant décrit un cercle dont le diamètre ſoyt BG, ſi on prolonge la ligne droite AC, elle rencontrera la circonférence de ce cercle au point E qu’on demandait. Mais pour ceux qui ne ſauraient point cette conſtruction, elle ſeroit aſſés difficyle à rencontrer; et, en la cherchant par la méthode icy propoſée, ils ne s’aviſeraient jamais de prendre DG pour la quantité inconnue, mais plutoſt CF ou FD, à cauſe que ce ſont elles qui conduiſent le plus aiſément à l’équation ; & lors ils en trouveraient une qui ne ſeroit pas facile à démeſler ſans la règle que je viens d’expliquer. Car poſant a pour BD ou CD, & c pour EF, & x pour DF, on a CF = a - x, & comme CF ou a - x eſt à FE ou c, ainſi FD ou x eſt à BF, qui par conſéquent eſt . Puis à cauſe du triangle rectangle BDF dont les coſtés ſont l’un x & l’autre a, leurs carrez, qui ſont x2 + a2, ſont égaux à celuy de la baſe, qui eſt  ; de façon que, multipliant le tout par x2 - 2ax + a2, on trouve que l’équation eſt

x4 - 2ax3 + 2a2x2 - 2a3x + a4 = c2x2,

ou bien

x4 - 2ax3 + (2a2 - c2) x2 - 2a3x + a4 = 0 ;

et on connaît par les règles précédentes que ſa racine, qui eſt la longueur de la ligne DF, eſt

Que ſi on poſçait BF, ou CE, ou BE, pour la quantité inconnue, on viendroit derechef à une équation en laquelle il y auroit quatre dimenſions, mais qui ſeroit plus aiſée à démeſler, & on y viendroit aſſés aiſément ; au lieu que ſi c’étoit DG qu’on ſuppoſat, on viendroit beaucoup plus difficylement à l’équation, mais auſſi elle ſeroit tres-ſimple. Ce que je mets icy pour vous avertir que, lors que le problème propoſé n’eſt point ſolide, ſi en le cherchant par un chemin on vient à une équation fort compoſée, on peut ordinairement venir à une plus ſimple en le cherchant par un autre.

Je pourrais encore ajouter diverſes règles pour démeſler les équations qui vont au cube ou au carré de carré, mais elles ſeraient ſuperflues ; car lors que les problèmes ſont plans on en peut toujours trouver la conſtruction par celles-ci.

Règle générale pour réduire toutes les équations qui paſſent le carré de carré.

Je pourrais auſſi en ajouter d’autres pour les équations qui montent juſqu’au ſurſolide, ou au carré de cube, ou au-delà, mais j’aime mieux les comprendre toutes en une, & dire en général que, lorſqu’on a taché de les réduire à meſme forme que celles d’autant de dimenſions qui viennent de la multiplication de deux autres qui en ont moins, & qu’ayant dénombré tous les moyens par leſquels cette multiplication eſt poſſible, la choſe n’a pu ſuccéder par aucun, on doit s’aſſurer qu’elles ne ſauraient eſtre réduites à de plus ſimples ; en ſorte que ſi la quantité inconnue a trois ou quatre dimenſions, le problème pour lequel on la cherche eſt ſolide, & ſi elle en a cinq ou ſix, il eſt d’un degré plus compoſé, & ainſi des autres.

Au reſte, j’ai omis icy les démonſtrations de la plupart de ce que j’ai dit, à cauſe qu’elles m’ont ſemblé ſi faciles que, pourvu que vous preniés la peine d’examiner méthodiquement ſi j’ai failli, elles ſe préſenteront à vous d’elles-meſmes ; & il ſera plus utile de les apprendre en cette façon qu’en les liſant.

Façon générale pour conſtruire tous les problèmes ſolides réduits à une équation de trois ou quatre dimenſions.

