La région du lac Saint-Jean, grenier de la province de Québec/Témoignages

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Afin de donner une idée du succès que des colons industrieux ont obtenu dans le district du Lac Saint-Jean nous publions les renseignements suivants, fournis par les curés des différentes paroisses.
Exemples de colons établis dans les paroisses du Lac Saint-Jean.
Saint-Jérôme.

Claude Villeneuve, parti de Sainte-Agnès, comté de Charlevoix, en 1862, avec quatre cents dollars, a acheté 350 acres de terre à Saint-Jérôme. Il en a aujourd’hui 250 à peu près en culture. Il récolte en moyenne 1000 minots de grain, surtout du blé, 4,500 bottes de foin, 250 à 300 minots de patates. Il ne vendrait pas sa propriété moins de 7,000 dollars.

Alexandre Boily, parti également de Sainte-Agnès en 1862, sans aucun capital, venu à Saint-Jérôme, avec sa pioche et sa hache et sept enfants, dont l’aîné n’avait pas plus de dix ans. Il a acheté une terre de 340 acres qu’il n’a pu achever de payer que ces années dernières. Il en a à peu près deux cents en culture. Il récolte 850 minots de grain, principalement du blé, de 2,000 à 2,500 bottes de foin, et 250 à 300 minots de patates. Sa propriété est évaluée à 4,000 dollars.

Le défaut de bras empêche de mettre toute la terre en culture.

Chambord.

Louis Villeneuve est arrivé de la Malbaie à Chambord, Lac Saint-Jean, en 1864. Il n’avait pour capital que sa hache et son courage. Il a pris cent acres de terre, qui lui donnent annuellement en moyenne : blé, 100 minots ; pois, 90 ; avoine, 140 ; sarrasin, 110 ; foin, 2,000 bottes.

La propriété de L. Villeneuve vaut aujourd’hui plus de $2,800.

Sabin Gagnon, arrivé aussi de la Malbaie en 1864, avec $200 de capital. Il a établi ses cinq fils sur 400 acres de terre, dont 320 sont en culture. La récolte se répartit comme suit : blé, 145 minots ; pois, 115 ; seigle, 205 ; sarrasin, 108 ; avoine, 490 ; foin, 3,400 bottes. Sa propriété est estimée à $7,000.

François Sasseville, venu de la Baie Saint-Paul, en 1864, sans aucuns moyens. Il a défriché 125 acres de terre, dont il retire aujourd’hui : blé, 120 minots ; pois, 90 ; sarrasin, 50 ; orge, 45 ; avoine, 160 ; foin, 3,000 bottes. Propriété évaluée à $3,000.

Saint-Gédéon.

Joseph Lessard est arrivé de Sainte-Agnès il y a vingt-quatre ans, avec 500 à 600 dollars de capital. Il a mis en culture 280 acres de terre et établi neuf enfants. Sa propriété est estimée à $5,250 et lui donne en moyenne 1,000 minots de grain par année.

Basile Barrette est arrivé à Saint-Gédéon en 1872 avec $2,700. Il a maintenant 300 acres en culture et récolte 1,300 minots en moyenne. Valeur de sa propriété : $6,500.

Saint-Prime

Jean Légaré, établi à Saint-Prime en 1871, avec une famille de six enfants en bas âge. Jusqu’à cette époque il avait été journalier aux moulins de MM. Hall, Sault Montmorency, Beauport. Arrivé ici sans aucune ressource pécuniaire. Il possède 200 acres de terre qui valent $4,000. Il n’a contracté aucune dette. Il a prêté l’année dernière au-delà de $200.

Il possède 2 chevaux, 8 vaches, 15 moutons, il a acquis cette année une faucheuse. En un mot il possède tous les instruments de culture perfectionnés.

Alfred Doré, établi à Saint-Prime en 1870 ; tellement pauvre qu’il était obligé, à cette époque, de se mettre au service des autres. Il n’avait pour toute richesse qu’une hache. Aujourd’hui par son travail et son énergie il possède 250 acres de terre, évalués à plus de $2,000. Il est sur le point d’acquérir encore 100 acres. Sa famille est composée de 12 enfants. Il avait contracté certaines dettes, mais il doit terminer ses paiements dans le cours de l’été. Il possède 2 chevaux, 8 vaches, 12 moutons et les instruments aratoires nécessaires à une bonne culture.

