La Vendée après le 29 juillet

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La Vendée après le 29 juillet

LA VENDÉE


APRÈS LE 29 JUILLET.

Le général La Fayette me dit : « Je voudrais bien savoir s’il serait possible d’organiser une garde nationale dans la Vendée. »

Le lendemain je partis.

Et pourtant c’était alors une belle chose à voir que Paris, avec son pavé si mobile, qu’on l’aurait cru vivant ; sa population campée dans les rues, et ses canons sur la place de Grève.

Il y avait quelque chose d’enivrant dans ces embrassades si fréquentes, données et reçues, qu’on aurait pris tous les passans pour des voyageurs qui revenaient d’une terre étrangère, et qui revoyaient la patrie. C’est qu’on sortait du despotisme, et que pour quelques instans on entrait dans la liberté ! C’est que chacun était si content, que tout le monde s’aimait.

Les drapeaux tricolores flottaient partout, et à chaque nouveau monument, à chaque coin de rue qui en offrait un, on tressaillait comme si l’on était étonné de l’y voir. Puis, de temps en temps, un coup de fusil tiré dans les rues vous faisait souvenir que le peuple était maître, et qu’il veillait.

Il faut voir cela une fois dans sa vie, et puis fermer les yeux.

Je m’arrêtai à Blois d’abord. Je voulais voir son château taché de sang. J’y montai par son échelle de rues. Je cherchai vainement au-dessus de son portail la statue équestre de Louis xii, devant laquelle madame de Nemours s’était arrêtée tout éplorée pour demander vengeance du double meurtre de ses petits-fils. J’entrai dans sa cour, j’admirai cette enceinte carrée bâtie sous quatre règnes différens, dont chacun offre son architecture distincte : l’aile de Louis xii, belle de sa simplicité sévère ; la façade de François Ier avec ses colonnades surchargées d’ornemens ; l’escalier de Henri iii découpé à jour comme une dentelle ; puis, protestant contre le gothique et la renaissance, c’est-à-dire contre le beau et l’art, la bâtisse froide et plate de Mansard, devant laquelle depuis une heure le concierge me poussait, s’étonnant qu’on pût regarder dans cette cour merveilleuse autre chose que cette merveille.

La rapidité avec laquelle je l’examinai, l’espèce de grimace involontaire qu’imprima à ma figure ma lèvre inférieure, prolongée plus que d’habitude, me valurent de sa part un sourire de mépris que je ne tardai pas à justifier entièrement en ne voulant pas reconnaître, malgré ses assurances obstinées, la place où, disait-il, le duc de Guise avait été assassiné. Il est vrai qu’à l’autre bout de l’appartement je retrouvais, à ne pouvoir m’y tromper, la salle des ordinaires, l’escalier dérobé par lequel le duc de Guise sortit de la salle des États, le corridor par lequel on se rendait à l’oratoire du roi, et tout jusqu’à la place même où il devait être tombé, lorsque le roi sortant de son cabinet souleva, pâle et priant, sa portière de tapisserie, et dit à voix basse : Messieurs, tout est-il fait ? car ce ne fut qu’en ce moment qu’il s’aperçut que le sang coulait jusqu’à la porte, et qu’il avait les pieds dedans. Alors il s’avança, donna un coup de talon par le visage à ce pauvre mort, tout ainsi que le duc de Guise en avait donné un à l’Amiral le jour de la Saint-Barthélemy ; puis il se dit en reculant, comme effrayé de son courage : Seigneur mon Dieu, qu’il est grand ! Il paraît plus grand encore mort que vivant !

Pendant que je me rappelais ces choses, le concierge, qui tenait absolument à me faire revenir à son avis, me disait : « Cependant, Monsieur, il n’y a que vous et un autre grand jeune homme blond qu’on appelle M. Vitet, qui m’ayez jamais contredit. »

Puis il continuait à me montrer la cheminée où les corps du duc et du cardinal coupés en morceaux avaient été brûlés, la fenêtre par laquelle les cendres avaient été jetées au vent, les oubliettes de Catherine de Médicis avec leur quatre-vingts pieds de profondeur, leurs lames d’acier tranchantes comme des rasoirs, leurs crampons aigus comme des fers de lance, si nombreux et si artistement disposés en spirales, qu’un homme qui tombait d’en haut, créature de Dieu, perdant un membre ou un lambeau de chair à chaque choc, n’était plus, arrivé en bas, qu’une masse informe et hachée, sur laquelle le lendemain on jetait de la chaux vive pour empêcher la corruption.

Et tout ce château, demeure royale, avec ses souvenirs de mort et ses merveilles d’art, est maintenant une caserne de cuirassiers qui s’y roulent, buvant, chantant, et dans leurs transports d’amour ou de patriotisme, grattant avec la pointe de leurs longs sabres une arabesque ravissante de Jean Goujon pour écrire sur le bois aplani : J’aime Sophie, ou Vive Louis-Philippe !