Or quand on eſt aſſuré, que le Problème propoſé eſt ſolide, ſoyt que l’équation par laquelle on le cherche monte au carré de carré, ſoyt qu’elle ne monte que juſqu’au cube, on peut toujours en trouver la racine par l’une des trois ſections coniques, laquelle que ce ſoyt ou meſme par quelque partie de l’une d’elles, tant petite qu’elle puiſſe eſtre ; en ne ſe ſervant au reſte que de lignes droites & de cercles. Mais je me contenterai icy de donner une règle générale pour les trouver toutes par le moyen d’une Parabole, à cauſe qu’elle eſt en quelque façon la plus ſimple.

Premièrement il faut oſter le ſecond terme de l’équation propoſée, s’il n’eſt déjà nul, & ainſi la réduire à telle forme

z3 = ± apz2 ± a2q, ſi la quantité inconnue n’a que trois dimenſions ;

ou bien à telle z4 = ± apz2 ± a2qz ± a3r, ſi elle en a quatre ;

ou bien en prenant a pour l’unité, à telle z3 = ± az ± q

et à telle z4 = ± pz2 ± qz ± r.

Après cela ſuppoſant que la Parabole FAG eſt déjà décrite, & que ſon eſſieu eſt ACDKL, & que ſon coſté droit eſt a ou 1, dont AC eſt la moitié, & enfin que le point C eſt au dedans de cette Parabole, & que A en eſt le ſommet ; il faut faire CD = , & la prendre du meſme coſté, qu’eſt le point A au regard du point C, s’il y a + p en l’équation; mais s’il y a - p il faut la prendre de l’autre coſté.

Et du point D, ou bien, ſi la quantité p étoit nulle, du point C il faut élever une ligne à angles droits juſqu’à E, en ſorte qu’elle ſoyt égale à , & enfin du centre E il faut décrire le cercle FG, dont le demi-diamètre ſoyt AE, ſi l’équation n’eſt que cubique, en ſorte que la quantité r ſoyt nulle.

Mais quand il y a + r il faut dans cette ligne AE prolongée, prendre d’un coſté AR égale à r, & de l’autre AS égale au coſté droit de la Parabole qui eſt r, & ayant décrit un cercle dont le diamètre ſoyt RS, il faut faire AH perpendiculaire ſur AE, laquelle AH rencontre ce cercle RHS au point H, qui eſt celuy par où l’autre cercle FHG doit paſſer. Et quand il y a - r il faut après avoir ainſi trouvé la ligne AH, inſcrire AI, qui luy ſoyt égale, dans un autre cercle, dont AE ſoyt le diamètre, & lors c’eſt par le point I, que doit paſſer FIG le premier cercle cherché. Or ce cercle FG peut couper, ou toucher la Parabole en 1, ou 2, ou 3, ou 4 points, deſquels tirant des perpendiculai­res ſur l’eſſieu, on a toutes les racines de l’équation tant vraies, que fauſſes. À ſavoir ſi la quantité q eſt marqué du ſigne +, les vraies racines ſeront celles de ces perpendiculaires, qui ſe trouveront du meſme coſté de la parabole, que E le centre du cercle, comme FL ; & les autres, comme GK, ſeront fauſſes : Mais au contraire ſi cette quantité q eſt marquée du ſigne - les vraies ſeront celles de l’autre coſté ; & les fauſſes, ou moindres que rien ſeront du coſté où eſt E, le centre du cercle. Et enfin ſi ce cercle ne coupe, n’y ne touche la Parabole en aucun point, cela témoigne qu’il n’y a aucune racine ni vraie ni fauſſe en l’équation, & qu’elles ſont toutes imaginaires. En ſorte que cette règle eſt la plus générale, & la plus accomplie qu’il ſoyt poſſible de ſouhaiter.