Saint-Félicien.

Antoine Hébert, fils, venu à Saint-Félicien il y a treize ans, de Saint-Grégoire, comté de Nicolet, sans autre avoir que son courage. Il possède aujourd’hui 800 acres en culture, évalués à $5,250. Il a récolté jusqu’à 800 minots de grain, 2,400 bottes de foin et 400 minots de patates.

Saint-Méthode.

Onésime Painchaud est arrivé de Somerset à Saint-Méthode, en 1880, avec une somme de $400. Il a pris 300 acres de terre, dont 60 sont aujourd’hui en culture. Sa propriété est évaluée à $2,000, sans compter 52 têtes de bétail et le roulant de la ferme. Il a récolté, l’année dernière, 325 minots de grain, dont 85 de blé, 250 de patates et 2,800 bottes de foin.

Alcide Hébert est venu de Sainte-Sophie d’Halifax en 1881, avec un capital de $700, Il a pris 200 acres de terre en bois debout. Aujourd’hui il a 80 acres en culture et sa propriété est estimée à $2,500, sans compter 64 têtes de bétail et le matériel de sa ferme. Il a récolté, l’année dernière, 425 minots de grain, dont 75 de blé, 200 minots de patates et 6,000 bottes de foin.

En outre de ces deux exemples les cas sont fréquents de colons venus à Saint-Méthode, sans aucune ressource, et dont les propriétés valent aujourd’hui mille, quinze cent et même deux mille dollars, après quelques années de travail.



Rapports des Délégués


En l’année 1889, la direction de la Compagnie du chemin de fer du Lac Saint-Jean faisait demander aux curés de différentes paroisses de la province d’envoyer des délégués pour se renseigner eux-mêmes sur les lieux et faire rapport sur le résultat de leur voyage au Lac Saint-Jean. Nous mettons sous les yeux du lecteur les extraits suivants de ces rapports : —

Des délégués de Victoriaville, Arthabaska.

« Les deux délégués de ma paroisse, qui ont visité le district du lac Saint-Jean l’automne dernier, sont revenus enchantés de leur voyage. Cette excursion aura pour effet de diriger vers ce pays plusieurs de mes paroissiens, quand les embranchements de votre chemin de fer, à l’ouest et à l’est, seront complétés. »

U. Tessier, curé. 16 avril 1890.

Des délégués de Sainte-Anne-la-Pérade.

« Les deux délégués, après avoir visité Roberval, se sont rendus jusqu’à Normandin, Saint-Méthode et Saint-Cyrille. Ils sont revenus enchantés de leur voyage et font les plus grands éloges du pays qu’ils ont visité. Tous deux sont des cultivateurs intelligents ; ils avouent que c’est au nord du lac que se trouvent les meilleures terres, et que s’ils avaient des enfants à établir, ils choisiraient cette contrée.

Malheureusement, nos jeunes gens préfèrent travailler à la journée, vivre dans la gêne, que de faire un acte de courage et aller se fixer sur une bonne terre qui leur assurerait une honnête et heureuse existence. Espérons cependant que les efforts qui sont faits de tous côtés finiront par persuader à nos journaliers d’aller chercher l’aisance sur les bonnes terres du lac Saint-Jean. C’est mon plus ardent désir. »

B. C. Bochet, prêtre. 25 avril 1890.

De Rimouski.

« Les deux délégués que j’ai envoyés l’automne dernier au lac Saint-Jean en sont revenus enchantés à tel point que l’un d’eux m’a quitté ce printemps et est allé exploiter une ferme dans cette contrée. »

J. O. Simard, prêtre, curé. 15 avril 1890.

De Louiseville.

« M. F. X. Masse, bijoutier, et M. Bellemare sont allés au lac Saint-Jean l’automne dernier. Le premier a visité Roberval, Chambord et Hébertville. Il est enchanté de son voyage. Il dit que les terres sont des plus favorables à la culture du foin et des céréales.

La bonté du sol, la salubrité du climat et l’affabilité des gens de l’endroit plurent tellement à M. Bellemare qu’il est reparti deux mois après pour aller s’établir à Roberval.

