Chansons choisies d’Eugène Imbert/Le Rat du Septième Léger
LE RAT DU SEPTIÈME LÉGER
C’était un rat de noble mine,
Digne du crayon de Callot ;
Il égayait notre cantine
Par sa malice et son grelot.
La tête haute et l’œil farouche,
Il semblait dire à l’étranger :
Au large ! et malheur à qui touche |
bis. |
Gaspard, luron des moins novices,
Avait reçu de durs accrocs.
De glorieuses cicatrices
Chevronnaient le cuir du héros.
Car ce preux sans peur et sans tache
Faisait toujours face au danger.
Comme il retroussait sa moustache.
Le rat du Septième Léger !
Dans sa jeunesse scélérate,
De mainte belle il fut vainqueur,
Et même de plus d’une rate
Il abusa le tendre cœur.
L’impuissance rend hypocrite :
À son salut il faut songer ;
Et de diable il se fit ermite,
Le rat du Septième Léger.
Il accueillait d’un regard crâne
L’aumônier et son ton fervent :
Il savait bien que la soutane
Cache des griffes trop souvent.
Non que sa majesté ratière
Ne daignât parfois déroger :
Il courtisait la vivandière,
Le rat du Septième Léger.
De Gaspard l’humeur fraternelle
Ne connaissait pas la fierté :
Il prenait part à la gamelle,
Doux emblème d’égalité.
Sans peine il vous tendait la patte,
N’eussiez-vous qu’un os à ronger.
Il n’était pas aristocrate,
Le rat du Septième Léger.
Au dortoir, lorsque la veilleuse
Par intervalles pâlissait,
Comme une ombre mystérieuse,
Gaspard passait et repassait.
Et la troupe, au repos livrée,
Murmurait : Laissons voyager
Le lutin de notre chambrée,
Le rat du Septième Léger.
Est-il sur terre un bien durable ?
Un jour il ne reparut pas.
La compagnie inconsolable
Donna des pleurs à son trépas.
Sans doute, comme un vieux caniche,
Il craignit de nous affliger,
Et rendit l’âme dans sa niche, |
bis. |