Et la démonſtration en eſt fort aiſée. Car ſi la ligne GK, trouvée par cette conſtruction, ſe nomme z, AK ſera z2 à cauſe de la Parabole, en laquelle GK doit eſtre moyenne proportionnelle, entre AK, & le coſté droit qui eſt 1 ; puis ſi de AK j’oſte AC, qui eſt , C D qui eſt ,

il reſte DK, ou EM, qui eſt ,

dont le carré eſt

z4pz2z2 +

et à cauſe que DE, ou KM eſt , la toute G M eſt ,

dont le carré eſt ,

et aſſemblant ces deux carrez, on a

z4pz2 + qz + , pour le carré de la ligne GE, à cauſe qu’elle eſt la baſe du triangle rectangle EMG.

Mais à cauſe que cette meſme ligne GE eſt le demi-­diamètre du cercle FG, elle ſe peut encore expliquer en d’autres termes, à ſavoir ED étant

et AD étant ,

EA eſt

à cauſe de l’angle droit ADE, puis HA étant moyenne proportionnelle entre AS qui eſt 1 & AR qui eſt r, elle eſt . & à cauſe de l’angle droit EAH, le carré de HE, ou EG eſt

 ;

ſi bien qu’il y a Équation entre cette ſomme & la précédente, ce qui eſt le meſme que z4 = pz2qz + r.

et par conſéquent la ligne trouvée GK qui a été nommée z eſt la racine de cette Équation, ainſi qu’il falloit démontrer. Et ſi vous appliqués ce meſme calcul à tous les autres cas de cette règle, en changeant les ſignes + & - ſelon l’occaſion, vous y trouverés votre compte en meſme ſorte, ſans qu’il ſoyt beſoin que je m’y areſte.

L’invention de quatre moyennes proportionnelles.

Si on veut donc ſuivant cette règle trouver deux moyennes proportionnelles entre les lignes a & q ; chacun ſçait que poſant z pour l’une, comme a eſt à z, ainſi z à , & à

de façon qu’il y a Équation entre q & , c’eſt-à-dire

z3 = a2q.

Et la Parabole FAG étant décrite, avec la partie de ſon eſſieu AC, qui eſt la moitié du coſté droit ; il faut du point C élever la perpendiculaire CE égale à & du centre E par A, décrivant le cercle AF, on trouve FL & LA, pour les deux moyennes cherchées.

La diviſion de l’angle en trois.

Tout de meſme ſi on veut diviſer l’angle NOP, ou bien l’arc, ou portion de cercle NQTP, en trois parties égales ; faiſant NO = 1, pour le rayon du cercle et, pour la ſubtendue de l’arc donné, & NQ = z pour la ſubtendue du tiers de cet arc ; l’équation vient z3 = 3z - q, Car ayant tiré les lignes NQ, OQ, OT ; & faiſant QS parallèle à TO, on voit que comme NO eſt à NQ, ainſi NQ à QR, & QR à RS ; en ſorte que NO étant 1, & NQ étant z, QR eſt z2, & RS eſt z3 ; & à cauſe qu’il s’en faut ſeulement RS ou z3 que la ligne NP, qui eſt q, ne ſoyt triple de NQ, qui eſt z, on a

q = 3z - z3

ou bien

z3 = 3z - q.

Puis la Parabole FAG étant décrite & CA la moitié de ſon coſté droit principal étant on prend CD = et la perpendiculaire DE = , & que du centre E, par A, on décrive le cercle FAgG, il coupe cette Parabole aux trois points F, g & G, ſans compter le point A qui en eſt le ſommet. Ce qui montre qu’il y a trois racines en cette Équation, à ſavoir les deux GK & gk, qui ſont vraies ; & la troiſième qui eſt fauſſe, à ſavoir FL. Et de ces deux vraies c’eſt gk la plus petite qu’il faut prendre pour la ligne NQ qui étoit cherchée. Car l’autre GK eſt égale à NV, la ſubtendue de la troiſième partie de l’arc NVP, qui avec l’autre arc NQP achève le cercle. Et la fauſſe FL eſt égale à ces deux enſemble QN & NV, ainſi qu’il eſt aiſé a voir par le calcul.

Que tous les problèmes ſolides ſe peuvent réduire à ces deux conſtructions.