M. Masse dit à qui veut l’entendre que la vallée du lac Saint-Jean est un pays d’avenir pour tout canadien désireux de se faire une position honorable. »

O. H. Lacerte, prêtre, vicaire. 17 avril 1890.

De Saint-Paul-de-Chester.

« Mes délégués ont visité les paroisses de Saint-Prime, Saint-Félicien, Saint-Méthode et Normandie, et ils ont trouvé que les colons pouvaient se fixer avantageusement au lac Saint-Jean.

Quand même leur voyage n’aurait eu d’autre effet que d’arrêter le courant d’émigration que je voyais avec peine se porter vers le Minnesota, je me féliciterais encore d’avoir envoyé ces deux délégués. Je me berce de l’espoir que, dans un avenir prochain, ceux de mes paroissiens qui désirent s’établir dans des paroisses nouvelles, prendront le chemin du lac Saint-Jean. Vous ne sauriez croire avec quel intérêt on visitait les délégués à leur retour et, comme on se pressait de leur demander toute sorte de renseignements.

Je vous félicite de la bonne idée que vous avez eue d’organiser votre excursion, en même temps que du zèle que vous déployez pour la colonisation. Ces sortes d’excursions sont on ne peut plus propres à attirer l’attention sur le pays du lac Saint-Jean, surtout dans les années où la moisson est abondante. »

J. B. H. Bellemare, prêtre. 19 avril 1890.

De Port Daniel.

« Pour celui qui a l’habitude de juger de la nature du terrain agricole par la qualité et la grosseur du bois qui s’y trouve, il y aurait danger de commettre erreur dans plusieurs cantons, où la forêt semble indiquer un terrain pauvre ; mais en étudiant la composition elle-même du sol, on y découvre les éléments qui assurent au vrai cultivateur le prix de ses travaux.

La nomination d’un agent ou directeur de colonisation est une grosse affaire pour l’avancement du lac Saint-Jean, car ceux qui y arrivaient, à Roberval par exemple, se trouvaient quelquefois à la merci de partisans intéressés dans leurs indications. Les conséquences d’un défaut de renseignements sont des plus désastreuses, étant données les différentes conditions de ceux qui visitent un endroit, dans l’intention de s’y fixer. Les uns veulent un lot non défriché, il faut qu’ils sachent où sont les lots disponibles, ou achetables dans de bonnes conditions. Les autres veulent un lot défriché, avec bâtisses, etc., il faut qu’on leur désigne les propriétés répondant à leurs besoins. Sinon, leur voyage est manqué et leurs rapports arrêtent ceux qui se disposaient à prendre le même chemin qu’eux.

J’ai fait moi-même la visite du lac Saint-Jean, et ce que j’en dis résulte de mon inspection rapide des paroisses de Roberval, Saint-Prime et Saint-Félicien, que j’ai visitées dans plusieurs directions. Ma visite n’a encore décidé aucun colon d’ici à aller au lac Saint-Jean, car notre côte a encore plus besoin de colons sérieux que tout autre endroit, et nos terres sont pour le moins aussi bonnes, mais, à tous ceux qui ont voulu connaître mes vues, j’ai dit que cette partie du pays est un endroit d’avenir et mérite d’être encouragée.

Je suis content de ce voyage, qui m’a fait connaître un nouveau coin de notre province, maintenant relié aux centres de commerce par le chemin de fer, qui a été construit avec tant d’efforts, mais avec un si beau résultat.

Aussi, je souhaite à votre Compagnie tout le succès que mérite son zèle et des résultats qui correspondent à ses efforts pour le développement de la belle vallée du lac Saint-Jean. »

Augustin Gagnon, prêtre, curé. 15 avril 1890.

De Kamouraska.

« Les délégués que j’ai envoyés au lac Saint-Jean ont rempli consciencieusement leur mission et m’ont fait leur rapport, que j’ai ensuite communiqué à mes paroissiens.

Les délégués ont visité tout le township Normandin, Saint-Prime et les environs. Ils ont trouvé les terres magnifiques, mais ils conseillent aux colons de ne monter au lac Saint-Jean qu’avec des capitaux qui leur permettent d’entreprendre des défrichements avec efficacité.

