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La Sénescence et la mort

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La Sénescence et la mort
Revue des Deux Mondes5e période, tome 13 (p. 692-708).
QUESTIONS SCIENTIFIQUES

LA SÉNESCENCE ET LA MORT

Certains, ouvrages, d’un caractère philosophique, comme le beau livre de M. L. Bourde au sur la Mort, ou d’une nature plus étroitement biologique, comme le livre de M. Yves Delage sur l’Hérédité et les grands problèmes de la Biologie générale et celui de Le Dantec sur une Théorie nouvelle de la Vie ; — les publications de M. E. Metchnikoff et de M. Marinesco sur la sénescence et la destruction des tissus ; — d’autres, enfin, plus spéciales et plus techniques, ont renouvelé, dans ces dernières années, l’intérêt qui s’attache à de bien vieilles questions qui ont préoccupé et préoccuperont toujours l’humanité : nous voulons parler de la caducité et de la mort. — Nous vieillissons et nous mourons : nous voyons vieillir et disparaître les êtres qui nous entourent. Tout d’abord nous n’apercevons pas d’exceptions à cette loi inexorable et nous la considérons comme une fatalité universelle de la Nature. — Mais cette généralisation est-elle bien fondée ? Est-il vrai qu’aucun être ne puisse échapper à ces cruelles nécessités de la vieillesse et de la mort, qui nous régissent et, avec nous, tous les représentant de l’animalité supérieure ? Ou, au contraire, y a-t-il des êtres immortels ? — La biologie répond qu’il y en a, en effet. Il y a des êtres à la vie desquels aucune loi n’assigne de limite ; et ce sont précisément les plus humbles, les moins différenciés et les moins parfaits. La mort apparaît, ainsi, comme un singulier privilège attaché à la supériorité organique, comme la rançon d’une savante complexité. — Au-dessus de ces êtres élémentaires, monocellulaires, indifférenciés, qui sont soustraits à la léthalité, on en trouve d’autres, déjà plus élevés en organisation, qui y sont assujettis, mais chez qui la mort ne semble qu’un accident, évitable en principe, sinon en fait. Les élémens anatomiques des animaux supérieurs sont dans ce cas. — Flourens, autrefois, avait entrepris de nous persuader que le seuil de la vieillesse devait être considérablement reculé, et voici que des naturalistes nous font entrevoir aujourd’hui une sorte de vague immortalité.

Il paraîtra donc convenable que nous entraînions notre lecteur dans l’examen de ces questions renouvelées, sinon nouvelles, et que nous nous expliquions sur ce qu’est la mort, au regard de la physiologie contemporaine, sur ses causes, ses mécanismes et ses signes.


I

Un philosophe anglais a prétendu que le mot que nous traduisons par Cause n’a pas moins de soixante-quatre sens distincts dans Platon et quarante-huit dans Aristote. — Le mot de Mort n’en a pas autant, dans le langage moderne : mais il en a encore beaucoup. Les phénomènes qu’il désigne sont, aux yeux de beaucoup de biologistes, tout à fait différens, suivant qu’on les envisage chez un animal d’organisation complexe, ou, au contraire, chez les êtres monocellulaires, protozoaires et protophytes. Il faut distinguer la mort des élémens anatomiques de celle de l’individu envisagé dans sa totalité, et reconnaître une mort élémentaire et une mort générale, comme l’on reconnaît déjà la vie élémentaire et la vie générale. — A un autre point de vue, on a aussi à envisager la mort apparente (vie latente) et la mort réelle. A mesure qu’on analyse davantage, on voit se multiplier les catégories et les espèces.

Que serait-ce si nous sortions du domaine scientifique ! En dehors de la solution donnée au problème de la mort par les croyances religieuses, nous verrions se heurter sur ce point toute la diversité des doutes philosophiques et des superstitions. « Un saut dans l’inconnu, » dit l’un. « Une nuit sans rêves et sans conscience, » dit un autre. « Un sommeil dont le réveil se fait plus longtemps attendre. » Pour Horace : « l’exil éternel. » Pour Sénèque, le néant : Post mortem nihil ; ipsaque mors nihil.

Une idée qui revient souvent au milieu de ce conflit d’opinions, c’est colle de la dispersion des élémens vivans. Celle-là, comme nous le verrons, a un fondement réel qui peut être avoué par la science. Nous ne trouverons pas, en effet, de meilleure manière de définir la mort individuelle que de dire qu’elle consiste dans la dissolution de la société formée par les élémens anatomiques, ou encore dans la dissolution de la conscience que nous avons de l’existence de cette société. » C’est la rupture du lien social. La dispersion est une variante de la même idée. Mais les anciens ne pouvaient évidemment pas entendre à notre façon la nature de ces élémens qui s’étaient associés pour former l’être vivant et que la mort libère ou disperse. Nous avons en vue des organites microscopiques, à existence objective réelle : les anciens pensaient à des élémens spirituels, à des principes, à des entités. Pour les Romains, qui s’octroyaient, en quelque sorte, trois âmes, la mort était produite par leur séparation d’avec le corps : la première, le souffle, spiritus, montant vers les espaces célestes (astra petit) ; la seconde, l’ombre, restant à la surface de la terre et errant autour des tombeaux ; la troisième, les mânes, descendant aux enfers. La croyance des Hindous était un peu différente : le corps retournait à la terre ; le souffle, au vent ; le feu du regard, au soleil ; l’âme éthérée, au monde des purs. Telles étaient les idées que l’humanité antique se formait de la dispersion mortelle.