Je pris la malle-poste en sortant du château, et j’arrivai le soir à Tours. On ne s’y entretenait que de l’arrestation de MM. de Peyronnet, Chantelauze et Guernon-Ranville ; on me raconta, avec la volubilité du triomphe, une foule de détails sur eux, détails curieux alors, et qui n’offrent plus aujourd’hui aucun intérêt. C’est déjà une vieille histoire.

J’avais à voir un ami à Angers ; bon et brave jeune homme à la tête ardente et au cœur pur, qui a encore des années à croire à tout, puis qui finira comme les autres, mais seulement plus tard que les autres, par ne plus croire à rien. Excellent Victor P… ! Il me montrait, avec une indignation toute d’art et de nationalité, des ouvriers qui, par l’ordre du préfet, et sous la direction d’un architecte du cru, convertissaient les mascarons de la cathédrale en consoles, de sorte que vous pourriez voir maintenant, à votre grande satisfaction, si vous n’aimez pas ces figures merveilleusement grimaçantes que le moyen âge clouait à ses cathédrales, un entablement roman soutenu par des consoles grecques dans le genre de celles de la Bourse ; autre merveille, qui, en sa qualité de monument moderne, est moitié grec, moitié romain, et n’a de français que ses tuyaux de poêle.

Il faut vous dire de plus qu’on grattait cette cathédrale, sans respect pour ce bruni qu’il avait fallu huit siècles pour étendre à sa surface ; cela lui donnait un air de pâleur maladive qu’ils appelaient de la jeunesse. Il faut vingt-cinq ans pour faire un homme ; un Suisse, bon royaliste, tire dessus et le tue ; il faut six cents ans pour colorer un bâtiment, un architecte de bon goût arrive, et le gratte : pourquoi donc le Suisse ne tue-t-il pas l’architecte ?

Nous descendîmes sur la promenade, je marchai devant le vieux château, bâtisse du dixième siècle, entourée de fossés, flanquée de douze tours massives ; on dirait l’ouvrage d’un peuple pour loger une armée. Ah ! me dit mon ami, avec un soupir, ils vont l’abattre, il gêne la vue…

Je sautai dans une voiture qui passait, tant j’avais hâte de quitter ce repaire de démolisseurs. C’est pourtant dans cette ville que Béclard et David sont nés. Soit dit en passant pour lui épargner quelques malédictions.

Deux lieues plus loin, nous traversâmes un long village ; son nom, je ne me le rappelle pas. On inaugurait le nouveau maire ; deux pièces de canon éraillées, qui partaient par la lumière, nous saluèrent à notre entrée ; chaque maison avait arboré son drapeau. Nous passâmes sous un dais tricolore ; le maire était avec toute sa famille sur un balcon ; nous le longeâmes. La jeune mairesse, qui, dans son amour pour ses nouveaux administrés, s’approchait en les saluant sur le bord de la terrasse, me parut avoir de fort belles jambes ; de sa figure je n’en dirai rien, la ligne perpendiculaire dans laquelle elle se trouvait, relativement à moi, m’empêcha de la voir.

J’arrivai à Nantes. Nantes avait eu aussi sa révolution ; son Raguse qui avait fait tirer sur le peuple, et son peuple qui avait écrasé son Raguse ; seulement celui-là s’appelait Despinois. On me montra des maisons presque aussi belles de cicatrices que l’Institut et le Louvre. Le feu avait été si bien nourri de la part des troupes royales, qu’un jeune homme, nommé Petit, avait reçu, d’une seule décharge, trois balles dans le bras, une dans la poitrine, et un coup de fusil à plomb dans la figure : ce dernier lui venait d’une fenêtre et d’un compatriote. Lui était en pleine convalescence, mais un de ses amis, qui n’avait reçu qu’une chevrotine, était en train de mourir : c’était le onzième.

Le lendemain, à huit heures du matin, le fusil sur l’épaule et la carnassière sur le dos, je partis pour Clisson. Cette petite ville est placée comme l’avant-garde de Nantes dans la Vendée. J’y arrivai sans avoir tiré une alouette.

Un avertissement en passant pour les Parisiens qui s’aviseraient de croire que la Vendée est encore un pays giboyeux, et qui feraient cent vingt lieues dans cette espérance. J’y ai chassé un mois, et n’ai pas fait lever quinze perdrix ; l’hiver de 1830 a tout tué ; en échange, il a épargné les vipères, et on en rencontre à chaque pas.

Je reviens à Clisson, qu’on m’avait beaucoup vanté.

Ce serait une fort jolie petite ville en Grèce ou en Italie ; mais en France, mais dans la Vendée, non. Il y a quelque chose d’incompatible entre le ciel brumeux de l’ouest et les toits plats de l’Orient, entre ces jolies fabriques italiennes et ces sales paysannes françaises. Le vieux château de Clisson aussi, grâce aux soins de M. Lemot, le célèbre statuaire, est tellement bien conservé, qu’on est tenté d’en vouloir à son propriétaire de n’avoir pas laissé sur ses murailles ramper une seule branche de lierre, ou pendre une seule toile d’araignée. On dirait un vieillard à son jour de barbe, avec de fausses dents et de faux cheveux. M. Lemot a dépensé des sommes énormes pour faire du pittoresque, et il n’a réussi qu’à faire de l’anomalie : elle était plus sensible encore par la présence du drapeau tricolore sur cette ruine du onzième siècle, le maire n’avait pas permis qu’on le mît sur le clocher.