Un brave cultivateur de ma paroisse doit partir pour le lac avec cinq de ses fils, tous en état de cultiver. Ils ont un capital de quinze cents dollars, qu’ils veulent appliquer sur leurs lots. En outre, un marchand d’expérience a l’intention de transporter son commerce à Roberval, et de s’occuper de culture pour l’avantage de ses enfants. Je ne doute pas que ces familles ne soient suivies de quelques autres. »

P. E. Beaudet, prêtre, curé. 21 avril 1890.

De L’Islet.

« Le mauvais état des chemins, les pluies abondantes n’ont pas permis aux délégués d’exécuter leur programme. Ils n’ont pu visiter que Saint-Louis et Saint-Jérôme ; mais ils ont beaucoup interrogé les habitants et ont pu se former des idées.

Le sol leur a paru extraordinairement riche, très propre à la culture des herbes fourragères, des céréales et des légumes. Ce qu’ils en ont vu dépassait de beaucoup en qualité celui de nos campagnes.

Ils ont été frappés de l’esprit dont sont animés les colons du lac Saint-Jean. Comme ils sont contents de leur situation, comme ils aiment leur pays, comme ils sont sans regret pour tout ce qu’ils ont laissé, et comme ils s’applaudissent d’avoir eu le courage de s’éloigner de leurs amis, de leurs parents, pour chercher les moyens d’élever et d’établir leurs enfants !… »

Charles Bacon, prêtre. 1er mai 1890.

De Saint-Cyrille, L’Islet.

« Les deux délégués que j’avais choisis pour visiter la vallée du lac Saint-Jean ont été enchantés de leur voyage. Ils ont fait beaucoup d’éloges de la richesse du sol, de la beauté des forêts et de celle de la nature. Ils m’ont fait un rapport de leur voyage que je vous transmets ci-inclus.

Ici, nos jeunes gens avaient d’abord goûté le projet d’aller ouvrir de nouvelles terres, mais quand le retour du printemps s’annonce, il faut suivre la masse du courant et courir s’enfermer dans les bricardes des États-Unis, où ils perdent leur santé et leur avenir. Quand nos jeunes gens comprendront-ils cela ?

M. J. Fillion, prêtre, curé. 27 avril 1890.

Extrait du rapport des délégués de Saint-Cyrille.

« Nous nous sommes rendus directement à Roberval, et le lendemain, en parcourant les paroisses de Saint-Prime et de Saint-Félicien, nous avons remarqué certains endroits trop sablonneux pour la culture, mais en général la terre est bonne dans ces localités. On nous a informé qu’à Normandin le sol était encore plus riche que dans ces dernières paroisses. De retour de notre voyage nous avons déclaré et déclarons de nouveau que la vallée du lac Saint-Jean est avantageuse aux colons, parce qu’il n’y a pas de cailloux qui puissent nuire à la charrue et enfin parce que ce n’est pas montagneux.

Certainement, il y a comme ailleurs quelques obstacles à repousser, mais il y a tout de même une bonne chance pour le colon qui désirerait aller s’y établir.

Saint-Cyrille, 28 avril 1890.Anicet Lord.——

Irénée Lord.

Extrait du rapport des délégués de Saint-Etienne de Lauzon.

« D’après les entrevues que nous avons eues avec quelques habitants de certaines localités, la terre dans toute l’étendue du lac Saint-Jean est de même qualité que celle que nous avons visitée, très fertile, exigeant peu de frais pour une bonne culture. Il n’y a presque pas de fossés.

Nous avons cru nous apercevoir que si les habitants du lac Saint-Jean étaient laborieux autant qu’on peut l’être, ils seraient à l’aise. Ils sèment à la herse huit, neuf et dix ans de suite, et au bout de ce temps ils récoltent encore des pois en abondance.

Le township Dufferin, situé à onze lieues de Roberval, est en voie de défrichement. Le prix des lots est de vingt centins l’acre, ou $20.00, dont le paiement se fait en cinq ans, par versements annuels de quatre dollars.

D’après ce que nous avons vu, nous encourageons tous les cultivateurs laborieux et courageux, qui veulent donner un avenir à leurs fils, à aller hardiment défricher des lots dans la vallée du lac Saint Jean, au canton Dufferin entre autres.