La science moderne se place à un point de vue plus objectif. Elle se demande par quels faits, par quels événemens observables se traduit la mort. D’une façon générale, il est permis de dire que ces faits interrompent un état de choses antérieur qui était la vie et qu’ils y mettent fin. La mort se définit ainsi par la vie. C’est la pensée très sage de Confucius, disant à son disciple Li-Kou : « Quand on ne connaît pas la vie, comment pourrait-on connaître la mort ? »

Mais la cessation des phénomènes vitaux peut être plus ou moins absolue. Elle peut se réduire à une diminution, une atténuation passagère de ces phénomènes, et alors la mort est apparente : elle peut être complète, définitive, irrémédiable, et alors c’est la mort réelle.

La première question qui se pose est de savoir si cette mort est la conséquence obligatoire de la vie elle-même, si elle en est l’aboutissant fatal, le terme nécessaire. On peut s’adresser pour cela à l’observation vulgaire, pratiquée, pour ainsi dire, sans lumières et sans précautions spéciales. Mais c’est l’analyse physiologique de la notion d’individualité qui, seule, permettra une réponse précise à cette question de la fatalité de la mort.


II

L’opinion vulgaire nous enseigne que les êtres vivans n’ont qu’une existence passagère, et, selon le mot d’un poète, que la vie n’est qu’un éclair entre deux nuits profondes. Mais, d’autre part, une très facile observation nous montre ou paraît nous montrer des êtres dont la durée d’existence est de plus en plus longue, et, pratiquement, illimitée.

On connaît des arbres d’une antiquité vénérable. Parmi ces patriarches du monde végétal, on signale un châtaignier de l’Etna qui est vieux de dix siècles, et un if, en Écosse, dont l’âge est évalué à trente siècles. Les arbres dont la durée approche de cinq mille ans ne sont pas absolument rares. On peut citer, parmi ceux qui se trouvent dans ce cas, le dragonnier d’Orotava, dans l’île de Ténériffe. On en connaît deux autres exemples en Californie, le pseudo-cèdre ou Tascodium de Sacramento et un Séquoïa gigantea. On sait que l’olivier peut vivre sept cents ans. On a signalé des cèdres de huit cents ans et des chênes de quinze cents ans.

Des espèces végétales d’une durée de vie presque illimitée s’offrent sans cesse à l’observation des botanistes. Telles sont les plantes à rhizome défini, comme le colchique. Le colchique automnal a une tige souterraine dont le bulbe pousse chaque année de nouveaux axes pour une nouvelle floraison ; et, chacun de ces nouveaux axes atteignant une longueur à peu près constante, un botaniste a pu se proposer le singulier problème de savoir combien de temps il faudrait à un même pied, convenablement dirigé, pour arriver à faire le tour du globe.

Les végétaux reproduits par bouture fournissent un autre exemple d’êtres vivans d’une durée indéfinie. Tous les saules pleureurs qui ornent les bords des pièces d’eau dans les parcs et les jardins de l’Europe entière proviennent directement ou indirectement des boutures du premier Salix Babylonica introduit dans nos pays. Ne peut-on pas prétendre qu’ils sont les frag-mens, permanens, de cet unique et même saule ?

Ces exemples, aussi bien que ceux que fournit aux zoologistes la considération des polypiers qui ont produit par leur lente croissance les récifs ou atolls des mers de la Polynésie, ne prouvent pourtant pas la pérennité des êtres vivans. L’argument est sans valeur, car il est fondé sur une confusion. Il équivoque sur la difficulté que les naturalistes éprouvent à définir l’individu. Le chêne, le polypier ne sont pas des individus simples, mais des associations d’individus ; ou, suivant l’expression de Hegel, des nations dont nous observons les générations successives. Nous faisons de cette succession de générations une existence unique, et notre raisonnement revient à conférer à chaque citoyen actuel de ce corps social l’antiquité qui appartient à son ensemble.