Le parc est comme tous les parcs du monde : c’est Ermenonville, c’est Mortefontaine : une rivière, des rochers, des grottes, des inscriptions, des statues et un temple à Apollon.

Supposez, au lieu de tout cela, des chaumières groupées où sont les temples, c’est-à-dire des deux côtés de la vallée, les unes ayant l’air de grimper, les autres de descendre, jetées çà et là selon le caprice ou la commodité de leurs propriétaires ; au fond du ravin, la rivière ; au haut de la montagne, le château, vieille ruine déchirée par des crevasses, avec ses pierres que le temps a fait rouler autour d’elle comme des feuilles autour du tronc d’un chêne ; joignez à cela les anciens souvenirs d’Olivier de Clisson, les souvenirs modernes des chouans et des bleus ; le souterrain qui servait de cachot aux barons, un puits qui sert de tombe à quatre cents Vendéens, et vous aurez des siècles de rêverie pour une âme de poète.

M. Lemot avait fait tout ce qu’il avait pu pour organiser une garde nationale, et avait déjà trouvé dix hommes de bonne volonté, auxquels le maréchal-des-logis de gendarmerie faisait faire l’exercice en cachette.

C’était un brave homme que ce maréchal-des-logis, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir grande envie de m’arrêter ; il avait dit aux libéraux que j’avais l’air d’un chouan, et aux chouans que j’avais l’air d’un libéral, ce qui faisait que, dans tous les cas, la ville m’aurait vu d’assez bon œil conduire en prison ; un passeport rigoureusement en règle m’épargna ce petit désagrément. À compter de Clisson, je n’aperçus plus le drapeau tricolore qu’à mon retour en passant à Chollet.

J’avais pris un guide pour aller à Torfou et à Tiffauge. J’examinais cet homme, séparé par six lieues seulement d’une grande ville (Nantes), et qui cependant avait conservé le cachet primitif des paysans de la deuxième race : à quelques changemens près dans le costume, on aurait dit, à son front étroit, à sa figure déprimée, à ses cheveux taillés en écuelle, à son langage mêlé de vieux mots, un paysan du temps de Hugues Capet ; il n’ouvrait guère la bouche, du reste, que pour me dire, en me désignant à droite ou à gauche un point topographique : « C’est ici que les bleus ont été battus. »

Un quart de lieue en avant de Torfou, au milieu d’un carrefour où viennent aboutir quatre chemins, s’élève une colonne de pierre, d’une vingtaine de pieds de haut, sur le modèle à peu près de celle de la place Vendôme. M. le marquis de Labretèche la fit élever de ses propres deniers à la restauration. Quatre noms en lettres de bronze, entourés d’une couronne du même métal, y sont inscrits, et chacun d’eux fait face à l’un des quatre chemins, dont cette colonne est le point de réunion : ce sont ceux de Charette, d’Elbée, Bonchamps et Lescure. Je demandai à mon guide une explication : — Ah ! me dit-il avec son langage ordinaire, c’est que c’est ici que Kléber et ses 35,000 Mayençais ont été battus par les Chouans[1]. Puis il fit un éclat de rire et imita, avec ses mains rapprochées, le cri de la chouette. J’étais sur la place même où s’était livrée la fameuse bataille de Torfou.

Alors mes souvenirs me revinrent en foule ; ce fut moi qui racontai, et lui qui écouta.

« Ah ! oui, me dis-je en regardant l’inscription écrite sur la colonne, 19 septembre 1793 ; c’est bien cela. » Puis, portant la vue sur les villages environnans, Torfou, la Buffières, Tiffauge et Boussay : C’est bien ; et tout cela brûlait et formait à l’horizon un cercle de flammes… lorsque Kléber fit retentir, sur le front d’une masse de 35,000 baïonnettes, le mot : « halte, en bataille ! » car, outre le bruit de l’incendie, un autre bruit sourd, comme celui de feuilles froissées, de branches rompues, se faisait entendre, se rapprochant toujours, sans qu’on aperçût rien sur les routes qui aboutissaient au centre de la forêt : c’est que les Vendéens venaient par cette forêt, qui leur était connue, lentement, car tantôt ils étaient obligés de ramper, tantôt d’ouvrir un passage avec leurs sabres ; mais ils approchaient, se resserrant toujours, et chaque minute diminuait la distance qui se trouvait entre eux et leurs ennemis. Enfin ils arrivèrent si près de la lisière du bois, que tous purent voir à portée de fusil l’armée inquiète, mais ferme, et que chacun eut la faculté d’y choisir son homme et tirer. Tout à coup la mousqueterie pétilla sur un cercle de trois-quarts de lieue, s’éteignit, se ralluma encore, sans qu’on sût contre qui, ni comment il fallait se défendre.