Il y a aussi des cantons à l’est du lac, dont la traversée se fait par le steamboat, en deux heures.

À Saint-Joseph d’Alma, la terre est de qualité supérieure, ce qu’on appelle de la terre à gros grains.

Il y a des lots à vendre avec un peu de terre faite, pour $100 chaque lot. »

Mars 1890.François Verret——

François Martel


Rapport du Rév. M. Dubé, curé de Sainte-Julie-de-Somerset.


À M. J. G. Scott, secrétaire et gérant.

 Chemin de fer de Québec et du Lac Saint-Jean.

Monsieur, — Profitant de la libéralité des directeurs de la Compagnie du chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean, qui veulent encourager l’agriculture et la colonisation, j’ai visité dans le cours du mois d’août dernier la belle vallée du lac Saint-Jean.

Partis de Sainte-Julie le 11 août, mon compagnon de route et moi, M. Antoine Herménégilde Dumas, cultivateur actif et intelligent, nous sommes arrivés à la jonction Chambord le 12 au soir, à 5 heures. Après avoir parcouru une distance de 177 milles à travers les montagnes, après avoir côtoyé les abîmes, les rivières et les lacs, on est bien aise d’arriver à Chambord, charmante paroisse située sur les bords enchanteurs du beau et grand lac Saint-Jean. Aussi, dès qu’on l’aperçoit à la sortie des montagnes, on entend ce cri général s’échapper de toutes les poitrines : Oh ! comme c’est beau !

Le lendemain, le 13, nous nous sommes dirigés vers Roberval. Le site du village est bien beau. De ce centre populeux on jouit d’un magnifique coup d’œil. On découvre d’un côté les paroisses de Saint-Louis et de Saint-Jérôme, et de l’autre la Réserve des Sauvages, la Tikouapé, la Mistassini et la Péribonka.

Nous avons visité, chemin faisant, le couvent que viennent de construire les Dames Ursulines, superbe édifice à trois étages qui ne déparerait pas nos villes.

À environ un demi mille se trouve l’hôtel de Roberval, fréquenté par les touristes amateurs de pêche, Un vapeur les transporte selon leurs désirs à la Péribonka.

À quelques arpents plus loin on voit une belle scierie mue par la vapeur. C’est là que s’arrête la ligne du chemin de fer.

Dans les paroisses de Chambord et de Roberval il y a des terrains de première qualité ; terre argileuse mélangée de calcaire. Nous avons vu dans ces deux localités de beaux champs de blé, d’avoine, de pois et de sarrasin. Le foin, quoique moins abondant que les années précédentes, était encore beau.

En laissant le village de Roberval pour Saint-Prime, nous avons pu voir la ferme que dirige M. Lippens, frère de notre célèbre conférencier agricole. M. Lippens est un homme entendu dans la culture. On sait qu’en Belgique, patrie de cet agriculteur, l’agriculture est arrivée à un haut degré de perfection.

Nous avons vu sur cette ferme un beau champ de légumes et de belles céréales.

Avec Saint-Prime commence la vallée du lac Saint-Jean. Là tout change d’aspect : les montagnes disparaissent et l’horizon est à perte de vue. Belle terre franche, couverte d’une abondante moisson.

L’église est à un mille du lac. C’est une construction en bois de cèdre comme les églises de Chambord et de Roberval. Avant peu on la remplacera par une église en pierre. M. le curé Belley, homme d’action et de progrès, travaille avec ardeur à l’avancement de sa paroisse. C’est un endroit d’avenir.

Le 14 nous avons visité Saint-Félicien, une paroisse de 1,000 âmes. Le village et l’église sont bâtis sur une élévation en face de la rivière Aschouapmouchouan, large en cet endroit de sept arpents. Nous la traversons pour nous rendre à Tikouapé. Le bateau à vapeur la remonte au printemps jusqu’à l’église.

Il y a aussi à Saint-Félicien des terres de première qualité.

En arrière de cette paroisse, à la rivière Doré, il y a une mission qui se compose actuellement de sept familles. La récolte, cette année, y est d’une magnifique apparence. On peut acheter là de très bonnes terres, à des conditions très avantageuses, en s’adressant à l’agent des terres.