Quant à la destruction, à la mort de cet individu social, de cet arbre centenaire, il semble, effectivement, que rien n’en fasse une nécessité naturelle. On trouve la raison suffisante de sa fin habituelle dans la répercussion sur l’individu de circonstances extérieures et contingentes. La cause de la mort d’un arbre, d’un chêne plusieurs fois centenaire, réside dans les conditions ambiantes et non point dans quelque condition interne. Le froid et la chaleur, l’humidité et la sécheresse, le poids de la neige, l’action mécanique de la pluie, de la grêle, des vents déchaînés et de la foudre ; les ravages des insectes et des parasites : voilà les véritables artisans de sa ruine. De plus, les rameaux nouveaux, poussés chaque année, accroissant la charge du tronc, aggravent la pression des parties et rendent plus difficile le mouvement de la sève. Sans ces obstacles, étrangers, pour ainsi dire, à l’être végétal lui-même, celui-ci pourrait continuer indéfiniment à fleurir, à fructifier et à pousser, au retour de chaque printemps, de nouveaux bourgeons.

Dans cet exemple, comme dans tous les autres, il faut savoir quelle est la nature des êtres que nous voyons durer et braver les siècles ; est-ce l’individu, est-ce l’espèce ? Est-ce un être vivant proprement dit, ayant son unité et son individualité, ou est-ce une série de générations qui se succèdent dans le temps et s’étendent dans l’espace ? En un mot, la question est de savoir si nous avons affaire à un arbre vrai ou à un arbre généalogique. L’incertitude est la même lorsqu’il s’agit des animaux. L’être durable est-il une colonie ou un individu ? Il est impossible d’aller plus loin sans résoudre par avance cette première difficulté.


III

Le premier objet à examiner, c’est l’être élémentaire, et, avec lui, la vie élémentaire, et, par conséquent, la mort élémentaire.

L’analyse anatomique nous apprend que les êtres animés et les plantes sont résolubles en parties de moins en moins complexes, dont la dernière et la plus simple est l’élément anatomique, la cellule, organite microscopique qui, lui aussi, est vivant. Tous les êtres, complexes ou simples, totaux ou fragmentaires, collectivités ou cellules isolées, possèdent une même manière d’être ; ils présentent un ensemble de caractères identiques qui leur mérite la désignation univoque d’êtres vivans. La vie est essentiellement cette manière d’être commune aux animaux et aux végétaux considérés dans leur entier ou considérés dans leurs élémens. Saisir isolément ces traits universels, nécessaires, permanens, les synthétiser ensuite en un tout, c’est suivre la seule méthode vraiment scientifique pour définir la vie élémentaire et pour faire connaître, du même coup, les fondemens de la vie animale et de la vie végétale.

Ces traits caractéristiques de la vie élémentaire ont été suffisamment fixés par la science. — C’est, d’abord, l’unité morphologique. Tous les élémens vivans ont une composition morphologique identique ; c’est-à-dire que la vie ne s’accomplit et ne se soutient, dans toute sa plénitude, que dans des organites ayant la constitution anatomique de la cellule, avec son cytoplasme et son noyau, constitués sur le type classique. — C’est, en second lieu, l’unité chimique. La matière constitutive de la cellule s’écarte peu d’un type chimique, qui est un complexus protéique, à noyau hexonique, et d’un modèle physique, qui est une émulsion de liquides granuleux, non miscibles, de viscosité différente. — Le troisième caractère consiste dans la possession d’une forme spécifique, que l’élément acquiert, conserve et répare. — Le quatrième caractère, peut-être le plus essentiel de tous, consiste dans la propriété d’accroissement ou nutrition, avec sa conséquence, qui est une relation d’échanges avec le milieu extérieur, échanges dans lesquels l’oxygène joue un rôle considérable. — Vient enfin une dernière propriété, celle de reproduction, qui est, dans une certaine mesure, la conséquence fatale de la précédente, c’est-à-dire de l’accroissement. Les élémens vivans, les cellules, ne peuvent, en effet, continuer à subsister sans s’accroître ; et comme, d’ailleurs, elles ne peuvent grandir sans mesure, au-delà des limites que leur assigne leur statut morphologique, il arrive fatalement un moment où la cellule se divise, par un procédé direct ou indirect : et bientôt, au lieu d’un élément anatomique, on en compte deux.

Ces cinq caractères vitaux des élémens, ils existent avec leur maximum d’évidence chez les cellules vivant isolément, chez les êtres microscopiques formés d’une cellule unique, protophytes et protozoaires. Mais, on les retrouve aussi dans les associations que les cellules forment entre elles, c’est-à-dire dans les animaux et les plantes ordinaires, complexes, polycellulaires, appelés, en raison de cette circonstance, métaphytes et métazoaires. Libres ou associés, les élémens anatomiques se comportent de même, se nourrissent, s’accroissent, respirent, digèrent de la même façon. A la vérité, le groupement des cellules, les relations de voisinage et de contiguïté qu’elles affectent, introduisent alors quelques variantes dans l’expression des phénomènes communs. Mais ces légères différences ne sauraient dissimuler la communauté essentielle des processus vitaux.