» Les Vendéens voulurent profiter de ce moment de désordre ; chacun alors s’élança dans les routes pour charger les bleus ; 48,000 hommes en attaquaient 35,000 de quatre côtés différens, ayant pour eux la connaissance des localités, la défense de Dieu, et la conservation des foyers. Chacun des chefs dont le nom est inscrit sur la colonne se présentait par la route à laquelle aujourd’hui son nom fait face.

« Au moment où les soldats purent apercevoir l’ennemi, le courage leur revint. « Allons, mes braves, dit Kléber en se jetant à leur tête, donnons à ces b…-là une indigestion de plomb et d’acier ; » et il se rua au hasard sur l’un de ces quatre chemins, rencontra le corps d’armée de Lescure, le brisa comme du verre ; et tandis que celui-ci, à pied, un fusil à la main, ralliait les habitans des Aubiers, de Courlé et des Échaubouaigues, il court à l’arrière-garde, qui avait suivi son mouvement, et qu’entouraient les trois corps réunis de d’Elbée, de Bonchamps et de Charette. L’artillerie venait d’arriver ; quinze pièces en batterie trouaient six fois par minute les masses, qui se reformaient aussitôt. Trois charges de cavalerie vendéenne vinrent se heurter et disparaître devant ces gueules de bronze. Cela continua deux heures, Kléber, poussant devant lui Lescure, qui se ralliait toujours, poussé lui-même par les trois autres chefs, poursuivant et poursuivi, soutenant la retraite, lorsqu’une cinquième armée de 10,000 hommes, commandée par Donnissan et Larochejaquelein, vint s’éparpiller sur ses flancs, tirant à bout portant, tuant à tout coup, et jeta enfin la confusion dans les rangs républicains.

« Il était temps que la tête de l’armée, toujours commandée par Kléber, arrivât à la rivière de la Sèvres ; il s’empara du pont, le traversa ; puis, appelant un de ses aides-de-camp, nommé Schouardin : — Faites-vous tuer là avec 200 hommes, lui dit-il. — Oui, mon général, répondit Schouardin. — Il tint parole, et sauva l’armée. »

— Oui, oui, c’est comme cela que tout s’est passé, me dit mon guide, car j’y étais. Voyez-vous, Monsieur ? me dit-il, en ôtant son chapeau, et en me montrant une cicatrice qui lui partageait le front ; j’ai reçu çà ici (et il frappait du pied), ici. C’est un aide-de-camp du général, un jeune homme tout jeune, qui me frappa ; mais avant de tomber, j’eus encore le temps de lui enfoncer ma baïonnette dans le corps, et de lâcher le coup : quand je revins à moi, il était mort, lui. Nous étions tombés l’un sur l’autre. Il y avait des bleus et des Vendéens, qu’on ne savait où mettre le pied ; on a enterré tout ça à l’entour, voilà pourquoi que les arbres poussent si bien, et que l’herbe est si verte.

Cependant je me retournai vers la colonne. Rien n’y constatait le courage de Kléber et la mort de Schouardin, rien que quatre noms vendéens. « Je ne sais à quoi tient, lui dis-je, sans lui faire part des réflexions qui m’amenaient à cela, que je n’envoie une balle au milieu de cette colonne et que je ne la signe Schouardin ou Kléber.

— Ne faites pas cela, me dit-il, en devenant pâle et en serrant les lèvres, car je suis votre guide ; vous m’avez payé et je dois vous prévenir. Savez-vous qu’après notre Seigneur Jésus-Christ, ces quatre hommes sont nos dieux à nous ? savez-vous que chaque paysan vendéen fait ici sa prière comme à ces stations de la Vierge que vous trouverez à l’entrée de nos villages ? Ne faites pas cela, ou écartez-vous des haies. »

Nous arrivâmes à Tiffauge, sans dire un mot de plus.

Tiffauge est une ancienne station romaine ; César, dans sa guerre des Gaules, y envoya Crassus, son lieutenant, avec douze légions ; de là il se rendit à Theowald, aujourd’hui Doué, et y établit son camp. Crassus adolescens cum legione vii, proximus mare Oceanum Andibus hiemabat[2]. Jamais cette partie des Gaules ne fut entièrement soumise aux Romains ; les rois pictes y défendirent toujours leur liberté. À peine Auguste est-il monté sur le trône, que le Bocage jette un nouveau cri de guerre : Agrippa y court, il croit avoir soumis les habitans et revient à Rome. Nouvelle révolte : Messala lui succède, emmenant avec lui Tibulle, qui, en sa qualité de poète, prend pour lui une partie des honneurs de la campagne.


Non sine me est tibi partus honos : Tarbella Pyrene
Testis, et Oceani littora Santonici.
Testis Arar, Rhodanusque celer, magnusque Garumna,
Carnuti et flavi cærula lympha Liger.


