La méthode graphique/Supplément/Emploi de la photographie

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DÉVELOPPEMENT
DE LA
MÉTHODE GRAPHIQUE
PAR L’EMPLOI DE LA PHOTOGRAPHIE

L’inscription mécanique d’un mouvement, au moyen d’un style qui trace sur un cylindre tournant, exige certaines conditions parfois difficiles à remplir. Il faut d’abord, pour mouvoir ce style, qu’on dispose d’une force suffisante, ce qui n’arrive pas toujours. Dans les cas les plus favorables, l’inscription mécanique se borne à traduire, en fonction du temps, les phases d’un ou de plusieurs mouvements rectilignes. On a vu, dans le Traité de la Méthode graphique, comment, par certains artifices, on peut ramener à des mouvements rectilignes un grand nombre de changements d’état. Ainsi, non seulement les mouvements proprement dits peuvent s’inscrire sous forme de courbes, mais les variations d’une force, les pressions, les changements de température ou de tension électrique, et même les quantités de chaleur produites en un temps donné s’inscrivent de la même manière.

Une limite s’impose naturellement à la méthode que nous venons de décrire, c’est quand la force qui engendre le mouvement est incapable de surmonter la moindre résistance. J’ai montré, dans un cas de ce genre, les avantages de la photographie. Il s’agissait d’obtenir l’inscription des changements de niveau d’une colonne de mercure de 1/20 de millimètre de diamètre. Cette petite colonne constitue l’organe essentiel de l’électromètre de Lippmann. On en a obtenu l’image sur une plaque de collodion humide animée d’un mouvement de translation dans l’intérieur de la chambre noire. La figure (Méth. graph., p. 329) représentait par une silhouette la courbe des mouvements que des variations électriques imprimaient à la colonne de l’électromètre.

La photographie sert de même à inscrire les variations du galvanomètre, celles de l’électromètre de Thomson, de tous les appareils enfin qui sont incapables de vaincre une résistance, si faible qu’elle soit.

Parfois la photographie est un excellent moyen pour contrôler les indications d’un instrument inscripteur dont on suspecte la fidélité ; c’est ainsi que Czermak, supposant que mon sphygmographe pouvait altérer la forme des pulsations artérielles, inscrivit photographiquement les déplacements que le pouls imprimait à un rayon lumineux réfléchi par un miroir léger placé sur l’artère. Le Pulsspigel[1] a donné des indications semblables à celles du sphygmographe, mettant ainsi hors de doute l’exactitude de cet instrument. On a parfois recours à la photographie, dans certains cas où l’inscription mécanique eût été possible : pour tracer les courbes du thermomètre, par exemple, et celles du baromètre. C’est à notre avis un abus, car on disposait alors d’une force suffisante pour actionner un style, et on se condamnait inutilement à des manipulations chimiques longues et fastidieuses.

Dans tous ces cas, l’emploi de la photographie n’est encore qu’un succédané de l’inscription mécanique : elle ne traduit que les phases d’un mouvement rectiligne en fonction du temps. Mais cette méthode a un rôle plus grand dans la science ; elle permet d’aborder des problèmes d’une grande complexité et en donne la solution concrète avec une facilité singulière. C’est sur ce genre d’avantages que nous aurons à insister particulièrement.

Ainsi, quand le corps en mouvement est inaccessible, comme un astre dont on veut suivre le déplacement ; quand il exécute des mouvements en sens divers, ou d’une étendue si grande qu’ils ne puissent être inscrits directement sur une feuille de papier, la photographie supplée aux procédés mécaniques avec une très grande facilité : elle réduit l’amplitude du mouvement, ou bien elle l’amplifie à l’échelle la plus convenable.

  1. Sphygmische Studien (Gesammelte Schriften von l. Nep. Czermak, II Bo, p. 693. Leipzig, 1879).