Il ſeroit ſuperflu que je m’arreſtaſſe à donner icy d’autres exemples ; car tous les Problèmes qui ne ſont que ſolides ſe peuvent réduire à tel point, qu’on n’a aucun beſoin de cette règle pour les conſtruire, ſinon en tant qu’elle ſert à trouver deux moyennes proportionnelles, ou bien à diviſer un angle en trois parties égales. Ainſi que vous connaîtrés en conſidérant, que leurs difficultés peuvent toujours eſtre compriſes en des Équations, qui ne montent que juſqu’au carré de carré, ou au cube : Et que toutes celles qui montent au carré de carré, ſe réduiſent au carré, par le moyen de quelques autres, qui ne montent que juſqu’ au cube : Et enfin qu’on peut oſter le ſecond ternie de celles ci. En ſorte qu’il n’y en a point qui ne ſe puiſſe réduire à quelqu’une de ces trois formes :

z3 = - pz + q

z3 = + pz + q

z3 = + pz - q

Or ſi on a z3 = - pz + q, la règle dont Cardan attribue l’invention à un nommé Scipio Ferreus, nous apprend que la racine eſt

Comme auſſi lorſqu’on a z3 = + pz + q, & que le carré de la moitié du dernier terme eſt plus grand que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième, une pareille règle nous apprend que la racine eſt

D’où il paroit qu’on peut conſtruire tous les Problèmes, dont les difficultés ſe réduiſent a l’une de ces deux formes, ſans avoir beſoin des ſections coniques pour autre choſe, que pour tirer les racines cubiques de quelques quantité données, c’eſt-à-dire pour trouver deux moyennes proportionnelles entre ces quantités & l’unité.

Puis ſi on a z3 = + pz - p, & que le carré de la moitié du dernier terme ne ſoyt point plus grand que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième, en ſuppoſant le cercle NQPV, dont le demi-diamètre NO ſoyt, c’eſt-à-dire la moyenne proportionnelle entre le tiers delà quantité donnée p & l’unité ; & ſuppoſant auſſi la ligne NP inſcrite dans ce cercle qui ſoyt , c’eſt-àdire qui ſoyt à l’autre quantité donne q comme l’unité eſt au tiers de p ; il ne faut que diviſer chacun des deux arcs NQP & NVP en trois parties égales, & on aura NQ, la ſubtendue du tiers de l’un, & NV la ſubtendue du tiers de l’autre, qui jointes enſemble compoſeront la racine cherchée.

Enfin ſi on a z3 = pz - q en ſuppoſant derechef le cercle NQPV, dont le rayon NO ſoyt & l’inſcrite NP ſoyt , NQ la ſubtendue du tiers de l’arc NQP ſera l’une des racines cherchées, & NV la ſuſtendue du tiers de l’autre arc ſera l’autre. Au moins ſi le carré de la moitié du dernier terme, n’eſt point plus grand, que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième. car s’il étoit plus grand, la ligne NP ne pourroit eſtre inſcrite dans le cercle, à cauſe qu’elle ſeroit plus longue que ſon diamètre: Ce qui ſeroit cauſe que les deux vraies racines de cette Équation ne ſeraient qu’imaginaires, & qu’il n’y en auroit de réelles que la fauſſe, qui ſuivant la règle de Cardan ſerait

La façon d’exprimer la valeur de toutes les racines des équations cubiques, & enſuite de toutes celles qui ne montent que juſqu’au carré de carré.

Au reſte il eſt à remarquer que cette façon d’exprimer la valeur des racines par le rapport qu’elles ont aux coſtés de certains cubes dont il n’y a que le contenu qu’on connaiſſe, n’eſt en rien plus intelligible, ni plus ſimple, que de les exprimer par le rapport qu’elles ont aux ſubtendues de certains arcs, ou portions de cercles, dont le triple eſt donné. En ſorte que toutes celles des Équations cubiques qui ne peuvent eſtre exprimées par les règles de Cardan, le peuvent eſtre autant ou plus clairement par la façon icy propoſée.