La majorité des physiologistes, à la suite de Claude Bernard, admettent pour valable et convaincante la démonstration que l’illustre expérimentateur a fournie de cette unité des processus vitaux. Il y a cependant quelques protestataires isolés : M. Le Dantec en est un. Dans sa théorie nouvelle de la vie, il amplifie, il exalte les différences qui existent entre la vie élémentaire des protozoaires et la vie associée des métazoaires : il ne veut y voir que contrastes et divergences.


Si telle est la vie élémentaire, demandons-nous ce que c’est que la mort élémentaire, c’est-à-dire la mort de la cellule. Posons-nous, à ce propos, les questions que l’on a précisément à examiner à l’occasion des animaux élevés en organisation et de l’homme lui-même. La mort de la cellule a-t-elle un caractère de nécessité, de fatalité ? Existe-t-il des cellules, des protophytes, des protozoaires qui soient immortels ? Comment la cellule meurt-elle ? Sa mort est-elle précédée d’un vieillissement ou sénescence ? Quels en sont les signes avant-coureurs et les symptômes confirmés ?


IV

En principe, les êtres composés d’une cellule unique, protophytes et protozoaires, les algues et les champignons unicellulaires, les infusoires, échappent à la nécessité de la mort. Ils n’ont pas, sans doute, comme le remarque Weissmann, l’immortalité idéale des dieux de la mythologie qu’aucune blessure ne pouvait atteindre. Au contraire, ils sont infiniment vulnérables, fragiles, et périssables ; il en meurt à chaque instant des myriades. Mais leur mort n’est pas fatale ! Ils succombent à des accidens : jamais à la vieillesse.

Imaginons un de ces êtres placé dans un milieu de culture favorable au plein exercice de ses activités, et, d’ailleurs, d’une assez grande étendue pour n’être pas affecté par les infimes quantités de matériaux que l’animal pourra y puiser ou y rejeter. Que ce soit, par exemple, un infusoire dans un océan. Dans ce milieu invariable, l’être vit, s’accroît, grandit incessamment. Quand il a atteint les limites de taille fixées par son statut spécifique, il se divise en deux moitiés que rien ne distingue entre elles. Une de ses moitiés va coloniser dans son voisinage, et il recommence la même évolution. Il n’y a pas de raison pour que le fait ne se répète pas indéfiniment, puisque rien n’est changé ni dans le milieu ni dans l’animal.

Il ne faut pas demander pourquoi la cellule ne peut vivre indéfiniment sans s’accroître, ni s’accroître sans se multiplier. Telle est sa manière d’être. Elle est propre au protoplasma cellulaire vivant. Il n’y a pas autre chose à en dire. C’est un fait irréductible, une propriété vitale, la base fondamentale de la faculté de génération.

En résumé, les phénomènes qui s’accomplissent dans la cellule du protozoaire ne comportent pas de cause d’arrêt. Le milieu permet à l’organisme de se ravitailler et de se décharger de telle manière, avec une telle perfection, que l’animal est toujours en régime régulier, et que, sauf son accroissement et, ultérieurement, sa division, il n’y a rien de changé en lui.

L’immortalité appartient ainsi, en principe, à tous les protistes qui se reproduisent par division simple et égale. Si l’on remarque que ces organismes rudimentaires, dotés de pérennité, sont les premières formes vivantes qui ont dû se montrer à la surface du globe et qu’elles ont sans doute précédé de beaucoup les autres, les polycellulaires, soumis, au contraire, à la caducité, la conclusion saute aux yeux : la vie a longtemps existé sans la mort. La mort a été un phénomène d’adaptation apparu au cours des âges, par suite de l’évolution des espèces.


On peut se demander à quel moment de l’histoire du globe, à quelle période de l’évolution des faunes, cette nouveauté, la mort, a fait son apparition. Les célèbres expériences de Maupas sur la sénescence des infusoires semblent autoriser une réponse précise à cette question. En se fondant sur elles, on peut dire que la mort a dû apparaître de conserve avec la reproduction sexuelle. La mort est devenue possible lorsque ce procédé de génération s’est établi, non pas dans toute sa plénitude, mais dans ses plus humbles commencemens, sous les formes rudimentaires de la division inégale et de la conjugaison. Et cela est advenu lorsque les infusoires ont commencé à peupler les eaux.