Ce qui veut dire à peu près :

« Ces honneurs, tu ne les as point acquis sans moi : les murs de Tarbes en sont témoins, ainsi que les rivages de l’Océan de Saintonge. J’en atteste encore l’Arare et le Rhône rapide, la grande Garonne et la Loire aux flots azurés. »

Peut-être aussi Tibulle n’a-t-il suivi Messala que comme Boileau suivait Louis xiv ; quant à la Loire, si elle était bleue du temps d’Auguste, elle a depuis bien changé de couleur.

Du reste, Tiffauge est un de ces points de réunion où viennent se joindre les noms de César et d’Adrien, de Clovis et des Visigoths. Près du tombeau romain s’élève le berceau franc. On voit clair dans son histoire, de toute la longueur de vingt siècles.

Le château dont on visite en ce moment les ruines semble une construction du onzième siècle, continuée pendant le douzième et achevée seulement à la fin du seizième. Le fameux Gilles de Retz, seigneur de Guillery, connu sous le nom national de Barbe-Bleue, et illustré par la chanson de


Toto Carabo,
Compère Guillery,


l’habita, et par sa manière de vivre donna naissance à une foule de traditions populaires, encore toutes vivantes parmi les villages environnans. Bref, comme un homme qui a assassiné sept femmes, pillé vingt églises, violé cinquante jeunes filles, et fait de l’or, doit toujours mal finir, vous saurez, pour l’acquit de la Providence, que ce susdit Gilles de Retz fut brûlé dans la prairie de Bièce, après avoir été provisoirement étranglé à la sollicitation de sa famille, qui jouissait d’une grande influence sur le sire de Lhôpital, qui lui accorda cette faveur ; mais, au préalable, il prononça un discours, à la fin duquel, dit l’histoire, on n’entendait plus que des sanglots parmi les femmes. Elle ajoute encore que, suivant l’usage, les pères et mères de famille qui avaient entendu les dernières paroles de Gilles de Retz, jeûnèrent trois jours pour lui mériter la miséricorde divine, qu’on ne doute pas qu’il ait obtenue, son confesseur étant un des plus habiles de l’époque ; puis, cela fait, sur le lieu même de l’exécution, ils infligèrent à leurs enfans la peine du fouet, afin qu’ils gardassent dans leur mémoire le souvenir du châtiment qui frappait ce grand criminel. L’histoire n’ajoute pas si les enfans du seizième siècle aimaient autant les exécutions que ceux du dix-neuvième.

C’est ici que la Vendée commence à se présenter avec ses accidens de terrain, qui nous furent si fatals pendant la guerre de la chouannerie. J’essaierai de donner une idée de la localité ; puis je parlerai des hommes qui l’habitent, et des moyens, sinon d’empêcher, du moins d’y réprimer facilement une guerre civile.

Le mot Vendée, considéré politiquement, occupe un plus grand espace de terrain que ne lui en assigne la topographie.

Cela vient de ce que le nom d’un seul département a donné le baptême à une guerre à laquelle quatre départemens ont servi de théâtre : aussi désigne-t-on généralement sous le nom collectif de Vendée les départemens de Maine-et-Loire, Morbihan, Deux-Sèvres et Vendée.

Aucune autre partie de la France ne ressemble à la Vendée : c’est un pays à part dans notre pays.

Peu de grandes routes la traversent ; je parlerai de ces grandes routes.

Les autres moyens de communication, et par conséquent de commerce, consistent en chemins de quatre ou cinq pieds de large, bordés par un talus rapide, couronné lui-même de chaque côté d’une haie vive taillée à hauteur d’homme, dans laquelle se trouvent jalonnés, de vingt pas en vingt pas, des chênes dont les branches forment un berceau au-dessus du chemin, et à laquelle viennent aboutir transversalement, et de distance en distance, les autres haies, qui servent de limite aux champs des particuliers, dont chacun, de cette manière, se trouve changé en un enclos, quelles que soient sa forme et sa grandeur. Du reste, l’une et l’autre varient rarement : c’est toujours un carré long.

Chacune de ces haies n’a qu’un passage, nommé échallier. C’est quelquefois une espèce de barrière semblable à celles qui ferment les parcs de moutons ; c’est plus souvent un fagot de même essence que la haie, qui, s’emboîtant dans la haie elle-même, ne présente à l’œil des étrangers aucune différence avec elle. L’habitant du pays va droit à cet échallier qu’il connaît ; tout autre que lui est obligé de longer quelquefois les quatre faces de l’enclos avant de le découvrir.