Tikouapé, ou Saint-Méthode, est une nouvelle paroisse, qui possède un prêtre depuis un an. Il y a d’excellentes terres en cet endroit, mais, malheureusement, le débordement de la rivière, causé par l’élévation des eaux du lac au printemps, est un grand inconvénient. L’eau recouvre une grande partie des terres en mai et en juin, dans le temps des semailles, ce qui oblige les cultivateurs à laisser ces endroits en prairie ou en pâturage. Nous nous sommes ensuite dirigés vers le canton Normandin. Nous nous sommes rendus jusqu’à la chapelle. C’est sans contredit le plus beau canton de tous ceux qui avoisinent le lac. La terre est argileuse et fertile. Nous en avions la preuve sous les yeux : prairies et champs de grains magnifiques. Dans les environs de la chapelle il y a des cultivateurs dont les constructions annoncent l’aisance. Tout le monde s’accorde à dire que Saint-Cyrille de Normandin sera avant peu une des plus riches paroisses de la vallée du Saguenay.

Le canton Albanel, où sont déjà rendus quelques colons, offre aussi la plus belle perspective. Il y a là du terrain pour des centaines et des centaines de colons. Lorsque le chemin de fer traversera ces cantons, ce qui aura lieu indubitablement dans un temps qui ne peut être éloigné, le Saguenay sera le grenier de la province de Québec.

De Normandin nous sommes revenus sur nos pas à Roberval, passant par la Réserve des Sauvages. Nous avons eu le plaisir d’y rencontrer les RR. PP. Arnault et Laporte. Ce dernier dirige actuellement les travaux de construction d’un édifice en pierre de grandes dimensions, à trois étages, avec toit français.

Nous avons vu là plusieurs familles sauvages campées dans les environs de la chapelle.

En cet endroit l’horizon est très étendu et le coup d’œil ravissant.

Le 16 nous nous sommes acheminés vers Chicoutimi. La première paroisse que nous avons visitée est Saint-Jérôme. L’église et le village sont à proximité du lac. C’est un joli site. Pour nous y rendre nous traversons en bac une anse formée par le lac, et dans laquelle se jette la rivière Métabetchouan. C’est l’ancien port des sauvages. Les travaux de l’embranchement de Chicoutimi sont arrêtés en cet endroit. Il s’agit maintenant de traverser l’anse par la construction d’un pont dont le coût, dit-on, ne sera pas moins de $90,000.

Il y a aussi de bien bonnes terres à Saint-Jérôme, mais le terrain est accidenté. Les coulées sont fréquentes et forment des côtes dignes de mention. Mêmes coulées dans Hébertville.

Hébertville, qui porte le nom de son fondateur, feu le regretté messire N. J. Hébert, curé de Kamouraska, est une belle et grande paroisse. Le village est bâti sur les bords de la rivière des Aulnaies. L’église, construite en beau granit rouge, sur une élévation, domine tout le village. Elle mesure 150 pieds de longueur et 60 en largeur, et est couronnée d’un beau clocher. Elle a été bâtie en 1880 par le curé actuel, le révérend messire B. E. Leclerc, V. F. Elle n’est pas terminée à l’intérieur, mais la sacristie, commencée sous la surveillance de feu le regretté messire André Pelletier, qui a dirigé cette paroisse durant quatre ans, est vaste et bien finie. L’église, avec la cathédrale de Chicoutimi et l’église de Saint-Alphonse, sont les plus belles du diocèse.

La paroisse d’Hébertville est une des plus populeuses. On y voit de très belles terres, et tout annonce l’aisance.

Après Hébertville nous avons visité Saint-Dominique, en passant par Kasconia, mission de Saint-Cyriac, desservie par un prêtre domicilié. Saint-Cyriac est un endroit pauvre, impropre à la culture, entouré de roches et de montagnes. C’est un lieu de chasse et de pêche, en face du lac Kinogami. Saint-Dominique possède une église et un presbytère en pierre. C’est l’œuvre de Messire H. Kuérouac, le curé actuel. Il y a là plusieurs riches cultivateurs. Entre les montagnes il y a de fertiles vallées.