Les infusoires sont, en effet, capables de se multiplier par division simple. Il est vrai de dire qu’à côté de cette ressource, la seule qui nous intéresse ici parce que c’est la seule qui confère l’immortalité, ils en possèdent une autre. Ils présentent et exercent, dans certaines circonstances, un second mode de reproduction, la conjugaison caryogamique. — C’est un procédé assez compliqué dans son détail, mais qui, en définitive, se résume dans l’appariement temporaire de deux individus, d’ailleurs très semblables et qui ne sauraient être distingués en mâle et femelle. Ceux-ci se soudent intimement par une de leurs faces, échangent réciproquement un demi-noyau qui passe dans l’individu conjoint, puis se séparent. — Mais on peut empêcher les infusoires de se conjoindre ainsi en les isolant régulièrement aussitôt après leur naissance. Alors, ils s’accroissent, et ils sont contraints, après un certain temps, de se diviser suivant le premier mode.

M. Maupas a démontré que les infusoires ne pouvaient pas s’accommoder indéfiniment de ce régime et se diviser éternellement. Après un certain nombre de divisions, ils présentent des signes de dégénérescence et de caducité évidente. La taille diminue, les organes nucléaires s’atrophient, toutes les activités déchoient et l’infusoire périt. — Il succombe à cette sorte d’atrophie sénile, à moins qu’on ne lui fournisse l’occasion de se conjuguer avec un autre infusoire dans la même situation. Il puise alors, dans cet acte, des forces nouvelles, il grandit, reprend sa taille et reconstitue ses organes. La conjugaison lui rend la vie, la jeunesse et l’immortalité.

Des observations récentes dues à un naturaliste américain, G. N. Calkins, et confirmées par M. G. Loisel, ont montré que ce moyen de rajeunissement n’est pas le seul et qu’il n’est même pas le plus efficace. La conjugaison n’a pas une vertu spécifique mystérieuse. Il n’est pas nécessaire de marier l’infusoire pour le rajeunir : il suffit d’améliorer son régime. En remplaçant, chez la paramécie caudée, la conjugaison par du bouillon de bœuf et des phosphates, Calkins a pu observer 665 générations consécutives, sans tares, sans défaillance, sans signe de vieillesse. Un régime plantureux, des drogues simples ont eu ici raison de la sénilité et du cortège de dégénérescences atrophiques qu’elle traîne après elle.

Quant aux causes de la sénescence à laquelle on a remédié avec tant de succès, elles ne sont pas exactement connues. Calkins pense qu’elle résulte de la perte que fait progressivement l’organisme de quelque substance essentielle à la vie : la conjugaison ou l’alimentation intensive agiraient en restituant ce composé nécessaire. M. G. Loisel croit, au contraire, qu’il s’agit de l’accumulation progressive de produits toxiques dus à une espèce d’auto-intoxication alimentaire.


En résumé, les infusoires ne sont déjà plus des animaux chez qui les échanges matériels se passent avec assez de perfection, et chez qui la division cellulaire, conséquence de l’accroissement, se produise avec assez de précision pour que la vie se poursuive indéfiniment en un équilibre parfait dans le milieu approprié, sans subir d’altération, sans comporter de cause d’arrêt. A plus forte raison ne retrouve-t-on plus la parfaite régularité des échanges nutritifs dans les classes placées au-dessus de celle-là. En un mot, à partir de ce groupe si inférieur, il n’y a pas d’êtres animés qui soient dans la situation d’existence que M. Le Dantec appelle la « condition n° 1, de vie manifestée. » La matière vivante, au lieu de se maintenir continuellement identique en des conditions de milieu identiques, se modifie au cours de l’existence. Elle devient tributaire du temps : elle décrit une trajectoire déclinante ; elle a une évolution, une caducité et une mort. La condition fondamentale de la jeunesse invariable et de l’immortalité fait, ainsi, défaut chez tous les métazoaires. Chez tous, les tares vitales s’accumulent par insuffisance ou imperfection de l’absorption ou de l’excrétion nutritives : la vie déchoit, l’organisme s’altère progressivement et ainsi se trouve constitué un état de décrépitude par atrophie ou modification chimique, qui est la sénescence et aboutit à la mort.

Il faut ajouter, cependant, — comme un enseignement fourni par l’expérience, en général, et en particulier par celles de Lœb, de Calkins et de Loisel, — qu’un faible changement du milieu, amené à propos, est capable de rétablir l’équilibre et de procurer à l’infusoire un rajeunissement complet. La sénescence n’a donc pas, ici, un caractère définitif, non plus qu’intrinsèque : une modification dans la composition du milieu alimentaire en a raison. S’il est permis de généraliser ce résultat, on pourra dire que la sénescence, la trajectoire déclinante, l’évolution se dégradant jusqu’à la mort, ne sont point, pour les cellules considérées isolément, une fatalité profondément inscrite dans l’organisation et une conséquence rigoureuse de la vie elle-même. Elles conservent un caractère accidentel. Il n’y a pas, à la sénescence et à la mort, de cause interne vraiment naturelle, inexorable et irrémissible, comme l’ont prétendu autrefois Jean Müller, et, plus récemment, Cohnheim en Allemagne et Sedgwick, Minot en Angleterre.