Car ſi par exemple, on penſe connaître la racine de cette Équation

z3 = - qz + p,

à cauſe qu’on ſçait qu’elle eſt compoſée de deux lignes. dont l’une eſt le coſté d’un cube, duquel le contenu eſt , ajouté au coſté d’un carré, duquel derechef le contenu eſt ; Et l’autre eſt le coſté d’un autre cube, dont le contenu eſt la différence qui eſt entre , & le coſté de ce carré dont le contenu eſt , qui eſt tout ce qu’on en apprend par la règle de Cardan. il n’y a point de doute qu’on ne connaiſſe autant ou plus diſtinctement la racine de celle-ci

z3 = + qz - p,

en la conſidérant inſcrite dans un cercle, dont le demi-diamètre eſt , & ſachant qu’elle y eſt la ſubtendue d’un arc dont le triple a pour ſubtendue . Meſme ces termes ſont beaucoup moins embarraſſés que les autres, & ils ſe trouveront beaucoup plus cours ſi on veut uſer de quelque chiffre particulier pour exprimer ces ſubtendues, ainſi qu’on foit du chiffre pour exprimer le coſté des cubes.

Et on peut auſſi, en ſuite de ceci, exprimer les racines de toutes les Équations qui montent juſqu au carré de carré, par les règles ci-deſſus expliquées. En ſorte que je ne ſache rien de plus à déſirer en cette matière. Car enfin la nature de ces racines ne permet pas qu’on les exprime en termes plus ſimples, ni qu’on les détermine par aucune conſtruction qui ſoyt enſemble plus générale & plus facile.

Pourquoy les problèmes ſolides ne peuvent eſtre conſtruits ſans les ſections coniques, ni ceux qui ſont plus compoſés ſans quelques autres lignes plus compoſées.

Il eſt vrai que je n’ai pas encore dit ſur quelles raiſons je me fonde, pour oſer ainſi aſſurer ſi une choſe eſt poſſible ou ne l’eſt pas. Mais, ſi on prend garde comment, par la méthode dont je me ſers, tout ce qui tombe ſous la conſidération des Géomètres ſe réduit à un meſme genre de Problèmes, qui eſt de chercher la valeur des racines de quelqu’Équation, on jugera bien qu’il n’eſt pas malaiſé de faire un dénombrement de toutes les voies par leſquelles on les peut trouver, qui ſoyt ſuffiſant pour démontrer qu’on a choiſi la plus générale & la plus ſimple. Et particulièrement pour ce qui eſt des Problèmes ſolides, que j’ai dit ne pouvoir eſtre conſtruis, ſans qu’on y emploie quelque ligne plus compoſée que la circulaire, c’eſt choſe qu’on peut aſſés trouver, de ce qu’ils ſe réduiſent tous a deux conſtructions ; en l’une deſquelles il faut avoir tout enſemble les deux points, qui déterminent deux moyennes proportionnelles entre deux lignes données, & en l’autre les deux points, qui diviſent en trois parties égales un arc donné : car d’autant que la courbure du cercle ne dépend, que d’un ſimple rapport de toutes ſes parties, au point qui en eſt le centre ; on ne peut auſſi s’en ſervir qu’à déterminer un ſeul point entre deux extreſmes, comme à trouver une moyenne proportionnelle entre deux lignes droites données, ou diviſer en deux un arc donné ; au lieu que la courbure des ſections coniques, dépendant toujours de deux diverſes choſes, peut auſſi ſervir à déterminer deux points différents.

