La Montagne Castel

La bibliothèque libre.
(Redirigé depuis La montagne Castel)
Ernest Tremblay (p. couv-7).

Gaëtane de Montreuil


LA
MONTAGNE CASTEL


DÉDIÉ À


M. J. M. GIBBON
Dont l’intelligente intervention m’a permis d’admirer
cette merveille.


*


QUÉBEC
ERNEST TREMBLAY, Imprimeur
146, rue du Pont,

1916

Enregistré au département de l’agriculture à Ottawa par
Gaetane de Montreuil, juin 1916

LA MONTAGNE CASTEL
DÉDIÉ À
M. J. M. GIBBON
Dont l’intelligente intervention m’a permis d’admirer
cette merveille.
*

En haut d’une montagne, une artiste nature,
De son ciseau géant, a taillé les contours
D’un château féodal. Une étrange sculpture
Festonne les créneaux, les ogives, les tours ;
Du haut des parapets, des chevaliers de pierre
Semblent monter la garde et saluer le Temps
Unique visiteur de la demeure altière…
Quand l’hiver, à regrêt, voit le jeune printemps
Déchirer le manteau qui de blanc le recouvre,
L’aigle vient, quelquefois, voler sur les remparts,
Mais la porte, jamais, devant l’homme ne s’ouvre :
La joyeuse arrivée et les bruyants départs
D’un châtelain poudré, suivi d’une cohorte
De hérauts cuirassés, de pages entouré
N’ont jamais résonné sous cette austère porte.
Ses gonds sont de granit et n’ont jamais tourné.


Elle ne garde pas, la porte granitique,
Une princesse aimée et qu’un mari jaloux
Enferme, dans l’eccès d’un amour tyrannique ;
Dans l’ombre d’un balcon, nul amant à genoux
Ne jure de sauver la noble prisonnière
Ou de mourir pour elle, en baisant le bouquet
Qu’en un bal somptueux de la saison dernière
Elle laissa tomber pour lui sur le parquet :
Ce chateau merveilleux dans son architecture,
Comme une femme belle et qui n’a pas de cœur,
Derrière la splendeur de sa fière structure,
N’a pas même une chambre à son intérieur.
La nature en jouant a fait cette merveille
Pour le plaisir des yeux et non pour le repos ;
Elle n’accueille pas, la maison sans pareille,
Le voyageur lassé, le chasseur indispos.


Devant le solennel et vaste paysage,
La nature s’est dit : « Il faudrait un château
Dominant le ravin, la plaine, le bocage
Et l’immense forêt et le simple côteau… »
Puis, dans le granit franc, un sculteur invisible,
Sans compas, sans équerre, a taillé ce joyau
De beauté, de grandeur et de force invincible,
Comme un enfant découpe un jonc dans un noyau.
Pour que l’illusion de l’œuvre fut complète,
Au flanc de la montagne il a mis des géants,
Dont se profile au loin la haute silhouette :
Semblant se pavaner vainqueurs et triomphants,
Fantassins armurés, chevaliers gigantesques
Ont l’air de mépriser de modernes manants
Du haut de leur grandeur antique et pittoresque.
On dirait à les voir un monde de vivants !