Le 18 nous arrivions à Chicoutimi. C’est le chef-lieu du Saguenay. Là est la résidence de l’évêque. Le palais épiscopal, que l’on vient de terminer, est une magnifique construction en briques et est situé en arrière de la cathédrale, sur les bords de la rivière Saguenay. De la galerie de l’évêché on voit le village de Sainte-Anne et les scieries des MM. Price. Auprès de l’église est le couvent du bon-Pasteur ainsi que le séminaire, que l’on vient d’agrandir par l’adjonction d’une aile considérable. Un peu plus loin est l’Hôpital de Marine sous la direction des dames Ursulines. Devant l’hôpital s’élève une belle colonne en granit à la mémoire de celui que l’on appelle : Le Père du Saguenay, M. Price.

On travaille en ce moment au parachèvement de la cathédrale, qui promet d’être bien belle.

Le 19 nous étions à N. D. de Laterrière, grande et riche paroisse. L’église de N. D. est en pierre, et a été construite par feu Messire J. Hudon, qui vient de mourir à Saint-Philippe-de-Néri, comté de Kamouraska. Ce bon prêtre a travaillé dans cette paroisse et à Hébertville avec un zèle vraiment apostolique.

On avait érigé dans cette paroisse une fabrique de laine, qui n’a pas réussi. C’est regrettable, parce qu’une industrie de ce genre pouvait être bien avantageuse à la population agricole.

Notre temps étant limité, nous n’avons pu visiter Sainte-Anne, Saint-Charles, Saint-Bruno, Saint-Joseph d’Alma et Saint-Gédéon. Le curé de cette dernière paroisse, messire Paradis, nous a affirmé qu’il y a dans Saint-Gédéon de bien bonnes terres et qu’on peut en faire l’acquisition à bon marché.

Un correspondant du Courrier du Canada nous apprend, à la date du 8 septembre courant, que dans les cantons Taillon, Delisle et Taché il y a de l’espace pour de florissantes paroisses, que des colons sont déjà dans ces cantons, qu’il y a une chapelle dédiée au Saint-Cœur de Marie, des moulins à scie et à farine, et qu’on est à construire des chemins. Tant mieux. Espérons que l’exemple de ces courageux colons deviendra contagieux. Mgr Bégin, le digne évêque de Chicoutimi, s’efforce, à l’exemple de son regretté prédécesseur, Mgr D. Racine, d’encourager ces défricheurs intrépides en leur procurant tous les secours nécessaires pour leurs besoins religieux.

M. le rédacteur de La Presse, de Montréal, écrit en ce moment des articles tout à fait élogieux sur la région du Saguenay, qu’il vient de visiter. Quand on connaît tant soit peu l’histoire de cette partie du pays, et qu’on se rappelle les rudes et nombreuses épreuves auxquelles ont été soumis les premiers colons, les gelées, les inondations, et l’effroyable conflagration de 1870, on a bien raison d’être émerveillé de ce que l’on voit aujourd’hui. Mais si le colon a été courageux et laborieux, avouons aussi qu’il a été récompensé par la fécondité du sol. Apres vingt ans on ne voit plus de trace de ces calamités.

Si notre jeunesse canadienne avait au cœur l’amour de l’agriculture et s’emparait de ces terres que le gouvernement lui offre avec libéralité, au lieu d’aller dépenser ses forces au profit de nos voisins, quel bel avenir elle s’assurerait et quelle richesse ce serait pour la province de Québec ! Dans quelques années le Saguenay aurait quintuplé sa production.

Voilà, monsieur, les impressions que nous avons remportées de notre exploration. Conformément à votre désir nous nous empressons de vous les communiquer.

Il ne nous reste plus qu’à remercier messieurs les directeurs du chemin de fer du Lac Saint-Jean de leur générosité à notre égard. Veuillez leur offrir l’expression de notre gratitude.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur,
Votre humble serviteur,
P. P. Dubé, prêtre, curé.
Sainte-Julie-de-Somerset, 11 septembre 1890.

Lettre de Son Éminence le cardinal Taschereau.


Archevêché de Québec, 9 mai 1890.
J. G. Scott, Ecr.,

Secrétaire de la Compagnie du chemin de fer

  de Québec et du Lac Saint-Jean.