Mais pour cette meſme raiſon il eſt impoſſible, qu’aucun des Problèmes qui ſont d’un degré plus compoſés que les ſolides, & qui préſuppoſent l’invention de quatre moyennes proportionnelles, ou la diviſion d’un angle en cinq parties égales, puiſſent eſtre conſtruits par aucune des ſections coniques. C’eſt pourquoy je croirai faire en ceci tout le mieux qui ſe puiſſe, ſi je donne une règle générale pour les conſtruire, en y employant la ligne courbe qui ſe décrit par l’interſection d’une Parabole & d’une ligne droite en la façon ci-deſſus expliquée. car j’oſe aſſurer qu’il n’y en a point de plus ſimple en la nature, qui puiſſe ſervir à ce meſme effect ; & vous avés vu comme elle ſuit immédiatement les ſections coniques, en cette queſtion tant cherchée parles anciens, dont la ſolution enſeigne par ordre toutes les lignes courbes, qui doivent eſtre reçues en Géométrie.

Façon générale pour conſtruire tous les problèmes réduits à une équation qui n’a point plus de ſix dimenſions.

Vous ſavés déjà comment, lorſqu’on cherche les quantités qui ſont requiſes pour la conſtruction de ces Problèmes, on les peut toujours réduire à quelque Équation, qui ne monte que juſqu’au carré de cube, ou au ſurſolide. Puis vous ſavés auſſi comment, en augmentant la valeur des racines de cette Équation, on peut toujours faire qu’elles deviennent toutes vraies ; & avec cela que la quantité connue du troiſième terme ſoyt plus grande que le carré de la moitié de celle du ſecond ; et enfin comment, ſi elle ne monte que juſqu’au ſurſolide, on la peut hauſſer juſqu’au carré de cube ; & faire que la place d’aucun de ſes termes ne manque d’eſtre remplie. Or afin que toutes les difficultez, dont il eſt icy queſtion, puiſſe eſtre réſolues par une meſme règle, je déſire qu’on face toutes ces choſes, & par ce moyen qu’on les réduiſe toujours a une Équation de telle forme

y6 - py5 + qy4 - ry3 + ſy2 - ty + v = 0

et en laquelle la quantité nommée q ſoyt plus grande que le carré de la moitié de celle qui eſt nommée p. Puis ayant foit la ligne BK indéfiniment longue des deux coſtés du point B ayant tiré la perpendiculaire AB, dont la longueur ſoyt il faut dans un plan ſéparé décrire une Parabole, comme CDF dont le coſté droit principal ſoyt

que je nommerai n pour abréger.

Après cela il faut poſer le plan dans lequel eſt cette Parabole ſur celuy ou ſont les lignes AB & B K, en ſorte que ſon eſſieu DE ſe rencontre juſtement au-deſſus de la ligne droite BK ; & ayant pris la partie de cet eſſieu, qui eſt entre les points E & D, égale à , il faut appliquer ſur ce point E une longue règle, en telle façon qu’étant auſſi appliquée ſur le point A du plan de deſſous, elle demeure toujours jointe a ces deux points, pendant qu’on hauſſera ou baiſſera la Parabole tout le long de la ligne BK, ſur laquelle ſon eſſieu eſt appliqué au moyen de quoy l’interſection de cette Parabole, & de cette règle, qui ſe fera au point C, décrira la ligne courbe ACN, qui eſt celle dont nous avons beſoin de nous ſervir pour la conſtruction du Problème propoſé. Car après qu’elle eſt ainſi décrite, ſi on prend le point L en la ligne BK, du coſté vers lequel eſt tourné le ſommet de la Parabole, & qu’on face BL égale à DE, c’eſt-à-dire à ; puis du point L, vers B, qu’on prenne en la meſme ligne BK, la ligne LH, égale à , & que du point H ainſi trouvé, on tire à angles droits, du coſté qu’eſt la courbe ACN, la ligne HI, dont la longueur ſoyt

qui pour abréger ſera nommée  ; Et après, ayant joint les points L & I, qu’on décrive le cercle LPI, dont IL ſoyt le diamètre; & qu’on inſcrive en ce cercle la ligne LP dont la longueur ſoyt ,

