La carte postale (Dandurand)/Scène IX
SCÈNE IX.
Le tour est joué !
Oh ! une idée ! Comme il est certain que maman arrive, si j’allais téléphoner à un autre pâtissier d’envoyer les provisions… C’est bien hardi… Mais tante sera très aise, à la dernière heure, d’avoir toutes ces choses.
Où vas-tu ?
Je… je sors… pour ne pas faire rire Paul…
(Elle sort. Pendant l’aparté de Margot, Paul est allé prendre le livre sur le secrétaire, y a trouvé la place et l’a donné à sa tante.)
Tu sais bien ta poésie ?
Très bien. Seulement, il y a un mot qui m’échappe toujours… Tiens, ici :
Poussé par le remords autant que par pitié…
(Répétant par cœur.)
Poussé par le remords… Poussé par le remords…
Je ne peux pas retenir ce vers-là.
(Margot entre, en prenant ses deux mains sur sa poitrine.)
Va, je te soufflerai.
Mon cœur bat fort, fort. (Avec terreur.) J’ai téléphoné au pâtissier du coin. Il va tout envoyer !
Voici comment on peut dans la tentation
Obtenir le crédit d’une bonne action.
L’autre jour en sortant de table
Papa laissa tomber un sou sur le tapis,
Un sou tout neuf… Ma foi, tant pis,
C’est bien laid mais, c’est véritable :
Malgré mon horreur du péché,
Je l’empochai.
Pendant qu’on ne voit pas, là dedans je le glisse
Et je cours tout de suite au marchand de réglisse ;
Mais je m’arrête au seuil : Un vieillard était là
La main tendue… Eh bien, voilà :
Le sou volé brûlait ma poche,
Du vieux mendiant je m’approche…
(En prononçant ces derniers mots, il plonge la main dans sa poche et en retire la carte froissée. Il s’arrête tout ému.)
« Poussé par le remords »…
Ah ! mon Dieu !
Qu’est-ce donc que tu as trouvé au fond de ta poche ?