Monsieur — Je me fais un devoir d’accuser réception de votre lettre d’hier avec une copie de la circulaire No. 275, qui offre de si grands avantages aux colons qui veulent aller s’établir, soit seuls, soit avec leur famille, sur les belles terres du lac Saint-Jean. Je porte un grand intérêt à la colonisation dans cette région, qui a fait partie de l’archidiocèse de Québec pendant les sept premières années de mon épiscopat.

Je l’ai visitée en 1874, et la haute idée que j’en ai conçue m’a engagé à demander immédiatement l’érection du diocèse de Chicoutimi pour favoriser les progrès de cette importante partie de notre pays.

Les nombreuses paroisses qui ont pris naissance depuis cette époque et l’augmentation vraiment admirable des anciennes que j’ai visitées, ont dépassé mes prévisions.

La création du chemin de fer, et surtout la libéralité de la Compagnie qui l’a construit, a été en grande partie la cause de ce progrès admirable.

La Compagnie mérite donc la reconnaissance de toute la province, et veuillez croire que personne n’en a plus que

  Votre dévoué serviteur,

E. A. card. Taschereau, arch. de Québec.

Lettre de Mgr A. Labelle.


Rome, hôtel Marini, 30 mai 1890.

Cher Monsieur, — Je viens de recevoir votre circulaire du 5 mai, et je l’approuve en tous points. En effet, il y a d’excellentes terres dans les lieux que vous désignez à la colonisation, et je ne doute pas que l’élevage des bestiaux, la confection du beurre et du fromage avec la culture des légumes, du grain et l’ensilage ne rendent cette région aussi prospère que n’importe quelle autre partie du pays.

C’est au district de Québec de continuer à y envoyer ses enfants ; ils y trouveront d’avance des amis, des parents, dont le courage et les efforts ont été couronnés d’un plein succès.

Cet exemple sous leurs yeux ne peut qu’exciter leur zèle et leurs espérances.

Continuez de stimuler la colonisation, et le lac Saint-Jean et le pays et votre chemin de fer en recueilleront les fruits les plus abondants.

Mgr Marquis doit vous être d’un précieux concours. Le Pape le comble de faveurs parce que c’est à présent une Excellence colonisatrice. Il me semble que de loin j’en reçois une petite part, et que les colons sauront en être reconnaissants à Dieu et à la patrie.

Tout à vous,
A. Labelle, Ptre, Ass. Min., etc., etc.
M. J. G. Scott, sec. et gérant
du ch. de fer de Québec et du Lac St-Jean,
Québec, Canada.

CONSEILS D’UN AGRICULTEUR D’ONTARIO (M. FLATT, DE HAMILTON, QUI A VISITÉ LE LAC EN 1890), AUX COLONS DU LAC SAINT-JEAN.

« La première chose à faire est de bien préparer le sol et le mettre dans des conditions propres à produire une bonne récolte. Cela fait, il convient d’étudier quelle espèce de grain rapporterait le plus pour la peine qu’elle coûte. La terre que le colon se propose d’ensemencer au printemps doit être labourée l’automne précédent, et les rigoles creusées suffisamment pour que l’excès d’eau s’égoutte de bonne heure, aussitôt la neige fondu et la terre dégelée, disons à une profondeur de trois pouces. Il serait bon de semer avant toute autre chose de l’avoine et du blé de printemps, et les autres grains après, mais sans retarder.

Je vous conseillerais de mêler de la graine d’herbe à toutes vos semailles de printemps, laissant une partie de votre terre en foin et passant l’autre partie au labour. Dans la partie que vous avez l’intention de labourer à l’automne, semez un minot de graine de trèfle par chaque dix acres ; dans la partie laissée en foin semez un demi minot de grain de timothy et un minot de trèfle, par chaque dix acres également.

Maintenant que vous possédez des facilités nombreuses pour l’expédition de tous les produits quelconques, il est bon de faire un choix des grains que vous voulez cultiver et d’étudier s’il ne serait pas avantageux d’essayer, par exemple, le houblon.

L’élevage de la volaille paierait bien aussi, je présume, attendu que Québec doit être un bon marché et pour la volaille et pour le porc. »

John Flatt.