Puis enfin du centre I, par le point P ainſi trouvé, qu’on décrive le cercle PCN. Ce cercle coupera ou touchera la ligne courbe ACN, en autant de points qu’il y aura de racines en l’équation : En ſorte que les perpendiculaires tirées de ces points ſur la ligne BK, comme CG, NR, QO, & ſemblables, ſeront les racines cherchées. Sans qu’il y ait aucune exception ni aucun défaut en cette règle. Car ſi la quantité s étoit ſi grande, à proportion des autres p, q, r, t, & v, que la ligne LP ſe trouvat plus grande que le diamètre du cercle IL, en ſorte qu’elle n’y put eſtre inſcrite, il n’y auroit aucune racine en l’équation propoſée qui ne fût imaginaire : Non plus que ſi le cercle IP étoit ſi petit, qu’il ne coupat la courbe ACN en aucun point. Et il la peut couper en ſix différents ainſi qu’il peut y avoir ſix diverſes racines en l’équation. Mais lorſqu’il la coupe en moins, cela témoigne qu’il y a quelques-unes de ces racines qui ſont égales entre elles, ou bien qui ne ſont qu’imaginaires. Que ſi la façon de tracer la ligne ACN par le mouvement d’une Parabole vous ſemble incommode, il eſt aiſé de trouver pluſieurs autres moyens pour la décrire.

Comme ſi ayant les meſmes quantités que devant pour AB & BL ; & la meſme pour BK, qu’on avoit poſée pour le coſté droit principal de la Parabole; on décrit le demi-cercle KST dont le centre ſoyt pris à diſcrétion dans la ligne BK, en ſorte qu’il coupe quelque part la ligne AB, comme au point S, & que du point T, du il finit, on prenne vers K la ligne TV, égale à BL ; puis ayant tiré la ligne SV, qu’on en tire une autre, qui luy ſoyt parallèle, par le point A, comme AC; & qu’on en tire auſſi une autre par S, qui ſoyt parallèle a BK, comme SC ; le point C, ou ces deux parallèles ſe rencontrent, ſera l’un de ceux de la ligne courbe cherchée. Et on en peut trouver, en meſme ſorte, autant d’autres qu’on en déſire. Or la démonſtration de tout ceci eſt aſſés facile. car appliquant la règle AE avec la Parabole ED ſur le point C; comme il eſt certain qu’elles peuvent y eſtre appli­quées enſemble, puiſque ce point C eſt en la courbe ACN, qui eſt décrite par leur interſection ; ſi CG ſe nomme y, GD ſera , à cauſe que le coſté droit, qui eſt n, eſt à CG, comme CG à GD, & oſtant DE, qui eſt de GD, on a , pour G E. Puis à cauſe que AB eſt a BE comme CG eſt à GE; AB étant BE eſt

Et tout de meſme en ſuppoſant que le point C de la courbe a été trouvé par l’interſection des lignes droites, SC parallèle à BK, & AC parallèle à SV. SB gui eſt égale à CG, eſt y :et BK étant égale au coſté droit de la Parabole, que j’ai nommé n, BT eſt car comme KB eſt à BS, ainſi BS eſt à BT. Et TV étant la meſme que BL, c’eſt-à-dire , BV eſt et comme SB eſt à BV, ainſi AB eſt à BE, qui eſt par conſéquent comme devant, d’où on voit que c’eſt une meſme ligne courbe qui ſe décrit en ces deux façons. Après cela, pourceque BL & DE ſont égales, DL & BE le ſont auſſi: de façon qu’ajoutant LH, qui eſt , à DL qui eſt ,

on a la toute DH, qui eſt

et en oſtant GD, qui eſt

on à GH, qui eſt

Ce que j’écris par ordre en cette ſorte .

Et le carré de GH eſt

,

Et en quelque autre endroit de cette ligne courbe qu’on veuille imaginer le point C, comme vers N, ou vers Q, on trouvera toujours que le carré de là ligne droite, qui eſt entre le point H & celuy où tombe la perpendiculaire du point C ſur BH, peut eſtre exprimé en ces meſmes termes, & avec les meſmes ſignes + & -.