Quant aux cellules, aux protophytes et aux protozoaires qui sont moins différenciés, qui sont situés à un degré de l’échelle inférieur à celui des infusoires, il faut admettre, chez eux, la possibilité de l’équilibre parfait et soutenu qui les soustrait à la décrépitude sénile. Mais il est bien entendu que ce privilège resté subordonné à la constance parfaite du milieu approprié. Si celui-ci vient à changer, l’équilibre est rompu, les petites perturbations insensibles de la nutrition s’accumulent, l’activité vitale déchoit, et, par suite de la seule imperfection des conditions extrinsèques ou de milieu, l’être vivant se trouve encore traîné à la déchéance et à la mort.


V

Tous les faits et les considérations qui précèdent sont relatifs aux cellules isolées, aux êtres monocellulaires. Mais, — et c’est là ce qui fait le grand intérêt de ces vérités, — elles peuvent s’étendre à toutes les cellules vivant en collectivité, c’est-à-dire à tous les animaux, à tous les êtres vivans que nous connaissons. Dans l’édifice compliqué de l’organisme, les élémens anatomiques, les moins différenciés tout au moins, auraient un brevet conditionnel d’immortalité. L’œuf, les élémens sexuels, en général ; peut-être encore les globules blancs du sang, les leucocytes, seraient dans ce cas. Encore faudrait-il qu’autour de chacun de ces élémens fût réalisé le milieu invariablement parfait qui en est la condition nécessaire. Ce n’est pas ce qui a lieu. — Quant aux autres élémens, ils sont dans la condition des infusoires, mais sans la ressource de la conjugaison. Le milieu ambiant s’épuise ou s’intoxique autour de chaque cellule par suite des accidens qui frappent les autres. Chacune subit donc une déchéance progressive et finalement une destruction qui, en principe, sont peut-être accidentelles, mais qui, en fait, sont la règle.

On remarquera que cette mort accidentelle des élémens anatomiques et des protozoaires n’est pas instantanée : elle a une préparation, un développement, une histoire. Cette phase intermédiaire entre la vie parfaite et la mort avérée peut être longue ou courte. — Lorsqu’elle est longue, c’est-à-dire lorsque la mort survient lentement, par suite de l’accumulation progressive de très petites perturbations insensibles, cette déchéance traînante constitue le vieillissement, la sénescence. Elle se manifeste, en général, par l’atrophie, qui réduit la taille et les dimensions de l’élément, et par des modifications chimiques, dégénérescence graisseuse, calcification, destruction granuleuse, qui en altèrent la substance. — Lorsque au contraire la mort est le résultat d’une action plus brutale, la période intermédiaire se trouve écourtée. On ne peut assimiler cette phase morbide et survenue prématurément à la déchéance sénile vraie : on l’appelle la nécrobiose. Les causes en sont étrangères à la matière vivante. Elles sont d’origine externe. C’est l’insuffisance des matériaux alimentaires, de l’eau, de l’oxygène ; c’est la présence, dans le milieu, de poisons véritables, destructeurs de la matière organisée ; c’est la violente intervention des agens physiques.


Les divers élémens anatomiques de l’organisme sont plus ou moins sensibles à ces perturbations qui causent la sénescence, la nécrobiose et la mort. Il y en a de plus fragiles, de plus exposés. Il y en a de plus résistans ; et il y en a enfin qui sont réellement immortels. On vient de dire que la cellule sexuelle, l’œuf, est dans ce cas. Il en résulte que le métazoaire, l’homme, par exemple, ne meurt pas tout entier. Considérons, en effet, un de ces êtres. Ses ascendans, peut-on dire, n’ont pas disparu tout entiers, puisqu’ils ont laissé l’œuf fécondé, élément survivant, d’où est sorti l’être que nous avons en vue ; et, quand celui-ci s’est développé, une partie de cet œuf a été mise en réserve pour une nouvelle génération. La mort des élémens n’est donc pas universelle. Le métazoaire se divise dès l’origine en deux parts : d’un côté, les cellules destinées à former le corps, cellules somatiques ; celles-là mourront. D’autre part, les cellules reproductrices ou germinales ou sexuelles, capables de vivre indéfiniment. On peut dire, en ce sens, avec Weissmann, qu’il y a deux choses dans l’animal, dans l’homme : l’une mortelle, le soma, le corps ; l’autre immortelle, le germen. Ces cellules germinales, comme les protozoaires dont nous avons parlé plus haut, possèdent une immortalité conditionnelle. Elles ne sont pas impérissables, mais, au contraire, fragiles et vulnérables. Des milliers d’œufs sont détruits et disparaissent à chaque instant. Ils peuvent mourir d’accident ; jamais de vieillesse.

On comprend maintenant que, si les protistes sont immortels, c’est parce que ces êtres vivans, réduits à une cellule unique, cumulent en elle les caractères réunis de la cellule somatique et de la cellule germinale, et jouissent du privilège attaché à cette dernière qualité.


