La Verdure dorée/La lune se répand sur les blanches prairies

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 189-190).

CXVII


La lune se répand sur les blanches prairies,
Mais je veux dans mes bras ce soir que tu souries
Et que d’un cœur gonflé de jeunesse et d’amour
Tu goûtes la beauté de l’ombre après le jour,
Car nous remémorant l’azur, ô toi qui n’aimes
Que les prés attiédis et les fraîches tonnelles,
Dans la lueur lunaire encore nous verrons
La lumière, le chœur ivre des moucherons,
La cage de roseaux suspendue au platane
Et l’ombre violette où le paon vert étale
Rouge, bleue et dorée une roue en émail,
Le bouc apprivoisé sous les branches du mail,
La neige des brebis et les genêts de soufre,
Les feuillages légers et l’air tendre qui souffle
Dans l’herbe d’émeraude et le trèfle incarnat.
Angélus. Souvenirs. Cloche et pensionnat.
La lune sur le toit glissait sa blanche corne,
Sous les tilleuls nouveaux tu sautais à la corde
En écoutant gémir de vagues pianos
Dans la cour où déjà se taisaient les moineaux.
Tu cousais mes billets aux volants de tes robes…
Les mésanges de juin s’endorment sur les roses

Et près de toi je songe à tous les rossignols
Dont la voix enivrait les jasmins espagnols
Aux jardins de jadis dans la nuit odorante
Où la lune roulait comme une rouge orange.