Simples chansons/La Mort du poète

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Poèmes mobiles ; MonologuesLéon Vanier, éditeur des Modernes (p. 139-140).

La mort du poète


À Eugène Mesplès.


C’était un homme long, déhanché, sec et blême,
Vêtu d’un habit vieux autant que l’univers ;
Sa vie était un mythe et sa bourse un problème :
Chacun le croyait fou, car il chantait des vers !

Or cet homme, songeant à des jours plus prospères,
S’en allait à pas lents sur le pont des Saint-Pères :
(Ce pont que fait trembler le poids des omnibus
Ainsi qu’un régiment sous le choc des obus !…)


Il regardait la Seine, infâme pourvoyeuse
De la mort ! cette Seine à la chanson joyeuse,
Plus perfide que les sirènes de jadis,
Dont le murmure lent n’est qu’un De profundis !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Je ne connaissais pas ce malheureux bohème.
Et, pourtant, j’ai pleuré, quand j’ai su le soir même
Qu’on avait retrouvé son cadavre à Puteaux.
« Homo sum, et nihil humani a me alienum puto ! »