VI

Il résulte de la doctrine cellulaire une conception des êtres vivans qui est singulièrement suggestive. Les métazoaires et les métaphytes, c’est-à-dire les êtres vivans polycellulaires qui s’offrent à la vue simple, et qui n’ont point besoin de microscope pour se révéler, sont un assemblage d’élémens anatomiques et la postérité d’une cellule. L’animal, au lieu d’être une unité indivisible, est une « multitude, » selon la propre expression de Goethe, méditant, en 1807, les enseignemens de Bichat. Il est, suivant le mot non moins juste de Hegel, « une nation ; » il sort d’un ancêtre cellulaire commun, comme le peuple Juif du sein d’Abraham.

On peut se représenter l’être vivant complexe, animal ou plante, avec sa forme qui le distingue de tout autre, comme une cité populeuse que mille traits distinguent de la cité voisine. Les élémens anatomiques de l’organisme en sont les citoyens. Tous ces habitans ont, en définitive, la même vie élémentaire : ils se nourrissent, respirent de la même façon. Mais, en outre, chacun a son métier, son industrie, ses aptitudes, ses talens, par lesquels il contribue à la vie sociale et par lesquels il en dépend à son tour.

Tel est l’animal complexe. Il est organisé comme une cité. Mais la loi supérieure de la cité, c’est que la vie matérielle des habitans soit assurée ; c’est que les besoins de l’existence communs à tous les citoyens anatomiques reçoivent satisfaction. Il faut que les matériaux alimentaires, l’eau, l’air, la chaleur, soient amenés partout à chaque élément sédentaire, dans la mesure convenable, et que les déchets soient emportés aux décharges qui débarrasseront l’agglomération de l’incommodité ou du danger de ces débris. C’est pour cela qu’existent les divers appareils de l’économie. — Pourquoi un appareil digestif ? Pour préparer et introduire dans le sang, la lymphe, et finalement dans l’atmosphère liquide qui baigne chaque cellule et forme son véritable milieu intérieur, les matériaux liquides nécessaires à sa vie. — Pourquoi un appareil respiratoire ? Pour importer le gaz vital nécessaire aux cellules et exporter l’excrément gazeux, l’acide carbonique. — Pourquoi un cœur et une canalisation circulatoire ? sinon pour amener et dispenser, dans la mesure convenable, à tous les élémens sédentaires, ce même milieu, convenablement épuré et ravitaillé. L’organisation est donc dominée par les nécessités de la vie cellulaire. Sa savante architecture et l’ajustement de ses canalisations circulatoire, respiratoire, digestive, excrétrice, n’ont pas d’autre objet. C’est en cela que consiste la loi de constitution des organismes de Claude Bernard.

On comprend par-là ce qu’est la vie — et, du même coup, ce qu’est la mort d’un être vivant complexe. La cité périt, si les mécanismes plus ou moins compliqués qui présidaient à son ravitaillement et à sa décharge sont gravement atteints en quelque point. Les divers groupes peuvent survivre plus ou moins longtemps, mais, privés progressivement des moyens de s’alimenter ou de s’exonérer, ils sont enfin entraînés dans la ruine générale. — Que le cœur s’arrête : c’est la famine universelle. — Que le poumon soit gravement lésé : c’est l’asphyxie pour tous. — Que le principal instrument de décharge, le rein, cesse de fonctionner : c’est l’empoisonnement général par les matériaux usés et toxiques retenus dans le sang.

Il existe entre les parties de l’organisme une sorte de solidarité humorale. Il y en a une autre encore, la solidarité nerveuse ; mais nous la laissons de côté en ce moment. — Les humeurs se mélangent. Toutes les atmosphères liquides qui entourent les cellules et forment leur milieu ambiant sont en communication plus ou moins facile les unes avec les autres, et, en définitive, avec le sang et la lymphe. Une altération dans un groupe cellulaire et dans le milieu correspondant a donc pour conséquence une altération dans le milieu voisin, et, par suite, dans le tissu voisin. Le malaise en un point pourra se propager, ainsi, de proche en proche.

On vient de voir comment l’intégrité des grands appareils, le cœur, le poumon, le rein, est indispensable au maintien de l’existence. On comprend que leur lésion, par une série de répercussions successives, entraîne la mort universelle. — On meurt toujours, disaient les anciens médecins, par suite de la faillite de l’un de ces trois organes : le cœur, le poumon, le cerveau. La vie, disaient-ils, dans leur langage imprécis, repose sur eux, comme sur trois étais. De là la notion du trépied vital.

Mais ce n’est pas seulement ce trio d’organes qui soutient l’organisme ; le rein, le foie, n’ont pas moins d’importance. A des degrés divers, chaque partie exerce son action sur toutes les autres. La vie repose en réalité sur l’immense multitude des cellules vivantes associées pour la formation du corps ; sur les trente trillions d’élémens anatomiques qui vivent par eux-mêmes.