Ces haies expliquent toute la tactique de la guerre vendéenne : tirer à coup sûr sans pouvoir être aperçu ; fuir, quand on a tiré, par le passage sans pouvoir être atteint. Aussi, en exceptant cette belle harangue de Larochejaquelein : « Si j’avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi, » les chefs n’en proféraient-ils guère d’autre, avant le combat, que celle-ci, plus simple, mais non moins claire pour des paysans : « Éparpillez-vous, mes gars. » Et alors chaque buisson cachait un homme et son fusil ; devant, derrière, sur les côtés de l’armée en marche, les haies s’enflammaient, les balles se croisaient en sifflant ; les soldats tombaient sans pouvoir distinguer de quel côté soufflait cet ouragan de fer. Alors, lassés de voir s’entasser les morts dans le fond des défilés, les bleus s’élançaient de chaque côté, gravissant le talus, escaladant la haie, perdant encore dans cet assaut la moitié de leurs hommes ; puis, arrivés au faîte, le feu avait cessé, tout avait disparu comme par enchantement ; ils n’apercevaient plus, si loin que la vue pouvait s’étendre, qu’un pays dessiné gracieusement comme un jardin anglais, et d’espace en espace la pointe aiguë d’un clocher couvert d’ardoises, ou le toit rougeâtre d’une métairie.

Ces chemins, ou plutôt ces défilés, qui paraissent au premier abord n’avoir été creusés que par les pieds des bœufs, sont, en raison des inégalités du terrain, de véritables escaliers, où les petits chevaux du pays peuvent seuls marcher d’un pied sûr[3]. L’été ils ne paraissent que pittoresques ; l’hiver, ils sont impraticables : la moindre pluie fait de chacun d’eux le lit d’un torrent, et alors, pendant quatre mois de l’année à peu près, les communications s’établissent à pied et à travers terres.

Ce tableau, qui commence à être moins exact pour les départemens de la Vendée et de la Loire-Inférieure, où Bonaparte a fait percer des routes départementales, l’est encore pour le département des Deux-Sèvres, et surtout pour la partie de Maine-et-Loire qui se trouve à gauche de ce fleuve.

C’est aussi dans cette dernière partie qu’à l’époque où je la traversai s’était réfugiée la Vendée politiquement parlant. L’opposition à tout gouvernement libéral est là flagrante et vivace.

Heureusement la civilisation, comme en défiance, l’a entourée d’une ceinture de villes libérales, qui commence à Bourbon-Vendée, passe par Chollet, Saumur, Angers, revient par Nantes, et s’enfonce dans la Vendée même par Clisson, espèce de sentinelle perdue, dont le coup de feu donnerait l’alarme en cas de soulèvement.

Une seule route en traverse un coin en formant un Y, la queue représentant le chemin de Chollet à Trementine, les deux branches ceux de Trementine à Angers et Saumur ; ce dernier n’est pas même une route de poste.

La Vendée se trouve donc enfermée aujourd’hui en un seul département, sans issue pour attaquer ou pour fuir. La maladie dont la France est atteinte de ce côté ressemble assez à une inflammation d’entrailles.

Quatre classes d’individus bien distinctes s’agitent dans cette fournaise politique : les nobles ou gros, le clergé, la bourgeoisie, les paysans ou métayers.

La noblesse est entièrement opposée à tout système constitutionnel ; son influence est à peu près nulle sur la bourgeoisie, mais elle est immense sur les métayers, qui sont presque tous à ses gages[4]. Le clergé partage l’opinion de la noblesse, et a de plus que lui l’influence de la chaire et du confessionnal.

La bourgeoisie de cette manière est le centre du triangle que forme la noblesse imposant ses opinions, le clergé les prêchant, et le peuple les acceptant.

Aussi la proportion des libéraux dans ce département (je parle de l’intérieur) est-elle à peine de 1 à 15.

Aussi le drapeau tricolore n’était-il nulle part, malgré l’ordre formel du préfet.

Aussi les prêtres ne chantaient-ils point le Domine salvum, malgré le mandement de l’évêque.

Mais le bâton auquel était attaché le drapeau blanc subsiste, et semble par sa nudité protester contre le drapeau tricolore.

Mais les prêtres recommandent en chaire de prier pour Louis-Philippe, qui ne peut manquer d’être assassiné.

L’agitation est donc continuelle.

Elle est entretenue par les rassemblemens de quarante ou cinquante nobles, qui ont lieu régulièrement une fois ou deux par semaine, tantôt au Lavoir, tantôt aux Herbiers, tantôt au Combouros.

Le moyen d’excitation dont ils se servent, est la soustraction des journaux, qui n’arrivent que par des commissionnaires, la poste passant seulement à Beaupréau, Chemillé et Chollet.

Parmi les villes et villages qui ne cachent nullement l’espoir d’un prochain soulèvement, les yeux doivent se fixer particulièrement sur Beaupréau, Montfaucon, Chemillé, Saint-Macaire, Lemay et Trementine.

Le cœur de la révolution royaliste est à Montfaucon ; fût-elle éteinte par toute la France, on y sentirait battre encore l’artère. Cette révolution éclaterait infailliblement dans le cas de guerre avec une puissance quelconque, et surtout avec l’Angleterre qui jetterait pour la troisième fois des hommes et des armes sur les côtes éloignées de dix à onze lieues seulement du département de Maine-et-Loire, et qui pénètreraient sans obstacle par l’ouverture qui se trouve entre Clisson et Chollet.

