La vallée de la mort/11
CHAPITRE XI
L’ÉPOUSE-SQUAW
Verchères demanda à Charlie :
— Sais-tu si la femme et squaw d’AIGLE ROUGE vit encore ?
— La mère de l’Aiglon ?
— Oui.
— La dernière fois que je l’ai vue elle était en bonne santé, toujours.
— Alors nous sellons nos chevaux tous deux et galopons la voir.
Dans la plupart des tribus indiennes la sauvagesse ordinaire a droit au titre de squaw à son mariage.
Mais seule la femme du grand chef bénéficie du double titre d’épouse et squaw.
La vieille épouse et squaw de feu AIGLE ROUGE était à fumer son calumet quand les 2 policiers entrèrent.
Verchères dit :
— Nous sommes venus te parler de tes derniers enfants que tu as eus après la mort de ton mari… Ils étaient jumeaux, n’est-ce pas ?
— Non.
— Comment ?
— Je dis qu’ils n’étaient pas jumeaux.
— Qu’étaient-ils alors ?
— Jumelle et jumeau.
— L’AIGLON vient de partir pour la chasse et la pêche miraculeuses dans les incomparables forêts du grand manitou…
— Hélas oui…
— J. B. demanda :
— Et la jumelle ?
— Quoi ?
— Où est-elle ?
— Sais pas.
— Vit-elle ?
— Elle doit…
— Tu l’as donnée au grand chef blanc ?
— Oui.
— Et il t’a récompensé ?
— Oui, le grand chef blanc était le plus généreux des visages-pâles. Il m’a donné beaucoup d’or et d’argent.
Charlie Lagueux proposa :
— Parle-nous donc un peu de ton mari, épouse et squaw…
— AIGLE ROUGE était méchant, très méchant pour moi. Il me battait au sang à propos de tout et de rien. Je ne veux pas le rencontrer dans la forêt giboyeuse et poissonneuse du manitou… Il m’accusait de sortir avec un cow boy blanc.
— Était-ce vrai ?
La sauvagesse baissa la tête.
Et murmura :
— Les bras du cowboy étaient si doux et si puissants à la fois ; doux, comme le duvet de la fauvette, et puissants comme l’aigle des rocheuses…
— Alors… ?
— Alors… le jumeau et la jumelle sont du…
— Du cowboy blanc ?
— O… ui.
Pendant cette conversation l’épouse-et-squaw n’avait cessé de fumer son calumet.
Le wigwan était rempli de boucane.
Acre.
Désagréable…
Lagueux demanda :
— C’est de l’herbe de St-Jean que tu es à pétuner ?
— Non, ce sont des feuilles de rapace séchées…
Après avoir échangé les formules de politesse indienne de mise, les deux hommes quittèrent la sauvagesse.
Et prirent la plaine.
En direction d’Orcité.