Il n’y a pas une mort unique : il y a une série de morts partielles pour les divers élémens de l’organisme. — On peut appliquer à la mort ce que Paracelse et plus tard Bordeu ont dit de la vie, lorsqu’ils distinguaient d’une part la vie collective, vie de l’ensemble : vita communis et, d’autre part, la vie de chaque partie, vita propria. De même, nous devrons distinguer la mort générale, qui est la dissolution de l’individualité formée par la collectivité cellulaire, et la mort élémentaire qui détruit les cellules isolées.

Parmi les désordres qu’entraîne la dissolution mortelle de l’organisme, ceux qui nous frappent le plus sont ceux qui atteignent les fonctions supérieures, la sensibilité, le mouvement volontaire, l’intelligence. Quand elles sont perdues, il semble que la vie soit perdue. Nous disons d’un homme dont le cerveau est atteint qu’il ne vit plus, qu’il végète. — Cette sorte d’activité végétative ne saurait se maintenir indéfiniment. Par une série de ressauts dus à l’agencement solidaire des parties, l’atteinte matérielle portée au cerveau se répercute sur les autres organes et vient, en fin de compte, suspendre la vie élémentaire dans chaque élément anatomique. — Alors seulement la mort générale est consommée.

Quant à la mort élémentaire, elle peut être directe, c’est-à-dire résulter de l’action d’un poison général du protoplasma introduit dans le sang. Elle peut être indirecte, c’est-à-dire succéder à quelque atteinte brutale portée primitivement à un appareil essentiel, au cœur ou au poumon et répercutée sur l’atmosphère cellulaire. Le milieu de chaque cellule est troublé, ses opérations chimiques sont faussées, la nécrobiose se montre sous quelqu’une de ses formes habituelles, la cellule meurt. Mais la mort élémentaire peut être l’effet d’une altération plus lente du milieu ou des cellules elles-mêmes. Elle prend alors le nom de sénescence. Les expériences récentes de Lœb, de Calkins, et toutes les observations similaires tendent à attribuer à ce phénomène du vieillissement le caractère d’un accident remédiable. Mais le remède n’est pas trouvé, et l’animal succombe finalement à ces lentes transformations de ses élémens anatomiques : on dit alors qu’il meurt de vieillesse.

M. Metchnikoff a proposé une théorie du mécanisme de cette sénescence générale. Les élémens du tissu conjonctif, phagocytes, macrophages, qui existent partout autour des élémens anatomiques spécialisés et plus nobles, les détruiraient et dévoreraient ces derniers, dès que leur vitalité fléchit. Ils prendraient leur place. Dans le cerveau, par exemple, ce seraient les phagocytes qui, s’attaquant aux cellules nerveuses, désorganiseraient ces élémens nobles devenus incapables de se défendre Cette substitution du tissu conjonctif au tissu nerveux qu’il semble étouffer est un fait très réel : il constitue ce que l’on nomme la sclérose sénile. Mais le rôle actif que lui attribue M. Metchnikoff dans le processus de la dégénérescence n’est pas aussi certain. Un observateur spécialisé dans l’étude microscopique du système nerveux, M. Marinesco n’accepte pas cette interprétation, en ce qui concerne la sénescence des élémens du cerveau. Le rapetissement de la cellule, la diminution du nombre de ses granulations colorables, la chromatolyse, la formation de substances inertes pigmentées tous ces phénomènes qui caractérisent la déchéance des cellules cérébrales, s’accompliraient, suivant cet observateur, en dehors de l’intervention des élémens conjonctifs phagocytes.

La sénescence ni la mort ne sont des phénomènes instantanés, ni universels. Malgré les apparences contraires, on ne meurt pas d’un coup. La mort est un processus : elle commence, en général, quelque part et s’étend plus ou moins vite. Dans un organisme qui meurt, il y a côte à côte des cadavres et des vivans cellulaires. De même dans un organisme qui vieillit, il y a des élémens séniles. Tant que leur désorganisation n’est pas poussée trop loin, ils peuvent être rajeunis. Il suffit de leur rendre un milieu ambiant approprié. Le tout est de bien connaître et de pouvoir réaliser, pour telle ou telle partie que l’on veut ranimer et rajeunir, les conditions très spéciales ou très délicates que doit remplir ce milieu. C’est, comme nous l’avons dit, ce à quoi on a réussi, en ce qui concerne le cœur, par exemple. Grâce à la connaissance de ces conditions, un physiologiste russe Kuliabko a réalisé cette expérience, que l’on eût regardée comme un miracle, il y a seulement quelques années, de faire fonctionner et battre, avec la même régularité que pendant la vie, le cœur d’un jeune homme mort depuis plus de dix heures.


A. DASTRE.