Les moyens de prévenir une insurrection nous paraissent être ceux-ci :

1o Pratiquer des routes.

En général, le peuple ne voit dans une route percée au travers d’un pays impraticable qu’un moyen donné au commerce de s’étendre et aux relations de s’établir. Le gouvernement, s’il est libéral, y verra de son côté un but politique : la civilisation suivra le commerce, et la liberté la civilisation. Les relations avec les autres départemens dépouilleront le département à craindre de sa rudesse primitive. Les nouvelles vraies se répandront facilement, les nouvelles fausses seront aussitôt démenties ; des bureaux de poste s’établiront dans tous les chefs-lieux de cantons, la gendarmerie y établira un service actif et régulier ; puis, enfin, les troupes y circuleront en cas de besoin d’une manière incisive.

Les routes à faire dans le département de Maine-et-Loire devraient aller,

Du Palet à Montfaucon, en passant par Saint-Crépin ;

À Montfaucon elles se sépareraient en deux branches ;

L’une se rendrait à Beaupréau par la Renaudière, Villedieu, la Blauère, la Chapelle-au-Genêt ;

L’autre s’avancerait jusqu’à la Romagne, où elle rejoindrait la route de Chollet par la Jarrie et Roussay.

Le commerce qui s’établirait sur ces routes serait celui des vins d’Anjou, des bestiaux de la Bretagne, des toiles de Chollet ; il ne peut se faire maintenant qu’à dos d’hommes ou sur des charrettes à bœufs, qui ne versent jamais, mais qui, en raison des mauvais chemins, nécessitent parfois, pour une seule voiture très-peu chargée, un attelage de huit ou dix bêtes.

Les routes devraient être faites par les ouvriers du pays,

Parce qu’elles répandraient quelque argent dans la classe pauvre ;

Parce que les paysans connaissent les endroits d’où l’on peut tirer le meilleur cailloutis ;

Parce que les nobles, dont l’intention positive est de s’opposer à ces routes, soulèveraient facilement les paysans contre des ouvriers étrangers, qui enlèveraient à ceux-ci un salaire qu’ils regarderaient comme légitimement devoir leur appartenir ;

Parce que les paysans choisis pour faire les routes s’opposeraient d’eux-mêmes à toute tentative de la noblesse, ayant pour but d’empêcher leur exécution.

2o Transporter dans les villages au-delà de la Loire une douzaine de prêtres, en ajoutant à leurs appointemens une centaine de francs pour les empêcher de crier au martyre, et notamment ceux de Tiffauge, Montfaucon, Torfou et Saint-Crépin ;

Envoyer à leur place dans ces paroisses des prêtres dont le gouvernement serait sûr ;

Ils n’auraient rien à craindre, leur caractère les rendant sacrés pour tout métayer qui pourra haïr l’homme, mais respectera la soutane.

3o Une grande partie des nobles qui se rassemblent pour aviser aux moyens de renouveler la guerre civile jouissent de pensions assez considérables que le gouvernement continue à leur payer[5] ; rien de plus facile que de les prendre en flagrant délit ; le gouvernement alors cessera avec justice de payer ces pensions, et pourra les répartir en portions égales sur les soldats vendéens et républicains, entre lesquels les haines s’éteindraient alors immanquablement de trimestre en trimestre.

De cette manière, il n’y aura plus dans l’avenir de Vendée possible, puisqu’à la moindre émeute le gouvernement n’aura qu’à étendre les bras, et déposer ses troupes sur les grandes routes pour isoler les rassemblemens.

Et que l’on ne croie pas que ces hommes, éclairés un instant du reflet de l’empire, en soient arrivés à ne plus se lever pour le fanatisme et la superstition, car on se tromperait étrangement. Ceux mêmes que la conscription de Bonaparte a tirés de leurs foyers et promenés par le monde, ont perdu graduellement, depuis qu’ils sont rentrés dans leurs chaumières, leur instruction instantanée pour reprendre leur ignorance primitive. J’en citerai un exemple.