De plus IH étant & LH étant ,

IL eſt

à cauſe de l’angle droit IHL ; & LP étant

IP ou IC eſt

à cauſe auſſi de l’angle droit IPL. Puis ayant foit CM perpendiculaire ſur IH, IM eſt la différence qui eſt entre IH & HM ou CG, c’eſt-à-dire entre & y,

en ſorte que ſon carré eſt toujours

qui étant oſté du carré de de IC il reſte

pour le quarré de CM, qui eſt égal au carré de GH déjà trouvé. Ou bien en faiſant que cette ſomme ſoyt diviſée comme l’autre par n2y2,

on a

puis remettant , pour n2y4 ;

Et pour 2my3 ;

et multipliant l’une & l’autre ſomme par n2y2, on a

,

égal à

C’eſt-à-dire qu’on a,

y6 - py5 + qy4 - ry3 + ſy2 - ty + u = 0

D’où il paraît que les lignes CG, NR, QO, & ſemblables ſont les racines de cette Équation, qui eſt ce qu’il falloit démontrer.

Créer quatre moyennes proportionnelles

Ainſi donc ſi on veut trouver quatre moyennes proportionnelles entre les lignes a & b, ayant poſé x pour la première, l’Équation eſt x5 - a4b = 0, ou bien x6 - a4bx = 0.

En faiſant y – a = x il vient

y6 - 6ay5 + 15a2y4 - 20 a3y3 + 15 a4y2 - (6a5 + a4b) + a6 + a5b = 0.

C’eſt pourquoy il faut prendre 3a pour la ligne AB, et

pour BK ou le coſté droit de la parabole que j’ai nommé n, & pour DE ou BL. Et après avoir décrit la ligne courbe ACN ſur la meſure de ces trois, il faut faire

et

et ,

car le cercle qui, ayant ſon centre au point I paſſera par le point P ainſi trouvé, coupera la courbe aux deux points C & N, deſquels ayant tiré les perpendiculaires NR & CG, ſi la moindre NR eſt oſtée de la plus grande CG, le reſte ſera x, la première des quatre moyennes cherchées.

Il eſt aiſé en meſme façon de diviſer un angle en cinq parties égales, & d’inſcrire une figure de onze ou treize coſtés égaux dans un cercle, & de trouver une infinité d’autres exemples de cette règle.

Toutefois il eſt à remarquer qu’en pluſieurs de ces exemples il peut arriver que le cercle coupe ſi obliquement la parabole du ſecond genre, que le point de leur interſection ſoyt difficyle à reconnaître, & ainſi que cette conſtruction ne ſoyt pas commode pour la pratique; à quoy il ſeroit aiſé de remédier en compoſant d’autres règles à l’imitation de celle-ci, comme on en peut compoſer de mille ſortes.

Mais mon deſſein n’eſt pas de faire un gros livre, & je tache plutoſt de comprendre beaucoup en peu de mots, comme on jugera peut-eſtre que j’ai fait, ſi on conſidère qu’ayant réduit à une meſme conſtruction tous les problèmes d’un meſme genre, j’ai tout enſemble donné la façon de les réduire à une infinité d’autres diverſes, & ainſi de réſoudre chacun d’eux en une infinité de façons ; puis outre cela, qu’ayant conſtruit tous ceux qui ſont plans en coupant d’un cercle une ligne droite, & tous ceux qui ſont ſolides en coupant auſſi d’un cercle une parabole, & enfin tous ceux qui ſont d’un degré plus compoſés en coupant tout de meſme d’un cercle une ligne qui n’eſt que d’un degré plus compoſée que la parabole, il ne faut que ſuivre la meſme voie pour conſtruire tous ceux qui ſont plus compoſés à l’infini : car, en matière de progreſſions mathématiques, lorſqu’on a les deux ou trois premiers termes, il n’eſt pas malaiſé de trouver les autres. Et j’eſpère que nos neveux me ſauront gré, non ſeulement des choſes que j’ai icy expliquées, mais auſſi de celles que j’ai omiſes volontairement, afin de leur laiſſer le plaiſir de les inventer.

FIN