Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses œuvres/Galanteries/La mort, l’apparition et les obsèques du capitaine Morpion

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LA MORT, L’APPARITION ET LES OBSÈQUES
DU CAPITAINE MORPION

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I


Cent mille poux de forte taille
Sur la motte ont livré bataille
À nombre égal de morpions
Portant écus et morions.

Transpercé, malgré sa cuirasse
Faite d’une écaille de crasse,
Le capitaine Morpion
Est tombé mort au bord du con.

En vain la foule désolée,
Pour lui dresser un mausolée,
Pendant huit jours chercha son corps…
L’abîme ne rend pas les morts !


II


Un soir, au bord de la ravine,
Ruisselant de foutre et d’urine,
On vit un fantôme tout nu,
À cheval sur un poil de cu.


C’était l’ombre du capitaine,
Dont la carcasse de vers pleine,
Par défaut d’inhumation
Sentait le marolle et l’arpion.

Devant cette ombre qui murmure
Triste, faute de sépulture,
Tous les morpions font serment
De lui dresser un monument.


III


On l’a recouvert d’une toile
Où de l’honneur brille l’étoile,
Comme au convoi d’un général
Ou d’un garde national.

Son cheval à pied l’accompagne
Quatre morpions grands d’Espagne,
La larme à l’œil, l’écharpe au bras,
Tiennent les quatre coins du drap.

On lui bâtit un cénotaphe
Où l’on grava cette épitaphe :
« Ci-gît un morpion de cœur,
Mort vaillamment au champ d’honneur. »


Cette poésie héroïque se chante sur la musique d’une marche funèbre, composée par M. Reyer pour le convoi du maréchal Gérard.