Je chassais avec un brave militaire qui avait servi douze ans sous Napoléon. Sur le versant d’une colline près de la Jarrie[6], se dressait à douze pieds de hauteur une pierre ayant la forme d’un cône renversé, touchant par le haut à la montagne, et posant par sa base étroite comme un fond de chapeau sur un large rocher : quoiqu’elle pût peser quinze à vingt milliers, son équilibre était tel qu’une main d’homme pouvait visiblement la remuer. Je crus y reconnaître un monument druidique ; mais ne m’en rapportant pas à cette fausse instruction des gens du monde qui va souvent échouer contre la bonhomie grossière des paysans, j’appelai le mien et lui demandai ce que c’était que cette pierre, et qui l’avait apportée là. — C’est le diable, me répondit-il, avec une conviction qui ne paraissait pas redouter de ma part la moindre contradiction, et voici pourquoi il l’a apportée. Voyez-vous d’ici le ruisseau de la Moine qui se tord dans la vallée ? — Oui. — Eh bien ! vous distinguez un endroit où l’on pourrait le traverser sur des pierres qui sortent à fleur d’eau, si au milieu il n’y avait le vide qui devait être rempli par le rocher contre lequel nous sommes appuyés. (Effectivement il paraissait fait de manière à s’y emboîter parfaitement, et à faire disparaître la solution de continuité qu’y jetait son absence.) — Eh bien ! continua-t-il, c’est le diable qui faisait ce pont pour voler les vaches des paysans, il n’y manquait plus que cette pierre, qu’il apportait sur son épaule, oubliant que le jour où il voulait terminer son ouvrage était le dimanche. Tout à coup il aperçut la procession de Roussay, et la procession de Roussay l’aperçut ; le prêtre fit le signe de la croix : au même instant, les forces de Satan lui manquèrent, et il fut obligé de déposer ici, pour toujours, cette pierre qu’il ne peut plus soulever : voilà pourquoi ce pont est interrompu, et pourquoi ce rocher tremble. — C’était une explication comme une autre, force me fut de m’en contenter ; si je lui avais donné la mienne, il est probable qu’elle lui eût paru plus absurde encore peut-être que celle qu’il me donnait ne me le paraissait à moi-même.

Dans ce village de Roussay, une aventure m’arriva.

Un malheureux, un ancien militaire, mourant de faim, ne trouvant d’ouvrage nulle part, s’avisa, pour jeter quelque peu de pain à ses enfans qui lui en demandaient, de blanchir deux sous qui lui restaient, et d’essayer de les faire passer pour des pièces de trente sous. La ruse fut découverte, l’homme mis en prison, le jury rassemblé, l’article du code appliqué, et les galères à perpétuité accordées comme faveur au lieu et place de la mort, qu’il avait, disait l’avocat-général, certes bien méritée.

Cette fois, l’entremetteur du bourreau en avait été pour ses frais d’éloquence, et l’exécuteur des hautes-œuvres, au lieu d’une tête, n’avait eu qu’une épaule ; c’était un désappointement bien désagréable pour tous deux.

Mon costume de garde national à cheval me donnait l’apparence d’un officier d’ordonnance ; or un officier d’ordonnance est pour les paysans un grand personnage, il voit les aides-de-camp, les aides-de-camp les généraux, les généraux les ministres, et les ministres le roi. Les enfans de ce malheureux espéraient donc que, grâce à cette filière ascendante, je pouvais obtenir pour leur père une commutation de peine.

J’écrivis directement au Roi, qui, à cette époque, recevait encore les lettres qu’on lui écrivait. Huit ou dix jours après, mon condamné vint me remercier lui-même. Trois jours encore, et il était flétri, jeté dans un bagne, d’où il se serait échappé peut-être en assassinant un argousin. Cela eût été bien heureux pour le procureur-général et le bourreau, qui auraient remis la main sur leur marchandise.

J’avais parcouru une partie de la Vendée pied à pied ; je commençais à être fatigué du langage carliste que j’y entendais ; j’avais besoin de mon Paris de juillet, avec son soleil ardent, sa liberté neuve, et ses murs troués de balles ; je partis.

Lorsque j’arrivai, il pleuvait à verse ; M. Guizot était ministre, et l’on grattait l’Institut.

Alex. Dumas.
  1. Les Vendéens désignent les trois guerres qu’ils ont soutenues sous le nom commun de chouannerie. Le même principe a fait adopter le même nom.
  2. Commentaires de César, liv. iii, § vii.
  3. Le meilleur écuyer de Franconi se trouverait assez embarrassé, je crois, si on le juchait au haut d’une des grandes selles bretonnes, qui s’élèvent au-dessus du dos de l’animal, de manière à lui donner la tournure d’un dromadaire. Quant à l’animal lui-même, peut-être espèrerait-il le guider à l’aide de la bride et des jambes ; mais il s’apercevrait bientôt que les jambes du cavalier vendéen ne lui servent qu’à le maintenir en équilibre, et sa bride à arrêter court sa monture en tirant carrément des deux mains ; mais avec un peu d’étude, il apprendrait à se servir du gourdin. C’est ce qui remplace dans les principes d’équitation bretonne les jambes et la bride. Pour faire tourner le cheval à droite, il ne faut que lui donner un coup de gourdin sur l’oreille gauche, et vice versa ; de cette manière qui simplifie, comme on voit, l’art des Larive et des Pellier, on le guide par des chemins qui feraient tourner la tête à un Basque.
  4. Le marquis de Labretèche possède à lui seul cent quatre métairies. Supposez par métairie trois hommes seulement en état de porter des armes, et un mot de lui mettra sur pied trois cent douze paysans armés.
  5. Tout cela est censé écrit au mois d’août 1830. On prie le lecteur de ne pas l’oublier.
  6. Jolie propriété appartenant à M. Villenave, à qui nous devons la meilleure traduction d’Ovide.